Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 94 : XI Erwan Riliam

3311 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/06/2017 11:03

           CHAPITRE XI : ERWAN RILIAM

 

           « Quelle autre raison vous aurait poussé à me sauver ? »

Corvus resta silencieux sans quitter Gladius des yeux durant quelques instants. Il ne répondit pas. Il se contenta de se retourner pour se diriger vers le fond de la grotte. Gladius le regarda s’éloigner avant de se décider à le suivre. Corvus s’engouffra dans un boyau long de plusieurs mètres. Il débouchait sur une nouvelle salle aux parois de pierre lisse d’une couleur bleue nuit. La roche était comme vitrifiée. L’obscurité était aussi irréelle que la lumière dans la salle précédente. L’ambiance nocturne était intensifiée par le scintillement de pierres incrustées faisant penser à autant d’étoiles.

           Corvus se tenait au fond. Il fixait toujours Gladius. Le silence dura un long moment.

« Tu dis ne pas être humain, dit Corvus. Tu penses ne pas avoir ta place en ce monde.

-Je ne suis pas naturel. Je suis Gladius. Le fruit des efforts des Gardiens de l’Epée. Je ne suis qu’une arme servant à pourfendre le mal. Mais une arme sans contrôle ne sert à rien. Si une main forte ne me manie pas, je ne sers à rien. Mais personne ne peut me maîtriser. Comme le disent les maîtres chinois du Wu Shu : « l’arme n’allonge pas le bras sans vertu. ». Entre de mauvaises mains, je deviendrais le destructeur de ce monde. Il vaut mieux pour moi que je disparaisse définitivement. »

Corvus ne répliqua pas tout de suite. Il se contenta de toiser Gladius d’un léger sourire.

« Tu veux disparaître Gladius ? questionna t-il. Tu veux que ce monde oublie ton existence. Ce monde t’oubliera peut-être. Après tout, tu n’es qu’une âme parmi tant d’autre. Mais tu resteras un souvenir impérissable dans le cœur de plusieurs personnes. Car si Gladius n’est qu’une arme, une création ; Pierrick Chaldo est un homme avec des amis, des gens qui comptent sur lui. Et en particulier une. »

Le visage de Chun passa fugacement dans l’esprit de Gladius. Il repoussa cette pensé. Il n’avait plus le droit d’imaginer une vie simple et normale.

« Chun sera plus heureuse sans moi, dit Gladius.

-Tu as peut-être raison Corbeau. Corbeau. C’est étrange que l’on t’ait surnommé ainsi.

-Pourquoi ? Je n’étais rien d’autres qu’un oiseau de malheur, un messager de la Mort, un être apportant la peine partout où j’allais.

-Ce n’est pas pour ça que je disais ça. Sais-tu qu’à une époque, on m’a aussi surnommé ainsi ? Car jamais je n’ai laissé fuir une proie. Quand un mangemort savait que j’étais après lui, il avait beau fuir, j’arrivais toujours à le retrouver. Le seul qui m’ait échappé fut Malgéus. Mais ce surnom, je le dois aussi à mon vrai nom. Corvus. En latin, cela signifie « corbeau ». Tu vois, nos vies sont liées. Toi comme moi, sommes de vrais chasseurs. Nous ne pouvions faire rien d’autres. C’est en nous. Nous n’aurions jamais imaginé faire un autre métier, choisir une autre voie.

-Je ne suis pas un chasseur, je suis une arme.

-Je ne parlais pas de Gladius. Je parlais de Pierrick Chaldo.

-Pierrick Chaldo n’a jamais existé. Il n’était qu’une illusion.

-Pas pour Chun. Ni pour tes amis, Franck Vinol, Jonas Marus, Thomas Zimong et Yann Firvel. Pour eux, Gladius n’est rien, Pierrick Chaldo est réel.

-Ils se trompent. »

           Corvus laissa de nouveau un silence s’installer. Il sortit sa baguette. Gladius ne démontra aucune émotion. Il ne faisait qu’attendre.

« Je voudrais voir quelle progrès tu as fait en quinze ans, invita Corvus. Faisons un petit duel. »

Gladius sortit sa baguette en silence. Les deux hommes restèrent immobiles un long moment. Et soudain, Corvus lança le premier assaut. Sans même prononcer de formule, un éclair rouge de stupéfixion fusa vers Gladius. Ce dernier ne bougea pas, se contentant de lever sa baguette pour arrêter le maléfice. Il fut aveuglé un temps par l’éclair frappant sa baguette et ne vit qu’au dernier moment Corvus plonger vers lui le pied en avant. Malgré tout, il parvint à esquiver le coup et contre-attaqua d’un coup de pied circulaire au visage qui frôla son adversaire. Gladius pointa sa baguette sur le torse de Corvus et fit un Repulso pour le propulser à plusieurs mètres.

