Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 56 : VI Protégez-le

3334 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 20:10

           CHAPITRE VI : PROTEGEZ-LE

 

           Pierrick Chaldo s’approcha précautionneusement de la maison. La porte d’entrée avait volé en éclat. La baguette à la main, le Corbeau entra. Tous ses sens étaient en éveil. Des traces de lutte marquaient chaque pièce. Des meubles avaient été fracassés contre les murs ou détruits par un quelconque sortilège. Des brûlures de maléfices noircissaient les parois par endroit. Le rez-de-chaussée ne comportait aucun corps.

           Avec toujours autant de suspicion, Pierrick monta au premier étage. Suivant les traces de combat, il entra dans une chambre qui, d’après la taille et les meubles, devait être la chambre du couple Friedrich. Une vraie tuerie. Sur le lit, les bras en croix attachés aux montants, le chef de famille gisait, les yeux exorbités et la bouche ouverte. Ses bras et ses jambes étaient étrangement distendus. Les mangemorts l’avaient écartelé pour le faire parler. Voyant que ça ne marchait pas, ils avaient opté pour une autre méthode.

Au pied du lit, telles deux poupées de chiffons désarticulées, se trouvaient les corps d’une femme de cinquante ans et d’une fillette de six ans à peine. Leur mort n’avait pas été douloureuse. Tuées par l’Avada Kedavra. Pierrick devinait l’identité de l’assassin : Kylian Névris. Un de ses jeux favoris était de demander à ses victimes dans quel ordre tuer leurs proches. Une torture souvent plus cruel que la simple douleur physique.

           Il n’y avait plus rien à faire pour eux. Pierrick espérait juste que le mangemort aux yeux violets n’avait pas obtenu ce qu’il était venu chercher. Si c’était le cas, il faudrait attaquer vite. Mais attaquer où ? Si par contre, il n’avait rien obtenu, alors il faudrait protéger le dernier membre de la famille : Hans Friedrich. Pierrick agita sa baguette, faisant surgir un oiseau d’argent qui s’envola loin de la maison.

           Quelques instants plus tard, Jonas Marus et Franck Vinol arrivèrent. L’analyste commença son travail sans faire de commentaire, prenant des images à l’aide d’une sphère de cristal. Alors qu’il effectuait l’analyse de la scène de crime, les deux chasseurs de la section spéciale allèrent explorer le reste de la maison. Mis à part les traces dut au combat, rien ne différenciait cette maison d’une autre. Les photos qui avaient survécu aux maléfices continuaient à s’animer dans leur cadre. Elles montraient une famille heureuse, des parents souriant, des enfants rieurs. Pierrick reconnut Hans Friedrich à différents âges sur certaines. Laura Jiraud apparaissait sur d’autres, souriante et heureuse au bras de son petit ami.

           Il y avait encore quelques mois, ce genre de découverte n’aurait pas touché le Corbeau. Mais maintenant que son âme recommençait à soupirer d’amour et de sentiments, il ressentait toute la tristesse qu’allait engendrer ce malheur comme la sienne.

           Alors que Jonas redescendait au rez-de-chaussée, Pierrick entra dans une chambre au hasard. Ce devait être la chambre de la petite fille. Une chambre de petite fille comme une autre. Les murs étaient peints d’un rose pastel clair. Sur les étagères, des livres d’images animées s’alignaient. Des jouets, comme des poupées, entouraient une maison de bois verte. Le lit était défait, les draps rabattus sur un des montants. La fillette devait dormir au moment de l’attaque. Sa mère avait dû venir la chercher pour tenter de la mettre à l’abri. Peine perdue. Ils n’avaient même pas eu la possibilité de transplaner. Chaldo savait Névris assez habile pour lancer un sortilège anti-transplanage avec aisance. Ou alors, madame Friedrich n’avait tout simplement pas sa baguette.

           Pierrick entra dans une autre chambre. Cette fois-ci, il n’y avait pas vraiment de trace de lutte. La chambre avait visiblement juste été ouverte violement. Mais voyant qu’elle était vide, les mangemorts se retirèrent. C’était la chambre de Hans Friedrich. La décoration était plutôt sobre. Seules quelques photos encadrées égayaient les murs et certains meubles comme le bureau ou la table de nuit. Ces photos représentaient Hans avec sa famille ou Laura. Celle de la table de nuit les représentait entrain de s’embrasser tendrement. Comment allait-il lui apprendre la mort de toute sa famille ?

