L’ULTIME ESPOIR DE L’HUMANITE traduit de Russe. Auteur Isra

S'il ne s'inquiétait pas autant pour Harry, Severus se rappellerait ce week-end passé dans le sanctuaire des dragons comme une période extraordinaire de sa vie.

Grâce au don exceptionnel d'Alex, les dragons permirent au jeune garçon de s'approcher d'eux librement et même de les nourrir à la main. Lorsque le petit Norvégien accepta pour la première fois un morceau de viande des mains d'Alex, Severus éprouva une sorte de crainte. Il ne connaissait pas grand-chose aux les dragons, mais il savait bien à quel point ces créatures étaient complexes et étonnantes, aussi anciennes que la magie elle-même. Les voir s'incliner docilement devant son petit garçon était vraiment extraordinaire.

Dimanche soir, en retournant dans la grotte du Norvégien à bosse pour la dernière fois, Severus et Charlie assistèrent à des adieux émouvants. Alex, les yeux remplis de larmes, caressa le petit dragon auquel il s'était déjà attaché. En réponse, le dragonneau lui lécha les mains et émit un doux gémissement. Puis quelque chose d'encore plus étrange se produisit : la dragonne, qui était auparavant allongée indifférente à tout sur son tapis dans le coin de la grotte, se dandina vers Alex, lui toucha délicatement la joue avec le bout de son museau, puis s'éloigna dignement pour s'allonger à sa place.

—   Si je ne l’avais pas vu de mes propres yeux, je ne l’aurais jamais cru ! siffla Charlie, profondément étonné par l'attitude de ses effrayants protégés envers Alex. Même moi, je n'ai jamais reçu une telle preuve d'amour de leur part ! Pauvre vieux Poudlard ! Je n'ose pas imaginer ce qui l’attend dans six ans, quand ce miracle de la nature viendra faire ses études ! Ne crains-tu pas que si Alex s'y ennuie, il démonte le château brique par brique ?

—   Harry et moi en avons discuté plusieurs fois, mais nous n'avons pas trouvé d'alternative à l'école pour Alex. Malgré son intelligence et son énorme potentiel magique, il a besoin de communiquer avec des enfants de son âge. Heureusement, pour les professeurs, Alex est assez discipliné et obéissant. Il est très probable que Minerva devra élaborer un programme d'étude individuel pour lui, mais dans l'ensemble, je suis convaincu qu'il passera un bon moment à Poudlard. Bien sûr, si… Severus se frotta les tempes, comme s'il essayait de soulager un mal de tête, c'est-à-dire quand il pourra à nouveau parler.

—   Quels sont les pronostics des guérisseurs ? demanda Charlie avec sympathie.

—   Quels pronostics pourraient-ils faire ? ! répondit Rogue avec amertume. Alex a été examiné par Hippocrate Smethwick et par le médecin personnel des Malefoy. Tous deux ont rendu un verdict indépendamment selon lequel la cause de son mutisme était un gros choc nerveux survenu au moment de l'enlèvement d'Harry. Vous ne pouvez pas imaginer la détresse d'Alex lorsque je l'ai pratiquement arraché de force à Harry pour le transplaner dans la Zone. Son subconscient a créé un puissant blocage pour le protéger, l'empêchant également de parler. Les guérisseurs assurent que dès le retour d'Harry chez lui, le blocage disparaîtra de lui-même, mais...

—   Je hais ces salauds ! dit Charlie à voix basse, pour que ses mots n'atteignent pas les oreilles d'Alex. Je ne me suis jamais considéré comme quelqu'un de cruel et assoiffé de sang, mais maintenant j'ai juste hâte d'éliminer cette vermine.

—   Crois-moi, moi aussi. Surtout, après ce que j'ai « eu la chance » d'observer dans les souvenirs de Gregston, répondit Rogue en chuchotant également. Mais à l'heure actuelle nous ne pouvons pas nous permettre de rêver de vengeance. Notre priorité est de recueillir des informations sur les autres camps, pour cela, nous devons capturer les officiers vivants, et avec beaucoup de chance, Hermione. Cela sera très difficile car elle adopte une apparence masculine une fois dans le camp, comme vous l'avez vu dans les souvenirs.

