Bye Bye Tonight
On la secoua, assez fortement pour qu'elle se redresse et manque d'assommer Suzanne. C'était elle qui s'amusait à la secouer comme un prunier ? Hermione lui lança un regard noir ; elle était de très mauvaise humeur, car elle sentait encore cette sensation diffuse du venin d'un cauchemar éprouvant, mais elle ne se souvenait plus exactement de ce qu'il en avait été. Elle essaya de se souvenir en s'habillant d'une veste de cuir - il faisait très froid, ce matin, si froid que l'air glacé pénétrait dans la tente à travers la toile.
« Il fait vraiment froid, ce matin. » dit-elle en arrivant au près des quatre Pevensie et du Prince, assis à l'abri d'un auvent, qui tanguait sous les rafales. Personne ne daigna lever les yeux vers elle : ils avaient tous l'air exténués.
« C'est la Sorcière. Elle veut nous chasser de là. » expliqua Lucy en mâchonnant sans conviction un bout de pain durci.
Hermione médita sur ce point : cette femme pâle était prête à tout ! Un vent froid les glaça sur place, presque littéralement. Hermione éternua, tandis que Lucy se blottissait contre Peter. Ils se levèrent et se dépêchèrent d'aller dans la tente de Caspian. Il leur révéla la carte sur laquelle il avait passé la nuit. Lui n'avait pas du tout dormi.
« Nous allons devoir encercler le camp ennemi si nous voulons avoir une chance de nous en sortir. Mais nous sommes en guerre, et il y aura de nombreuses pertes, je compte sur toi, Lucy, pour utiliser ton cordial en bonne conscience. »
Lucy hocha la tête. Suzanne avança d'un pas, et réprima un sourire amusé.
« On fait quoi de notre sorcière ? Elle est incapable de tirer à l'arc ou de se battre à l'épée. Et si elle s'épuise trop dès qu'elle utilise un peu de sa magie, cela ne sera guère utile. »
« Et que proposes-tu ? » demanda Peter, froidement.
« Qu'on l'abandonne ici, peut-être ? » renchérit Caspian.
Suzanne grimaça, et recula d'un pas, en haussant les épaules.
« Elle viendra avec nous, elle n'est pas aussi inutile que tu le dis. Elle pourras se perfectionner à l'arc et à l'épée. Mais comme le disait Aslan, une femme au combat, ce n'est pas beau. » déclara Peter, d'un ton catégorique.
On entendait le vent souffler, et un bruit de sabots. La toile de l'ouverture de la tente fut quasiment arrachée, et Laka entra, piétinant à moitié les coussins. Ses narines et ses pupilles étaient dilatées, et sa peau était hérissée. Hermione se redressa et s'approcha de lui en posant amicalement une main sur son bras, mais le centaure la repoussa, avec un air de fou.
« La sorcière est là ! »
Son cri ressemblait à un hurlement perçant, voilé de larmes. Hermione le regardait, désespérée. Le centaure piaffait, avec l'air de quelqu'un qui avait vu le Diable, c'était sûrement le cas : un Diable blanc. Hermione serra les poings, et malgré la peur qui sourdait en elle, se rua dehors, pour regarder de tous les côtés. Elle sentit tous ses poils se hérisser et elle fit un pas de côté, évitant une énorme lance de glace qui se ficha dans la tente, il y eut peut-être des cris, mais Hermione ne les entendit pas : son regard brûlant s'était accroché aux yeux pâles de la Sorcière, qui souriait d'un air victorieux, entourée de ses loups monstrueux. L'un deux poussa un long hurlement, et Hermione le ressentit en elle.
« Dégagez ! »
Le vent se mit à tourbillonner : Hermione sentait cette énergie en elle, se dégager de son corps, comme si sa peau flambait. C'était comme si son corps émettait une tempête. Mais elle était encore trop faible : cette énergie se consuma rapidement, et elle se retrouva, pantelante, couverte de sueur, devant la Sorcière qui s'approcha tranquillement.
« Cette puissance ... C'est un piège pour les faibles de ton espèce. Vous ne voulez pas vous y abandonner entièrement, car ce serait mal. Il n'y a pas de bien ou de mal. Il y a juste ceux qui profitent pleinement de la puissance, et ceux qui sont trop faibles pour s'en servir.»
