Harry Potter (II) : La Prophétie et les Ombres du Passé

Chapitre 9 : Liés par le Silence

908 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 14 jours

Les semaines passaient, et bien qu’Elizabeth ne fût encore qu’une enfant, quelque chose de nouveau, de doux, s’épanouissait lentement entre elle et Kieran. À six ans, son monde était une symphonie de couleurs, de questions et de songes éveillés. Pourtant, chaque fois qu’elle croisait le regard de ce garçon de neuf ans à l’allure calme et à la présence presque trop silencieuse, quelque chose en elle se mettait à vibrer, une intuition que ce lien n’avait rien de banal.

Kieran n’était pas comme les autres. Il avait ce regard — profond, ancien, presque trop lourd pour un enfant — et cette manière de rester en retrait, comme s’il observait le monde sans toujours y prendre part. Il ne souriait pas souvent, mais quand il le faisait, c’était un sourire rare et entier, offert avec une sincérité désarmante. Il portait en lui une lueur, une étincelle mystérieuse, comme une lanterne allumée dans le noir d’un couloir encore inexploré.


Leur complicité se construisait dans les marges. Après les entraînements, alors que les autres enfants retournaient en riant vers leurs dortoirs ou vers les bras de leurs parents, Elizabeth et Kieran restaient souvent en arrière. Elle aimait sa compagnie sans avoir besoin qu’il parle sans arrêt. Parfois, ils s’élançaient à travers les jardins détrempés par la pluie, hurlant des sorts imaginaires, incarnant des chevaliers, des sorciers ancestraux ou des explorateurs de mondes oubliés. D’autres fois, ils se retrouvaient simplement assis côte à côte, leurs petites mains croisées sur leurs genoux, les yeux levés vers les étoiles, en silence.


Ce silence-là n’avait rien de pesant. Il était habité.


Lorsque leurs conversations s’ouvraient, elles étaient toujours teintées d’un calme étrange, presque adulte. Kieran parlait de choses simples — d’un oiseau aperçu dans un arbre, d’un mot qu’il avait lu dans un vieux livre — mais avec une gravité inattendue, comme si chaque détail avait un poids. Elizabeth ne comprenait pas toujours ce qu’il voulait dire, mais elle sentait que cela comptait. Elle buvait ses paroles comme une promesse à déchiffrer plus tard, quand elle serait plus grande.


Il y avait quelque chose d’irrésistiblement attirant dans cette gravité tranquille. Peut-être parce qu’elle contrastait tant avec l’agitation habituelle des autres garçons, qui ne rêvaient que de farces ou de friandises ensorcelées. Kieran, lui, semblait vivre à l’intérieur d’un monde que lui seul connaissait, un monde peuplé de souvenirs qu’il gardait pour lui.


Et il y avait ce nom — Vaseras. Elle l’avait entendu, soufflé à la volée dans les couloirs, parfois accompagné d’un regard de côté ou d’un silence gêné. Un nom qui flottait comme une ombre au-dessus de lui, porteur d’un secret qu’Elizabeth ne comprenait pas encore. Mais cela ne changeait rien. Ce qui importait, c’était lui, sa présence. La manière dont il l’écoutait sans jamais la juger, sans jamais tenter de la réduire à un nom ou à une lignée.

Quand il la regardait, il ne voyait pas seulement la fille de Savannah. Il la voyait, elle. Et cela suffisait.


Mais il avait aussi ses absences. De brusques silences, des moments où ses yeux se perdaient dans un ailleurs lointain. Parfois, il s’éclipsait sans un mot, comme rappelé par une force invisible. Elizabeth savait, sans comprendre, qu’il combattait quelque chose. Elle le ressentait dans ses gestes retenus, dans sa voix parfois voilée, dans cette mélancolie qu’aucun jeu ne parvenait jamais tout à fait à dissiper.


Alors elle restait. Simplement. Sans poser de questions.


Le lien entre eux se tissait à petits pas. Il n’y avait ni promesses, ni grands serments. Juste cette confiance douce, cette tendresse discrète qui passait dans un regard échangé, dans un silence partagé au bord d’un lac ou d’un couloir déserté. C’était une amitié née de l’intuition, de cette étrange reconnaissance que certains êtres ont lorsqu’ils se croisent, comme si leurs âmes se souvenaient de s’être connues bien avant.

Elizabeth admirait Kieran plus qu’elle ne l’aurait jamais avoué. Elle admirait sa force tranquille, son intelligence muette, sa manière de ne jamais chercher à dominer, mais toujours à comprendre. Elle savait qu’il portait des cicatrices invisibles, et cela ne l’effrayait pas. Au contraire. Cela le rendait plus réel.


À six ans, elle n’avait pas les mots pour tout cela. Mais elle ressentait. Et parfois, ressentir suffisait.


Ils couraient sous la pluie, riaient jusqu’à perdre haleine, puis s’arrêtaient, soudainement graves, comme si une mémoire ancienne venait de les effleurer. Leurs jeux étaient simples, mais chargés d’une magie secrète. Une magie plus ancienne que celle des baguettes : celle de deux cœurs qui battent au même rythme, même dans le silence.


Elizabeth pressentait que le monde finirait par s’immiscer entre eux. Les secrets, les choix, les noms, les blessures… tout cela viendrait un jour, inévitablement. Mais pour l’instant, elle s’accrochait à chaque instant passé à ses côtés, comme on s’accroche à une lumière fragile dans le noir.


Et cette lumière, c’était lui.


C’était vrai. Et le vrai… c’était tout ce dont elle avait besoin.

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