Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 59 : IX Mensonge et Vérité

3128 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:33

           CHAPITRE IX : MENSONGE ET VERITE

 

           Pierrick rentra au Ministère. Les paroles de Firvel résonnaient encore dans sa tête. Mais plus encore, c’était le sens qu’il se devait de donner à ses mots qui occupait son esprit : ne faire confiance à personne. Dans le couloir, il rencontra Franck Vinol et Jonas Marus. Et si l’un d’eux était un espion ? Voir les deux ? Après tout, le document archivé sur Hans Friedrich avait été classé par Franck. Faire semblant de ne pas le retrouver était facile. Quand à Jonas, il était là lors de la réunion. Il aurait très bien pu se glisser discrètement dans la salle des archives avant Franck et le consulter pour ensuite le cacher.

           La suspicion était de mise. Malgré tout, Pierrick n’en montra rien. Il devait faire comme-ci de rien était pour pouvoir découvrir la vérité. Il se promit juste de les surveiller discrètement.

           Ils se rendirent tous les trois dans le bureau de Maldieu. Ce pouvait être aussi lui. Pierrick n’ignorait pas son goût du secret. Il lui semblait que le directeur du Département des Chasseurs cachait beaucoup de secrets à tous. Y compris et surtout au Ministre lui-même, Erwan Riliam, le Sanglier. Suzanne Janis les rejoignit. Pierrick pensa une seconde que c’était peut-être elle mais cette idée lui semblait absurde. Après tout, sa sœur avait été tuée par un mangemort et il avait cru comprendre cette nuit que l’assassin n’était autre que Kylian Névris. Il imaginait mal la chef de la section spéciale s’associer à lui, surtout connaissant son caractère. Mais il ne pouvait se permettre une erreur d’appréciation.

           « Que s’est-il passé ? interrogea Maldieu.

-Des mangemorts menés par Névris, raconta Pierrick. Ils se sont introduits dans l’Académie. Garde, Thomas et moi les avons combattus mais Névris a réussi à s’enfuir en emportant Hans Friedrich. J’ignore où il l’a emmené. Les AI envoyés à Beauxbâtons vont bientôt revenir avec les mangemorts que nous avons neutralisé. Leur interrogatoire nous en apprendra plus j’espère. De notre côté, François Garde doit être en route pour Gardevie. Il a prit plusieurs éclairs de stupéfixion.

-Je vois. Nous devons débusquer Malgéus au plus vite. Vinol, qu’est-ce qu’à donné la recherche de d’autres familles potentiellement descendantes des druides germains ?

-Pour l’instant rien, répondit l’agent de la section IRIA.

-Marus, et de votre côté ?

-J’ai remué mes indics, indiqua t-il. Certains m’ont clairement dit qu’ils ne savaient rien. D’autres vont me recontacter s’ils ont des infos. Mais connaissant le sens de la discrétion de Malgéus, on a peu de chance de le trouver. Cela fait des mois que nous n’arrivons pas à le localiser.

-Il faut continuer, dit Maldieu. C’est la seule solution. Chaldo, Marus, Vinol, continuez. »

           Les trois chasseurs acquiescèrent et sortirent. Maldieu tourna vers Janis un regard calculateur.

« Si Malgéus a vraiment Friedrich, alors nous ne pourrons peut-être pas le contenir, dit-il.

-Pourquoi dîtes-vous « vraiment » ? demanda Janis. Vous ne croyez pas ce qu’a dit Chaldo ?

-Nous a-t-il menti ?

-Je n’ai jamais su pratiquer la légilimancie sur lui. Son esprit est trop fermé. Ce n’est même pas de l’occlumancie. Il le fait naturellement. On dirait que son subconscient cherche à le protéger à son insu.

-Je vois. Je vais me rendre à Gardevie, voir si François va bien et s’il peut nous en apprendre plus sur l’attaque de Beauxbâtons. »

 

           Jacques Mareau ne dormait pas beaucoup en ce moment. Il s’inquiétait trop. Chun était comme une fille pour lui. Il savait qu’elle était heureuse avec ce Pierrick Chaldo. Et pourtant, un détail l’avait gêné. Quelque chose qu’elle lui avait dit : « Il fait à peu près le même travail que nous. ». Elle ne pouvait pas en parler clairement. Peut-être qu’elle-même l’ignorait. Pierrick Chaldo était-il un agent de la DGSE ou de la DST ? Ou alors était-il un affabulateur cherchant uniquement à arnaquer ou à mettre Chun dans son lit ?

