La mort est une fin heureuse

Chapitre 21 : Rancune

4537 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 18/04/2024 16:52

Pravin, Décembre 2023.

 

        Ils étaient des rois. Ils étaient puissants, craints et respectés. Ils avaient réussi à semer la zizanie complète dans le château, et personne ne savait qu’ils en étaient responsables. C’était une sensation étrange et jouissive, comme si un voile les séparait des autres élèves. Il avait l’impression d’être une star anonyme.

        Pravin était l’homme de l’ombre. Le cerveau des opérations. Il avait appris par cœur la carte du Maraudeur, connaissait et avait essayé tous les passages secrets qui y étaient indiqués. Il avait même pris l’initiative d’y rajouter à la main les positions des tableaux et des armures, car ils devaient bien veiller à ne pas se faire prendre, par qui que ce soit. Il participait aussi aux actes en eux-mêmes, évidemment, et faisait rigoureusement le guet à l’aide de la carte. Il prenait presque autant de risques que Frank.

        Frank, lui, était l’homme d’action. C’était lui qui retournait les tableaux, versait de la lotion glissante sur le sol, lançait des gaz étrangleurs dans les couloirs, remplaçait le stock de pimentine de l’infirmerie par de la potion qui attirait les mouches, lançait des citrouilles sur les passants dans le parc, cachait des boules puantes sous les tables de la Grande Salle, et cassait les chaises des professeurs pour les faire tomber quand ils s’asseyaient dessus. Il avait une confiance aveugle envers Pravin qui lui disait quand il pouvait agir en toute sécurité, et quand il devait se cacher.

        Enfin, Peeves était le revendicateur, l’incarnation du chaos. Aux yeux de Poudlard, c’était lui qui faisait toutes ces farces, alors qu’il était en réalité présent moins de la moitié du temps. C’était un rôle qu’il adorait, bien sûr. Peu importe le nombre de réprimandes, des menaces d’exclusion, Peeves était imperturbable. Pravin avait vérifié dans le bouquin de Norbert Dragonneau, en tant qu’esprit frappeur, Peeves était magiquement lié à son domicile, à savoir Poudlard, et il était impossible pour lui de quitter le château. Les menaces d’exclusion étaient donc vaines.

        Depuis leur entrée en troisième année, ils avaient accès au magasin Zonko, ainsi que la branche des Sorciers Facétieux de Pré-au-Lard, ce qui leur permettait d’étendre très largement le spectre de leurs possibilités. Ils redoutaient le moment où les professeurs comprendraient que Peeves avait des fournisseurs de l’extérieur, et annuleraient les week-ends dans le petit village. Le cas de figure s’était déjà présenté par le passé. Cela ne leur faciliterait pas la tâche, même si, grâce aux passages secrets, ils pourraient tout de même s’arranger.

        Grâce à eux, les professeurs étaient complètement débordés, et ils avaient dû demander aux préfets de faire des rondes dans les couloirs aux heures stratégiques pour monter la garde. Comme si cela allait les dissuader. Ils avaient la carte du Maraudeur, éviter ces patrouilles était un jeu d’enfants. Malheureusement, le danger ne venait pas des professeurs, ni même des préfets.

        Enfin si, techniquement, elle était préfète.

        Un samedi matin du début du mois de décembre, le lendemain d’un magnifique fait d’armes particulièrement réussi, la grande sœur de Frank, Alice, les rattrapa au bout d’un couloir au troisième étage d’un château. A cet instant précis, leurs intentions étaient parfaitement innocentes.

— Frank, est-ce que je peux te parler ? demanda-t-elle à son frère.

— Oui, bien sûr, répondit ce dernier.

        De toute évidence, cette réponse ne convenait pas à Alice. Frank attendit qu’elle prenne la parole, et cette dernière attendait autre chose, en regardant intensément Pravin. Mais Pravin ne comprit pas ce qu’elle voulait, et se contenta de soutenir son regard. Finalement, Alice se retourna vers Frank.

— Frank, est-ce que je peux te parler seul ? réitéra-t-elle.