—   C'est un problème, Charlie se gratta la tête, elle peut ne pas être présente là-bas le jour J.

—   Appelez cela un sixième sens si vous voulez, mais je suis presque sûr qu'elle voudra être présente lors de la naissance de l'enfant de Harry, afin d'emmener personnellement le bébé dans la famille adoptive. Elle cherche à briser Harry, à détruire sa volonté, et par extension, la mienne.

—   Je ne comprends toujours pas comment cela avait pu arriver ! Charlie secoua la tête. Ils étaient inséparables. Harry, Ron et Hermione. D'où vient une telle haine dévorante ? !

—   Granger est folle et obsédée uniquement par la vengeance, soupira lourdement Rogue. Elle s'est convaincue qu'Harry avait profité d'elle et de son intelligence dans la lutte contre Voldemort, pour ensuite oublier ses mérites et n'a pas plaidé sa cause lorsque je n'ai pas accepté sa candidature pour un poste dans le Département des Mystères.

—   Pourquoi vous ne l'avez pas acceptée ? demanda Charlie. Hermione, autant que je me souvienne, a toujours été incroyablement intelligente.

Rogue expliqua, gardant un œil sur Alex qui s'amusait avec le bébé dragon. Le dragon ne se montrait jamais agressif, mais Severus restait vigilant, tenant sa baguette prête à se servir de la magie au moindre signe de danger et pour protéger son fils d'un ami extrêmement redoutable.

—   Pour travailler au Département des Mystères, la théorie seule ne suffit pas. Cela nécessite également un niveau de force magique très élevé. Granger ne l'avait pas. Elle a cru, à tort, que je ne l'avais pas engagée à cause de son statut de sang. Malheureusement, elle s'est mise en tête que je ne l'avais pas prise dans le service uniquement à cause de son statut de sang. Quelques semaines après mon refus, elle m'a envoyé une lettre enflammée m'accusant de préjugés envers les Nés de Moldus. J'ai détruit la lettre pour éviter qu'elle n'attire accidentellement l'attention d'Harry. Elle ressent maintenant une intense haine envers le monde de la magie et tous les sorciers qu'elle a croisés. Et elle se venge de façon très élaborée. C'est pourquoi j'ai vraiment peur pour Harry. Le neuvième mois de grossesse est souvent le plus éprouvant à bien des égards. Pendant cette période, le soutien du conjoint est aussi vital que l'air. Imaginez que vous éprouvez constamment un malaise physique. Les douleurs dorsales, l'insomnie, l'essoufflement et les brûlures d'estomac vous accompagnent en permanence. Votre humeur change rapidement : la perspective imminente de l'accouchement vous plonge progressivement dans la neurasthénie. En prime, vous subissez une interdiction totale de pratiquer la magie, ce qui est extrêmement difficile pour tout sorcier.

—   Brrr, Charlie haussa les épaules, vous peignez un tableau très sombre. Maintenant, je suis même heureux de ne pas avoir cédé à la persuasion de Nick et d’avoir abandonné le rêve d’avoir un enfant. Je ne peux pas imaginer comment Harry s'était décidé à le faire et par deux fois !

—   La première fois, il l'a fait pour le bien de toute l'humanité, dit Rogue après une courte pause, et la seconde... Pour le bien de notre famille. Désolé, Charlie, pouvez-vous surveiller Alex une minute !

Il se leva soudain du rocher recouvert de mousse et des sortilèges chauffants à l'entrée de la grotte, se rendit au bord de la falaise escarpée, ferma les yeux, serra les poings et se mordit la lèvre à se faire mal. Son cœur se serra, puis battit violemment dans sa poitrine. Il était accablé par la haine et le mépris envers lui-même.

