Bye Bye Tonight
Elle était couchée sur son lit. Les respirations lentes de Lucy et Suzanne, à ses côtés, étaient calmes : elles étaient profondément endormies. Hermione se releva et sortit de la tente. La voix ne s'était plus faite entendre, mais Hermione, pour être franche avec elle-même, devait s'avouer qu'elle n'avait rien dit à Caspian, de peur qu'il ne la croit folle mais aussi par ce que la voix lui avait ordonné de ne rien dire. C'était comme si elle n'avait plus été maîtresse de rien.
* La voix de ma magie ? Mon oeil ! *
Elle avait déjà une hypothèse, mais elle était si dérangeante qu'elle préférait ne pas y penser. Elle ne cessait de tourner et de retourner des pensées qui devenaient plus sombres les unes que les autres. Sans s'en rendre compte, elle avait traversé le camp quasi désert ; quelques gardes qui faisaient leur tour l'avaient aperçu, mais ils n'avaient rien dit, et c'était tant mieux pour eux. Elle ressentait une colère qui n'était pas la sienne, elle ne comprenait pas.
* Voilà ce que Harry devait ressentir quand il partageait les sentiments de Voldemort ... *
Cette idée fit ricochet, et amena la pensée dérangeante : et si ce n'était pas une voix intérieure, mais extérieure ? Imposée à elle, pour lui faire croire des choses, et pour l'amener à trahir les Narniens ? Si elle pensait que cette voix était la sienne, pourquoi se méfier, alors ? Elle eut un frisson : avait-elle été envahie ? Elle se faisait l'effet d'un gigantesque château envahi par un Cheval de Troie. Mais cette voix, connaissait-elle réellement tout d'elle ? Pouvait-elle lire, voir, entendre ses pensées ?
Hermione, dans un réflexe purement enfantin, se boucha les oreilles, avant de remarquer que ce n'était pas SES oreilles qui permettraient à la voix de l'entendre penser. Elle avait peur. Mille fois plus peur qu'auparavant : car qui savait quels instincts se cachaient en elle, prêts à se réveiller sous l'impulsion de la voix ? Elle n'était qu'une marionnette ...
Non ! Elle devait se ressaisir ! Si cette voix n'était pas la sienne, elle pouvait fort bien la combattre ! Et l'enlever de sa tête ! Elle n'était pas folle ! Et elle allait aller en parler à Caspian, tout de suite : il fallait qu'on la protège. Mais pas d'un ennemi commun : il fallait qu'on la protège d'elle-même. Et c'était un ennemi bien plus redoutable. Elle essaya de faire du bruit, au pas de la prote de la tente de Caspian, mais il ne se réveilla pas, ou alors il n'entendit rien. Hermione vit une ombre se rapprocher, et elle pénétra dans la tente sans autorisation : sans trop savoir pourquoi, peut-être un instinct de survie d'élève de Poudlard, voir cette ombre s'approcher, et ce sentiment de honte mêlée à l'adrénaline d'une chose qu'elle ne devrait pas faire, tout cela l'avait poussée à entrer, sans attendre, plutôt que de se faire prendre. Elle se retourna, et vit Caspian, endormi sur sa table. Il avait un air adorable, entre l'enfant et l'homme. Ses cheveux entremêlés, ses traits détendus, sa main tenant encore une plume. Hermione observa le parchemin qui montrait les vallées de Narnia ; une croix rouge était entourée un peu plus loin, sur une montagne rocheuse.
Nouveau excès de colère. Elle se retint difficilement de se jeter au visage de Caspian, pour le griffer et le mordre. Elle dut combattre cette envie, qui l'envahissait, irrépressiblement. Elle tomba à genoux, les mains sur son ventre qui bouillonnait de cette haine qui n'était pas la sienne. Elle fit tomber quelque chose, mais tout autour, l'extérieur n'était plus : elle n'entendait plus. Elle était sourde à tout, sauf au sentiment diffus que la voix en elle contractait. C'était comme un piège : était-elle venue ici de son propre chef ? Ou avait-elle été poussée par la voix à venir ici ?
