Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 60 : X Le Maître des Oiseaux

2968 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 20:24

           CHAPITRE X : LE MAITRE DES OISEAUX

 

           Pierrick devait attendre. Et pourtant, son temps était compté. Il devait attendre pour ne pas risquer d’être suivi par un mangemort ou par un de ses collègues. Et d’un autre côté, plus il attendait, plus le moment où les Chasseurs apprendraient que Malgéus n’a pas enlevé Hans Friedrich se rapprochait. Car ils l’apprendraient. C’était obligé. Les mangemorts chercheraient l’endroit où l’adolescent était dissimulé. Et se faisant, ils bougeraient. Un mouvement qui n’échapperait pas à la vigilance des Chasseurs. Une vigilance accrue en ce moment.

           Mais il avait besoin de ce temps pour découvrir une éventuelle taupe dans le Département. Du moins si elle commettait une erreur. En attendant, Pierrick donnait le change en parcourant les lieux habituels, en interrogeant ses informateurs. Il faisait des bonds réguliers au Ministère pour apprendre les dernières nouvelles réunies par les autres.

           Vers quatre heure du matin, il se rendit au bar tenu par sa tante. L’établissement était caché dans une ruelle sombre et sale. Le quartier n’avait jamais été accueillant. Un quartier où la Police Magique et celle des Moldus ne venaient jamais. Une de ces lieux où les deux mondes s’entremêlaient silencieusement. La porte du bar en elle-même était cachée dans l’ombre. Il fallait vraiment savoir qu’elle était là ou bien s’écraser le nez dessus.

           Ignorant les épaves humaines tanguant ou gisant dans la ruelle dans divers états de conscience et de folie, Pierrick frappa à la porte suivant un rythme précis. Une petite lucarne grillagée s’ouvrit, laissant apparaître le haut du visage d’un chauve arborant une boucle d’oreille en forme de pentagramme à son lobe gauche.

« C’est pourquoi ? demanda t-il tout en regardant autour de Pierrick.

-Je cherche des Lutins de Cornouailles en promotion, répondit Pierrick. »

La lucarne se referma et un cliquetis résonna. La porte s’ouvrit, découvrant un homme massif. Une ceinture où se trouvait une collection impressionnante de couteaux ainsi que sa baguette était posée sur ses hanches. Le portier referma derrière Pierrick.

           Le chasseur alla directement jusqu’au bar. Son regard ne fit qu’un tour de la salle, ne s’arrêtant pas vers les jeunes filles et les hommes se déhanchant sous la lumière tamisée de la piste de danse. Il put quand même remarqué que certaines de ses jeunes filles étaient encore l’an passé à Beauxbâtons et se frottait lascivement contre le corps d’hommes ayant au minimum le double de leur âge. Leurs tenues étaient si légères que les mains baladeuses des hommes devaient sentir tout le velouté de leur peau comme-ci elles étaient nues. Dans un coin sombre de la piste, une fille se pressait contre un homme aux cheveux grisonnant, sa bouche contre la sienne et sa main glissée dans son pantalon. Les mains du quinquagénaire étaient elles aussi disparues sous les vêtements de la jeune fille. Une seule était visible tellement le tissu de la robe de la demoiselle était transparent au niveau de sa poitrine. La seconde étant descendue vers un sud plus chaud et humide. Et d’après les ondulations de son corps, la jeune fille semblait apprécier la caresse. Ou du moins, elle savait parfaitement en donner l’impression.

           Le barman servit un verre à Pierrick et partit vers une porte portant la mention « PRIVE ». Il revint quelques instants plus tard et murmura quelques mots à l’oreille du chasseur. Le Corbeau quitta le comptoir pour se diriger vers la porte du bureau de la gérante. Au passage, il remarqua que le couple qui était déjà dans l’ombre précédemment s’était encore plus enfoncé dans le coin. Pierrick ne put voir que la tête esseulée du quinquagénaire basculant parfois en arrière avec une expression de plaisir. La jeune fille était agenouillée devant lui, sa tête faisant des va et vient au niveau de ses hanches.

