Secrets de Serpentard (III) : Les Mangemorts
Chapitre 35 : Épilogue
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De nos jours
Ça y est, Drago a terminé.
Bien sûr, il pourrait disserter encore longtemps, mais il estime avoir parlé de l'essentiel, de ce qui importe le plus.
Scorpius, tu sais maintenant tout ce que tes grands-parents ont fait pendant cette première guerre. J'espère que cela répond à certaines de tes questions concernant la relation compliquée que j'avais avec eux, mais aussi concernant ta grand-mère, que tu n'as pas eu le temps de connaître suffisamment.
Tu peux sans doute imaginer à quel point j'ai du mal à les juger moi-même. Aujourd’hui encore, malgré tout ce qui s'est passé ensuite, malgré la colère que je continue de ressentir, je ne sais toujours pas quoi penser d’eux.
Je te laisse donc en juger par toi-même. J’ai simplement essayé de rendre compte ici de toute l'horreur et de l'injustice qu’ils avaient su causer.
Ce serait te mentir de te dire que je n’en savais rien. Mon père ne m'a jamais caché ce qu'il avait fait, il était même fier d'avoir servi Voldemort, et je suis d'ailleurs persuadé qu'une part de lui l'est toujours. Il ne me cachait pas non plus son opinion sur la pureté du sang, ni tout ce qu'il continuait de faire, même entre les deux guerres, pour dominer les autres et conserver nos privilèges.
Cela ne m'a jamais posé problème. Pendant toute mon enfance, j’ai continué de l'admirer éperdument, malgré tout ce que je savais. J'admirais son pouvoir, bien sûr, et l'influence qu'il avait sur le monde ; mais surtout, et je pense que c'est important que tu le comprennes, j'admirais l'amour qu'il semblait porter à ma mère.
Lorsque je pense à eux, je les revois en train de rire ensemble, toujours cramponnés l'un à l'autre, toujours tendres et affectueux l'un envers l'autre – ce qui me désarçonnait beaucoup, quand je voyais à quel point mon père était incapable du moindre geste de tendresse envers moi.
Je me souviens des amis de mon père, lors des réunions interminables qui se tenaient dans la bibliothèque, et auxquelles j'avais l'obligation d'assister : la manière dont tous dénigraient leurs épouses, les trompaient, les méprisaient. À chaque fois que l'un d'entre eux tenait des propos dégradants à l'égard d'une femme, je me tournais vers mon père avec inquiétude : mais chaque fois, j'étais rassuré en voyant son air réprobateur, et cela me confortait dans l'idée que mon père était un homme bien. Jamais, même lorsque la pression du groupe était la plus forte, jamais mon père n'a dit du mal de ma mère ; et si l'un de ses invités avait le malheur de le faire à sa place, d'émettre le moindre jugement ou la moindre moquerie, il n'avait aucune chance d'être invité de nouveau.
Je ne les ai jamais vus se manquer de respect devant moi. Je me souviens précisément de la manière dont ils se tenaient la main, dès qu'ils se trouvaient dans la même pièce. J'ai vu cette scène tant de fois que je pourrais la dessiner. Rien n'a jamais eu raison de cette tendresse-là : ni la banalité du temps qui passe, ni les humiliations, ni la souffrance, rien. Même lorsque tout s'effondrait autour de nous, je les ai vus se débattre ensemble, et ne faire plus qu'un dans la tourmente.
Plus j'y repense, et plus il me semble que l'amour qu'ils se portaient était la raison pour laquelle je les idéalisais tant. Et en effet, en tant qu'enfant, comment concevoir que deux personnes qui s'aiment à ce point n'aient pas raison à propos de tout ? Comment les soupçonner, alors qu'ils semblaient incarner ce qu'il y avait de meilleur ?
Évidemment, je ne pouvais pas deviner à quel point cet amour était tordu et bancal, ni tous les mensonges sur lesquels il reposait. Et même aujourd'hui, je n'arrive pas à déterminer si cet amour était beau ou laid. En tout cas, il n’a pas été gage de bonheur, ni d'honnêteté, ni de protection ; il s'agissait plutôt d'une forme inépuisable de tendresse, et surtout d'une loyauté réciproque, obstinée et souvent déraisonnable.
