Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 69 : II L'Article

3141 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 20:14

           CHAPITRE II : L’ARTICLE

 

                       Septembre 1982

 

           Maldieu réfléchissait en regardant les braises rougeoyantes et les flammes orangées dans l’âtre de la cheminée de son bureau. Le même bureau depuis maintenant vingt-quatre ans. Certaines choses ne changeaient pas. Chaque affaire en rappelait une autre. Et pourtant, celle-ci avait quelque chose de différent. Il n’arrivait pas à mettre le doigt sur ce qui le dérangeait, mais quelque chose ne collait pas. Et pourquoi avait-il repensé à ce jour funeste de l’année 1978 où Gilles et Françoise Chaldo avait été tués ? Son subconscient le prévenait-il qu’il faudrait bientôt payer pour les erreurs du passé ? Non. Ils n’avaient pas fait d’erreur à l’époque. Ils avaient agi comme ils le devaient. Pour eux, c’était la seule solution envisageable. Mais ils payeront quand même. François Garde avait peut-être raison à l’époque. Mais lui aussi s’était impliqué. Lui aussi payera. Maldieu savait qu’il l’accepterait. Il l’avait déjà accepté. Mais pour l’heure, François Garde se trouvait inconscient à l’hôpital Gardevie.

           Charles Maldieu avait l’impression de ne pas avoir dormi depuis des jours. C’était presque vrai. Le jour se levait après une première nuit blanche. Quelques heures plus tôt à peine, Malgéus, le maître des mangemorts français, enlevait le jeune Hans Friedrich. Friedrich était descendant des druides germains. Malgéus espérait pouvoir tirer de lui un rituel ancien pouvant lui donner une puissance sans limite. Et pourtant, ce rituel avait détruit les druides à l’époque des guerres romaines. Mais l’ambition et l’arrogance de Malgéus étaient trop fortes pour qu’il se rende compte des risques. Ou du moins, qu’il en fasse état.

           Malgéus avait réussi à repérer Hans Friedrich. Le jeune homme était pourtant sous la protection du meilleur chasseur de la section Spéciale : Pierrick Chaldo. Chaldo avait même caché l’adolescent au Département des Chasseurs. Craignait-il la présence d’une taupe au sein même des Chasseurs ? C’était l’explication la plus logique pour expliquer son comportement. De même que cela expliquait comment Malgéus avait su pour le sortilège jeté par Hans Friedrich et repéré par sa Trace avant les Chasseurs. Une des priorités était de démasquer cet espion. Maldieu ne s’en inquiétait pas. Il se doutait que Franck Vinol et Jonas Marus, deux de ses meilleurs hommes respectivement des sections IRIA et S, étaient sur le coup.

           Non. Ce qui inquiétait le plus Charles Maldieu, c’était une question : pourquoi Malgéus n’a-t-il pas éliminé Pierrick Chaldo quand il en a eu l’occasion ? Il connait pourtant le danger qu’il représente pour lui. La seule explication venait une fois de plus de l’arrogance du mage noir. Il devait croire que le Corbeau comme beaucoup l’appelaient allait se joindre à lui. La probabilité était faible mais pas inexistante. Maldieu espérait juste que Chaldo détruirait Malgéus avant de se réveiller totalement. Où était-il en ce moment d’ailleurs ? Maldieu l’ignorait. Il savait juste qu’il devait être entrain de rechercher activement Hans Friedrich. Il se doutait que cette question, quelqu’un d’autre se la posait à quelques kilomètres à peine. Quelqu’un qui viendrait sûrement demander des nouvelles, tout à l’heure.

 

           Chun Yang-Li se réveillait. Seule dans le grand lit. C’était la deuxième nuit d’affilé qu’elle était seule dans ce lit. Normalement, quelqu’un d’autre devrait y être, se réveiller juste à côté d’elle, leurs doigts intimement entremêlés. Un jeune homme, un peu plus jeune qu’elle, avec des yeux sombres et des cheveux noirs. Un sorcier. Un combattant. Un chasseur. Mais depuis deux jours, alors qu’il aurait dû être en vacances avec elle, il était parti en mission. Quelle mission ? Elle l’ignorait. Tout à l’heure, elle irait au Ministère français de la Magie et demanderait des nouvelles à ses collègues. Peut-être même le verrait-elle ? Elle pourrait donc échanger quelques mots avec lui, l’embrasser. Tout dépendrait de l’urgence de sa mission.