           Corvus parvint à se réceptionner sur ses pieds. Il esquissa un sourire. Il pointa sa baguette sur une pierre et la fit voler à grande vitesse vers Gladius. Ce dernier la brisa en plein vol d’un sortilège et enchaîna avec un Stupéfix. Corvus se protégea avec un bouclier qu’il dissipa rapidement pour lancer un maléfice de Jambencoton qui fit tomber Gladius lourdement sur le sol.

           Corvus en profita pour accourir vers Gladius. Gladius le regarda s’approcher. Au dernier moment il agita légèrement sa baguette pour se libérer du maléfice et se releva d’un bond en frappant Corvus d’un double coup de pied au corps et au visage dans le même bond. Corvus accusa le coup en tombant à genoux.

           Malgré ce coup, Corvus se releva une nouvelle fois.

« Tu es devenu fort, dit-il. Bien plus que par le passé. C’est normal, le temps aidant, ton flux magique est devenu plus intense. Et ton séjour en Chine t’à permis d’apprendre les Arts Martiaux, ton corps s’est ainsi renforcé et ton habileté s’est améliorée. Mais tu ne pourras pas me battre. »

 

           Charles Maldieu et François Garde se déplaçaient le plus naturellement du monde dans les couloirs du Ministère de la Magie. Après tout, il n’était pas encore des ennemis du Ministre. Du moins, officiellement. Personne ne semblait se soucier d’eux. Le soir arrivant, ils croisèrent plusieurs employés quittant leur bureau pour rentrer chez eux. Cela diminuerait le nombre d’ennemi potentiel.

           L’atmosphère était étrangement lourde en arrivant près du cabinet du Ministre. Ce n’était pas les employés qui les inquiétaient. Non, c’était plutôt leur absence. Et pourtant, Maldieu et Garde sentaient qu’ils étaient épiés. Leurs baguettes étaient rangées dans leurs poches mais leurs mains étaient prêtes à les saisir à la moindre alerte.

           La secrétaire n’étant pas derrière son bureau, les deux hommes vinrent frapper directement à la porte de celui du Ministre. L’invitation à entrer ne se fit pas attendre.

           Le bureau était plongé dans une pénombre brisée par la lueur de plusieurs chandeliers disposés ça et là sur les côtés. Deux se trouvaient derrière le siège ministériel. Maldieu avait l’habitude de l’appeler le « trône ». Le siège était de bois doré et de velours rouge. De fines et subtiles gravures en décoraient le haut du dossier et les accoudoirs. Le bureau en lui-même était fait de bois précieux de couleur sombre. Sur le côté gauche, une bibliothèque occupait toute la longueur du mur. Le mur à droite était paré de plusieurs tableaux. Maldieu savait que ces tableaux représentaient des membres du premier gouvernement magique français datant du moyen-âge. Ces sorciers étaient si imbus d’eux-mêmes qu’ils pensaient que les générations suivantes ne pourraient se passer de leurs conseils et de leur expérience. Si cela fut vrai durant les deux ou trois premiers siècles, aujourd’hui, leur présence relevait plutôt de la nuisance. Le monde avait changé mais eux ne le voyaient pas.

           Maldieu connaissait assez ce décor pour ne pas s’en soucier. Il ne vit pas que les personnages n’étaient pas présents. Toute son attention était centrée sur l’homme assis sur le « trône ». Il était âgé, mais étrangement, il n’avait pas l’air vieux, conservant une certaine jeunesse. D’ailleurs, Maldieu n’avait jamais réussi à estimer son âge réel. Officiellement, il allait sur ses soixante-dix ans. Mais Janus faisait murmurer sur lui depuis presqu’un siècle. Mais qu’il ait soixante-dix ou plus de cent ans, Erwan Riliam n’accusait aucun cheveux gris. Il était châtain. Quand à ses yeux, ils étaient d’un marron quelconque. En fait, il arborait un physique passant assez inaperçu. A mille lieues de Malgéus et sa décrépitude physique ou de Névris et son apparence fantomatique. Même Voldemort possédait une apparence qui le rendait tout de suite reconnaissable, ressemblant plus à un serpent qu’à un humain. Mais pour Erwan Riliam, en le croisant dans la rue, personne ne se douterait de sa véritable identité.