        Mais pour qui elle se prenait, celle-là, à essayer de le séparer de Frank ? Pravin ne bougea pas d’un poil, et la fusilla du regard. De toute façon, Frank prit sa défense.

— Tout ce que tu as à me dire, Pravin peut l’entendre aussi. Dans tous les cas, je lui répéterais juste après.

— Comme tu veux, soupira Alice. J’aimerais que tu arrêtes de collaborer avec Peeves.

        Frank et Pravin croisèrent précipitamment leurs regards, embarrassés. Comment savait-elle ?

— On n’a rien à voir avec… commença Pravin.

— S’il-te-plaît, coupa sévèrement Alice, je parle avec mon frère. Je ne peux pas te forcer à partir, mais ne m’oblige pas à t’adresser la parole.

        Pravin ferma la bouche et sentit la colère monter. Frank était son ami, et cette affaire le regardait, lui aussi. Il s’apprêtait à copieusement l’insulter quand Frank prit la parole.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Frank, arrête un peu, répliqua Alice. Hier soir, l’encre magique qui a jailli d’une étagère de la bibliothèque. Tu crois que je n’ai pas reconnu le coup que tu as fait à Mokrane lors de ton premier jour ?

— C’est une coïncidence…

— Une coïncidence, mais bien sûr ! Ecoute Frank, vous me pourrissez la vie, d’accord ? Je suis en retard sur mes révisions, je passe mes BUSE à la fin de l’année, et je dois vous surveiller ?

— C’est pas de ma faute si les profs vous forcent à patrouiller dans les couloirs, bougonna Frank.

— Ben si, justement Frank, c’est de votre faute. Alors il serait peut-être temps de laisser l’école tranquille, et de nous laisser travailler !

— Ouais ben, ça c’est mort, rétorqua Frank. Pourquoi travailler alors que l’on peut s’amuser ?

— Mais parce c’est une école ! s’écria Alice. On est ici pour apprendre, mais on ne peut pas, parce que vous en avez décidé autrement !

— Eh, j’ai pas demandé à venir à Poudlard, moi !

— Tu ne veux pas travailler ? cria Alice. Soit, grand bien t’en fasse, il n’y a rien que je puisse y faire. Mais de quel droit empêches-tu les autres de le faire correctement ?

— Mais parce que c’est marrant, ricana Frank.

        Lui et Pravin se regardèrent en souriant. Ce sourire ne plut pas du tout à Alice. Elle sembla sur le point d’exploser, puis souffla un bon coup, et reprit sa respiration.

— Ce n’est pas à moi de te dire quelles personnes tu dois fréquenter, dit-elle calmement en faisant un mouvement de tête en direction de Pravin. Mais s’il-te-plaît, ne te laisse pas influencer.

— Personne ne m’influ…

— Alors tant mieux, coupa Alice. Sois raisonnable, Frank. Je n’ai absolument aucune envie de te dénoncer.

        Sur ces mots, elle tourna les talons et fila hors de leur vue. Pravin voyait que Frank était en colère. Lui aussi l’était, mais certainement pas autant que Frank.

— Pourquoi je serais influencé ? grogna-t-il. Qu’est-ce qu’elle raconte ?

        Pravin ne répondit pas. Il était outré par cette tentative de sabotage de leur amitié. Il savait que ça n’aurait eu aucune chance de fonctionner, car Frank et lui étaient comme les doigts de la main. Mais quand même ! En plus, il était toujours vexé de la façon dont elle l’avait fait taire.

— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda-t-il.

— Comment ça, qu’est-ce qu’on fait ?

— On réagit comment à ce qu’elle vient de nous dire ? A ses menaces ?

— On ne fait rien, dit simplement Frank. Ou plutôt, on ne change rien. On continue ce qu’on avait prévu, quoi. Elle ne dira rien du tout.

        Ce ne fut pas la réponse à laquelle Pravin s’attendait. Il imaginait que Frank aller proposer un plan de vengeance, comme par exemple introduire un niffleur dans son dortoir. Mais il fut tout de même satisfait de cette réponse, et n’insista pas.