           Une équipe IRIA arriva pour aider Franck. Ils travaillèrent toute la nuit, passant la maison au peigne fin. Quand le matin pointa ses rayons à l’est, Pierrick, Franck et Jonas retournèrent au Ministère. Ils allèrent tout les trois dans le bureau de Maldieu. Suzanne Janis, la chef de la section S était présente.

« Klaus Friedrich a été torturés avant sa mort, exposa Franck. D’abord physiquement, puis moralement. Sa femme puis sa fille ont été tuées sous ses yeux. Il n’y a aucun moyen de savoir s’il leur a dit ce qu’ils voulaient savoir. Rien dans la maison ne laissait penser que les Friedrich étaient une famille descendante des druides germains.

-Je vois. Nous avons donc deux possibilités. Soit ils connaissent le procédé du rituel et vont le mettre en œuvre dés qu’ils le pourront. Soit ils ne savent toujours rien et vont s’en prendre au dernier Friedrich. Il est bien à Beauxbâtons. Nous allons devoir agir sur ces deux cas. Vinol, continuer de faire des recherches sur les allemands s’étant installés en France lors de la chasse aux druides des années cinquante. Nous devons identifier les autres familles pouvant potentiellement devenir des victimes des mages noirs. Marus, vous remuez ciel et terre s’il le faut, mais il faut que nous sachions où se cache les mangemorts au plus vite. Chaldo, vous allez à Beauxbâtons. Protégez Hans Friedrich. Vous connaissez le terrain. Faites appel à François Garde ou à votre ami Thomas Zimong s’il le faut.

-Bien monsieur, acquiesça Pierrick en sortant à la suite de Jonas et Franck.

-Qu’est-ce qui se passe à votre avis Charles ? questionna Suzanne Janis une fois la porte refermée.

-Je crains, ma chère Suzanne, que Malgéus n’est décidé de plier le Ministère à sa volonté. Et après, jusqu’où ira son ambition ? Loin, j’en ais peur.

-Autre chose vous fait peur, n’est-ce pas ?

-Vous êtes toujours aussi fine. Je crains que cette menace ne soit pas la pire. Mais j’ignore d’où viendra le coup le plus dur. »

 

           Malgéus n’hurla pas de rage quand il apprit que Névris revenait sans les informations qu’il devait extirper des Friedrich. Il n’hurlait jamais, mais sa rage se faisait sentir dans sa voix essoufflée.

Klaus Friedrich ignorait tout des rituels de ses ancêtres. Il se savait descendant des anciens druides germains mais n’en connaissaient pas les arcanes. Il n’avait jamais étudié les anciens textes runiques. Pourtant, il avait conservés le manuscrit, recueil de leur héritage et de leur savoir durant toute sa vie, le recevant de son père. Mais pas une fois il ne l’avait ouvert. Cet héritage avait poussé sa famille à se cacher durant des siècles, les forçant à changer de nom. Ils avaient oublié leur ancien nom avec les siècles. Maintenant, ils étaient les Friedrich.

           Juste après avoir tué sa femme sous ses yeux incrédules, Névris avait demandé à Klaus Friedrich où était ce manuscrit. Névris menaçait maintenant sa fille. Elle pleurait toutes les larmes de son corps tellement elle avait peur. Et c’est en espérant qu’enfin le calvaire s’arrêterait qu’il avoua que son fils aîné, Hans, avait emmené l’ouvrage avec lui. Le jeune homme s’intéressait beaucoup à ce sujet. Et cela faisait des années qu’il emmenait le manuscrit avec lui à Beauxbâtons et l’y étudiait avec ferveur.

           Névris avait souri. Et s’en se défaire de ce sourire, il tua la fillette d’un éclair vert.

« NON ! avait hurlé le père déchiré par la peine, la rage et la peur.

-Si, avait dit tout simplement Névris en tournant sa baguette vers lui. »

           Malgéus réfléchit. Il ne pouvait agir impunément à l’Académie de Magie Beauxbâtons. L’endroit grouillait de sorciers extrêmement compétant. Les professeurs n’étaient pas des sorciers médiocres. Zabulon Tréveune a toujours été réputé pour sa maîtrise largement au dessus de la moyenne. Il y avait aussi François Garde, un ancien chasseur de la section S à la réputation de véritable guerrier. Malgré les années, le sous-estimer serait une erreur fatale. Et puis, un autre professeur n’était pas à prendre à la légère. Le nouveau professeur de Défense contre les Forces du Mal : Thomas Zimong, un fils du peuple Dragoniar, un expert en combat. Et pourtant, il devait agir. Il était trop proche de la réussite pour abandonner.

