Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 89 : VI Illusion de Vie

2697 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:05

           CHAPITRE VI : ILLUSION DE VIE

 

           L’aube se leva sur le deuxième jour. Le deuxième jour d’errance pour celui qui avait été surnommé le Corbeau. Ce passé lui semblait si éloigné maintenant. Pourquoi l’avait-on surnommé ainsi ? Certains disaient que c’était juste parce qu’il pouvait se transformer en cet oiseau noir. Mais la vérité était tout autre. Ce surnom datait du temps ou il était encore à la section AI. Il avait du mal à travailler en équipe mais démontrait des capacités hors-normes. Il était toujours le plus rapide et maîtrisait les mangemorts avec une facilité déconcertante. Aucun ne lui échappa. Et devant sa propension à se servir plus de ses techniques d’arts martiaux que de sortilèges de combat, certains ennemis disaient l’avoir vu s’approcher tel un oiseau noir. L’un d’eux particulièrement choqué ne put parler durant plusieurs jours, se contentant de balbutier un mot :

« Corbeau. »

Ajoutant à cela son caractère très sombre et l’oiseau noir qui l’accompagnait parfois et il n’en fallut pas plus à ses collègues pour finir par l’appeler ainsi.

           Corbeau. Ce nom lui allait comme un gant. Sombre. Funeste. Se confondant avec la nuit. Pour tous, cet oiseau représentait le messager de la mort. Celui qui emmène l’âme du défunt vers l’autre monde. Et c’est ce qu’il avait été pour les mages noirs durant quatre ans : un mauvais présage, un annonciateur de mort et de destruction.

           Il avait été Pierrick Chaldo. Il avait été le Corbeau. Et il avait été Gladius. Et maintenant, il ne savait plus qui il était. Ses souvenirs résurgents lui disaient qu’il n’était qu’une arme créée pour combattre Voldemort. Mais une autre partie de lui, murmurait qu’il était cet être créé de toute pièce et qu’on nommait Pierrick Chaldo. En fait, toute sa vie, il ne fut qu’un être créé. Gladius était une arme créée par des hommes voulant vaincre leur ennemi. Pierrick Chaldo était une excuse inventée par ces mêmes hommes pour absoudre leurs méfaits inexcusables.

Tout n’était que mensonge et illusion dans sa vie. Ses parents n’étaient pas vraiment ses parents. Il s’en était déjà douté en voyant qu’il n’avait pas tant de points communs physiques avec eux. Mais de plus, il se souvenait qu’ils avaient tous les deux participé à sa création. Et après s’être servis de lui pour combattre, après l’avoir envoyé se battre, ils avaient cru se racheter en lui mentant, en lui donnant un semblant de famille.

           Même le froid dur et stagnant, et la glace et la neige qui s’étendait à perte de vu autour de lui ne lui faisait aucun effet. Il avait cherché à s’éloigner le plus possible de Paris, de ceux qui lui avait menti. Peut-être ne reviendrait-il pas. Il n’y avait plus rien pour lui là-bas. Mais alors que les loups de la toundra hurlaient dans le lointain, un visage s’imposa à ses pensés. Celui d’une jeune femme asiatique, belle, douce et pourtant si forte. Une femme qui l’aimait. Une femme qu’il avait aimée, du temps où il avait l’illusion d’être Pierrick Chaldo. Il sentait la présence toujours lancinante de ce sentiment en lui. Lancinante, c’était le mot juste car ce sentiment lui faisait mal. Il lui rappelait sans cesse qu’il avait effleuré le bonheur avec Chun. Qu’il avait souri de bon cœur. La première fois depuis des années. Mais maintenant il savait. Maintenant il se souvenait. Et il ignorait s’il avait droit à ce bonheur.

           Ces terres froides, constamment gelé par l’hiver, étaient parfaites pour lui. Les habitants d’ici disent que l’hiver y dure seulement douze mois, après c’est l’été. Un hiver éternel. Il était prêt à y rester l’éternité s’il le fallait. Car l’hiver s’était éternellement installé en lui. Il y resterait.

           Il marcha durant des heures sur l’étendue de permafrost, cette terre gelée en permanence. Parfois, au loin, il voyait des gens et des animaux. Il n’allait jamais vers eux. Il ne voulait voir personne. Il ne voulait parler à personne. Il devina des enfants jouer malgré le froid persistant. Des enfants insouciants des malheurs de ce monde. Ne connaissant pas encore la cruauté des Hommes. Des enfants comme les autres. Alors que lui, n’avait jamais connu une enfance normale. Il avait été entraîné. Il avait combattu et tué. A l’âge où il aurait dû jouer, ses mains étaient tâchées de sang. Certes, après il avait vécu des années heureuses en Chine avec Thomas et surtout Su. Mais ses années n’étaient qu’illusion.