De même, je me suis longuement demandé où mes parents puisaient toute cette douceur et cette complicité, alors qu'ils étaient par ailleurs si vaniteux, si égoïstes et si malfaisants. Je se demande s'ils essayaient de se sauver mutuellement, de guérir les blessures profondes et secrètes qu'ils avaient en commun, de se rendre un peu meilleurs ; ou bien si cet amour servait seulement à racheter leurs crimes, à obtenir une forme de rédemption, à se persuader coûte que coûte qu'ils étaient des personnes décentes.
Je me demande souvent ce qu'il se serait passé, si ma mère avait quitté mon père à la fin de la guerre. Je me demande si j'aurais été plus heureux. Évidemment, il est impossible de répondre : la présence de mon père a été si structurante, si déterminante dans ce que j'étais, dans ma manière d'appréhender le monde, qu'il est impossible de savoir ce que je serais devenu.
Je me demande aussi ce qui serait advenu de nous si mon père avait renoncé à sauver ma mère, la nuit où je suis né. Est-ce que le chagrin l'aurait rendu encore plus froid et cruel, comme cela a été le cas pour mon grand-père ? Ou au contraire, se serait-il enfin décidé à devenir la personne douce et aimante qu'il rêvait d'être, au fond de lui ? Aurait-il été un père différent de celui que j'ai connu, en mieux ou en pire ?
Enfin, encore plus souvent, je me demande ce qu'il aurait fait, si ma mère lui avait dit toute la vérité sur ses origines au moment où elle l'a appris. Je veux croire qu'il ne lui aurait fait aucun mal, qu'il l'aurait suivie jusqu'au bout du monde, qu'elle aurait réussi à le faire renoncer à tout le reste – mais je ne peux pas en être sûr.
Je sais simplement que parfois, ils étaient heureux ensemble.
Parfois, nous étions heureux.
Mais à quel prix ?
Le grattement de la plume sur le parchemin résonne dans la pièce. Drago écrit ce dernier point d'interrogation, s'arrête, remet sa plume dans l'encrier. Il relit calmement ce qu'il vient d'écrire, hoche la tête, puis il se lève, un peu ankylosé ; et il se met à ranger.
Il range les lettres, les vieux articles, les notes éparses, les extraits d'archives, et enfin la vieille Gazette qui recense les victimes de la première guerre des sorciers. Une dernière fois, Drago parcourt du regard cette liste interminable de noms, soigneusement classés par ordre alphabétique, allant de la famille Bones à Eleanor Wimbley, en passant par Adam Claring, Marlene McKinnon et sa famille, Fabian et Gideon Prewett, et bien sûr, James et Lily Potter, dont les noms sont inscrits juste à côté de celui de Peter Pettigrow.
Évidemment, cette liste déjà bien trop longue ne tient pas compte de toutes les vies impactées par ces morts, des orphelins qu'elles ont laissés derrière elles, des amis endeuillés, des personnes emprisonnées à tort, des années de vie gâchées, des histoires d'amour terminées avant même d'avoir commencé. La gorge serrée, Drago referme la gazette et tombe sur le discours donné par Millicent Bagnold à l'issue de la guerre, retranscrit par écrit en conclusion de cette liste macabre.
Aujourd'hui, encore davantage que de réparation, c'est de vérité que nous avons besoin, avait donc déclaré Millicent Bagnold au lendemain de la guerre. Et en effet, sans éclaircir toutes ces zones d'ombre incompréhensibles, comment obtenir justice ? Comment nous reconstruire convenablement, et empêcher l'Histoire de faire des tours sur elle-même ?
Drago ne peut s'empêcher de sourire. Millicent Bagnold a raison, bien évidemment. Et d'ailleurs, si ce postulat s'applique à tous les peuples et à toutes les époques, il s'applique également aux familles. Ce qui est vrai pour tous ceux qui ont survécu l'est aussi pour lui : il faut savoir se souvenir pour pouvoir avancer. Et c'est cela qu'il doit offrir à Scorpius : le droit d'avancer ailleurs que dans l'obscurité.
