Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 77 : X Autant de Peine et de Haine

3296 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:16

           CHAPITRE X : AUTANT DE PEINE ET DE HAINE

 

           Thomas n’avait pas cours cet après-midi. Il décida de profiter des derniers rayons du soleil d’été en se promenant dans le parc avec Marion et Laura. La jeune fille aux yeux blancs n’avaient pas parlé de son passé malgré l’insistance du frère et de la sœur. Au bout d’un moment, Thomas décida de ne pas lui imposer de parler d’elle. Il comprenait qu’elle ne soit pas encore prête. Après tout, la veille encore elle n’était qu’un outil entre les mains d’hommes sans scrupule.

           Ils marchaient tranquillement dans les couloirs. Marion attirait les regards des élèves. Ces exploits de la matinée étaient encore frais dans l’esprit des étudiants. Tout d’un coup, elle s’arrêta. Son regard se perdit sur un mur, semblant le traverser de part en part. Thomas s’approcha d’elle.

« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda t-il.

-Corbeau, dit-elle simplement sans détourner les yeux du mur. Il est là.

-Pierrick !

-Son esprit est en proie au chaos. Il veut savoir. Il veut comprendre.

-Où est-il ?

-Dans le hall. »

           Thomas courut jusqu’au hall. Lorsqu’il déboucha dans le vaste espace richement décoré, il ne trouva pas Pierrick. Un pan de mur se dressait en plein milieu et près de lui gisait un homme entouré d’élèves. Thomas vint tout de suite voir de qui il s’agissait, écartant les élèves. Il reconnut l’officier de la Police Magique chargé de la sécurité de l’Académie. Thomas tendit la main vers le policier. Un éclair en surgit et Chergnieux reprit conscience.

« Vous allez bien ? demanda Thomas.

-Où est-il ? fit Chergnieux. Où est Chaldo ?

-Pourquoi Pierrick vous a-t-il fait ça ?

-Si je le savais. C’est un malade. Personne ne peut le comprendre. Par où est-il allé ? Quelqu’un a vu ?

-Par là, répondit un élève. Vers le bureau du directeur je crois.

-Je viens avec vous, dit Thomas.

-Je n’ai pas besoin d’aide.

-Pierrick est un ami. Je veux savoir ce qu’il a.

-Thomas, appela Laura. »

Laura et Marion venait d’arriver.

« Restez ici toutes les deux, ordonna Thomas. »

 

           Pierrick entra dans le bureau de Zabulon Tréveune malgré les récriminations de sa secrétaire. D’un geste de sa baguette, il la fit taire. Tréveune se leva d’un coup et agita sa baguette dans le but de lui rendre la parole mais rien n’y fit. Tréveune en était surpris. Il était considéré comme un des sorciers français et même européens les plus doués et les plus puissants. Et pourtant, un simple sortilège de silence lui résistait. Ce jeune chasseur recélait une maîtrise technique exemplaire doublée d’une grande puissance. Et Tréveune le sentit, le flux magique de Pierrick Chaldo avait augmenté depuis sa dernière visite à Beauxbâtons. Et pourtant, elle ne datait que de deux jours. Que lui était-il arrivé ?

           « De quel droit entrez-vous comme ça Chaldo ? questionna Tréveune. Que voulez-vous ?

-Faros, dit-il. Que savez-vous sur lui ?

-Antoine Faros ? Mon prédécesseur ? Quel rapport avec l’enlèvement de Hans Friedrich ?

-Répondez.

-Il était professeur d’arithmancie puis est devenu directeur il y a quinze. Il est mort il y a dix ans.

-A-t-il travaillé avec le Ministère ?

-Comme beaucoup d’autres professeurs. Moi y compris. Il a travaillé avec le Département Secret. Son fils y était. Il est mort dans un accident de laboratoire il y a quinze ans. J’ignore sur quoi ils ont travaillé. Le Département Secret n’a jamais divulgué ses recherches. Tout ce que je sais, c’est qu’Antoine Faros n’a plus jamais été le même après.

-Le mot Gladius signifie quelque chose pour vous par rapport à lui ?

-Gladius. C’est le latin pour épée. A part ça, je ne vois pas. Ce mot ne m’évoque rien. Quoique…

-Quoi ?

