A travers le temps
Chapitre 13 : On le plaisante pas avec Shakespeare
3892 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour il y a 3 mois
Point de vue d’Hermione
Alors que Fleur et son père prenaient leur petit-déjeuner, nous avons préparé une simple bouillie pour les trois clients de l’auberge qui avaient demandé à être servis. Après leur avoir apporté leur repas, j’ai aidé à débarrasser la table une fois que les Delacour eurent fini de manger.
Dobby, le cuisinier, nous prépara ensuite un petit-déjeuner simple mais copieux. Il se composait d'œufs, de bacon, de pain grillé et de lait fraîchement tiré d’une vache, quelques heures plus tôt à peine. Le goût du lait était différent de ce à quoi j’étais habituée, plus riche, plus brut, mais j’avais bien trop faim pour m’en formaliser. La nourriture, quant à elle, était étonnamment bonne.
Nous avons pris notre repas dans la cuisine, assis autour de la grande table en bois. Comme j’étais la nouvelle venue, tout le monde semblait curieux et m’a posé de nouvelles questions sur l’Amérique, la Californie et le Far West. Je suis restée fidèle à mon histoire de couverture, répondant du mieux que je pouvais.
Une fois le petit-déjeuner terminé, Emily fut chargée de faire la vaisselle et de nettoyer la cuisine, tandis que Mme Winky m’entraîna avec elle pour m’assigner les premières corvées de la journée.
J’aurais dû me méfier de son air trop satisfait.
Elle ouvrit un placard, en sortit un pot en céramique verdâtre avec un couvercle et me le tendit.
— Tes premières tâches seront de vider les pots de chambre. Si tu n’es pas familière avec cela, prends ce seau et vide ceux de Monsieur Delacour et de Mademoiselle Fleur. Une fois le contenu jeté dans la latrine extérieure, tu nettoieras soigneusement le seau et les pots avec le savon qui se trouve dans l’armoire du rez-de-chaussée. Lorsqu’ils seront propres et secs, ils devront être replacés sous les lits. Une fois cela fait, nous passerons au changement des draps.
J’ai cligné des yeux, incertaine d’avoir bien entendu.
Pot de chambre ? Sérieusement ?
J’ai traversé cent cinquante-cinq ans pour me retrouver à vider les urines de la fille de mes rêves ?
J’ai dû mobiliser toute mon expérience d’actrice pour réfréner l’expression de pur dégoût qui menaçait d’apparaître sur mon visage.
Je pris le seau avec un léger hochement de tête, m’inclinant légèrement comme si j’acceptais mon destin tragique avant de me diriger vers l’escalier.
Je commençai par la chambre de Monsieur Delacour. Comme prévu, le pot de chambre se trouvait sous le lit, en céramique blanche et manifestement utilisé.
J'ai laissé échapper un soupir à peine dissimulé en l’attrapant.
Alors Hermione, raconte-moi… Comment as-tu passé tes vacances d’été ? murmurais-je pour moi-même en vidant son contenu.
Vint ensuite le moment que je redoutais autant qu’il me troublait : entrer dans la chambre de Fleur.
Mon cœur battait un peu trop vite lorsque j’en franchis le seuil.
Il y avait quelque chose d’intime, presque sacré, à pénétrer ainsi dans son espace personnel, même si j’avais une raison parfaitement légitime d’être là.
L’air était chargé d’un parfum floral délicat. Mes yeux parcoururent immédiatement la pièce, absorbant chaque détail.
Un grand lit à baldaquin trônait contre le mur, bordé d’un coffre en bois massif à ses pieds. Une commode ancienne occupait l’un des coins, accompagnée d’une coiffeuse en bois sombre sur laquelle étaient posés divers objets de toilette. Une petite bibliothèque, garnie de quelques ouvrages soigneusement disposés, se trouvait près de la fenêtre.
Sur la table de nuit, un vase en porcelaine contenait un bouquet de fleurs sauvages, fraîchement cueillies.
Elle en avait donc toujours aimé l’odeur…
L’atmosphère qui régnait ici était à la fois élégante et sobre, et je ne pus m’empêcher de la trouver parfaitement à son image.
Mon regard fut naturellement attiré par la coiffeuse. J’y aperçus un peigne délicat, d’un modèle que je connaissais que trop bien. Je l’attrapai doucement, le faisant glisser entre mes doigts.
C’était exactement le même que celui que j’avais trouvé en 2024… Mais cette fois, il n’était pas encore usé par le temps.
Le peigne était rempli de mèches dorées, piégées dans ses dents fines. C’était si étrange. Je tenais en main un objet que j’avais déjà trouvé… dans l’avenir.