Pendant un bref instant, il ressentit l'envie de se précipiter du haut de cette hauteur vertigineuse, pour échapper à la culpabilité constante de sa trahison. Tout ce que Severus voulait, c'était voir Harry tout de suite, en vie et libre, mais en même temps, il était assailli par une peur qu'il n'avait jamais connue jusque-là. Il ignorait comment affronter le regard de Harry après ce qui s'était passé dans la forêt. Il ne voyait pas comment obtenir le pardon pour les mois difficiles que Potter avait endurés, pour le silence d'Alex, pour avoir créé cette potion de Mordred ! Comme il serait facile de faire un pas en avant et de ne plus rien éprouver !

Soudain, un souvenir vint à l'esprit de Severus comme un éclair : lui et Harry dans la salle d'accouchement. Harry avait l'air épuisé mais incroyablement heureux, tenant Alex, qui venait de naître, dans ses bras.

—   Maintenant, nous sommes devenus une vraie famille, tu sais ? Dit Harry d'une voix rauque.

Severus hocha la tête en silence, rendue muet par l'amour profond et la tendresse qu'il ressentait pour eux.

Severus prit une profonde inspiration et s'éloigna du bord de l'abîme. Harry et Alex avaient besoin de lui et il n'avait pas le droit d'être faible. Et les sentiments qui l'avaient submergé, il les garderait pour plus tard, lorsque tout ce cauchemar serait derrière eux.

Lundi matin, Severus se réveilla la tête lourde. La nuit précédente, après avoir mis Alex au lit, il veilla tard avec Charlie et son mari, Nick, qui aimait cuisiner. Nick avait décidé de faire plaisir à son invité avec un délicieux kebab d'agneau, qui se mariait parfaitement avec le vin rouge local. Autour d'une table abondante en mets succulents et en bon vin, dans une atmosphère conviviale, le temps s'écoula rapidement, et lorsque Severus se retira dans la chambre d'amis, il était minuit passé depuis bien longtemps.

Après avoir éteint Lumos au bout de sa baguette, Severus fit doucement léviter la chaise plus près de la fenêtre et s'y installa en s'enveloppant dans une couverture douillette. Malgré une soirée arrosée et un repas copieux, il ressentait une étrange insomnie. Soudain, Severus se rappela la froide soirée de Noël où lui et Harry, sans se concerter, avaient proposé simultanément de se marier.

À cette époque, ils se fréquentaient depuis plus d’un an. Leur romance improbable avait commencé à l'automne 1998, lorsque Severus, complètement réhabilité aux yeux de la justice grâce à l'intervention de Potter, se remettait lentement d'un coma de trois mois. Leur relation ne pouvait pas alors être qualifiée de romanesque, elle était plutôt forcée.

Potter, libéré de toutes les obligations, au lieu de bâtir sa vie personnelle, pour une raison inconnue, venait tous les jours dans la chambre de Rogue à l'hôpital. Si seulement il pouvait juste s'asseoir tranquillement sur une chaise sans rien faire ! Mais non ! Ce garçon effronté décida de venir en aide à son ancien professeur à tout prix, même si personne ne lui avait rien demandé.

Rogue, qui détestait montrer sa vulnérabilité, était furieux contre Harry qui voulait prendre soin de lui. Au cours des longs mois de rééducation douloureuse, Harry entendit beaucoup de choses désagréables, car la faiblesse, la douleur et l'impuissance transformèrent Rogue, déjà irritable, en un personnage totalement insupportable. Quelqu'un d'autre aurait abandonné depuis longtemps et ne remettrait plus jamais les pieds dans la chambre de Severus, en l'envoyant se faire voir chez Mordred. Mais ce n’était vraiment pas pour rien que l’entêtement des Gryffondors avait la réputation d’être légendaire ! Harry ne prêta aucune attention aux remarques caustiques, ignora les piques et continua à se traîner jusqu'à l'hôpital avec une ténacité enviable, pour offrir son aide. Lassé par ce patient difficile, le personnel de Sainte Mangouste lui transféra avec soulagement et un grand plaisir certains soins.