           Il s’arrêta pour continuer d’observer ces enfants. S’il n’avait jamais su. Si la vérité était restée cachée, en aurait-il eu ? Aurait-il connu le bonheur d’être parent ? Aurait-il élevé ses enfants avec Chun ? Folie que d’avoir rêvé à une vie de famille comme les autres. Sa vie avait commencé dans le sang, elle finira dans le sang.

           Il se détourna du spectacle de ces enfants rieurs, s’enfonçant sous le couvert des sapins. Et un cri retentit. Ce n’était plus un rire, ni une exclamation de joie. C’était un cri de peur, un cri de terreur. Cela ne le regardait pas. Ce n’était pas son problème. Ces enfants n’étaient rien pour lui. Mais soudain, il perçu le bruit caractéristique d’un sortilège fendant l’air. Une explosion. Ce sortilège était un Cofringo. Instinctivement, il s’arrêta. Mais ne se retourna pas. Il entendait des hurlements en russe. Des voix d’adultes ordonnant aux enfants et aux villageois les ayant rejoints de se taire et de rester tranquille.

           Il avait entendu parler d’eux, les pillards-sorciers de Sibérie. Des sorciers sans foi ni loi qui s’attaquaient aux villages isolés. Les moldus avaient beau rapporté leurs attaques à leur gouvernement, celui-ci n’en croyait pas un mot. Pour le gouvernement soviétique, la Magie n’existait pas. Le Ministère russe de la Magie avait fait totalement oublié son existence aux Moldus en 1917. Ceci avait permis d’éviter un massacre comme celui qui eut lieu plusieurs décennies plus tard en Chine, Corée du Nord et au Nord Viêt-Nam. Mais cet état de fait affaibli le pouvoir du Ministère qui se trouva dans l’incapacité de maintenir un semblant d’ordre parmi les membres de sa communauté situé dans les contrées orientales et les plus reculées de la Russie.

           Il savait que ces bandes de pillards n’hésitaient généralement pas à tuer un ou deux villageois pour s’assurer qu’ils ne tenteraient rien contre eux. Homme, femme ou enfant, c’était la même chose pour eux. Mais qu’y pouvait-il ? Il n’était rien. Un autre éclair déchira l’atmosphère. Et ce son, il ne le connaissait que trop bien depuis ses cinq ans. Sans se retourner, il voyait clairement l’éclair vert surgir de la pointe de la baguette et frapper un innocent. Malgré la neige, il entendit distinctement le bruit du corps privé de vie s’effondrer. Un villageois venait de mourir. Les hurlements d’horreur ne firent que confirmer.

« PAPA ! »

La voix était jeune. Un petit garçon.

           Les yeux neutres se chargèrent de ténèbres. La main vide fut pourvue d’une baguette. Il se retourna et réapparut d’entre les arbres. En contrebas, les villageois étaient encerclés par une dizaine de pillards, tous armés de baguette. Avec un calme olympien, il se mit à marcher vers eux. Sans peur. Il n’avait jamais connu la peur. Les pillards le remarquèrent. Trois vinrent à sa rencontre. Il cacha sa baguette le long de son avant-bras.

           Les pillards lui firent signe de s’arrêter mais il n’en fit rien. Alors l’un d’eux fit un Cofringo qui explosa à même pas un mètre devant lui. Il s’arrêta. Son regard était sans faille.

« Qui es-tu ? demanda un des pillards.

-Votre mort si vous ne les libérer pas, dit-il calmement. »

Les pillards se mirent à rire à gorges déployées. Ils se tournèrent vers les autres pour leur crier ce qu’il venait de dire. Ce fut leur erreur. Il bondit en avant pour arriver à la hauteur des trois hommes. Celui sur sa droite reçu immédiatement un coup de pied latéral en pleine mâchoire qui l’allongea pour plus du compte. Celui à gauche fut assommé par un retourné circulaire qui le toucha à l’arrière du crâne sans qu’il puisse réagir. Le dernier reçu un coup de genou sauté à la pointe du menton.

           Tout c’était passé si vite que les autres pillards continuaient de rire. Ils s’arrêtèrent d’un coup en pointant leurs baguettes sur lui.

« Tu n’aurais pas dû, menaça l’un d’eux. Nous sommes de puissants sorciers.

-Sorciers, c’est sûr, dit-il toujours aussi calmement. Puissant, il faudra encore le prouver. »

Il se mit à courir vers eux. Les éclairs des maléfices claquèrent autour de lui. En un claquement de fouet, il disparut et se rematérialisa juste derrière les derniers brigands, les éliminant en moins de deux secondes. Un nouveau claquement de fouet retenti avant que les autres ne se tournent vers lui. Il se retrouva à droite et de nouveau, trois autres pillards furent mis hors-combat. Il n’était plus que trois devant lui.

