Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 53 : III Un matin de Septembre

2940 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:21

           CHAPITRE III : UN MATIN DE SEPTEMBRE

 

           L’homme se matérialisa dans une forêt. Une statue usée par le temps et couverte de mousse se dressait, solitaire dans la nuit. Elle représentait une gargouille, la gueule béante et les yeux vides. L’homme s’en approcha. L’espace fut parcourut par une étrange vibration, comme les ondulations formées par un caillou à la surface d’un lac. Les arbres se repoussèrent, le ciel apparut, étoilée. Et surgissant silencieusement du sol, un manoir moyenâgeux s’éleva vers la voûte céleste.

           Comme si ce phénomène était naturel, l’homme s’avança vers la porte et actionna le heurtoir. Une araignée descendit sur son épaule, se laissant glisser depuis le haut de la porte. L’homme regarda un instant l’arachnide sans démontrer de peur. La bestiole arborait de magnifiques yeux saphir.

« C’est toi qui est de garde, dit-il. »

L’araignée sauta de l’épaule, se changeant en une magnifique jeune femme aux cheveux noirs et aux yeux saphir, brillant comme des pierres précieuses.

« Tu es enfin de retour Tim, fit-elle. Le maître commençait à s’impatienter.

-Ça m’étonnerait, fit Tim. Il attendait ce moment sans savoir quand il arriverait.

-Ça y est ?

-Bien sûr, sinon je ne serais pas rentré. Réfléchit un peu parfois.

-Tu me traites d’idiote !

-Tu ne démontres pas une très grande intelligence, avoue-le. C’est pour ça que tu n’es bonne qu’à monter la garde. »

La femme aux yeux saphir sortit sa baguette. Tim fit de même, prêt à se défendre.

           « Ça suffit, ordonna une voix calme et autoritaire. »

La porte venait de s’ouvrir, un homme à la peau blafarde, chauve, et aux yeux violets luisant sous la lumière des étoiles. La jeune femme et Tim rangèrent leurs baguettes. Tim inclina la tête respectueusement.

« Seigneur Névris, fit-il. Ça y est. Les Chasseurs ont découvert et arrêté Varin et les autres. Je les ais vu repartir de leur planque il y a quelques instants à peine.

-Bien, dit Névris. Viens en informer notre maître. Quant à toi Julie, continue ta garde. »

La jeune femme reprit sa forme d’araignée et remonta sur le mur entourant la porte d’entrée.

           Tim suivit Kylian Névris dans les couloirs du manoir. Ils passèrent une grande porte double en bois ouvragé. Sur un siège de bois, tel un roi sur son trône, un vieil homme au visage ridé, aux cheveux d’un gris très foncés et aux yeux blancs délavés se tenait entouré de ses fidèles. Névris fit signe à Tim de rester en arrière. Le mangemort aux yeux violets s’avança seul vers celui que certain n’hésite pas à surnommer : le « Voldemort français ».

« Maître, fit Névris. Timothée Arak est revenu. Il a une nouvelle à vous annoncer.

-Avance Timothée. »

La voix de Malgéus était vieille et essoufflée, comme un vieux soufflet poreux. Timothée s’approcha du maître des mangemorts français et s’agenouilla respectueusement.

« Maître, les Chasseurs ont arrêté Varin et ses hommes, raconta t-il. Je les ais vu de mes propres yeux.

-Très bien Timothée, fit Malgéus. Tu as bien travaillé. Va donc te reposer. »

           Timothée sortit de la pièce. D’un geste, Malgéus intima l’ordre aux autres mangemorts de le laisser seul avec Névris.

« Tout se passe comme je le souhaitais, dit Malgéus. Bientôt, j’aurais assez de puissance pour plier le Ministère à ma volonté. Et même Janus devra reconnaître ma puissance. Nous n’avons plus qu’à attendre. »

 

           Le jour se lève sur Paris. Comme tous les matins depuis quelques temps, Chun Yang-Li, une jeune femme d’origine chinoise, se réveillait contre le corps d’un homme. Le jeune homme en question avait des cheveux d’un noir profond, tout comme ses yeux et s’appelait Pierrick Chaldo. Il était un peu plus jeune qu’elle, mais c’était un détail sans importance. Elle l’aimait de toute son âme. C’était tout ce qu’il comptait à ses yeux.