           Erwan Riliam ne sembla pas surpris outre mesure de la présence du directeur du Département des Chasseurs et de son ancien coéquipier. Il se contenta de se saisir de la tasse fumante qui était posée sur son bureau et de la porter à ses lèvres. Lorsqu’il la reposa, il se mit à parler :

« Voulez-vous une infusion, Charles Maldieu, François Garde ?

-Non merci monsieur le Ministre. A moins que vous ne préfériez que je vous appelle Janus.

-Cela fait si longtemps que l’on ne m’a pas appelé ainsi. Même mes subordonnées ne m’appellent plus de ce nom.

-Pour éviter qu’ils ne vous démasquent en public. Ils ignorent sûrement votre véritable identité, n’est-ce pas ?

-Je n’insulterais pas votre intelligence en essayant de vous mentir. Cela ne servirait à rien. Vous vous souvenez sûrement que nous avons failli nous retrouver face à face il y a des années de ça. Je veux dire, quand je m’appelais encore Janus.

-En 1942, jamais nous n’avions été aussi proche de vous arrêter. A part aujourd’hui.

-C’est vrai. Mais je ne suis pas encore arrêté.

-Ça suffit ! s’écria Garde. Nous ne sommes pas ici pour échanger des politesses. Erwan Riliam, Janus, vous avez perdu.

-Vous croyez ? Pourtant, je me sens encore libre de mes mouvements. En faite, je n’ai pas été aussi libre depuis des années. Maintenant que votre Epée a éliminé ce gêneur de Malgéus.

-C’était votre plan, n’est-ce pas ? reprit Maldieu. Vous avez tout fait pour que nous éliminions Malgéus pour vous.

-Malgéus se croyait puissant. Mais il croyait avoir besoin de plus de puissance encore pour prendre le pouvoir. Quel imbécile. Comme-ci la puissance faisait tout. Je n’ai fait que l’aiguiller vers une source de puissance.

-Malgéus a retardé vos plans. Vous pensiez pouvoir de nouveau agir après la disparition de Vous-savez-qui. Mais Malgéus a décidé d’en profiter également.

-Ce fut vrai dans un premier temps. Et ensuite, je me suis dit que ce contretemps pourrait m’être utile. Je pouvais récupérer quand je le désirais le Grimoire de Malchauzen et en acquérir les pouvoirs. Mais il fallait d’abord que je sois sûr de ce qu’il pouvait me donner. C’est pourquoi j’ai lancé Malgéus sur sa piste sans qu’il ne se rende compte que l’idée venait de moi. Ces mangemorts sont si facile à berner tellement ils sont obnubilés par leur soif de pouvoir. Voldemort faisait pareil. Il leur agitait sous le nez des promesses de puissance et de pouvoir. Mais en fait, il ne désirait qu’une chose : acquérir l’immortalité. J’ignore s’il a réussi où s’en est approché. Il s’est même servi de la haine d’une partie de la population sorcière envers les sang-mêlés et les nés-moldu. Grâce à Malgéus, je sais que ce rituel marche par une source plus fiable que le Grimoire de Malchauzen. J’ai pu gommer les erreurs que Malchauzen avait faites. Minimes, certes, mais suffisante pour que le rituel me tue.

-Vous avez pris le risque que Malgéus devienne plus puissant que vous.

-Il le fallait. Et puis, même s’il avait pris le pouvoir, il suffisait que j’attende qu’il meure. Le temps n’a aucune importance. De plus, j’avais un joker. Quelqu’un d’autre me gênait. J’ai espéré que Malgéus et lui se détruiraient mutuellement. D’une certaine manière, c’est ce qui s’est passé. Votre Epée n’est plus un danger pour moi. Vous l’avez créée, et vous l’avez détruite. La psyché humaine est si fascinante. Mais également si prévisible. Comme je savais que vous viendriez ce soir.

-Comme vous saviez que vous alliez mourir ce soir, lança Garde. »

           Un rire que ne connaissait que trop François Garde retentit derrière lui. Il se retourna en pointant sa baguette vers le nouvel arrivant. Une silhouette puissante s’était glissée dans la pièce sans se faire remarquer. Garde était surpris. Peu de gens était capable de le surprendre par derrière. Les années dans les bas-quartiers à rechercher les mages noirs avaient éveillé chez lui un sixième sens. Et ce rire. Ce rire grave et cynique. Il ne connaissait qu’un seul homme avec un tel rire. Une jeune recrue des Chasseurs qu’il avait eue pour élève jadis riait de cette façon. Si seulement à l’époque, il avait compris ce qu’allait devenir ce jeune homme.

« Névris, cracha t-il.