« Tue le ! TUE LE ! »
Hermione crut qu'elle allait se briser en deux, en ressentant au plus profond d'elle cet ordre, comme si on avait enfoncé en elle un fer rougi. Elle poussa un cri, ou alors elle ne le poussa pas : elle n'entendait rien, et avait fermé les yeux, contractée sous la douleur. Et cet ordre qui se répétait en elle, toujours plus fort, plus vicieux.
« Il est ton ennemi, il te tuera ! Tu es une sorcière, il sait que tu es plus puissante qu'eux tous ! Il te tuera, tue-le avant que ce ne soit toi qui y passe ! Tue le, tue le ! TUE LE ! »
Hermione était allongée, la respiration coupée, quand tout s'échappa d'elle. C'était comme si on lui tirait la tête de sous l'eau, et qu'elle inspirait fort : elle toussa, cracha de l'eau à terre. Caspian mit un genou et l'observa, effaré. Elle vit la peur dans ses yeux. Elle eut un frisson dû au froid, et remarqua qu'elle était mouillée. Caspian l'aida à se redresser et la fit s'asseoir sur son lit. Au contact des couvertures de fourrure, Hermione s'enroula dedans, comme une enfant. Caspian continuait de l'observer, médusé, sans savoir que dire. Il se tourna et dit quelque chose qu'Hermione ne comprit pas ; elle vit rapidement un garde partir, mais elle tremblait comme une feuille. Elle fit l'effort de répondre aux questions muettes de Caspian.
« Il y a quelque chose en moi. Quelque chose de fort, qui veut me faire croire que ce qu'il dit vient de moi, mais c'est faux. Je ne sais plus ce que je fais ... Cette voix me disait de vous tuer ... »
Elle se sentait mieux, en voyant le regard vacillant de Caspian, elle voyait toujours cette lueur dans ses yeux, et elle fut étonnée de voir qu'il souriait, tendu, mais il souriait !
« Tu as réussi à vaincre cette voix non ? Tu ne m'as pas tué. Certes, je t'y ai aidé en te jetant un seau d'eau glacé au visage ... Excuse moi pour çà, d'ailleurs ... Ecoute, tu es glacée, exténuée. Reste avec moi, tu ne craindras plus rien. »
« Mais, si cette voix reviens, me dit de vous tuer ? »
« Ne t'inquiète pas, j'ai confiance en toi. Je sais que tu ne me tueras pas. Et je veux garder un oeil sur toi, en toute franchise. Je ne souhaiterait pas que l'ennemi t'amène à eux.»
« Caspian ... Que se passe t-il ? »
Dans sa voix, on sentait tout le désarroi qu'elle ressentait, et Caspian s'approcha d'elle, hésitant, puis la serra contre lui. Il y avait de nouveau ce sentiment de rapprochement, d'intimité douce. Elle avait essayé de le tuer, tout de même ! se morigéna t-elle. Non, elle avait été forcée d'essayer de le faire, ce n'était pas sa volonté. Cette correction mentale effectuée, elle se laissa aller à se blottir dans les bas du Prince.
« Je pense que la Sorcière Blanche veut t'amener à nous trahir. Veut t'amener à croire que nous sommes tes ennemis, et qu'il n'y a que elle qui puisse t'aider. Mais c'est faux : Hermione, moi ainsi que tout le camp, nous seront là pour t'aider si tu en as besoin, tu es des nôtres à présent. Allons nous coucher, cela vaut mieux »
Caspian prépara un lit de camp, et ils s'allongèrent, mais aucun des deux n'arrivait à dormir. Au dehors, la pluie fine qui tombait, devint rapidement averse puis orage. Finalement, durant le coeur noir de la nuit, Hermione se leva et s'approcha du lit du Prince. Comme une enfant qui a peur du noir. Caspian entrouvrit ses bras et ses couvertures, et l'accueillit doucement contre lui. Une fois blottit dans les bras, sous les fourrures, Hermione ferma les yeux. A peine avait-elle posé la tête sur un cousin qu'elle était endormie. Caspian, lui se contenta de rester éveillé. Suzanne allait en faire tout un plat, mais il n'avait pu s'en empêcher : cette fille avait le don d'être si fragile et si forte ... Il avait envie de la protéger. Que ça soit par l'épée, ou par une étreinte. Il la serra davantage contre lui, appréciant sa présence. Auréolé du parfum suave d'Hermione, il finit par s'endormir aussi.