Drago hoche la tête, repose le vieux journal sur le dessus du carton où il a tout rangé, referme le tout et va le poser dans un coin de la pièce.
Lorsqu'il se retourne, la table en ébène lui paraît bien vide. Alors qu'elle a été recouverte pendant des semaines par de multiples piles de parchemins, sa surface plane est presque entièrement débarrassée, et se contente de refléter la lueur dansante des chandelles qui éclairent la pièce.
Il ne reste plus qu'une petite pile, sur le coin de la table : ce sont les quelques documents qui concernent la suite de l'histoire. Il y est encore question de ses parents, bien sûr, de Drago lui-même, mais aussi de Vera, Fergus et Daisy Goyle, de Bellatrix, de la famille Tonks, ou encore de quelques camarades de Serpentard que Drago a côtoyé pendant de longues années. Enfin, on aperçoit quelques Livres Voyageurs, car ces ouvrages magiques sont d'une grande importance pour la suite ; mais le reste de la table est vide. En réalité, il manque l'essentiel. Il manque ce que Drago doit y ajouter, ce que lui seul peut raconter.
En pensant à tout ce qu'il doit encore dévoiler, Drago se crispe, et une pointe de culpabilité lui effleure le cœur. À ce stade de l'histoire, Scorpius penserait sans doute avoir découvert l'essentiel de ce que Drago lui a caché ; mais il n'en est rien. En continuant à lire, si un jour il commençait, Scorpius ne saurait pas où il mettait les pieds. Il ne saurait pas ce qui l’attendrait, il ne pourrait pas prévoir ce que Drago allait lui révéler. Il viendrait chercher des explications sur sa famille, mais pas ça, non, il ne pourrait pas... Personne ne pourrait s'attendre à ce genre d'histoire.
Et en effet, plus encore que le récit qu’il vient d’achever, celui que Drago s’apprête maintenant à raconter est enfoui sous d’innombrables strates de mensonges et de secrets. Et c'est lui, Drago, qui l'a si soigneusement dissimulé, et pour de bonnes raisons... Du moins, c'est ce qu'il croyait, à l'époque ; car indéniablement, ces secrets ont empoisonné sa vie, jusqu'à le faire sombrer et à faire fuir son propre fils loin de lui.
Et à nouveau, comme un réflexe, Drago ne peut s'empêcher de se demander : après tant d’efforts déployés pour se taire, pour masquer, pour mentir, ne vaut-il pas mieux tout laisser en place ? Peut-il prévoir les conséquences de telles révélations ? Certes, sa situation actuelle est peu enviable, mais elle a au moins le mérite d’être stable. S’il bouge d’un cheveu, tout pourrait exploser, ou achever de s’effondrer.
Mais Drago se ressaisit aussitôt : il est déjà allé trop loin pour abandonner. Il s'est extirpé du silence, il a déployé tous ces efforts : cela ne peut pas être vain, il lui faut maintenant achever ce qu’il a si bien commencé. Pour Scorpius, bien sûr, et puis pour quelqu’un d’autre – quelqu’un qui mérite amplement qu’on lui rende cet hommage.
Pour cela, il faut laisser de côté tous les documents sur lequel il s'est appuyé jusqu'ici. Après avoir recueilli tous ces témoignages, c'est à Drago de raconter, et désormais, rien ni personne ne peut l'y aider. À partir de maintenant, il est le seul à pouvoir révéler ce qu'il sait, ce que Scorpius doit savoir.
Drago se rassied donc, avec un mélange d'appréhension et de détermination. Il parcourt du regard la page qu'il vient d'écrire, puis la tourne et contemple la double page vierge qui s'offre à lui. Juste à côté du manuscrit, à portée de main, sa plume repose paisiblement dans l'encrier.
Face à ces deux grandes pages blanches qui ne demandent qu'à être remplies, Drago sent son estomac devenir acide. Il aurait aimé pouvoir raconter une autre histoire à Scorpius, une histoire simple et heureuse, facile à croire et à comprendre – mais hélas, la vérité n'est rien de tout cela.