           La veille, Chun avait passé la soirée à discuter avec son collègue et ami Jacques Mareau. Ce dernier avait découvert l’existence du monde de la Magie et était venu demander des éclaircissements à la jeune femme. Il semblait avoir été en contact avec un agent d’une branche secrète des services secrets français. Une branche surveillant Pierrick et elle, ainsi que le Ministère de la Magie. D’après sa description, Jacques avait été en contact avec Yann Firvel. Cela expliquait l’attitude mystérieuse et les connaissances qu’affichait cet homme. Mais pourquoi un sorcier travaillerait-il pour le gouvernement moldu ? Car il ne pouvait être qu’un sorcier. Un animagus de surcroit au vu de sa capacité à se transformer en pygargue. Encore une chose qu’elle devait éclaircir.

           Chun se leva. Elle commença par aller aux toilettes. Au moment d’en ressortir, elle sentit quelque chose d’acide lui remonter l’œsophage. Elle se précipita à nouveau dans les toilettes et se pencha au dessus de la cuvette pour vomir. Depuis quelques jours, elle se sentait souvent nauséeuse le matin. Elle devait avoir attrapé un virus. Ce n’était pas encore trop grave. Surtout qu’elle n’avait pas de fièvre. Elle irait peut-être voir son médecin si elle en a le temps.

           En attendant, elle alla se faire un petit-déjeuner. Le hibou avait apporté le journal comme tous les matins. Elle commença à le lire en buvant une gorgée de jus d’orange. Espérant y voir un article qui lui dirait ce qui retenait Pierrick loin d’elle. Elle resta figée en découvrant la une. Un article s’étalait sur toute la première page, entourant la photo d’un palais qu’elle connaissait. L’Académie de Magie Beauxbâtons. Elle se lança dans la lecture.

 

DES MANGEMORTS S’ATTAQUENT A BEAUXBÂTONS

 

           Dans la nuit de lundi à mardi, des mangemorts appartenant au groupe de Malgéus est parvenu à s’infiltrer dans le domaine de l’Académie de Magie Beauxbâtons. Les terroristes se seraient rendus immédiatement vers les dortoirs des élèves dans le but de s’en prendre à un élève en particulier pour une raison qui n’a toujours pas été révélé par le Département des Chasseurs chargé de l’affaire. Officiellement, les autorités ont reconnu que les mangemorts avaient usé de ruse et n’avaient pas hésité à tuer pour entrer. Le concierge, monsieur Bruno Hidalgo, ainsi que la gardienne des dortoirs, madame Clémentine Mahé, ont été retrouvés morts. Selon le récit officiel, aucun élève n’a été blessé. Mais selon un élève désirant garder l’anonymat, un de ses condisciples aurait été enlevé par les mangemorts. Cet élève enlevé s’appellerait Hans Friedrich.

           Le même témoin parle de la présence de chasseurs dans l’Académie au moment des faits. Des chasseurs qui seraient arrivés plusieurs heures avant. Cela signifie que les Chasseurs connaissaient l’éminence d’une attaque. Mais au lieu de mettre des effectifs suffisants pour inciter les mangemorts à ne pas attaquer, ils ont décidé de leur tendre un piège, préférant risquer la vie d’enfants. Interrogé sur ce point, Charles Maldieu, directeur du Département des Chasseurs à répondu : « Nous n’avions aucune preuve vraiment formelle de l’éminence de cette attaque. Nous avions eu une information parlant de la possibilité d’une telle action et avons agi en conséquence par sécurité. Le reste des Chasseurs effectuaient alors une opération de débusquage pour trouver ces mangemorts avant qu’ils ne mettent un tel plan à exécution. Il faut savoir qu’attaquer une institution comme l’Académie Beauxbâtons est extrêmement risquée pour un petit groupe comme les mangemorts de Malgéus. La rentrée étant faite, l’école se trouve pleine de sorciers très compétents et de centaines d’élèves pouvant se défendre. Même au plus fort de sa puissance, Vous-savez-qui n’a jamais osé s’attaquer à Hogwart. »