        Tous les deux rentrèrent tranquillement dans leur dortoir, en discutant allègrement de leur prochain plan impliquant un tonneau de jus de citrouille.

 

*       *       *

 

        L’opération tonneau de jus de citrouille fut un véritable succès. Ils l’avaient entendu atteindre sa cible, grâce aux cris qu’avaient poussé les malheureuses victimes. Pravin avait ensuite identifié ces victimes comme étant Alice et son ami rouquin. Il fut très satisfait de cette coïncidence, se rendant alors compte qu’il avait peut-être besoin de cette petite vengeance personnelle. Rien de bien méchant.

        Mais le lendemain, le vendredi, des problèmes plus importants les rattrapèrent.

— Pravin ! Frank ! tonna la voix du professeur Londubat, le père de Frank, à la fin de leur cours de botanique. Restez un peu par ici.

        Frank soupira, et lui et Pravin attendirent en silence à leurs places sous les regards curieux des élèves de Poufsouffle et de Gryffondor qui prenaient tout leur temps pour sortir de la serre. Mr Londubat attendait lui aussi, assis sur son bureau, les fusillant déjà du regard. Pravin redoutait ce qui leur attendait…

— J’ai vais aller droit au but, entama-t-il d’un ton sec lorsque la classe fut vide, j’ai appris que vous étiez responsables du chaos mené par Peeves dans le château depuis quelques mois.

— Qui t’a dit ça ? demanda Frank en fronçant les sourcils.

— Peu importe. Est-ce que c’est vrai ?

        Pravin n’eût évidemment pas besoin de confirmation pour le savoir : Alice avait tout raconté à son père. Encore une fois, il sentit la colère monter en lui, envers Alice, envers Mr Londubat, envers tous ces gens qui se mettent en travers de son amitié avec Frank.

— C’est n’importe quoi ! Comment veux-tu qu’on… tenta de nier Frank avant de se taire devant le regard que lui lança son père.

        Mr Londubat se tourna vers Pravin, et ce dernier soutint son regard.

— Peeves n’écoute personne, c’est bien connu, dit-il.

        Mais Mr Londubat ne parut pas satisfait de cette réponse. Pas satisfait du tout. Il garda le silence quelques instants, puis reprit la parole d’un ton tellement calme que c’en était presque effrayant.

— Très bien. Ecoutez, ce n’est pas hypothétique, je sais que c’est vous. Je voulais juste savoir si vous auriez le courage et l’honnêteté de me le dire, et de faire face à vos responsabilités. Manifestement, ça n’est pas le cas.

        Frank baissa les yeux. Pravin continua de fixer Mr Londubat.

— Des mois à perturber l’équilibre et le climat scolaire de Poudlard. Des mois. Est-ce que vous savez seulement l’étendue des conséquences qui vont retomber sur vous ?

        Frank ne répondit pas. Pravin ne put plus se tenir. Il en avait marre qu’on lui parle de conséquences.

— Peu importent les conséquences, lança-t-il avec un air de défi. Vous voulez tous qu’on travaille, qu’on soit des élèves parfaits, comme s’il n’y avait rien de plus à la vie que les études. Mais le but de la vie est d’être heureux, et Frank et moi sommes parfaitement heureux comme ça. Vous devriez vous en contenter. À moins que vous ne souhaitiez pas que Frank soit heureux ?

— Tu te trompes à mon compte, Pravin, répondit calmement Mr Londubat. Tu penses que je n’approuve pas votre amitié à tous les deux, que je trouve que tu as une mauvaise influence sur mon fils. Mais je suis très content qu’il ait un ami comme toi, un ami aussi proche. Je connais l’importance de l’amitié.

        Pravin ouvrit la bouche, il ne s’attendait pas à une telle réponse.

— Et sur le fond, je suis d’accord avec ton raisonnement. Rien n’est plus important que le bonheur. Mais d’une part, vous serez bien embêtés dans dix ans quand vous chercherez du travail et que personne ne vous emploiera parce que vous n’avez pas assez étudié, et d’autre part, votre petit bonheur actuel empiète sur celui des autres. Ce n’est pas juste. Pourquoi vous accorder votre amusement à vous, et empêcher les autres de travailler ?