-François Garde, répondit le mage noir, ses yeux violets brillants d’un éclat inquiétant sous la lumière des chandelles. Je vois avec plaisir que tu t’es remis de tes blessures. Un vieux tigre comme toi ne pouvait rester en arrière.

-Toujours ce ton moqueur. Je vais me faire un plaisir de te faire taire définitivement. Tu avais raison Charles, Névris était depuis le début avec Janus.

-La véritable question serait de savoir depuis quand ?

-Facile à deviner, fit Maldieu. Depuis une mission où, jeune agent de la section S, vous deviez protéger Erwan Riliam, Névris. Il a deviné que vous étiez un mage noir en puissance. C’était il y a vingt ans. Peu de temps après, vous disparaissiez durant une décennie presque. Vous avez mis ce temps à profit pour vous infiltrer parmi les mangemorts. Un ordre de votre maître qui voulait savoir ce que faisaient Vous-savez-qui et Malgéus. Et lorsque Vous-savez-qui a disparu, la mission a changé. Vous deviez manipuler Malgéus pour le mener à sa perte après avoir rapporté les renseignements que Janus souhaitait.

-Ce vieillard décrépi n’avait plus sa place dans ce monde, se moqua Névris. Il n’était plus rien mais était trop bête pour s’en rendre compte. Enfin, il s’est quand même montré utile aux projets de mon maître. Et maintenant, c’est votre tour. »

           La baguette de Névris surgit dans sa main. Il la pointa sur François Garde, lançant un éclair vert. L’ancien chasseur plongea au sol pour l’éviter. Il se releva rapidement, contre-attaquant d’un sortilège de mort qui ne rencontra que le bouclier qu’avait dressé Névris avec une déconcertante facilité. Le mangemort aux yeux violets bondit pour venir frapper d’un coup de pied circulaire au visage. Garde accusa le puissant coup et se retrouva affalé au milieu de la pièce. Sa baguette lui avait échappé des mains.

           Charles Maldieu se tourna à son tour vers Kylian Névris. Mais à peine eut-il levé sa baguette que Névris le désarma d’un Experlliarmus avant de le repousser violement contre la bibliothèque d’un Repulso. Maldieu resta adossé au pied des étagères avec une violente douleur dans la poitrine.

           Garde voulut profiter du fait que Névris se désintéressait de lui pour se trainer jusqu’à sa baguette. Mais il n’était plus qu’à quelques centimètres de l’artéfact quand le pied du sadique mage noir vint lui broyer le poignet dans un craquement sinistre, l’obligeant à le ramener contre lui. Garde leva un regard plein de haine vers l’homme qui le toisait de toute sa hauteur. Ce dernier souriait, se délectant de la vue de ses deux proies.

« Quelle tristesse de vieillir ! se moqua t-il. Et dire que vous étiez deux des meilleurs chasseurs du siècle. Quelle pitié de se faire battre si facilement. J’ai encore envi de m’amuser.

-Névris, intervint Janus. Ça suffit. Nous avons perdu assez de temps. »

Névris prit un air déçu durant quelques secondes. Mais il sourit à nouveau.

« Dommage. »

Il pointa sa baguette sur François Garde, le tuant d’un Avada Kedavra.

           Il pointa ensuite son artéfact vers Charles Maldieu.

« Croyez-vous encore en ma défaite Maldieu ? questionna Janus.

-Notre mort ne signifie pas votre victoire, dit Maldieu. Comme me l’a dit François, nous sommes morts il y a vingt-et-un ans, nous ne faisions qu’attendre que nos cœurs s’arrêtent. Nous payons enfin pour ce que nous avons fait. Que se passera t-il après ? Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que vous n’aurez jamais le pouvoir absolu. Il y aura toujours quelqu’un pour se dresser contre vous.

-Si vous pensez à Suzanne Janis, j’ai déjà prévu de m’occuper d’elle. Quand à votre Epée, s’il revient, soit il mourra, soit il sera mon allié.

-Vous devrez le tuer. Car nous ne l’avons créé que dans un seul but : combattre les mages noirs. S’il revient, il vous tuera.

-Je vous ais assez entendu. »

Névris lança un Avada Kedavra. Le corps sans vie de Maldieu s’affala sur le côté.

           Janus resta quelques instants à regarder le cadavre du directeur du Département des Chasseurs.

« Il sera resté poli jusqu’à la fin, dit-il. A part François Garde et Georges Nide, je ne l’ai jamais vu tutoyer quelqu’un, même les pires racailles. Maintenant qu’il est mort, nous pouvons continuer. Appelle-moi Dakus.

-Oui maître. »

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