           Jacques Mareau ne l’avait jamais avoué à Chun, mais avant de devenir un enquêteur de la Police Criminelle, il avait travaillé pour un service obscur de la DST. Il savait tellement de chose sur les dessous de l’Etat qu’il pourrait très facilement le détruire. Mais il se savait surveiller constamment. Malgré ses précautions, il savait qu’un seul mouvement suspect signerait son arrêt de mort. Il avait pourtant pris un risque. Il avait contacté un de ses anciens collègues travaillant toujours à un haut niveau des services secrets. Il lui avait demandé d’effectuer des recherches sur Chun et son petit-ami ainsi que sur un endroit à Bobigny où il avait suivi la policière un jour.

           La recherche ne lui avait appris qu’une chose : Chun était embarquée dans une étrange histoire. Pierrick Chaldo et Chun Yang-Li étaient fichés avec la mention « à surveiller » dans un service si obscur et secret que même son ancien collègue n’avait pu en apprendre le minimum sur eux. Les bruits de couloirs parlaient de démonologie, de sorcellerie pour ce service sans nom mais nominé par le peu de personne qui en avait entendu parler sous l’appellation : 13ème bureau.

           Depuis, il avait continué son enquête mais plus il en apprenait et moins il comprenait. Toutes les rumeurs dont on lui parlait traitait de la même chose : l’ésotérique. Il y eut des bruits sur la mort d’un agent de type « nettoyeur » au moment où Chun avait disparu ou à peu près. Personne ne pouvait donner de date précise. Surtout que cette mort et cette disparition coïncidaient avec une affaire de vampire.

           Jacques n’y croyait pas. Il pensait plutôt à des noms de code pour désigner des opérations et des agents. Quand à l’endroit où il avait suivi Chun avant sa disparition, il était appelé « site M ». Jacques y était retourné une nuit. Armé d’un pied de biche, il avait essayé de déclouer les planches barrant les entrés de ce bâtiment laissé visiblement à l’abandon depuis des décennies. Mais il n’y parvint pas. Aucun son n’en sortait. Cela l’aurait étonné.

           Quelqu’un sonna à la porte. Malgré l’heure tardive, Jacques Mareau alla ouvrir. Un homme maigre entra. Il s’installa dans le canapé, attendant que son hôte s’asseye en face de lui. Jacques l’observa un instant. Cet homme s’appelait Julien Dérios. Jacques le connaissait depuis des années. Leur histoire mutuelle pourrait faire un beau roman d’espionnage.

« Qu’as-tu découvert de nouveau ? questionna Jacques.

-Que je n’aurais pas dû accepter de t’aider à enquêter sur le 13ème bureau.

-Que veux-tu dire ?

-Plus je fouille, moins je trouve. Ce service est entièrement cloisonné. Tout ce qu’il en sort se sont des rumeurs sûrement déformées et toutes plus extravagantes les unes que les autres.

-Comme quoi ?

-Ceux qui dirigent cette unité seraient entrain de plus en plus douter de l’un des leurs. Un type désignés sous le nom de code « Pygargue ».

-C’est rare mais pas extraordinaire. Tu sais très bien que la parano est une seconde nature dans ce métier.

-Je sais. Mais j’en ai appris d’autres sur ce Pygargue. Il est chargé de surveiller le site M et plus particulièrement le Corbeau et la Grue Blanche.

-C’est-à-dire Pierrick Chaldo et Chun.

-Exact. Ce type est un de leurs meilleurs agents. Expert en combat types guérilla et arts martiaux. Un ancien militaire ou quelque chose dans le genre.

-Rien d’étonnant jusque là.

-Attend. Certains disent qu’il est sorcier ou un truc de ce genre. Il aurait une force extraordinaire et pourrait parler aux oiseaux. Il pourrait même se transformer en aigle.

-C’est tout ?