— Parce que les autres ne se rendent pas encore compte qu’ils peuvent faire autre chose que travailler encore et encore et encore. Ils ne voient pas les choses comme nous.

— Je vois, vous êtes donc de nobles chevaliers qui viennent libérer les pauvres esclaves du joug du système scolaire ?

— On peut dire ça, oui, sourit Pravin.

        Grave erreur.

— De toute évidence, gronda Mr Londubat, vous n’êtes pas conscients du mal être que vous infligez aux autres élèves, et à tous les autres habitants de ce château.

— N’exagérons ri…

— Stop, coupa Mr Londubat. Je ne vous dénoncerai pas à la directrice. Frank, je veux que tu réalises que c’est uniquement parce que tu es mon fils que je t’accorde cette chance. Alors ne la gâche pas. Si vous faites un nouvel écart de ce type, je n’aurai pas le choix. Vous serez probablement expulsés, les garçons. C’est compris ?

        Ils acquiescèrent en silence.

— Bien. Alors allez-y.

        Sans ajouter un mot, Frank et Pravin tournèrent les talons et quittèrent la serre. Pravin était toujours très en colère, mais ne dit rien. Tous deux avancèrent en silence pendant cinq bonnes minutes, avant que Frank ne prenne enfin la parole.

— Tu sais ce qui énerverait particulièrement mon père ? demanda-t-il avec un sourire.

        Pravin lui lança un regard abasourdi.

— Hein ?

— Quoi, tu crois quand même pas qu’on va se laisser impressionner par son discours ?

— Mais… Tu l’as entendu, on se fera expulser.

— Il ne dira rien à personne. Il a beaucoup trop honte d’avouer que la source de tout ce chaos est son propre fils.

— Mais…

— Tu n’as pas envie de te venger ? Tu ne lui en veux pas ?

        Evidemment qu’il en avait envie. La façon dont Mr Londubat fourrait son nez dans leurs affaires ne lui plaisait pas du tout. Et s’il était honnête avec lui-même, l’envie de faire une petite farce à Alice pour lui faire payer sa traîtrise lui trottait aussi dans la tête. Mais il n’en fit pas part à Frank.

— Bien sûr ! répondit-il.

— Alors je te repose la question : tu sais ce qui énerverait particulièrement mon père ?

— Non ?

— Il est prof de botanique, il a toujours été complètement gaga des plantes. Or, comme tu le sais, il y a dans le parc un magnifique spécimen très rare d’arbre qu’il affectionne tout particulièrement.

— Quoi, tu veux qu’on balance de l’encre sur le Saule cogneur ?

— Non. Je veux qu’on déracine le Saule cogneur.

 

*       *       *

 

        C’était un crime revendiqué. Une attaque personnelle envers un professeur de Poudlard, qui culminait des mois et des mois d’écarts aux règles de l’école. Ils allaient probablement être expulsés pour cela. Mais Frank et Pravin s’en fichaient. Peu leur importait s’ils devaient quitter l’école, si on leur confisquait leurs baguettes magiques. Être ensemble était tout ce qui comptait pour eux. Pravin en avait marre qu’on lui dise quoi faire. Marre qu’on lui impose un mode de vie qu’il n’avait pas choisi et qu’il détestait, marre qu’on lui interdise une des seules choses qui le rendent heureux.

        Pravin observa la carte du Maraudeur avec attention. Les professeurs et les préfets étaient de garde, comme tous les soirs. Frank et lui devaient attendre que tout le monde soit parti se coucher avant de se diriger vers le parc. Mr Londubat traînait près de la bibliothèque. McGonagall dans la cour de métamorphose. Alice et son ami Hugo Weasley en bas de la tour de Serdaigle. Vers neuf heures du soir, Pravin constata que, petit-à-petit, les préfets rentraient dans leurs dortoirs, et les professeurs dans leurs quartiers. Puis, à son grand étonnement, il repéra un petit groupe d’élèves passer par le tunnel situé sous le Saule cogneur et disparaître de la carte. Quelques minutes plus tard, Alice, Hugo Weasley et Dinah Mokrane les suivirent. Pravin décida de ne pas prévenir Frank, car il serait capable de repousser l’opération. Il lui indiqua plutôt :

— On peut y aller, la voie est libre.