           Pierrick dormait encore. Elle regardait son visage paisible. Tant qu’il dormait, tout allait bien. Mais même si durant la journée il n’e montrait rien, Chun savait qu’un sombre passé et d’inquiétants mystères obscurcissait son esprit et son âme. Elle n’en connaissait que quelques bribes. Elle savait qu’il avait vécu en Chine durant dix ans, se liant par amour avec une jeune fille s’appelant Su. Mais en l’année 1978, le massacre de la communauté magique chinoise le frappa de plein fouet. Ses parents furent tués. Et sa petite amie perdit la vie sous ses yeux. Depuis, une ombre persistait dans la profondeur de son regard. Une ombre qu’elle ne parviendrait peut-être jamais à dissiper.

           Malgré tout, Chun était heureuse. Elle jeta un regard au reste de la chambre. Des cartons étaient déposés ça et là. Elle passerait la journée à ranger. A moins qu’un coup de baguette magique ne fasse l’affaire. Ça avait ces avantages de partager la vie d’un sorcier. Elle avait pris quelques jours de congé pour s’installer chez Pierrick. Elle n’avait pas compris pourquoi, mais cette nouvelle n’avait pas enchanté son coéquipier, Jacques Mareau. En fait depuis qu’elle avait disparu durant trois jours, enlevée par un vampire, Jacques se montrait assez virulent quand le sujet « Pierrick » venait dans la conversation. Chun pensait que le vieux policier ne faisait qu’une petite crise de jalousie. Après tout, elle savait qu’il ressentait pour elle un amour paternel. Seulement les enfants quittent toujours le nid à un moment ou un autre.

           Les yeux de Pierrick s’ouvrirent. Il tourna son visage vers elle et lui sourit. Ils n’avaient même plus besoin de parler. Le bonjour se perdit en un tendre baiser. Et comme souvent depuis le début de leurs vacances, le baiser dégénéra en une danse sensuelle, les bras enserrant l’autre pour s’accrocher à cette volupté.

           Mais il fallut bien se lever. Ils prirent leur temps, partageant une douche qui dura plus que prévu. Il était bien onze heure quand ils prirent leur petit-déjeuner. Le hibou avait déjà apporté Sorcier-Matin depuis un moment. Pierrick l’ouvrit en buvant son café. N’y trouvant rien d’intéressant pour lui, il le replia avant de le tendre à sa compagne. Chun aimait lire le journal sorcier, elle en apprenait ainsi plus sur ce monde qui faisait parti de sa vie depuis quelques mois.

           Un claquement de fouet se fit entendre dans l’entrée. Chun reconnut le bruit d’un sorcier venant de transplaner. Elle allait se lever pour voir qui était entré ainsi mais à peine avait-elle repoussé sa chaise que la porte de la salle à manger s’ouvrit. Pierrick abaissa la baguette qu’il avait levée en reconnaissant la femme d’une cinquantaine d’année qui entra. Elle avait une ample chevelure rousse et des yeux noisette. Malgré son âge, elle conservait un certain charme.

« Salut les amoureux ! fit-elle. Je ne vous dérange pas ?

-D’habitude, on ne transplane pas chez les gens comme ça, dit Pierrick.

-Voyons, entre nous. Je peux vous prendre une tasse de café ? J’en ais bien besoin après cette nuit de travail.

-Sers-toi vu que tu es lancée.

-Merci. »

Emilie Chaldo, la tante de Pierrick, s’assit et se servit une tasse de café d’un coup de baguette. Chun la trouvait un peu exubérante pour son âge. Mais elle restait quand même quelqu’un de très agréable. Elle tenait un bar de nuit dont la clientèle n’était pas triée. Chun se doutait que des mages noirs devaient y venir aussi. Le bar était comme une zone franche tant qu’ils ne causaient pas de problèmes. Emilie servait d’informateur à son neveu.