           Pierrick entra dans le bureau. Sa tante l’accueillit en souriant.

« Tu n’es pas venu tout à l’heure, fit-elle.

-J’ai du travail, répondit-il froidement.

-Je sais. Chun est passée. Elle paraissait déçue que la journée ne se soit pas finie comme elle espérait.

-Je ne suis pas venu pour parler de ça. As-tu des infos sur les mangemorts de Malgéus ?

-Aux dernières nouvelles, ils recherchaient une famille d’origine allemande. Je n’ai rien appris de plus. »

Cet état de fait en appris beaucoup à Pierrick. Emilie avait toujours tout su avant tout le monde car même des mangemorts ou des proches de mangemorts fréquentaient son bar. L’alcool, les filles et d’autres substances aidant, leur langues se déliaient généralement aussi vite que se vidait leurs bourses. Qu’importe lesquelles. Si elle ne savait rien, c’était que les mangemorts cloisonnaient l’information. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : ils étaient toujours activement à la recherche de Hans Friedrich.

           Pierrick n’avait plus rien à faire ici. Il se retourna pour sortir mais sa tante l’interpela.

« Pierrick, tu devrais peut-être aller donner de tes nouvelles à Chun. Ça la rassurerait.

-Elle est forte.

-Je sais. Mais c’est avant tout une femme amoureuse. C’est normal qu’elle s’inquiète pour toi. Surtout qu’elle n’avait pas l’air très bien tout à l’heure. Elle a même faillit vomir.

-Elle a dû attraper un peu froid.

-En restant auprès de toi, ça ne m’étonne pas. Tu es plus glacial qu’un iceberg. »

Pierrick ne répondit pas et sortit. En passant devant la piste de danse, il remarqua que le quinquagénaire et la jeune fille avaient disparu. Sûrement pour continuer leurs ébats ailleurs.

           Sitôt dans la rue, Pierrick transplana jusqu’au toit d’un immeuble anonyme. Son regard plongea jusqu’à une fenêtre ouverte au troisième étage de l’immeuble d’en face. Par la fenêtre ouverte, il pouvait deviner un lit et une silhouette longiligne allongée dedans. Pierrick se changea en corbeau et plana silencieusement jusqu’à la fenêtre. L’oiseau noir entra et le sorcier reprit sa forme humaine. La lune ne s’était pas levée cette nuit mais Pierrick n’en avait pas besoin pour deviner le visage de Chun. Elle dormait paisiblement. Avec douceur, il se pencha sur elle, caressant son visage d’une main. Un sourire se dessina sur son doux visage. Il approcha son visage du sien, entremêlant leurs souffles et déposa un léger baiser sur les lèvres de la belle endormie. Elle ne se réveilla pas. Pierrick voudrait tant pouvoir se glisser à côté d’elle dans le lit et s’endormir en humant le parfum de ses cheveux. Mais il avait une mission. Il devait partir.

           Il reviendrait bientôt…

 

           C’est en usant de légilimancie que Pierrick avait vu l’image de la maison dans l’esprit de Firvel à sa demande. Ce dernier n’avait pas semblé s’inquiéter du fait que le chasseur puisse voir plus que ce qu’il voulait lui montrer. Mais en pénétrant son esprit, Pierrick avait eu l’impression d’être guidé jusqu’à la bonne information.

La maison de pierre lui fit une curieuse impression. Des enchantements avaient été pratiqués sur elle. Les sens de Pierrick étaient si sensibles qu’il identifia tout de suite l’enchantement d’incartabilité et un autre d’impassabilité sur la clôture. Il était obligé de se faire connaître pour entrer. Il produisit un corbeau d’argent qui s’engouffra dans la maison. Un instant plus tard, Yann Firvel sortait de la maison, son Beretta à la main. Il resta à bonne distance de Pierrick et braqua son arme sur lui.

« Où s’est-on rencontré ? lança t-il.

-Au village de Tal-Les-Cimes, dans le manoir de la famille de ma mère, répondit le chasseur. »

Firvel rangea son arme et invita le Corbeau à entrer.