L’espace d’un instant, je me sentis coupée du monde, figée dans cette chambre qui appartenait à une autre époque, à une autre Fleur.
Je fus ramenée à la réalité par ma propre conscience.
Qu’est-ce que tu fais, Hermione ?
J’étais en train de fouiller dans ses affaires comme une gamine amoureuse et obsédée.
Me maudissant intérieurement, je reposai précipitamment le peigne exactement à sa place, comme si je n’y avais jamais touché.
Puis, avec un profond soupir de résignation, je m’agenouillai sous le lit pour accomplir la mission pour laquelle j’étais venue.
Et voilà. J’étais littéralement en train de vider le pot de chambre de Fleur Delacour.
Quelle époque charmante.
Après avoir accompli la délicieuse tâche de vider et nettoyer les pots de chambre, j’ai passé la matinée à une série d’autres corvées tout aussi exaltantes : changer les draps, récurer le sol du garde-manger et polir l’argenterie. Dans cette maison, il y avait toujours quelque chose à nettoyer, toujours quelque chose à frotter.
Si j’avais encore eu des illusions sur la vie domestique à l’époque victorienne, elles venaient d’être impitoyablement écrasées sous le poids d’un seau d’eau savonneuse.
Je pouvais désormais compléter ma liste des choses que je déteste : les pots de chambre, vider les pots de chambre, nettoyer les pots de chambre et polir l’argenterie jusqu’à en perdre la raison. Et nous n’étions qu’au premier jour.
Avant même que je ne m’en rende compte, l’heure du déjeuner était arrivée, et avec elle, une nouvelle série de tâches. J’aidais de nouveau à la préparation et au service du repas, mais cette fois, Emily et Dobby avaient déjà presque tout terminé lorsque j’entrai dans la cuisine.
Le menu du jour était composé d’une soupe de légumes, d’un assortiment de viandes et fromages, et d’un pudding en dessert. Comme pour le petit-déjeuner, le déjeuner était servi chaque jour à heure fixe, sans exception : 12h30 précises.
Emily était en train de disposer trois bols fumants sur un plateau en argent qui brillait comme un miroir. Il valait mieux, puisque j’avais passé une heure à le polir jusqu’à en voir mon propre reflet.
Je fronçai légèrement les sourcils en observant le plateau.
"Trois bols ? Qui déjeune avec Mademoiselle Fleur et Monsieur Delacour ?"
Emily rougit légèrement avant de répondre avec un soupir admiratif.
"C’est Monsieur William, le futur époux de Mademoiselle Fleur. Il se joint à eux aujourd’hui."
Le futur époux de Fleur. Super.
Et voilà, l’antagoniste venait enfin d’entrer en scène.
Un poids désagréable s’installa immédiatement au creux de mon estomac. C’était lui. L’homme qui allait l’épouser. L’homme qui allait me voler Fleur. L’homme que j’allais devoir détester de tout mon être.
Mais pas tout de suite. D’abord, il fallait que je lui serve son fichu déjeuner.
Mes pensées furent interrompues par le carillon de l’horloge de la cuisine, marquant exactement 12h30.
Je pris une profonde inspiration et forçai un sourire avant de saisir le plateau.
"C’est mon signal", dis-je d’un ton faussement enjoué.
Emily me lança un regard perplexe, mais je ne lui laissai pas le temps de poser de questions.
Avec le plateau bien équilibré sur mes mains, je me dirigeai vers la salle à manger, prête à affronter l’ennemi. Ou, du moins, prête à ne pas lui renverser la soupe dessus, pour l’instant.
En entrant dans la salle à manger, je trouvai Fleur et son père assis à table. En face d’elle, un jeune homme bien habillé siégeait avec une nonchalance maîtrisée. Il était indéniablement séduisant, avec ses cheveux auburn aux reflets cuivrés et ce sourire légèrement canaille qui devait faire chavirer bien des cœurs.
Pas le mien.
"Et qui est-ce ?" demanda-t-il, levant un sourcil tout en me scrutant avec une attention subtile, mais que je reconnaissais immédiatement. C'était ce regard-là. Celui que j’avais déjà vu bien trop souvent, aussi bien chez des hommes que chez des femmes en chaleur.
Oh non, pas question.
Résistant à la tentation écrasante de saisir le couteau le plus proche et de le lui planter directement dans l'œil, j'affichai mon plus beau sourire hypocrite et répondis d’un ton neutre :
"Mademoiselle Hermione Granger, de Los Angeles, Californie, à votre service."
À votre service, mon cul.
