Renaissance
L’enterrement de Fred eut lieu au cimetière de Loutry-St-Chapoule, par un bel après-midi ensoleillé. Outre la famille Weasley au complet, de nombreux étudiants de Poudlard et membres de l’Ordre avait fait le déplacement pour rendre un dernier hommage au rouquin. George était si faible qu’il était soutenu par Bill et Charlie. Harry ne l’avais pratiquement jamais vu au cours des derniers jours. Il ne quittait pas son lit, comme plongé dans une profonde léthargie. Si le reste des membres de la famille s’occupait l’esprit comme ils le pouvaient, lui sembler incapable de faire quoi que ce soit. Harry resta aux côtés de Ginny, ne lui lâchant pas la main une seconde.
Lorsque les funérailles prirent fin, les invités regagnèrent le Terrier, où Mme Weasley et Ginny avait préparé un buffet et Harry eut l’occasion de revoir certaines personnes qu’il n’avait pas croisées depuis la bataille de Poudlard. La conversation tourna majoritairement sur des sujets neutres, car parler de Fred était encore trop douloureux. Beaucoup demandèrent à Harry ce qu’il comptait faire l’année prochaine mais ce dernier n’avait encore rien décidé. Il savait pourtant qu’il lui faudrait commencer à penser à son futur. Or, c’était une chose qu’il n’avait pas faite depuis des années. Jusque là, il s’était refusé à planifier quoique ce soit, conscient que ses perspectives d’avenir n’avaient pour seul horizon que son affrontement avec Voldemort. Il se promit d’en parler sérieusement à ses amis.
Malgré son emploi du temps chargé, Kingsley était également venu. Harry n’avait pas oublié leur rendez-vous mais avait finalement préféré prendre son temps avant de lui envoyer un hibou. Il savait que se replonger dans le passé serait douloureux et avait longuement réfléchi avec Ron et Hermione à ce qui conviendrait de dire. Conscient qu’il ne pouvait retarder l’échéance plus longtemps, il se dirigea vers le Premier Ministre.
- Monsieur le Premier Ministre ?
Visiblement, l’ex-Auror n’avait pas beaucoup dormi au cours des derniers jours. Mais lorsqu’il aperçut Harry, un large sourire vint éclairer son visage fatigué.
- Harry comme je suis content de te voir enfin. Appelles-moi Kingsley. Après tout ce que nous avons vécu, pas de cérémonie entre nous deux. Comment vas-tu ?
Harry grimaça légèrement comme à chaque fois qu’on lui posait cette question mais cela paru suffire à Kingsley, qui n’insista pas davantage. Harry, qui voulait lui parler de leur entretien, reprit la parole.
- Si je ne vous ai pas contacté, c’est que j’avais besoin d’un peu de temps pour…parler de tout ça. Mais je pense que je suis prêt désormais.
Le Ministre hocha la tête d’un air grave, visiblement conscient de l’effort que tout cela lui coûtait.
- Pourquoi ne pas venir au Ministère après-demain ? Tu préféreras certainement rester avec tes proches demain.
Harry hocha la tête. Demain avait lieu l’enterrement de Remus et Tonks.
- Parfait, je viendrai Lundi.
Les funérailles de Remus et Tonks furent toutes aussi éprouvantes que celles de Fred. Les membres de l’Ordre, les professeurs de Poudlard et certains des collègues Aurors de Tonks étaient venus rendre un dernier hommage aux deux époux. Harry eut également la joie de rencontrer enfin son filleul. Jusqu’ici, il ne l’avait vu qu’en photographie. Teddy semblait minuscule dans les bras de sa grand-mère et babillait allègrement, inconscient de la tragédie que tous venaient de vivre. Il arborait une touffe de cheveux jaune éclatants et son petit minois arracha un sourire à Harry. Andromeda semblait épuisée et Harry se demanda comme arrivait-elle à tenir en ayant perdu sa fille, son mari et son gendre à quelques mois d’intervalle.
- Harry, ça me fait plaisir de te voir.