« Tu es sorcier ! s’exclama un d’eux. Pour qui tu travailles ? Le Ministère ?

-Je ne travaille pour personne. Je suis juste une âme perdue dans ce monde. »

Les pillards lancèrent de nouveaux maléfices. Il sortit enfin sa baguette et les arrêta tous d’un mouvement coulé. Un éclair vert vint frapper un des voleurs, le foudroyant. Un rayon rouge vint trancher un autre en deux, rougissant la neige de son sang et de ses viscères.

            Le dernier prit peur. Sa baguette tremblait. Ses yeux démontraient sa frayeur. Il n’était pas humain ? Ce n’était pas possible ! Cet homme n’avait pas dit une formule ! Pas esquissé un signe de nervosité ou de peur ! Il était resté parfaitement calme ! Et pourtant, tous ses complices gisaient dans la neige ! Il ne pouvait être humain !

« Tous tes amis sont morts, dit-il froidement. Pars tout de suite si tu ne veux pas les rejoindre. »

Le pillard ne demanda pas son reste et s’enfuit en courant, oubliant qu’il aurait pu transplaner.

           Les villageois le regardèrent avec peur et suspicion. Il se contenta de ranger sa baguette et repartit dans une direction au hasard sans dire un mot. Le garçon qui s’était jeté sur le cadavre de son père le regarda un moment. Il avait les larmes aux yeux. Il se releva et courut jusqu’à lui, se plaçant devant lui pour l’empêcher d’avancer. Ses yeux tristes et mouillés de larmes plongèrent dans ceux sombres et porteur de mort de l’homme qui venait de tuer les pillards.

« Merci, dit le garçon.

-Je n’ai rien fait qui mérite d’être remercié, dit-il.

-Comment vous vous appelez ?

-Mon nom n’a aucune importance.

-Je veux m’en souvenir.

-J’en avais un. Maintenant je ne sais plus si je peux encore le porter.

-Comment on vous appelait ?

-Gladius.

-Monsieur Gladius. Vous voulez rester pour la nuit ?

-Non.

-Restez, lança un homme derrière lui. Nous vous devons certainement la vie.

-Ils ne vous auraient pas tués. Ils savent très bien qu’en voyant un des votre mourir, vous leur auriez donné tout ce qu’ils voulaient.

-Sait-on jamais ? Dans le pire des cas, vous avez sauvé nos biens, le peu que nous possédons. Nous pouvons au moins vous remercier en vous offrant un repas chaud et un toit pour la nuit.

-S’il vous plait, supplia le gamin.

-D’accord.  »

           Les villageois commencèrent par ramener le corps du père du garçon à sa chaumière. La mère s’écroula en larmes. Ses enfants l’entourèrent en pleurant à l’unisson. Gladius ne faisait que regarder sans extérioriser le moindre sentiment. Il se tourna vers le champ de bataille et vit d’autres villageois s’occuper des corps des pillards. Ces gens creusèrent des tombes pour ceux qui venaient les voler et qui avaient tué un des leurs. Ils furent tous enterrés après une courte cérémonie religieuse. Pour le villageois, il y eut une veillée funèbre. Les autres villageois vinrent se recueillirent devant son corps et le prêtre orthodoxe vint prier pour le repos de son âme.

           Gladius ne dit rien. Les villageois ne lui posèrent pas de questions. Certains le regardèrent avec curiosité. Après tout, il était sorcier lui aussi. Personne n’osa même s’approcher. Seul le petit garçon eut le courage ou l’inconscience de s’approcher de lui durant le repas. Le garçon le regardait intrigué. Gladius le fixa.

« Pourquoi vous-êtes si triste ? questionna le garçon.

-Je ne suis pas triste, répondit-il.

-Vous avez les yeux de quelqu’un de très triste.

-Je ne sais pas pourquoi.

-Moi je sais pourquoi je suis triste. Je suis triste parce que mon père est mort. Parce qu’il ne m’apprendra jamais à pécher ou à chasser alors qu’il me l’avait promis. Mais vous ? Pourquoi vous l’êtes ?

-Tu as eu un père qui t’as promis de t’apprendre à chasser et pécher. Tu as une mère, des frères et des sœurs. Moi, je n’ai jamais eut tout ça. Et quand je croyais avoir des parents, tout n’était que mensonge. Peut-être que c’est pour ça.

-Je ne crois pas. C’est autre chose parce que ça, ça fait longtemps que vous le savez. »

Gladius ne répondit pas. Il se contenta de finir son assiette et alla se coucher dans le lit qui lui avait été prêté.

           Mais le sommeil ne vint pas…

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