           Interrogé sur l’enlèvement de Hans Friedrich, Charles Maldieu n’a pas nié mais n’a pas donné de plus amples informations, disant simplement que son meilleur homme était chargé de retrouver l’adolescent. Nous apprenons par la même occasion que quelques heures avant l’attaque, les parents de Hans Friedrich ainsi que sa petite sœur âgée de six ans ont été assassinés par les mangemorts. Maldieu refusera de nous en dire plus, estimant que se serait mettre la vie du jeune homme en danger. Il préfère nous rappeler que durant la nuit, onze mangemorts ont été arrêtés. Maigre compensation vis-à-vis de la vie d’un enfant toujours en suspens mais dont les Chasseurs semblent se contenter.

           Toujours est-il qu’aucun chasseur n’assure la sécurité à l’Académie. Les Chasseurs estimant devoir retrouver les ravisseurs de Hans Friedrich avant tout, ils ont confié la sécurité de l’école à l’Unité d’Intervention de la Police Magique. Une unité qui, au contraire des Chasseurs, n’a jamais connu l’échec. Le chef de la Police Magique, Yves Dakus, a d’ailleurs accepté de nous dire quelques mots : « Les Chasseurs ont agi avec négligence et arrogance. Ils auraient dû faire de la sécurité des élèves leur priorité mais ils ont un goût immodéré pour le spectaculaire. S’ils avaient réussi à empêcher l’enlèvement, je serais le premier à les féliciter pour l’arrestation d’une dizaine de mangemorts. Mais voilà, ce n’est pas le cas. Les méthodes des Chasseurs ont peut-être fait leur preuve par le passé, mais elles sont aujourd’hui dépassées. Maldieu refuse toujours d’obéir au décret ministériel lui ordonnant de coopérer plus étroitement avec mon service. Et on en voit maintenant le résultat. Mes hommes assurent la sécurité de Beauxbâtons. Et je compte bien mettre tous les moyens à ma disposition pour retrouver le jeune Hans Friedrich. Ce n’est pas une compétition avec les Chasseurs. Je suis toujours prêt à coopérer avec eux. Mais vu qu’ils refusent, je ne vais pas les attendre. » Espérons que la Police Magique réussisse là où les Chasseurs ont échoué lamentablement.

 

           Chun avait pâli. Elle connaissait Hans Friedrich. Il s’agissait du petit ami de Laura Jiraud, la sœur de Thomas. La jeune fille devait être effondrée. Mais autre chose outrait la jeune chinoise. Le ton qu’avait pris le journaliste vis-à-vis des Chasseurs. Il avait l’air d’avoir écrit l’article plus pour les discréditer que pour informer. De plus, il avait encensé la Police Magique de ce Bouffeur de Cadavre de Yves Dakus. Tout ça était encore le résultat d’une lutte d’influence au sein du Ministère. Une lutte sûrement orchestrée par le Ministre de la Magie Erwan Riliam en personne. Le « Sanglier » comme beaucoup l’appelait parmi les Chasseurs.

           « Son meilleur homme, disait Maldieu. »

Chun n’avait pas besoin de réfléchir pour savoir de qui il parlait. Ce ne pouvait être que Pierrick. Le Corbeau était en chasse. Et sa réputation le disait bien : il n’avait jamais lâché ni raté une proie. Mais comme pour l’affaire des vampires, elle ne put refreiner le mauvais pressentiment qui naissait en elle. Elle n’avait pas peur pour la vie de Pierrick. Elle le savait assez fort pour se sortir vivant de toutes les situations. Non, c’était autre chose. Quelque chose qu’elle n’arrivait pas à deviner.