La seule chose que j'avais envie de faire pour lui, c'était l'enterrer quelque part sous la cabane du garde-chasse et prétendre qu’il n’avait jamais existé.
J’avais lu le journal intime de Fleur ce matin, et il n’était nulle part mentionné que William Weasley viendrait déjeuner aujourd’hui. Mais en même temps, le déjeuner en lui-même n’était pas mentionné du tout. J’imagine que Fleur omettait parfois des détails.
Un léger espoir naquit en moi.
Peut-être qu'il n'avait pas d'importance pour elle.
"Oui, William," intervint Fleur avec son élégance naturelle. "Voici Mademoiselle Hermione. Elle est Américaine et voyage. Elle a pris le poste de remplacement de Rosie pour un moment. Aujourd’hui est son premier jour."
Il hocha la tête poliment, affichant un sourire bien trop charmant pour être sincère.
"Ravi de vous rencontrer, Hermione."
Son ton était amical, mais j'y détectai une pointe d’arrogance soigneusement dissimulée.
Je hochai légèrement la tête, maîtrisant parfaitement mon rôle de servante respectueuse et discrète.
"Merci, Monsieur Weasley."
À l'extérieur, j'étais l'image même de la politesse et du respect. À l'intérieur, je hurlais.
Hurlais parce que je savais ce qu'il allait faire à Fleur.
Hurlais parce que je savais que derrière son sourire séducteur se cachait un homme égocentrique, manipulateur, cruel.
Hurlais parce que je savais qu’il n’allait pas seulement la briser.
Il allait l’anéantir. Et je ne pouvais rien faire. À ce moment-là, je compris enfin.
Je compris comment il avait réussi à envoûter Fleur. Il était charmant, diaboliquement séduisant, mais derrière cette façade séduisante, il n’y avait que du vide et de la noirceur.
Un peu comme mon ex-petite amie, Pansy.
Ce serait affreusement ironique si Pansy était sa descendante, non ?
Une lignée de connards narcissiques, génération après génération.
Ne voulant plus être en sa présence une seconde de plus, je servis rapidement mais efficacement la soupe, puis me hâtais de retourner en cuisine pour récupérer le reste du repas.
Avant que mes doigts ne tremblent trop sous la rage. Avant que je ne fasse quelque chose de regrettable.
"Il est beau, n'est-ce pas ?" dit Emily en revenant.
Je pouvais voir qu’elle, comme probablement la moitié des femmes de cette ville, avait un béguin pour lui.
Ne voulant pas être impolie envers Emily, qui était plutôt simple mais gentille, je haussai les épaules sans engagement tout en attrapant le plateau suivant à apporter.
"Je suppose."
Je servis le déjeuner, puis retournai en cuisine pour aider à préparer le pudding qui serait servi en dessert. Lorsque je revins pour débarrasser les assiettes avec Emily, j’entendis William se vanter d’un ton suffisant.
"On m'a dit que j'ai un certain talent dans le domaine de la comédie. Lord Ellsworth a été tellement impressionné par ma récitation du monologue d'ouverture de Richard III qu'il a dit que je pourrais être le prochain John Philip Kemble."
Je levai les yeux au ciel intérieurement. Oh, pitié…
Fleur, quant à elle, semblait impressionnée. Bien trop impressionnée à mon goût.
"Oh, puis-je l'entendre, s'il vous plaît ?" demanda-t-elle, ses yeux brillant d'admiration.
Et moi, je sentis ma jalousie grimper en flèche. Vraiment, Fleur ? Ce crétin joue deux lignes de Shakespeare et tu fonds ?
Je continuai à travailler, ramassant les assiettes avec une efficacité froide, tout en l’écoutant réciter.
"Maintenant est l’hiver de notre mécontentement
Rendu glorieux été par ce soleil d’York ;
Et tous les nuages qui assombrissaient notre maison
Dans le profond sein de l’océan sont ensevelis.
Maintenant nos fronts sont ceints de couronnes victorieuses ;
Nos bras meurtris pendus comme monuments ;
La guerre au visage sévère a lissé son front ridé ;
Et maintenant, au lieu de monter des chevaux bardés
Pour effrayer les âmes des adversaires craintifs…
Fleur applaudit doucement, une expression ravie sur le visage.
"Oh, c’est si beau, William," dit-elle avec admiration.
J’eus envie de vomir.
Non seulement il n’était pas si bon que ça, mais elle l’admirait bien trop. Mon niveau de jalousie atteignit des sommets que je ne pensais pas pouvoir atteindre.
Mais alors, quelque chose me frappa. Un détail. Un détail qui changeait tout. Et bien que ce fût une idée horrible, je ne pus y résister.