Bien qu’ils ne se soient vus qu’une seule fois, leur deuil commun et l’existence du petit Teddy, dont Harry avait désormais aussi la charge, semblait avoir fait tomber de nombreuses barrières. Harry, qui savait à quel point les formules de condoléances pouvaient sonner creuses, se contenta donc de lui adresser un sourire chaleureux. Il alla ensuite s’asseoir au deuxième rang à côté de Ginny.
En voyant les deux cercueils descendre sous terre, Harry ne put s’empêcher de voir ses yeux s’embuer. Même s’il ne partageait pas la même relation avec Remus qu’avec son parrain, ce dernier avait toujours été un soutien précieux. Il avait été le meilleur ami de son père et après les morts de Sirius et de Dumbledore, il était ce qui s’apparentait le plus à un mentor. Quant à Tonks, il l’avait peu connu mais il savait quelle jeune femme extraordinaire elle était. Encore une fois, le poids du chagrin lui fit l’effet d’un coup de poing et il demanda si cette douleur disparaîtrait un jour.
Andromeda avait également organisé une petite réception chez elle. Harry frissonna en reconnaissant la maison dans laquelle il s’était réfugié après avoir manqué de peu de se faire tuer par Voldemort, durant cette terrible nuit qui avait vu la mort de Maugrey Fol-Œil. Il en profita pour faire plus longuement la connaissance du jeune Teddy. Si la présence du nourrisson rappelait douloureusement le prix de la victoire finale, ses sourires et ses babillements avaient le mérite d’arracher quelques sourires aux invités. En observant ses grands yeux curieux, Harry se souvint de la promesse qu’il s’était faite quelques semaines auparavant, et se promit de tout faire pour ne pas l’oublier. Il avait bien l’intention d’être un parrain exemplaire, et de tout faire pour que Teddy ait une vie heureuse et comblée.
- Tu devrais éviter de le tenir comme ça, il risque de te vomir dessus.
Occupé à admirer son filleul, il n’avait pas entendu Andromeda s’approcher. Malgré son visage crispé et fatigué, le regard qu’elle posa sur Teddy était emprunt d’une immense douceur. L’amour qu’elle portait à son petit-fils était évident, et Harry sut immédiatement que le petit garçon était entre de bonnes mains.
- Il ressemble beaucoup à sa mère, murmura Harry d’une voix douce.
Andromeda sourit douloureusement. Harry aurait aimé lui dire à quel point il était reconnaissant à Tonks de l’avoir protégé à plusieurs reprises, d’avoir fait le bonheur de Remus, et d’avoir donné sa vie pour défendre Voldemort. Mais il n’osa pas, craignant que ces paroles sonnent vide de sens. Il ne connaissait pas encore très bien Andromeda, et craignait de se montrer indiscret. Il se contenta donc de rendre Teddy à sa grand-mère, lui promettant de venir le voir le plus vite possible. Harry et le reste de la famille Weasley furent parmi les derniers à quitter la réception.
Lorsqu’ils rentrèrent au Terrier, tous étaient trop épuisés pour faire quoique que soit. Les deux journées de deuil qu’ils venaient de vivre avaient été particulièrement éprouvantes et tous étaient fatigués à force d’avoir dû retenir leur chagrin. Ils décidèrent donc d’aller se coucher sans un mot de plus. Harry était sur le point de s’endormir lorsque la voix de Ron le ramena à l’obscurité de la chambre à coucher.
- Je n’ai toujours pas pleuré.
Ron avait dit cela d’un ton presque détaché mais Harry savait que ce n’était qu’une façade. Son ami n’avait jamais été très doué lorsqu’il s’agissait de partager ses sentiments mais après tant d’années, Harry le connaissait assez pour savoir qu’il était plus ébranlé qu’il ne le laissait paraître.
- Lumos.
Harry se redressa de façon à se retrouver face à son ami. Ce dernier était plus livide que jamais, et la pâleur de son visage contrastait étrangement avec ses taches de rousseur.
- Je suis triste évidemment mais…je crois que je ne réalise pas vraiment.