-Une discussion que j’ai eue avec Antoine il y a longtemps. A l’époque, j’étais encore professeur de potions et lui d’arithmancie tout en étant sous-directeur. C’était il y a au moins vingt-cinq ans. A l’époque, nous vivions dans la crainte des mangemorts et de Vous-savez-qui. Beaucoup de professeur travaillait avec le Ministère afin de chercher de nouveaux moyens de défense contre la Magie Noire. Et lors d’une discussion sur ce sujet avec Antoine, il m’a dit que chercher des moyens de se défendre n’était pas suffisant. Pour lui, la meilleure défense demeurait l’attaque. Il a dit qu’il faudrait une arme pour abattre Vous-savez-qui. Il a même utilisé le terme d’épée. Il correspondait avec le professeur Albus Dumbledore et le rencontrait régulièrement. Mais sur cette même période, une violente dispute les opposa. Tout ce que je sais, c’était que cela avait à voir avec la manière de Le combattre. Après ça, ils ne se sont plus jamais parlés.

-Il a parlé d’épée.

-Qu’est-ce que tout cela a à voir avec Hans Friedrich ? »

Sans répondre, Pierrick tourna les talons et sortit du bureau, libérant au passage la secrétaire du sortilège de silence d’un geste nonchalant.

           « Pierrick ! »

Il venait à peine de déboucher dans le couloir quand la voix de Thomas lui parvint. Le dragoniar le vit comme un étranger. Pierrick ne lui avait jamais un regard aussi sombre et vide d’émotion. Chun lui avait parlé du Pierrick d’il y a quelques mois, celui qu’elle avait rencontré. Mais même ses descriptions ne le décrivaient pas avec une telle absence d’Humanité dans l’âme. Que lui arrivait-il ?

           Albert Chergnieux tendit immédiatement sa baguette vers le chasseur. Son regard était noir de haine.

« Chaldo ! aboya t-il. Je ne sais pas ce qu’il te prend en ce moment mais tu es en état d’arrestation.

-Albert Chergnieux, souffla Pierrick. C’est toi qu’ils auraient dû prendre à la section S. Je n’ai pas ma place aux Chasseurs. J’ignore où est ma place. J’ignore même qui je suis.

-Pierrick, fit Thomas. Tu es Pierrick Chaldo. Voila qui tu es. Tu es un chasseur de la section S. Pourquoi te poses-tu ces questions ?

-Car la mémoire me revient mon ami. Mon ami. Ais-je seulement le droit d’avoir des amis ? Ais-je le droit de vivre comme les autres Humains ? J’ignore si je suis seulement humain.

-Quelle mémoire ?

-Les souvenir d’un temps que l’on m’a caché toute ma vie. Ma vie est un mensonge. Mais je retrouverai les responsables et leur ferai payer. Certains sont déjà morts. Comme Gilles et Françoise Chaldo.

-Tes parents.

-Ils ne l’étaient pas. Ils n’étaient rien.

-Ne dis pas ça. Ils t’ont élevé et aimé.

-Tout ça n’était que mensonge. Je dois m’en aller maintenant. Je dois retrouver Malgéus. Il connait la vérité sur moi. Je dois le faire parler.

-Tu ne bouges pas ! objecta Chergnieux. »

Pierrick s’avança sans se soucier de la baguette tendue vers lui.

« Stupéfix ! cria Chergnieux. »

L’éclair rouge fusa vers Pierrick. Ce dernier l’arrêta avec sa baguette d’un geste souple. Il contre-attaqua d’un même maléfice qui toucha le policier de plein fouet, le projetant en arrière à plusieurs mètres.

           Thomas n’en croyait pas ses yeux. Lui dont la magie circulait plus librement dans son corps que n’importe qu’elle autre sorcier par son sang de dragon. Lui qui n’avait besoin d’aucun artefact pour canaliser son flux magique. Il ressentait toute la puissance cachée et bouillonnante dans le corps de Pierrick. D’où pouvait lui venir une telle puissance ? Seuls quelques sorciers pouvaient rivaliser avec une telle puissance. Les seuls que le dragoniar connaissait pour les avoir croisés étaient les mangemorts Névris et Malgéus. Cette puissance était-elle liée aux souvenirs qui remontaient des tréfonds de sa mémoire ?

           Thomas ne bougea pas un doigt quand Pierrick passa à côté de lui. Il avait l’impression de ne pas le connaître. Pierrick s’arrêta sans se tourner vers lui.