           « Tes collègues ont réussi un bon coup cette nuit il parait, dit Emilie.

-Le journal n’en parle pas ? fit Chun.

-C’est normal. Le Ministère n’a fait aucun communiqué. Ils en feront peut-être un dans la journée. A moins que les Chasseurs préfèrent garder cette info secrète. Je le sais par mes réseaux personnels.

-Où ça ?

-En Alsace. Ils auraient fait trois prisonniers.

-Tant mieux pour eux.

-Et bien ! Quel changement ! Avant, il fallait que Suzanne l’oblige à prendre des vacances. Et même quand elle y arrivait, il continuait à parcourir les quartiers malfamés et arrêter des mangemorts.

-Vous connaissez Suzanne Janis ? questionna Chun.

-Oui. Enfin, j’ai surtout connu sa sœur aînée. On était à Beauxbâtons ensemble. Elle est morte il y a dix ans, tuée par des mangemorts. Elle était l’inverse de Suzanne. Elle devait se marier il y a vingt ans à un chasseur je crois. Je n’ai jamais su son nom, Jannick et moi, on s’était un peu perdu de vu. Le mariage a été annulé parce que son fiancé a disparu si je me souviens bien. En ces temps là, ça arrivait souvent, surtout chez les Chasseurs. Je parie que Suzanne n’en parle jamais. Peut-être qu’elle s’en veut de ne pas avoir pu empêcher ce meurtre.

-Elle ne pouvait sûrement rien faire.

-Dîtes ça à Suzanne. Elle était la meilleure de la section S et était déjà pressentie pour le poste de chef de section. Enfin bref, vous faîtes quoi aujourd’hui ? Petite ballade en amoureux avec un déjeuner romantique sur un bateau-mouche ?

-On a des affaires à ranger, dit Pierrick.

-Un coup de baguette et c’est fini. Après, les vacances sont à vous ! Moi, je vais aller me coucher. Je vous invite au bar ce soir, boire un petit verre. Interdiction de refuser. Bonne journée et à ce soir. »

           Emilie transplana.

« Je me demande si elle et mon père était réellement frère et sœur parfois, dit Pierrick. Lui, il n’était pas aussi exubérant.

-Elle a raison, dit Chun. Un coup de baguette et on pourra profiter du reste des vacances pour nous.

-Je vois. Pourquoi pas ? »

Pierrick agita sa baguette d’un geste presque nonchalant. Chun ne connaissait pas grand-chose en sortilège et en magie, mais d’après les dires de Franck et Jonas, Pierrick démontrait une maîtrise supérieure à celle de pas mal de sorciers réputés. Il était surtout capable de pratiquer quasiment n’importe quel sortilège de manière informulé.

           Lorsqu’elle retourna dans la chambre, Chun vit que les cartons s’étaient vidés et que les affaires étaient impeccablement rangées. La journée s’annonçait magnifique dehors en ce début de mois de septembre. Chun eut juste une pensé pour Thomas qui reprenait le chemin de l’Académie de Magie Beauxbâtons aujourd’hui.

 

           A Nancy, une jeune fille s’était autorisée une dernière grasse matinée avant de retourner à ses cours. En temps normal, elle aurait dû se lever tôt pour pouvoir prendre le train. Mais cette année, quelqu’un l’emmènerait par transplanage d’escorte. Elle se réveilla quand même avec l’impression d’avoir oublié quelque chose. Quand elle descendit prendre son petit-déjeuner, sa mère l’accueillit avec un bol de café au lait et des tartines de confiture.

« Bien dormie Laura, fit la femme avec un accent anglais. »

Hermione Jiraud était d’origine anglaise. Lors d’un stage linguistique au Ministère français de la Magie, elle a rencontré Gaston Jiraud revenue fraîchement de Chine. Ce fut le coup de foudre et ils se marièrent vite. Quelques mois plus tard naissait Laura.

