La maison sur la colline
Lyra avait dix ans, presque onze, et son frère, Orion, avait quatre ans de moins qu’elle. S’ils passaient beaucoup de temps à jouer dehors, leur mère leur avait fait un programme détaillé afin de les préparer à leur entrée au collège Poudlard. Ils avaient appris à lire, à écrire et à compter. Mais aussi, l’histoire de la magie et du monde moldu ; ils connaissaient par cœur leurs tables de multiplications et leur syllabaire de runes. Leur mère leur répétait que dans la vie le savoir était notre trésor le plus précieux. Ce à quoi, leur père lui répondait : « jusqu’au jour où on rencontre la femme de sa vie et qu’on lui fait deux beaux enfants ». Il joignait à ses mots un tendre baiser sous les grimaces de dégoût de ses enfants et le rire amoureux de sa femme.
Quand ils n’étudiaient pas, ils jouaient dehors ou aux échecs façon sorcière et moldue et ils s’entrainaient avec les baguettes de leurs parents. Pour leur âge, ils savaient déjà lancer plusieurs sorts ménagers mais aussi des sortilèges aussi malicieux qu’eux qui auraient rendu fiers Fred et Georges Weasley en personne. Un soir, ils avaient réussi, en se faufilant dans la chambre de leurs parents, à changer les oreillers de plume en oies vivantes, faisant hurler de peur leur mère et rire aux éclats leur père. Par vengeance, elle avait lancé à son mari un maléfice cuisant du saucisson, s’écrasant au sol dans un grand « bong » faisant exploser de rire les deux enfants.
Ils avaient gardé les oies, et fabriqué de nouveaux oreillers, profitant d’œufs frais presque tous les jours.
Ils ne manquaient presque rien à ces deux enfants pour être parfaitement heureux, si ce n’était de voir le monde.
Petits, ils faisaient leur vie sans poser aucune question sur la guerre, Voldemort ou les amis de maman qu’elle ne voyait jamais. Mais à bientôt onze ans, Lyra interrogeait ses parents de plus en plus sur son entrée à Poudlard. Elle avait hâte de recevoir sa lettre et d’aller sur le chemin de Traverse pour acheter sa première baguette et un gros chat orange comme celui de sa maman.
Son frère, qui avait hérité un peu trop du talent railleur de son père, ne pouvait s’empêcher de se moquer :
« Si ça se trouve, t’es une cracmol et personne ose te le dire à cause de ton sale caractère !
- Orion Drago Malefoy, continues sur cette lancée et tu verras de quel bois je me chauffe jeune homme !
Quand Hermione Malefoy menaçait tout votre arbre généalogique, mieux valait l’écouter, acquiescer et s’excuser. Même son époux avait fini par apprendre cette leçon, il en allait de sa survie !
- Pardon, maman.
- Ce n’est pas à moi que tu dois demander pardon. Mais à ta sœur. Je ne suis pas certaine que quand ton tour viendra, tu apprécieras ce genre de blague douteuse.
- D’accord… Pardon Lyra, je ne recommencerai plus. C’est bon maman, je peux aller jouer ?
Hermione soupira et laissa son fils sortir hors de la maison. Un sourire, entre attendrissement et exaspération, se dessina sur ses lèvres avant de se tourner vers sa fille et de voir sa mine triste.
- Qu’est-ce qu’il y a ma chérie ?
- Si ça se trouve c’est vrai. Peut-être qu’ils veulent pas de moi parce que je suis une cracmol.
Hermione posa son torchon et prit sa fille dans ses bras.
- N’écoute pas ce que dit ton frère. Il le fait uniquement pour t’embêter. D’accord ?
- Mmm…
Peu convaincue, elle s’assit sur une chaise autour de la table et cacha son visage entre ses bras.
- Lyra, tu m’aides avec la vaisselle. Tiens prends ma baguette pour finir de nettoyer les casseroles pendant que j’essuie les assiettes s’il te plait.
Elle s’exécuta sans grande envie. Sa mère l’observa du coin de l’œil réaliser un recurvit parfait.
- Tu vois que tu n’es pas une cracmol. Ton sort était parfait ma grande.
En réalisant cela, Lyra se mit à sourire jusqu’aux oreilles. Elle aperçut son frère derrière la fenêtre de la cuisine et profita d’avoir la baguette de sa mère pour lui lancer un sort de croc en jambe qui le fit atterrir dans une gigantesque flaque de boue. Et, pour faire bonne mesure, termina la vaisselle, laissant croire à son frère qu’il était maladroit.
Pour autant, les mots de sa fille tournèrent en boucle dans sa tête et Hermione ne parvenait plus à savoir quoi faire. Le soir même, une fois les enfants couchés, elle et Drago s’assirent sur leur banc devant la maison pour pouvoir discuter sans être entendus :
- Elle a tellement peur de ne pas être une sorcière. Qu’est-ce qu’on peut faire ? Tu crois qu’on pourrait… ?
- Tu imagines l’énergie que ça demanderait ? Rappelle-toi quand ils ont voulu voir un match de quidditch !
- Je sais. Mais ça me brise le cœur de la voir comme ça ! On ne peut pas la laisser comme ça. Peut-être qu’on peut lui donner un peu d’espoir. Juste assez, le temps qu’on trouve…
- Quinze ans Hermione ! Tu crois vraiment que subitement ça va se régler comme ça ?
- Et bien c’est sûr qu’avec cette mentalité on ne risque pas d’aller bien loin ! Il s’agit de notre fille et dans quelques temps notre fils aussi. Je ne peux pas la laisser croire pour le restant de ses jours qu’elle est une cracmol alors que toi comme moi on sait que c’est faux.
- C’est beaucoup trop dangereux.
- C’est ma décision ! Je me fiche de ce que ça me coûte.
- Je te l’interdis, tu m’entends ?! C’est comme ça.
Hermione s’apprêtait à répliquer quand une petite voix sur leur seuil de la porte les interrompit :
- Pourquoi vous vous disputez ?
- Oh, pour des bêtises ma chérie. Papa n’est pas d’accord avec moi pour ton cadeau d’anniversaire. Et il croit qu’il va avoir raison alors que tout le monde sait ici qui commande.
Mère et fille échangèrent un clin d’œil complice.
- Aller, retourne te coucher mon amour.
- D’accord, bonne nuit maman, bonne nuit papa. Je vous aime.
- Nous aussi on t’aime. Mais n’écoute pas tout ce que dit maman : elle aime bien croire qu’elle peut me battre.
Lyra rentra dans la maison, en riant. Mais dehors, sur le banc, devant la maison sur la colline, l’ambiance était pesante. Il savait qu’elle avait raison ; il cherchait juste à la protéger comme elle l’avait fait pour lui. Elle savait que c’était dangereux, mais elle était prête à tout pour ses enfants. Son choix était fait et il était irrévocable depuis qu’elle avait vu le chagrin de sa fille. Et ça, même son mari ne pouvait rien y faire.