« J’espère que ta vie sera heureuse mon ami, dit-il. Je ne sais pas si nous nous reverrons un jour ou si ce sera celui que tu as connu que tu reverras. Si je ne devais jamais revenir, je voudrai que tu veilles sur Chun. »

Pierrick vit approcher Marion et Laura. Les deux jeunes filles en avaient eu marre d’attendre. Devant le regard noir de Pierrick, Laura se figea sur place. Marion fixait de ses yeux blancs le chasseur. Elle avait toujours pu contrôler ses dons. Ne pas sonder les esprits des autres sans le vouloir. Mais là, elle ne put rien arrêter. Quelque chose de trop puissant pour elle émanait de cet homme. Quelque chose de terrible. Elle ressentit toute la noirceur, toute la peine et la haine qui emplissaient l’âme du Corbeau en cet instant. Elle entrevit une partie de ses souvenirs cachés il y a peu de temps encore. Elle vit un enfant couvert de sang, tenant dans une de ses mains une baguette et dans l’autre un cadavre tenu pas les cheveux. Et elle comprit. Le sang dont était couvert l’enfant n’était pas le sien. Mais ce qui lui fit le plus peur fut le regard de cet enfant. La seule chose qu’elle distinguait de son visage. Un regard noir, sans vie, sans espoir, sans humanité. Le même regard que le Corbeau en cet instant. Et pour la première fois depuis des années, Marion se mit à trembler. Elle recula d’un pas, se recroquevilla sur elle-même. Elle finit par s’accroupir, se prenant la tête dans ses mains. Un sanglot résonna dans le couloir. Marion pleurait. Du passé de cet homme émanait trop de peine, de haine et d’horreur. Elle pleurait de tristesse pour ce petit garçon et de peur car elle savait cet… être capable de tout.

           Pierrick passa à côté des deux filles sans même poser un œil sur elles. Lorsqu’il fut loin, Thomas se força enfin à bouger. Il approcha de Laura. Cette dernière avait encore les yeux comme des soucoupes mais allait bien.

« Occupe-toi plutôt de Marion, dit-elle. Je vais voir si ce policier n’est pas blessé. »

Thomas s’agenouilla devant la fille-fantôme. Il posa une main affectueuse sur son épaule. En sentant ce contact chaleureux, Marion se laissa tomber dans les bras du jeune professeur. Elle continuait de pleurer en serrant Thomas contre elle, cherchant la protection de ses bras. Thomas referma ses bras sur elle pour l’étreindre. Il la berça doucement.

« Tout va bien Marion, chuchota t-il. Il ne te fera pas de mal. Je ne laisserai personne te faire du mal.

-J’ai vu tant de choses dans son esprit, pleura Marion. Je ne voulais pas mais son esprit est trop fort. Il veut savoir. Il veut comprendre.

-Quoi ? Que veut-il savoir et comprendre ?

-D’où il vient et pourquoi il est né. Il veut savoir qui il est et dans quel but il est là. Il veut retrouver ceux qui lui ont imposé cette vie. Ceux qui ont fait de sa vie un mensonge. Rien ni personne ne pourra l’arrêter. Il est prêt à tuer tous ceux qui se mettront en travers de son chemin. »

           Thomas regarda sa sœur essayer de réveiller Albert Chergnieux. Malgré toute sa volonté, ses efforts restaient vains. Thomas voulut se relever mais Marion ne parut pas décider à le laisser partir. Elle voulait conserver le contact affectueux de son corps contre le sien. La sentant encore toute tremblotante, Thomas décida de la prendre dans ses bras pour la porter. Marion s’accrocha à son cou, enfouissant son visage contre la gorge du dragoniar. Malgré sa peur encore bien présente, elle parvint à esquisser un sourire. Le premier depuis des années. Cela la surprit. C’était si facile de sourire avec lui.

           Le professeur Tréveune sortit de son bureau. Il tendit sa baguette vers Chergnieux.

« Enervatum, incanta t-il. »

Le policier ouvrit les yeux et se releva. Il regarda autour de lui mais ne trouva aucune trace de Pierrick Chaldo.

« Où est-il parti ? questionna t-il.

-Il a dit qu’il allait retrouver Malgéus, répondit Thomas. Je ne sais rien de plus. »

Chergnieux se leva d’un bond et se mit à courir vers l’entrée du palais.

« Que comptez-vous faire ? lança Thomas.

-L’arrêter, cria Chergnieux.

-Vous ne pourrez pas. Il est dans un état d’esprit qui lui dicte de ne laisser personne se mettre entre lui et son but. Il vous tuera si vous vous mettez en travers de sa route.

-Ce maudit Corbeau. Que lui arrive t-il cette fois-ci ? Il fait chier ! »

Chergnieux continua de courir.