- Je pense qu’il y a différentes façons de vivre son deuil. Certains ont besoin d’extérioriser leurs sentiments tandis que d’autres montrent plus de réserve… Mais ça ne veut pas dire que tu es moins triste que les autres Ron.
- J’ai peur que… enfin je ne vois pas comment on pourra un jour revivre normalement.
Harry hocha la tête, comprenant parfaitement ce que son meilleur ami essayait de lui dire. Lui aussi avait l’impression que le chagrin et le remord ne le quitteraient jamais véritablement, mais il savait qu’avec le temps tout cela s’atténuerait. N’étais-ce pas ce qui s’était passé avec Sirius et Dumbledore ? Lorsqu’ils pensaient à eux, il ressentait toujours de la tristesse bien sûr, mais la colère qui avait accompagné leur disparition avait disparu.
- On y arrivera Ron, je te le promets.
Les deux amis se regardèrent en silence, n’osant pas briser ce moment qu’ils savaient rare et précieux. Ils n’avaient jamais vraiment eu pour habitude de parler à cœur ouvert mais ce terrible deuil avait fait tomber ces barrières. A ce moment là, Harry apprécia pleinement l’amitié qui le liait à Ron, et il savait que son ami en faisait de même. Ce soir là, tous deux se couchèrent plus sereins.
Lorsque Harry se réveilla le lendemain, le jour venait à peine de se lever. Ron dormait toujours, et il ne chercha pas à le réveiller. Lorsqu’il descendit dans la cuisine, Mme Weasley, Mr Weasley et Hermione étaient réunis autour d’un petit-déjeuner copieux et commentaient la une de la Gazette de ce matin.
- Harry mon chéri tu as faim ? demanda Mme Weasley d’une voix empressée
Harry sourit. Une armée de trolls aurait beau envahir le Terrier, Mme Weasley continuerait toujours à le goinfrer d’œuf brouillés chaque matin. Pendant qu’il se faisait servir une assiette copieuse, il jeta un coup d’œil par dessus l’épaule d’Hermione pour parcourir l’article qu’elle lisait.
Grand nettoyage au Ministère de la Magie
Celui-Dont-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom est mort et la plus grande menace que notre société ait jamais connue n'est désormais plus qu'un mauvais souvenir. S'il s'agit incontestablement d'une immense victoire, elle est avant tout à mettre au crédit du Survivant et de l'organisation secrète connue sous le nom de l'Ordre du Phénix. Corrompu de l'intérieur, infiltré par les partisans du Seigneur des Ténèbres, le Ministèe a failli au plus important de ses devoirs :protéger ses citoyens. La communautésorcière a donc dû remettre son sort entre les mains d'un adolescent de dix-sept ans, aussi exceptionnel soit-il. Pourquoi les Aurors n'ont-ils pas désobéi aux ordres officiels leur intimant d'arrêter les partisans d'Harry Potter ? Pourquoi les fonctionnaires du département de la Coopération Magique et Internationale n'ont pas appelé à l'aide nos alliés étrangers ? Comment expliquer l'étonnante facilité avec laquelle Celui-Dont-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom fut capable de s'enmparer du pouvoir ? La réponse est simple et connue de tous depuis des années : la corruption. Déjà sous le mandat de Millicent Bagnold, et plus encore sous celui de Cornelius Fudge, un sac de Gallions bien rempli permettait d'obtenir bien plus de faveurs ministrielles qu'une expérience avérée. Les directeurs de Départements nommées ces dernières années se sont ainsi révélés être nettement plus concernés par leur fortune personnelle que par le bien-être de leurs concitoyens. Ainsi, lorsque Vous-Savez-Qui est revenu au pouvoir, il ne lui restait plus qu'à leur promettre monts et merveilles pour s'emparer de chacun des postes-clé du Ministère. Bien qu'ils soient peu nombreux, certains ont évidemment résisté. Kingsley Schackelbot faisait partie de ceux-là. Espérons que notre nouveau Premier Ministre temporaire, s'il gagne les prochaines élections, ait enfin le courage de prendre le mal à la racine. Plus que notre intégrité, c'est bel et bien l'avenir de notre communauté qui en dépend.