-J’ai gardé le meilleur pour la fin. Ils ont mis un autre agent après lui pour le surveiller. D’après ce que j’ai cru comprendre, Pygargue agirait sans ordre.

-Ils perdent un agent.

-Dans ce genre d’histoire, j’aimerai savoir qui est ce « ils ».

-Qui est l’agent qui suit ce Pygargue ?

-Son nom de code est White Ghost.

-En anglais !

-C’est tout ce que j’ai pu apprendre.

-Merci.

-A ton service. A vrai dire, je suis mort de trouille à l’idée d’en apprendre plus. Mais d’un autre côté, ça m’intéresse de plus en plus. Si la moitié des rumeurs s’avèrent exact, c’est que le monde dans lequel on vit est bien différent de ce nous croyons. Si ça se savait, ce serait le scandale du siècle voir du millénaire.

-Je ne crois pas en la magie.

-Moi non plus. Mais certains ont l’air d’y croire dur comme fer.

-Je veux juste connaître le fin mot de cette histoire pour sauver Chun.

-Tu l’aimes vraiment cette petite.

-Elle comme une fille pour moi. »

 

           Laura sanglotait encore. Elle n’était pas retournée dans sa chambre. Collée à son frère, elle n’avait plus eu conscience de ce qu’il se passait autour d’elle jusqu’à ce qu’elle soit assise dans un fauteuil. Elle regarda autour d’elle de ses yeux embués de larmes. La décoration ne manquait pas de couleur. Laura devina qu’elle devait se trouver dans l’appartement de fonction de Thomas. Elle ne l’avait pas vu deux mois auparavant mais ce lieu de vie avait changé du tout au tout. La sobriété, disons même l’absence de personnalité qu’affichait l’appartement avant avait été remplacée par une décoration de style chinois avec des éventails et des peintures sur bois représentant des dragons et autres scènes de la vie dans l’Empire du Milieu. Tout animé à la mode sorcière. Sur une petite table située près du fauteuil, Laura remarqua une photo joliment encadrée sur laquelle elle reconnut son frère malgré ses longs cheveux châtains tressés à la chinoise. A ses côtés, se tenait souriante une femme d’une grande beauté. Laura l’avait déjà vu sur une photo dans le bureau de son père : Sima Zimong, la mère de Thomas.

           Thomas entra dans le salon en portant un plateau sur lequel se trouvaient deux tasses de porcelaines magnifiquement décorées, une théière assortis et une petite assiette de gâteaux chinois. Thomas avait sûrement remarqué ce que regardait sa petite sœur car tout en servant le thé, il dit :

« C’est ma mère.

-Je sais, il y a une photo d’elle dans le bureau de notre père. Tu es dessus aussi. C’est grâce à elle que j’ai su qui tu étais. »

Thomas venais de remarquer qu’il n’avait jamais demandé à sa sœur comment elle avait su qu’il était son frère. Il avait supposé qu’elle était tombée sur un journal de leur père. Ainsi, il y avait aussi une photo envoyée par sa mère.

           Le silence tomba dans le salon de l’appartement durant plusieurs minutes. Laura but quelques gorgées de thé sans vraiment s’en rendre compte. Elle était encore entrain d’intégrer l’information selon laquelle les parents et la petite sœur de son petit ami était mort.

« Comment sont-ils morts ? osa t-elle enfin demander. »

Thomas ne répondit pas tout de suite. Il savait que Laura aimait beaucoup les Friedrich. Elle était souvent invitée à venir passer quelques jours chez eux durant les vacances.

« Ils ont été assassinés, avoua t-il. »

La nouvelle fit l’effet d’une bombe dans l’esprit de Laura. Comment pouvait-on vouloir tuer des gens aussi sympathiques ? Malgré la colère et la nouvelle vague de peine qu’elle sentit monter en elle, elle posa avec un calme glacial une autre question.

« Qui a fait ça ?

-Des mangemorts. Du groupe de Malgéus.

-Mais que voulait-il ?

-Je ne sais pas, dit-il en détournant les yeux.