Il réfléchit longuement à la manière dont il pourrait introduire son propos, mais aucun mot ne lui vient. À plusieurs reprises, il approche sa main de sa plume, mais ses doigts tremblent trop pour la saisir.
Lassé par ces tentatives infructueuses, Drago se lève de nouveau et il quitte la pièce. Il revient quelques minutes plus tard, se rassied et pose un petit portrait face à lui, juste à côté du manuscrit. Son cœur se serre en voyant le visage doux et souriant de sa défunte épouse, mais Drago sait qu'il a besoin de cette aide-là. Plus que jamais, il a besoin de tout le courage qu'Astoria avait le pouvoir de lui insuffler.
Drago vient de le comprendre : c'est maintenant, bien plus que le jour où il a entamé son récit, que le véritable défi commence.
Fin de la première trilogie
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Et voilà. Cette première trilogie vient de s'achever. Je dois avouer que ça me fait un petit quelque chose quand même ! Je suis à la fois très fière et déjà nostalgique de tous ces moments de publication, des premiers commentaires reçus, des amitiés tissées au fil des chapitres :) et je suis bien triste à l’idée de vous quitter.
Merci, MERCI infiniment d'avoir suivi tous ces personnages jusqu'ici, et de permettre à cette aventure de se poursuivre. C'est un vrai plaisir et une grande fierté pour moi de voir que cette fic est lue un peu partout à travers la France et même au-delà ! Je remercie particulièrement celles et ceux qui ont pris le temps de m'écrire un petit message, de déposer un commentaire sur l'un des sites et encore mieux, de recommander cette fic à leurs proches, votre soutien m'est très (très) précieux ❤️
Heureusement, l’aventure va se poursuivre encore un moment : car vous l'aurez compris, une seconde trilogie est en cours d'écriture. Elle est déjà bien avancée, et autant vous prévenir tout de suite, je vais m’aventurer sur des sentiers plus risqués ; les prochains tomes seront donc surprenants, déroutants, je l’espère positivement. Je me suis aventurée dans quelque chose qui sort un peu du cadre ; néanmoins, je pense que ça en vaut la peine et que si vous avez apprécié ces trois premiers tomes et toute cette galerie de personnages, vous apprécierez aussi les tomes suivants. Et si je me permets de penser ça, c’est parce qu’on va revoir Vera, Fergus et Daisy, ainsi que Berrycloth et Talinski ; parce que les aventures de Narcissa, Lucius et Drago sont loin d’être terminées ; parce que vous allez encore découvrir de nouveaux personnages et de nouveaux lieux magiques ; ou encore parce qu’on va retrouver les Livres Voyageurs que j’avais un peu laissés de côté.
En tout cas, si vous souhaitez guetter la publication de la deuxième trilogie, n'hésitez pas à vous abonner à mon profil sur Wattpad (@mathvou1), Instagram (@mathilde.fanfiction) et/ou Facebook (Mathilde Fanfiction). Vous y trouverez aussi les liens des deux premiers tomes en version papier (pratique pour faire découvrir la fanfiction à des proches !), et numérique (PDF, Kindle et ePub) et toutes les infos sur les conventions où nous sommes présentes avec Alixe. Dont la Japan Expo qui a lieu dans quelques jours à Paris, youpi !
Argh, je n’ai pas du tout du tout envie de vous dire au revoir, n’hésitez pas à m’envoyer pleiiin de petits commentaires et de petits messages pour que je puisse les relire dans les moments de doute pendant les mois à venir (et il y en aura, inévitablement) ! Dites-moi vite quels personnages et quels passages vous avez préféré dans cette trilogie, si le destin de Regulus vous a ému(e), si la trahison de Peter vous a révolté(e), si vous avez frissonné en découvrant le Patronus de Daisy, si vous aimez encore un peu Lucius et Narcissa ou s’ils sont venus à bout de votre sympathie...
À très bientôt, ce fut un grand plaisir d’accomplir tout ça grâce à vous, et j’espère que le plaisir était partagé car ça n’est pas prêt de s’arrêter ❤️❤️❤️
Des bisous
Mathilde ❤️