"Vous avez oublié deux lignes," dis-je en me dirigeant tranquillement vers la porte.
Un silence s’abattit sur la pièce.
Le sourire suffisant de William disparut brusquement de son visage.
"Je suis désolé, qu’avez-vous dit ?"
Je levai légèrement le menton, une lueur narquoise dans les yeux.
"Vous avez bien joué, mais vous avez oublié deux lignes."
Fleur et M. Delacour me regardaient comme si j’étais devenue folle. De l’embrasure de la porte, je vis Emily me fixer avec une expression horrifiée sur le visage.
Oh, s’il vous plaît, ce n’est pas comme si j’avais giflé la reine.
Avec une assurance que je n’étais même pas sûre d’avoir dans cette époque, je me redressai et affichai un léger sourire en coin.
"Après 'Nos bras meurtris pendus comme monuments', vous auriez dû dire…"
Je pris une profonde inspiration et récitai avec aplomb :
"Nos alarmes sévères se changèrent en joyeuses réunions,
Nos sinistres marches en danses réjouissantes."
Puis, après un court silence théâtral, j’ajoutai :
"Et ensuite vient la ligne : 'La guerre au visage sévère a lissé son front'."
Le silence devint assourdissant. J’aurais pu entendre une mouche voler. Emily avait la bouche grande ouverte. William avait l’air d’avoir avalé un citron. M. Delacour fronça les sourcils, et Fleur… Fleur me fixait avec une fascination grandissante.
Oh… Ce n’était pas prévu, ça. Un sourire intérieur s’épanouit en moi.
Dans ta face, Weasley. Dire qu’ils étaient stupéfaits ne rendait pas justice à leur réaction.
Le silence qui suivit ma correction était presque aussi délicieux que le pudding que je venais de servir.
Bill, quant à lui, avait l’air de vouloir s’enterrer vivant. Son air embarrassé était une confirmation éclatante qu’il savait que j’avais raison.
"Je… je… pense que c’est correct," balbutia-t-il brièvement avant de tenter de se reprendre avec une dignité vacillante.
"Vous êtes familière avec Shakespeare ?" demanda-t-il prudemment.
Oh, mon cher William, tu n’aurais pas dû poser cette question.
En plus du fait que j’avais joué dans Richard III et Macbeth à différents moments, j’avais décroché un A+ le semestre dernier dans mon cours sur Shakespeare. Autant dire que ce n’était pas lui qui allait me donner des leçons.
"Mon père possédait une bibliothèque étendue et, croyez-le ou non, il y avait une petite troupe de théâtre qui opérait dans ma région, dirigée par un de vos anciens compatriotes. Il s’appelait Barnabas Collins. J’ai assisté à plusieurs de ses représentations et j’ai eu quelques petits rôles."
Ce n’était qu’un semi-mensonge. Mon père possédait effectivement une grande bibliothèque, mais elle contenait plus de bouquins de médecine dentaire que de pièces de théâtre. Quant à la troupe de théâtre, je l’avais inventée de toutes pièces. Mais ça sonnait bien, et c’était tout ce qui comptait.
Bill me regarda toujours avec une ombre d’irritation dans les yeux. Il essayait visiblement de se rattraper après s’être fait humilier par une simple servante.
D’un ton plutôt dédaigneux, il déclara : "Peut-être pourriez-vous nous citer quelque chose."
Oh, avec plaisir.
Je le regardai droit dans les yeux et, avec une assurance glaciale, je récitai :
"Les hommes à certains moments sont maîtres de leur destin :
La faute, cher Brutus, n’est pas dans nos étoiles,
Mais en nous-mêmes, que nous sommes des subalternes."
(Jules César, Acte 1, Scène 2)
C’était parfaitement approprié.
Une citation sur le destin, la façon dont nous façonnons notre propre avenir… Et surtout, un rappel que Bill n’était pas destiné à être glorieux, mais bien un simple médiocre déguisé en aristocrate séduisant.
William resta là, figé, ne sachant visiblement pas comment réagir.
Fleur, elle, me regardait avec une expression intriguée, comme si elle venait de découvrir une facette inattendue de moi.
Quant à M. Delacour, son visage affichait une expression indéchiffrable, ce qui me mit légèrement mal à l’aise.
Finalement, après un long silence pesant, il hocha poliment la tête.
"C’est très bien, Mademoiselle Hermione."
Soudain, je réalisai mon erreur. Mon besoin jaloux de rabaisser Bill venait peut-être de me mettre en danger. Merde.