           Malgéus se tourna vers Névris au bout de longues minutes de réflexion. Il n’y avait qu’une seule solution. Il ne devait pas hésiter.

 

           Le matin se levait quand Bruno Hidalgo eut la surprise de trouver Pierrick Chaldo devant les grilles de l’Académie de Magie Beauxbâtons. Sans hésitation, il lui ouvrit.

« Monsieur Chaldo ! s’exclama t-il. Que faîtes-vous là ?

-Une affaire importante. D’autres gens sont-ils venus avant moi ?

-Non, vous êtes le premier. Qu’est-ce qui se passe ?

-Si d’autres arrivent, qui qu’ils soient, ne les laissez pas entrer. Considérez-vous en alerte code orange. »

Hidalgo blêmit. Le système d’alerte adopté par les différents Ministère de la Magie à travers le monde comportait plusieurs niveaux. Les quatre plus hauts niveaux étaient symbolisés par les couleurs jaune (attaque mangemort du côté moldu), orange (dans un lieu secret de la communauté magique), rouge (au Ministère) et noir, le code qui implique la révélation de l’existence du monde des sorciers aux Moldus. Le concierge était formé à ce genre de cas. Il connaissait la procédure.

           Pierrick Chaldo prit immédiatement la direction du bureau du directeur. Sur le chemin, il croisa plusieurs élèves qui le reconnurent et se retournèrent en chuchotant. La rumeur se répandit jusqu’à la Grande Salle où le petit-déjeuner était servi.

           Laura y était au petit soin pour Hans, tenant à se faire pardonner de son attitude de la veille. Hans en profitait un peu en souriant. A la table des professeurs, Thomas mangeait ses tartines tout en étudiant son emploi du temps.

« T’es sûr ? fit un élève passant à côté de la table de Laura et Hans.

-Je l’ai vu comme je te vois, lui répondit son ami. C’était le chasseur qui était là l’année dernière. Comment il s’appelle déjà ? Dochal ?

-Non, ça c’est le nom qu’il avait pris pour s’infiltrer. C’était…

-Chaldo, lança Laura. Pierrick Chaldo ! Il est là ?

-Il allait vers le bureau du directeur.

-C’est bizarre, dit Laura en se tournant vers Hans. Pourquoi il serait revenu ?

-Je ne sais pas, répondit Hans. Mais quand un chasseur comme lui se déplace, ce n’est pas pour une visite de politesse. Tu devrais peut-être prévenir ton frère.

-J’y vais. »

Laura se leva et se précipita vers la table des professeurs. Elle dit quelques mots à Thomas. Ce dernier se leva immédiatement et quitta la salle.

           « Monsieur Chaldo, c’est un plaisir de vous revoir. »

Zabulon Tréveune était un petit sexagénaire au crâne dégarni avec juste quelques cheveux blancs en corolle. Deux yeux marron étaient cloisonnés derrière des lunettes carrés.

« Qu’est-ce qui vous ramène à Beauxbâtons ?

-Une terrible affaire, professeur, répondit sombrement le Corbeau.

-Votre voix ne me dit rien qui vaille. Je vous écoute.

-Hans Friedrich, je dois lui parler de toute urgence et seul à seul.

-Il ne devrait pas y avoir de problème. Mais je dois en référer à son père.

-Il est majeur.

-C’est vrai, mais tant qu’il est élève ici, je suis en droit de savoir de quoi vous vous voulez lui parler. Même si c’est une affaire anti mage noir, vous savez que vous pouvez compter sur ma discrétion.

-Je sais. Hans Friedrich doit être intensément surveillé pour sa sécurité.

-Vous m’inquiétez.

-Vous connaissez Malgéus ?

-Le maître des mangemorts français. Oui. Pour vous dire la vérité, j’ai même fait mes études avec lui. Il était très doué. Dommage qu’il est mal tourné.

-Il s’intéresse à Hans Friedrich.

-Pourquoi ?

-Il est le dernier d’une lignée descendante de druides germains. Il se pourrait qu’il ait des connaissances pouvant servir les desseins de Malgéus.

-Vous avez dit le dernier ?

-Les parents de Hans Friedrich, ainsi que sa petite sœur ont été assassinés cette nuit.

-Assassinés, répéta Tréveune.

-Nous ignorons si Malgéus a obtenu les renseignements qu’il désirait. Un de mes collègues essaye de le débusquer. J’ai reçu l’ordre de m’assurer que Hans Friedrich soit en sécurité.