-Tu mens très mal. »

Thomas resta une fois de plus silencieux. Devait-il lui dire ? Elle était concernée d’une certaine manière. Elle était en droit de savoir ce que risquait Hans. Mais d’un autre côté, le savoir l’inquièterait plus qu’elle ne devrait. Comment réagirait-elle en sachant que Hans était entre les mains de Malgéus pour effectuer un obscur rituel ?

« J’ai bien compris que Hans a été enlevé, dit Laura. J’en ai entendu plus que tu ne le crois. Mais pourquoi l’ont-ils pris vivant ?

-Ils ont besoin de lui. Hans est un descendant des druides germains. Malgéus pense qu’il connait un rituel pouvant lui donner une grande puissance.

-Il a sûrement raison. Hans ne me l’a jamais dit, mais j’avais deviné qu’il faisait des recherches personnelles. J’ignorais juste qu’elles portaient sur la magie druidique et qu’il était un descendant des druides. Je ne lui ais jamais posé de question. Je pense même qu’il ne se doute pas que je sache qu’il fait ce genre de recherche. Mais je suis sa petite amie, j’aurais été aveugle de ne pas le remarquer. »

Laura laissa passer un nouveau silence avant de poser une autre question.

« Est-ce qu’il était au courant pour sa famille quand il s’est fait enlevé ?

-Non. Il va l’apprendre de la bouche même des assassins de sa famille. Nous ne pouvons faire que deux choses : attendre et espérer que Pierrick sauve Hans. »

 

           Yann Firvel se matérialisa dans un coin boisé. Il avait toujours son arme à la main et Hans Friedrich hissé sur l’épaule. Le jeune homme dormait paisiblement, Pierrick Chaldo s’était assuré qu’il ne se réveille pas avant plusieurs heures. L’arme suivant son regard, Firvel scruta les alentours. Il avait transplané plusieurs fois au hasard pour s’assurer de ne pas être suivi. En théorie, à moins de s’accrocher à la personne qui transplane, on ne peut la suivre. Mais depuis quelques temps, Firvel avait la désagréable sensation d’être constamment épié.

           Une fois rassuré, Firvel se releva et marcha à pas discret jusqu’à une maison de pierre de plein pied située au milieu d’une clairière. Il savait qu’ici personne ne les trouverait. Personne d’autre que lui ne connaissait ce lieu. De plus, cette maison était incartable. Le jour de ses dix-sept ans, une lettre anonyme lui avait appris l’existence de cette maison en lui disant qu’elle était maintenant à lui. Le jeune Yann avait fait des recherches sur cette maison au cadastre mais elle était inconnue de toutes les institutions. Durant un an, il n’osa pas y aller. Et le jour où enfin il prit son courage à deux mains, il découvrit beaucoup de choses. Des choses sur le monde qui l’entourait, et des choses sur lui-même. Il était conscient qu’encore beaucoup de choses lui échappait mais il n’y pouvait pas grand-chose. Cette maison était devenue son refuge. Sa Forteresse de Solitude, comme Superman. Là, il se sentait en sécurité.

           Le grincement de la porte le fit sourire. Toujours les mêmes notes. Une légère couche de poussière s’était déposée sur les meubles depuis son dernier passage. Il nettoierait plus tard. Il déposa l’adolescent sur un lit. Il ne rangea pas son arme. Il ressortit pour faire un dernier tour d’inspection autour de la maison. Il avait toujours cette désagréable sensation d’être observé. C’était sûrement un effet de son imagination. Sa parano avait dû simplement faire un bond en avant. Avec le métier qu’il faisait, ça devait arriver ! Il rentra en rangeant son pistolet dans son étui. D’ici quelques heures, Pierrick Chaldo le rejoindrait.

 

           A l’extérieur de la maison, perchée sur la branche d’un arbre tel un oiseau de nuit, une jeune fille observait la maison de pierre. La branche était gracile et pourtant elle ne ployait pas sous son poids. Elle arborait une longue chevelure noire sauvage et de grands yeux d’un blanc laiteux. Elle ne devait pas avoir plus de seize ou dix-sept ans. Elle venait de voir Yann Firvel faire un dernier tour avant de rentrer. Malgré tout, elle ne bougea pas. Elle restait parfaitement immobile, ne faisant plus qu’un avec la nuit qui l’entourait.

 

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