           Firvel désigna un vieux fauteuil à Pierrick et lui servit une tasse de café.

« Où est Friedrich ? questionna directement Pierrick.

-Il dort toujours, répondit Firvel. Je l’ais installé dans la chambre là. Je suppose que tu as des questions à me poser. J’ai promis de te dire la vérité et je tiendrais parole.

-Tu es celui qui a volé le feuillet à Beauxbâtons il y a trois mois. Tu as tiré sur Thomas ce jour là.

-J’ais tiré à côté. Je ne voulais que l’inciter à ne plus avancer. Je n’aurais jamais tiré sur lui, même pour le blesser légèrement.

-Où est ce feuillet ?

-Entre les mains de mes employeurs.

-Sais-tu ce qu’il contient ?

-Je ne connais que ce qui est écrit sur la première page. Il parle d’un certain projet Gladius. Sais-tu quelque chose à ce sujet ? »

           Un flash traversa le crâne de Pierrick. Il avait déjà entendu ce terme quelque part. Gladius. Ce mot était étrangement familier à ses oreilles. Non, c’était plus que ça. C’était comme-ci ce mot était totalement lié à lui. Mais aucune image, aucun son ne revint des profondeurs de sa mémoire.

« Ça ne me dit rien, préféra t-il dire. Qui sont tes employeurs ?

-Toujours aussi direct. Je travaille pour une branche secrète du gouvernement.

-Les langues-de-plomb ?

-Pas le gouvernement magique. Je travaille pour le gouvernement moldu. Je vais t’expliquer, inutile de poser des questions. Le Président de la République est au courant de l’existence des Sorciers. Cela fait la somme des relations officielles entre la France magique et la France moldue. Mais le dernier président était inquiet par rapport à l’existence d’une communauté ayant ses propres lois et vivant cachée parmi la population. Il avait, bien sûr, entendu parler de Voldemort et de ses mangemorts. Il avait compris qu’en ces temps obscurs, la corruption était de mise au Ministère français de la Magie. Il décida donc de surveiller le Ministère à son insu. Une unité des services secrets rattachés à la DST fut mise sur pied avec cette mission. Au début, ce fut des agents classiques qui furent recrutés. Mais rapidement, le 13ème Bureau comme certains l’appellent, remarqua que même les méthodes de pointe de l’espionnage moldu se montrèrent inefficaces. Il fallait des sorciers pour espionner des sorciers.

-C’est comme ça qu’ils t’ont recruté. Mais cela n’explique pas pourquoi tu n’es enregistré nulle part dans l’administration magique.

-Tout simplement parce que je n’ai jamais été enregistré par l’administration magique. Tout comme tous mes collègues. Sais-tu comment le Ministère repère les enfants sorciers naissant chez les moldus ?

-Oui, c’est le Département d’Enregistrement Citoyen qui s’en occupe. Il possède un parchemin enchanté sur lequel le nom de tous les Sorciers naissant apparaît. Après, ils n’ont plus qu’à faire des recherches pour déterminer si la naissance a eu lieu dans une famille sorcière ou moldue.

-Es-tu sûr à 100% de l’efficacité de cet enchantement ?

-Ce n’est pas mon domaine. Je ne connais que la théorie.

-Et bien je peux te le dire, la réponse est non. Certains enfants, pourtant sorciers, n’apparaissent pas. Ils grandissent en développant différentes capacités. Je suppose que le Ministère n’en parle pas pour garder une image de perfection auprès de ses administrés. Certains deviennent incontrôlable mais d’autres parviennent à se maîtriser et à se servir de ces dons. J’ai remarqué très tôt que je n’étais pas comme les autres. J’ai développé des sens plus aigus, ainsi qu’une forme physique que m’enviaient les champions. Je me suis engagé dans l’armée. Mais rapidement, je fus contacté par le 13ème Bureau. Ils avaient remarqué mes dons. Et c’est ainsi que j’ai finalement su qui j’étais.

-Je croyais que tu devais dire la vérité.