Harry n'avait jamais été un fervent admirateur de la Gazette mais il lui fallait bien admettre cette fois-ci que le journaliste n'avait pas tort. Et à en croire l'expression d'Hermione, celle-ci partageait son avis.
- Pauvre Kingsley...je n'aimerais vraiment pas être à sa place, soupira-t-elle
- King' est intelligent, il savait tout ce que la fonction de Ministre impliquait lorsqu'il a accepté le job, les rassura Mr Weasley
Une phrase avait cependant attiré l'attention d'Harry.
- C'est quoi cette histoire d'élections ? Qui voudrait remplacer Kingsley ?
Hermione le regarda d'un air mi-amusé, mi-exaspéré.
- Harry tu n'as pas eu de cours d'éducation civique à l'école primaire ? Ou le concept de démocratie de te dit vraiment rien du tout ?
- Je sais très bien ce que cela veut dire merci, répondit Harry légèrement vexé. Simplement je ne comprend pas pourquoi on aurait besoin d'une élection alors qu'on sait tous que Kingsley est l'homme qu'il nous faut.
- Parce que sans élection, il n'y a pas de véritable légitimité, répondit simplement Arthur.
- Et puis maintenant que la guerre est finie, de nombreux sorcier préféreront élire un véritable politicien plutôt qu'un combattant à la tête du Ministère. Malgré tout ce qu'il avait accompli, Winston Churchill n'a pas été réélu à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, parce qu'il était devenu le symbole d'une guerre que chaque Moldu essayait d'oublier, ajouta Hermione.
Pendant que Mr Weasley demandait avec intérêt qui était ce " Wynon Chichill ", Harry réfléchit à ce qu'il venait d'entendre. S'il ne connaissait que vaguement Churchill, ses cours d'histoire remontaient à l'école primaire, il en savait en revanche assez sur Kingsley pour être persuadé qu'il ferait un très grand Ministre, période de guerre ou non.
- J'imagine qu'il va y avoir pas mal de changement au Ministère, continua Harry.
- Oh oui c'est certain, et ce n'est pas une mauvaise chose, estima Mr Weasley. S'il y a bien quelque chose qu'on ne peut pas contester avec Kingsley, c'est son intégrité. Il a toujours refusé de tuer un Mangemort lorsqu'il en avait l'occasion et dès que le Ministère est tombé sous la coupe de Vodemort, il s'est enfui et a continué de se battre dans l'ombre.
- S'il était élu, il pourrait enfin réformer en profondeur le Ministère et par extension, tout la communauté sorcière ! ajouta Hermione d'une voix traduisant toute son excitation.
Harry l'observa d'un air amusé. Elle avait les eux brillants et ses joues s'étaient teintées de rose. Il la connaissait assez pour savoir que lorsqu'Hermione débordait d'un tel enthousiasme, c'est qu'elle avait quelque chose en tête. La dernière fois qu'elle l'avait regardé de cette façon, elle lui avait présenté son projet de création de la S.A.L.E.
- Depuis quand tu t'intéresses autant à la politique toi ? lui demanda-t-il innocemment.
- Depuis toujours. Et je te signale au passage qu'en reversant Voldemort et son gouvernement, tu es aussi devenu un acteur politique. Un révolutionnaire même !
Harry fit mine de paraître horrifié.
- N'en parle à personne, ça risquerait d'écorcher sérieusement mon image de sauveur de la nation.
- Voyons, tout le monde aime les rebelles Harry, répliqua Hermione dans une imitation parfaite de Rita Skeeter.
Tous éclatèrent de rire, d'un rire qui leur parut véritablement libérateur après la semaine passée. Harry se surprit lui-même, lui qui n'arrivait pas à se souvenir de la dernière fois que cela lui était arrivé. Pendant un court moment, le chagrin disparut et Harry entrevit alors la possibilité d'arriver à surmonter un jour ces trribles deuils, et de regarder de nouveau vers l'avant. Cela prendrait probablement du temps, il en était conscient, mais après tout, il n'était pas pressé. A ce qu'il sache, aucune autre face de serpent ne l'attendait.