En cet instant, Hermione se vit devenir Harry, et cette femme Voldemort. Elle était pareil au monstre qui avait tué les parents de son meilleur ami. Elle aurait voulu se ruer sur elle, la frapper. Elle ne sut pas où elle trouva l'énergie mais elle réussit à se redresser face à la sorcière. Des bruits montrèrent qu'un combat avait lieu derrière eux, et quelques minutes plus tard, Caspian, Peter, Edmund furent amenés devant la Sorcière, enchaînés dans des liens de glace, plus dure que la pierre. Lucy et Suzanne avaient été baîllonées et étaient tenues par deux minotaures, aux cornes comme des sabres. Hermione, debout contre la sorcière, la fixait, comme si sa rage brûlante pouvait faire fondre la glace qui les entourait.
« Deviens mienne, et je les épargnerais. Rennonce à cette rébellion contre moi, et je ne les tuerais pas. J'épargnerai leurs vies inutiles, si tu t'offres à moi. »
« Que me ferez vous ? » demanda Hermione, déjà hésitante. Elle savait que, même si elle disait oui, rien ne permettait de prouver que la Sorcière épargnerait ses amis, mais au moins, il y avait une chance, tandis que si elle disait définitivement non ... La glace se tâcherait de rouge ...
« Je vais te torturer, jusqu'à ce que tu crie grâce. A ce point culminant de la douleur, ta magie sera à son paroxysme, et je te tuerai pour la libérer et la faire mienne. »
Comme si c'était une évidence !
« Et si je refuse ? Si je me bats contre vous ? »
« Je te ferai prisonnière, je tuerai tes amis devant toi, et tu mourras plus rapidement, sans dignité. Réfléchis bien.»
Hermione serra les machoires et secoua la tête.
« Je n'ai pas le choix ... »
Bien sûr que si, elle l'avait ! Elle avait toujours le droit de faire des choix, mais elle ne voulait pas voir ses amis mourir. Caspian rua, et tenta de se libérer, impuissant, mais il reçut un coup dans la joue, et il baissa le visage, tâchant la neige de son sang. Hermione, voyant le triste spectacle et la situation pire que tout, se retint de se mettre à pleurer : voilà à quoi elle était vouée ? Le futur, pour eux, était glacé ? Et le sien était de mourir ? Non, ce ne pouvait pas être ça. Mais elle se laissa enchaîner comme une vulgaire bête, et elle reçut un coup sur la tête, le minotaure qui la tenait eut un rire méchant. Hermione s'arrêta et ignora un nouveau coup.
« Libérez les ! » réclama t-elle à la Sorcière.
Cette dernière éclata d'un rire sordide.
« Bien entendu, je n'ai qu'une parole. Fenrir ! »
Un gigantesque loup, plus gros et imposant encore que ses congénères, s'approcha : il avait la taille d'un cheval, et des crocs gros comme les mains d'Hermione. Elle sursauta en entendant la voix du monstre canin : grave et rauque, comme si il avait des cailloux dans la gorge. Il bavait abondamment, ses yeux crachaient un feu de hargne.
« Maîtresse, ma Reine ? »
« Libère les.» Puis, avec un sourire triomphant. « Et jette les tous, sans exception, dans la Gorge Rocheuse. Celle où il n'y a pas de fond. » précisa t-elle pour Hermione, avec un clin d'oeil tout ce qu'il y avait de plus vulgaire et écoeurant. Hermione se débattit, cria, mais rien ne fit : on l'emmena loin de ses amis, qui eux même tentaient de se libérer.
En quelques minutes, elle ne les voyait plus. Elle se mit à sangloter, obligée de courir pour ne pas ralentir le minotaure qui la tenait. Elle arriva au camp, et on l'attacha à un piquet de fer forgé. Elle resta immobile, ne touchant ni à l'eau croupie qu'on lui servit, ni le bout de pain rassi. Elle ne répondit pas aux moqueries ni aux coups. Ses amis allaient mourir par sa faute ! Elle aurait du faire quelque chose ! Elle cacha son visage gelé et sali par le vent et la poussière, et sanglota de plus belle, jusqu'à ce qu'un troll passe et ne la frappe jusqu'à ce qu'ele n'émette plus aucun bruit. Recroquevillée sur elle-même, elle observa le feu de camp, plus loin. Des créatures d'aspect repoussant préparaient quelque chose, et elle ne tenait pas à savoir quoi. Elle ferma les yeux, en espérant presque s'endormir et ne plus se réveiller. La situation était devenue irrécupérable. Elle les avait abandonné. Elle avait voulu jouer les martyrs. Mais elle aurait tout aussi bien pu offrir un couteau à la Sorcière et aller montrer où couper. Elle les avait tués. Elle sanglota, si bien, si fort, qu'elle s'endormit d'épuisement, les mains et les pieds bleuis, et le coeur aussi froid que son corps.