-Malgéus n’oserait jamais attaquer l’Académie.

-S’il le faisait quand même, j’emmènerais Hans Friedrich ailleurs. Vous me comprenez ?

-Oui. Bien sûr. Et quand comptez-vous lui dire pour sa famille ?

-Pour l’instant, il vaut mieux qu’il l’ignore. Je souhaiterai que vous ne disiez rien aux autres professeurs. Seuls François Garde et Thomas Zimong seront au courant.

-Pourquoi ?

-Parce que j’ai confiance en eux, et qu’ils sont capables de le protéger. Je vous laisse maintenant. »

           Pierrick ressortit du bureau de Tréveune. Il fut interpelé par une voix familière. Thomas s’approcha de lui. Il ne souriait pas. Il savait que le Corbeau devait être là pour le travail.

« Qu’est-ce qui t’amène ? demanda t-il directement.

-Je vais tout te dire, promit Pierrick. Parce que je vais avoir besoin de ton aide. Allons trouver Garde. »

           Garde était dans son bureau. Il allait se lever pour prendre son petit-déjeuner quand quelqu’un frappa à sa porte. Il eut la surprise de voir Pierrick Chaldo et Thomas Zimong entrer. Au regard du Corbeau, il savait que c’était une affaire grave qui l’amenait.

           Après les courtes politesses, Pierrick expliqua la situation. Quand il en vint à parler de la famille de Hans Friedrich, Thomas se leva d’un bond :

« Quoi !? Mais que cherchaient-ils ? »

Pierrick continua ses explications. Thomas savait que cette nouvelle allait non-seulement attrister Hans mais également Laura. Comment les mangemorts pouvaient-ils faire ça ?

« Nous devons protéger Hans Friedrich, dit Pierrick. Pour le moment, il vaut mieux qu’il ignore ce qui s’est passé.

-Quoi ! s’exclama Thomas. Tu veux lui cacher la mort de ses parents et de sa sœur ?

-Il le faut. Tu le connais un peu plus que moi. Tu sais ce qu’il fera s’il l’apprend. Il n’est pas du genre à rester en place dans ce cas là.

-Et il aurait bien raison. Il est en droit de réclamer vengeance.

-En droit, oui. Capable, non. Il ne doit pas se laisser emporter par la haine.

-Tu ne peux pas te mettre à sa place.

-Non. Je n’en ai pas besoin. J’ai été à sa place. J’ai vu mes parents morts et j’ai vu la fille que j’aimais mourir dans mes bras. Et après, je les ai tous tués. Tous les soldats moldus qui étaient devant moi et ceux qui venaient. Tous, jusqu’au dernier. Après, je n’ai rien ressenti, à part du vide. Mes parents, Su, ils étaient toujours morts. Je me suis vengé. Mais je n’ai remarqué qu’il y a peu de temps qu’en faite, j’étais déjà mort. J’étais mort en même temps que Su. Il m’a fallut quatre ans et que je rencontre Chun pour me remettre à vivre. Je ne veux pas que Hans vive la même chose. Il a toujours Laura à ses côtés.

-Je comprends, se résigna Thomas. Que veux-tu que nous fassions ?

-Veillez sur lui. Je reste également. »

 

           Durant toute la journée, Thomas et François gardèrent un œil discrètement sur Hans Friedrich. Pierrick surveilla le domaine de l’Académie depuis le ciel sous sa forme de corbeau. La journée se passa comme n’importe quelle autre. Et le soir tomba lourdement sur l’école de sorcellerie.

 

           Le village de Ferblanc était connu pour ses bijouteries. Il était surtout le village sorcier entourant le domaine académique le plus isolé, caché au cœur d’une forêt seulement habitée par quelques lutins s’amusant à déplacer les arbres comme bon leur semblaient. Ce qui rendait difficile d’y aller autrement que par transplanage ou cheminée. Le seul chemin balisé menait à l’Académie Beauxbâtons.

           Il devait être minuit quand des bruits de fouet claquant dans l’obscurité résonnèrent sur la place du village. Une dizaine de sorciers vêtus de noir se dressaient maintenant devant la fontaine d’argent. Ses yeux violet luisant sous la lumière de la lune naissante, Kylian Névris prit la tête de la petite troupe pour arpenter le chemin menant à l’école.

           Une fois la forêt passée, la silhouette du palais se découpait sur le ciel moucheté d’étoiles…

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