-Tu es un vrai détecteur de mensonge ! sourit Firvel. Je voulais te cacher quelque chose d’assez intime. J’avais une idée de ce que j’étais avant d’entrer à l’armée. Je suis orphelin et le jour de mes dix-sept ans, j’ai reçu une lettre anonyme qui m’avouait ma nature de sorcier. Je ne l’ais pas vraiment cru sur le moment mais je ne voyais pas d’autres explications. Cette lettre contenait aussi toutes les indications pour trouver cette maison en me disant qu’elle était à moi. Je suppose que j’avais de la famille sorcière qui a veillé sur moi de loin. J’ignore pourquoi ils ne se sont pas fait connaître.

-Tu n’as jamais appris à te servir d’une baguette ?

-Non. Tout ce que j’ai ce sont mes capacités physiques, mes sens légèrement plus fins, et mes deux autres petites facultés que j’ai développé une fois à la DST.

-Le transplanage et l’animagie.

-Oui. Je sais que normalement, il faut avoir une baguette pour transplaner, mais il semble que cette théorie soit fausse. Je réussi à transplaner sans baguette. Et pour devenir animagus, j’ai dû m’entrainer très dur. Mais grâce à ça, j’ai développé en parallèle une capacité à communiquer avec les oiseaux. Je pense que c’est à ça que servait l’animagie à l’origine. Ça a juste été oublié. Les Sorciers sont tellement obnubilés par la maîtrise et la puissance que leur procure ce catalyseur de flux magique qu’est la baguette qu’ils en oublient que les premiers sorciers en étaient dépourvus. J’ai même rencontré une famille de sorciers vivant pas très loin d’ici qui modèlent les éléments à leur convenance avec leurs mains seules. Des gens sympathiques quoiqu’ayant la frappe facile !

-Que veulent tes chefs ?

-Je l’ignore. On dirait qu’ils cherchent à mesurer le danger que représenterait la communauté magique pour la planète.

-Quelle était ta mission à l’origine ?

-Te surveiller. Et ce depuis ton retour de Chine. J’ai donc demandé à mon meilleur espion personnel de t’accompagner.

-Qui ?

-Le voici. »

           Pierrick se tourna vers une fenêtre ouverte pour y découvrir Bran. Le corbeau s’envola pour venir se poser sur l’épaule de Firvel. Ainsi donc, même Bran avait une mission. Le corbeau resta quelques secondes sans bouger puis vint se poser juste devant Pierrick. Il avait l’air d’attendre. Puis il vint sur son épaule.

« Il t’aime beaucoup, sourit Firvel. Ce qui au début était une requête de ma part est devenu quelque chose de normal pour lui. Et je dois ajouter qu’il est rare que Bran apprécie quelqu’un. C’est un solitaire.

-Comme moi.

-Et moi aussi. Nous sommes tout trois des solitaires qui nous battons pour les autres.

-Pourquoi me surveillent-ils ?

-Mes chefs ont l’air de beaucoup s’intéresser à toi. Mais j’ignore totalement pourquoi. J’ai cherché à le découvrir depuis l’affaire de Beauxbâtons mais ils ont tout cloisonné. Je crois qu’ils doutent de moi. Ces derniers temps, je me suis senti suivi.

-Ce n’est pas qu’une impression. Quelqu’un surveille cette maison depuis la forêt.

-Quoi ?!

-La présence est tellement diffuse que j’ai eu du mal à le repérer et je n’en ais pas tenu compte en arrivant. Mais en y repensant, il y a quelqu’un pas loin. Bizarrement, je n’arrive pas à le repérer précisément.

-Une présence diffuse. Comme un esprit flottant dans l’air sans consistance ?

-Oui. Tu sais qui c’est ?

-Je crois. Il doit s’agir de Marion Locca, nom de code : White Ghost. Une jeune fille de dix-sept ans ayant pour spécialité la filature et la disparition. Pas étonnant que je n’ai pas réussi à la repérer.

-Tant que nous ne pouvons pas la repérer précisément, c’est inutile d’essayer de la débusquer. Elle n’a pas l’air de bouger. Laissons-la. »

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