           Laura s’approcha de Thomas et Marion.

« Que comptes-tu faire ? demanda t-elle à son frère.

-Déjà, je vais appeler Franck et Jonas, répondit Thomas. Je dois les prévenir.

-Alors on va chez toi. Tu comptes la garder dans tes bras encore longtemps, fit-elle avec un regard amusé.

-Elle est bouleversée.

-Je l’ai bien compris. Malgré tout, elle arrive à sourire. Et je pense que tu n’y es pas étranger. »

 

           Yann Firvel se trouvait dans une maison qu’il possédait depuis quelques semaines à peine. Il la possédait depuis qu’il avait commencé à avoir des doutes sur ses employeurs et leurs motivations. Il l’avait acheté sous un faux nom. Il n’y venait qu’en transplanant ce qui lui assurait de ne pas être vu y entrer ou en sortir. De plus il gardait tous les volets fermés. Il avait disposé l’ensemble des dossiers volés au 13ème Bureau sur une table. Le vol devait avoir été découvert maintenant. Il s’en soucierait plus tard. Il devait d’abord savoir. Le nom de l’espion du 13ème Bureau au Ministère de la Magie était un certain Guillaume Miniard, travaillant au cabinet du Ministre. Une place stratégique. Il ne dévoilerait pas cette information. Pas tout de suite du moins et pas à n’importe qui. Si le monde des Sorciers découvrait l’existence du 13ème Bureau, ce serait une source de déstabilisation qui pourrait le faire basculer dans le chaos.

           Yann Firvel sortit de sa veste le dossier de parchemin qu’il avait récupéré en premier. Il en reconnut la page de garde où se trouvaient en capital les mots : « PROJET GLADIUS ». A la déchirure sur le bord, il devina que c’était en fait la deuxième page du dossier. La première avait été arrachée. Il l’avait déjà constaté le jour où il l’avait récupéré. En le feuilletant rapidement ce jour là, il avait remarqué que seules quelques pages étaient couvertes d’écritures et de schémas ésotériques. Mais il n’avait pas eu le temps de les regarder en détails. Il se souvenait juste de quelques dessins représentant une forme humaine.

           Firvel tourna la page. Il découvrit un texte visiblement manuscrit. D’après le ton, il s’agissait d’un avertissement concernant le contenu du dossier. Ou un aveu.

« A quiconque trouvant ce dossier, sachez une chose, j’aurai dû le détruire il y a longtemps. Mais comment faire disparaître ce qui fut le plus ambitieux projet de ma vie. Aussi terrible soit-il, quelque soit l’ampleur des erreurs que nous avons commises en décidant de nous lancer sur ce chemin, nous ne pouvons renier ce que nous avons fait et en effacer toute trace comme si nous n’avions rien fait. Que celui qui découvre nos actes ait le courage et la bonté de nous pardonner. L’Histoire nous en est témoin, nous avions d’autres choix, mais plus beaucoup d’espoir.

           De par ce projet, quelques personnes ont souffert, et d’autres sont mortes. Certains diront trop mais on ne peut gagner une guerre sans faire de sacrifice. J’en reste conscient aujourd’hui.

           Notre but était simple : créer une arme pour vaincre Voldemort. Cette arme nous l’avons fabriquée. Nous l’avons forgée lentement durant huit ans. Mais alors que l’on voyait renaître un espoir au bout du tunnel sombre dans lequel nous nous étions engouffrés, elle nous a échappés. Nous pensions la contrôler mais ce n’était qu’illusion. Nous avions tenté d’utiliser des forces qui nous dépassaient sans nous apercevoir que nous ne pouvions rien faire pour les maîtriser. Et comme toute arme sur laquelle nous n’avons aucune maîtrise, elle s’est retourné contre nous.

           Pardonnez-nous notre arrogance, nos erreurs. Et une fois cela fait, détruisez ce dossier que je n’ai pas eu le courage de brûler. En espérant que cette nouvelle faiblesse ne nuira à personne d’autre.

 

Professeur Antoine Maximilien Faros

Directeur de l’Académie de Magie Beauxbâtons

Instigateur du Projet Gladius »

 

           Yann Firvel commença à parcourir les pages du dossier. Ce qu’il découvrait sur les pages que le charme de dissimulation ne masquait plus le terrifia à mesure qu’il avançait. Cela ne pouvait être possible. Et pourtant…

           Comment ont-ils pu aller aussi loin ?

 

 

 

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