J’étais une simple domestique. Une bonne n’était pas censée avoir des connaissances aussi poussées sur Shakespeare. Et pourtant, j’avais corrigé un gentleman devant sa fiancée et son futur beau-père.
Tu es stupide, Hermione. Stupide, stupide, stupide.
Essayant de rectifier le tir, je m’inclinai rapidement avec une soumission feinte.
"Au fil des années, j’ai appris à aimer Shakespeare et je déteste simplement le voir mal cité. Je vous prie de m’excuser. Si vous me le permettez, je dois m’occuper de mes devoirs."
C’était un mensonge éhonté. Je n’étais pas désolée du tout. Mais la dernière chose dont j’avais besoin, c’était de perdre mon emploi à cause de mon orgueil.
En entrant dans la cuisine, je fus immédiatement accueillie par le regard horrifié d’Emily, comme si elle venait de me voir étrangler un panier entier de chiots.
Mme Winky, quant à elle, ne perdit pas une seconde et me prit rapidement à part pour une réprimande bien sentie.
"Mademoiselle Hermione, je dois vous rappeler votre place. Vous avez fait un excellent travail jusqu’à présent, mais vous n’êtes pas ici pour corriger les citations de Shakespeare. Vous êtes ici pour servir, pas pour instruire les messieurs."
Je baissai aussitôt la tête, jouant parfaitement le rôle de la domestique repentante.
"Je suis sincèrement désolée, Mme Winky. J’ai simplement laissé mes passions prendre le dessus. Cela ne se reproduira plus."
Elle m’observa quelques secondes, semblant jauger ma sincérité. Puis, dans un soupir, elle hocha la tête.
"Tu as de la chance, Mademoiselle Hermione. Le père de M. Delacour était un grand amateur de Shakespeare et il comprendra. Mais ne tente pas ta chance une seconde fois."
Avec un hochement de tête obéissant, je retournai à la salle à manger, priant pour que cette affaire soit vite oubliée.
Dès que je franchis le seuil, je sentis le regard sombre que Bill me lança, chargé d’un mépris à peine voilé. Il semblait avoir encore du mal à digérer le fait qu’une simple servante l’ait corrigé devant Fleur.
Quant à M. Delacour, il m'observa d’un air suspicieux, comme s’il venait de réaliser que j’étais peut-être un peu trop instruite pour une simple domestique.
Mais celle qui attira vraiment mon attention, c’était Fleur. Elle ne disait rien, mais sa mâchoire semblait encore pendante depuis tout à l’heure. C’était presque satisfaisant.
Mais je savais que je devais me rattraper. J’étais en terrain dangereux. J’avalai donc ma fierté et baissai légèrement la tête, prenant une posture humble avant de parler.
"Encore une fois, mes excuses, Monsieur Weasley. Je ne voulais pas vous offenser. J’aurais détesté vous voir vous embarrasser en citant mal Shakespeare une fois de plus. Mon père disait toujours que si vous faites quelque chose, faites-le bien."
J’avais choisi mes mots avec soin.
Lui présenter mes excuses tout en insinuant qu’il s’était déjà embarrassé une première fois. Un petit coup d’ego bien placé.
Le regard de Bill se durcit, mais après un silence pesant, il répondit d’un ton forcé :
"C’est tout à fait acceptable, Mademoiselle Hermione. Je vois que vous êtes très passionnée par Shakespeare. C’est agréable de savoir que tous les Américains ne sont pas totalement incultes."
Il y avait une insulte sous-jacente, mais je m’y attendais. Je me contentai d’un léger sourire poli, sans relever. Ne pas lui donner de pouvoir sur moi.
Alors que je m’apprêtais à me retirer après avoir servi le pudding, une voix douce et mélodieuse me retint.
"C'était très impressionnant, Hermione."
Fleur me regardait avec un sourire sincère, son admiration parfaitement visible.
Rien que cette phrase fit bondir mon cœur, envoyant une douce vague de chaleur à travers moi.
Je lui rendis un sourire tout aussi sincère avant de m’incliner légèrement.
"Merci, Mademoiselle Fleur. Si vous me le permettez."
Je me retirai enfin, sentant toujours le regard de Fleur me suivre alors que je franchissais la porte.
Alors que je regagnais la cuisine, une pensée me traversa l’esprit.
J’avais eu ma petite victoire aujourd’hui. J’avais tenu tête à Bill. J’avais éveillé la curiosité de Fleur. Mais je devais me rappeler pourquoi j’étais ici.
Ces petits moments d’orgueil pouvaient me coûter bien plus qu’un simple emploi. Si je faisais une erreur, je pouvais compromettre ma seule chance de sauver Fleur. Et ça, je ne pouvais pas me le permettre.