En septembre 1998, Harry intégra l'Académie des Aurors. Désormais, il ne pouvait visiter Severus que le soir et bien souvent, il s'endormait épuisé sur la chaise. C'est à ce moment que Rogue réalisa qu'en l'absence de Potter, il était envahi par la tristesse et l'indifférence, des sensations qui disparaissaient dès qu'Harry franchissait la porte de la chambre. Bien évidemment, Rogue, même sous la torture, n'aurait jamais avoué à qui que ce soit, et en particulier pas à Potter, les sentiments étranges et effrayants qui émergeaient lentement des abîmes de son cœur.

Une nuit, Severus se réveilla avec la soudaine prise de conscience qu'il éprouvait des sentiments amoureux pour Potter. Rogue doutait profondément, car Harry, qui lui rendait visite chaque jour depuis quatre mois, n'avait jamais évoqué son mobile. Très probablement, son acte n'était pas motivé par l'amour, mais plutôt par la reconnaissance et le devoir, des sentiments que Dumbledore avait inculqués à son élu. Peut-être était-ce même une tentative de se réconcilier après tant d'années de haine réciproque. Rogue refusait de considérer qu'il pourrait y avoir une autre explication. Pourquoi un garçon si jeune, à peine sorti de l'école, serait-il tombé amoureux d'un homme de vingt ans son aîné, et en plus de cela, doté d'une apparence peu séduisante et d'une attitude peu aimable ?

Ne trouvant pas de réponses aux questions qui le tourmentaient, Rogue se referma sur lui-même. Désormais, son seul désir était de quitter l'hôpital au plus vite, retrouver sa baguette et disparaître définitivement dans le monde des Moldus.

Peut-être que sans l'obstination de Potter, cela aurait pu se produire, mais un soir, au lieu de s'affaler dans son fauteuil, Harry se tint debout à la porte, croisa les bras sur sa poitrine dans un geste très familier à Severus, et lui demanda en le regardant droit dans les yeux :

—   Admettez-le honnêtement, vous en avez marre de moi ?

—   Pourquoi ? marmonna Rogue, pris par surprise.

—   Vous avez l'air de quelqu’un qui déteste me voir. Et dire qu'il me semblait que vous vous êtes déjà habitué à ma présence.

Rogue répondit avec beaucoup plus brusquerie qu'il ne souhaitait :

—   Au moins une fois, vous vous êtes demandé si j'avais besoin de votre aide ?

Les joues d'Harry virèrent au cramoisi. Le désespoir et la douleur remplirent le regard tourné vers Rogue.

—   Je pensais... marmonna-t-il de manière à peine audible. Ça n'a pas d'importance... J'ai commis une erreur, pardonne-moi...

Harry soupira lourdement et se tourna pour quitter la pièce.

—   Arrêtez, Potter ! S’exclama Severus de façon inattendue. Dites-moi honnêtement, pourquoi vous traînez par ici depuis tant de mois ? Pourquoi, bon sang, perdez-vous votre temps avec moi, au lieu de rencontrer des filles, d'aller au pub avec vos idiots d'amis, de vivre la vie normale dont vous avez probablement rêvé ?

—   Comment pouvez-vous savoir que j'ai rêvé exactement d'UNE TELLE VIE ? lança Potter sans se retourner pour le regarder en face. Comment savez-vous de quoi ou de qui je rêve ? !

—   Eh bien, pas de moi ! prononça involontairement Severus.

Potter s'approcha du lit et regardait à nouveau droit dans les yeux de Rogue :

—   Et si c'était de vous ? Et je ne fais pas que penser...

Severus eut le souffle coupé, ce qui se passait était totalement dépourvu de bon sens :

—   Potter..., Harry... Ne dites pas les choses que vous risquez d'amèrement regretter plus tard…

—  Pourquoi ? demanda Harry à peine audible.  Parce que vous ressentez la même chose pour moi ? Et vous craignez de l’admettre ?

En un court instant, une multitude de pensées traversa l'esprit de Severus, portant sur la vie et la mort, la trahison et le dévouement, la haine et l'amour. Il comprit que lui aussi méritait le bonheur, malgré tout.

Et puis ses lèvres s'entrouvrirent pour murmurer doucement :

—   Oui...