           « Où est-il ? »

 

           Pierrick Chaldo ne savait pas vraiment où chercher pour le moment. Il se rendait dans des lieux connus pour être des rassemblements de mages noirs, interrogeant certains des passants et habitués de ces lieux. Il ne les arrêtait pas. Cela ne servirait à rien. Ils n’étaient que des petits sorciers jouant avec des forces basiques et ne représentant aucun danger. Les Chasseurs contrôlaient tout de même régulièrement ces lieux et arrêtaient ceux allant trop loin selon eux. Mais cela arrivait rarement. Ces mages noirs sans envergure préféraient faire profil bas pour ne pas attirer l’attention sur eux et continuer leur petit commerce sereinement. Ça allait de la malédiction sans efficacité à la potion médicinale aux effets étranges mais qui ne faisait généralement qu’envoyer les clients à Gardevie sans risque pour leur vie. En cas de réel empoisonnement, la plupart du temps, les Chasseurs passaient l’affaire à la Police Magique. Les Chasseurs avaient déjà trop de travail avec les différents groupe de mangemorts encore actifs. Celui de Malgéus étant le plus dangereux.

           Le jour était levé depuis quelques heures à peine. Pierrick s’autorisait quelques instants de repos en haut d’un immeuble de la ville de Lyon. Il sentait le manque de sommeil se faire sentir. Cette nuit, il n’avait pas dormi, et la nuit précédente fut courte. Il n’avait dormi que quelques heures, laissant la garde de Friedrich à Yann Firvel. Mais maintenant, il n’avait plus le temps de se reposer. Le temps était compté. A chaque instant passant, Hans Friedrich était certainement torturé et risquait la mort. Il devait le retrouver.

           Alors que la chaleur montait, Pierrick appréciait la caresse des rayons du soleil. Une caresse qu’il avait réappris à apprécier avec Chun. Soudain, une douleur lui emplit le crâne. Le décor qu’il avait sous les yeux disparut derrière un flou aux couleurs sombres. Un bourdonnement l’assourdissait. Mais rapidement, le bourdonnement fit place à des paroles audibles quoique déformées. Au travers du flou, il distingua des formes s’agiter devant ses yeux. Une lumière flottait devant lui, comme-ci il était allongé sur un lit avec une lampe au dessus de lui. Si c’était le cas, alors les formes bougeaient au dessus de lui aussi.

« …Va-t-il ? fit une voix si déformée qu’il ne pouvait dire si c’était un homme ou une femme qui parlait.

-Il est en parfaite santé, répondit une autre voix. Je n’ai jamais vu un bébé aussi en forme deux jours après la naissance. Ça fait presque peur.

-Pourquoi ?

-Quand il nous regarde, on sent qu’il ne nous regarde pas distraitement comme un simple bébé. On sent qu’il nous scrute plus profondément que la simple enveloppe physique. Et il est déjà très éveillé.

-C’est normal… »

Le bourdonnement repris et le flou s’intensifia jusqu’à devenir opaque.

           La douleur cessa mais il fallut tout de même quelques minutes pour que Pierrick puisse se relever. Ce n’était pas la première fois que ce genre de flash lui arrivait. En fait, c’était la seconde. Mais cette fois-ci, c’était plus clair et plus long. Ce n’était pas de simples mots solitaires et vides de sens par l’absence de contexte. C’étaient des phrases complètes et compréhensibles bien que les voix soient totalement déformées. Ce n’était pas qu’un fond de couleur, mais une image, floue, certes, mais où il avait pu y discerner des mouvements et de la lumière. Il ne comprenait pas ce que signifiaient ces flashs douloureux. Il savait juste qu’ils avaient commencé quelques temps après que Malgéus lui ait infligé un sortilège de Memoris. Un sortilège habituellement appliqué aux individus ayant subi un sortilège d’amnésie pour dissoudre le voile posé sur leur mémoire. Pierrick aurait-il subi un tel sortilège par le passé ? Mais pourquoi les souvenirs ne revenaient que par saccades et avec une telle douleur ? Normalement, ils auraient dû tous revenir d’un seul coup. Encore un mystère qu’il devrait élucider seul.

           Pierrick se transforma en l’oiseau noir qui lui avait donné son surnom. Depuis quand était-il un animagus ? Même ça, c’était flou dans son esprit. Il lui semblait que cela datait de son retour en France. Mais il ne se souvenait pas avoir dû s’entraîner pour obtenir cette capacité. Comme-ci il avait toujours su le faire. Qu’il l’avait juste oublié et qu’elle était revenue lors de la mort de ses parents et de Su. Il ne s’était jamais posé de question la dessus. Estimant inconsciemment que c’était naturel. Maintenant, cela lui semblait moins normal.

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