           Laura entrait en cinquième année. Elle avait de magnifiques cheveux bruns lui descendant jusqu’entre les omoplates et des yeux bleus. L’an passé, après l’assassinat du professeur de défense contre les forces du mal, elle remarqua l’intérêt que lui portait le remplaçant, un certain Thomas Radus. Elle fit part de son inquiétude à son petit ami Hans Friedrich qui demanda des comptes au dit professeur. De retour chez elle pour les vacances de Pâques, Laura fouilla dans le bureau de son père mort des années auparavant. Elle y découvrit pourquoi ce nouveau professeur s’intéressait à elle. Il ne s’appelait pas Radus mais Thomas Zimong et il était son demi-frère, fruit des amours de son père avec une femme du peuple Dragoniar. Thomas ne voulait que la protéger. Quitte à ce qu’elle ne sache jamais qui il était. Mais elle l’avait découvert et le lui avoua lors du bal de fin d’année.

           Cette année, Thomas Zimong devenait officiellement professeur de défense contre les forces du mal à l’Académie Beauxbâtons. Et il avait proposé à sa petite sœur de l’emmener par transplanage. Fervente défenseuse de la grasse matinée, elle avait tout de suite accepté. Mais alors qu’elle prenait son petit-déjeuner et que ses neurones se réveillaient les uns après les autres, elle se souvint de ce qu’elle avait oublié.

« Hans !

-Quoi Hans ? fit Hermione.

-J’ai oublié de lui dire que je ne prenais pas le train et que Thomas m’emmenait à l’école. Il va m’en vouloir. »

Quelqu’un frappa à la porte. Laura, sachant pertinemment qui cela était, alla ouvrir. Elle sourit au jeune homme chauve et aux yeux marron qui se tenait sur le pas de la porte. Ses traits étaient un subtil mélange d’Asie et d’Europe. Laura s’était d’ailleurs dit que si elle n’avait pas Hans et que Thomas n’avait pas été son frère, elle l’aurait peut-être dragué. Dans quelques années.

           Thomas fit la bise à sa sœur pour lui dire bonjour et fit de même à Hermione en arrivant à la cuisine. La mère de Laura lui servit une tasse de thé et lui proposa des biscuits. Thomas remarqua la mine soucieuse de Laura.

« Qu’est-ce qui t’arrive ? demanda t-il.

-J’ai oublié de dire à Hans que tu m’amenais. Il a dû s’attendre à me voir monter dans le train à Nancy.

-Tu crois qu’il va t’en vouloir ?

-Va falloir que je lui fasse du charme et que je lui donne double ration de bisous pour me faire pardonner.

-Ça ne devrait pas être trop pénible alors.

-Ha ha. Arrête de plaisanter. C’est sérieux une relation amoureuse. Tu devrais te mettre en quête d’une demoiselle toi aussi.

-On se connait depuis à peine quelques mois et tu veux déjà t’occuper de ma vie privé ! Tu t’adaptes vite aux situations toi !

-Et oui ! J’ai un frère, j’en suis heureuse. Et maintenant je pense que je pourrais avoir une belle-sœur et des neveux et nièces.

-Va pas trop vite s’il te plait.

-Je crois sur ce sujet, c’est moi la professeure. Tu devrais m’appeler « mademoiselle ». Au fait, je vais être obligé de t’appeler « monsieur » là-bas.

-Seulement durant les cours et quand il y a du monde. En privé, ce sera différent.

-Ça ne devrait pas choquer grand monde que je te tutoie dans les couloirs de toute façon.

-Pourquoi ?

-J’ai reçu des lettres de certains de mes camarades de classe. Ils me demandaient si s’était vrai que tu es mon frère.

-Quoi !? Mais comment ils savent ?

-C’est Hans qui a vendu la mèche sans s’en rendre vraiment compte durant le bal.

-Et bien, je sens que les quelques années où tu seras encore à l’Académie ne seront pas de tout repos. »

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