        Frank acquiesça, et tous les deux quittèrent le dortoir en silence. Grâce à la carte et à leur longue expérience, il se frayèrent un chemin dépourvu de tableau et d’armure, et évitèrent quelques fantômes. Ils arrivèrent ainsi facilement au pied du Saule cogneur, qui était plutôt agité. Ils se mirent au travail.  

Frank fit léviter une brindille et immobilisa l’arbre d’un coup dans un nœud situé au nveau de ses racines. Puis, tous les deux, ils lancèrent une longue série de « Deprimo ! » afin de creuser la terre autour de l’arbre, et dégager suffisamment les racines. Ils venaient de trouver ce sortilège dans un livre de la bibliothèque – Mrs Prince s’était d’ailleurs étonnée de les voir y travailler – et ne le maîtrisaient pas encore. Ils mirent donc plus de deux heures avant d’arriver à un résultat satisfaisant, sachant qu’ils devaient de temps en temps redonner un coup de brindille au saule pour le calmer.

A bout de souffle, trempés de sueur, ils firent une petite pause, avant de passer aux choses sérieuses. Ils pointèrent leurs deux baguettes en direction du tronc.

Wingardium Leviosa ! chuchotèrent-ils à l’unisson.

        L’arbre ne bougea pas d’un millimètre.

— Les racines sont trop profondes, remarqua Pravin, elles résistent encore beaucoup.

— Qu’est-ce qu’on fait ? On ne peut pas creuser davantage, si ?

— On pourrait déséquilibrer l’arbre et le pousser vers l’avant pour dégager les racines ? proposa Pravin. Avec des Repulso.

— C’est parti, approuva Frank.

— Vise le haut du tronc, indiqua Pravin, je pense que ça donnera plus de force que si on vise le bas. Comme un levier, tu vois ?

— Ok.

        Cette partie-là fut plus facile. Pravin avait vu juste, et about d’une petite dizaine de lancers, le Saule cogneur s’était penché en avant d’une bonne vingtaine de degrés. Ils se placèrent de l’autre côté pour le faire pencher dans l’autre direction, puis à nouveau dans la première direction, et ainsi de suite. Au bout de trois fois de chaque côté, les racines semblèrent tout à coup beaucoup plus souples.

— Allez, on réessaie ? proposa Frank.

Wingardium Leviosa ! firent-ils en chœur.

        Cette fois-ci, l’arbre bougea. Il se leva de quelques centimètres. Lentement, très lentement, il continua son ascension. Frank et Pravin ne lâchèrent pas leur emprise sur le sortilège de lévitation, et concentrèrent leurs efforts. Ils entendirent des craquements de racines qui libérèrent l’arbre, et ce dernier fut soudain projeté à quelques mètres dans les airs. Ils avaient réussi. Ils se regardèrent d’un air réjoui.

        Puis, tout se passa d’un seul coup.

        L’arbre se réveilla et commença à s’agiter dans tous les sens dans les airs. Pour une raison que Pravin ignorait, cette agitation semblait le rendre plus lourd, plus difficile à maintenir en lévitation. Ensuite, seulement quelques instants plus tard, le groupe d’amis que Pravin avait vu s’introduire dans le tunnel quelques heures plus tôt ressortit. Ils ne virent pas Frank et Pravin, qui étaient derrière eux. Frank jeta un regard affolé à Pravin, et ce petit moment de panique et de déconcentration brisa le sort. Le Saule cogneur commença à tomber sur le groupe.

— Attention ! beugla Frank.

        Dans un bruit sourd de craquements de branches, le Saule cogneur s’écrasa sur le sol. Pravin vit les membres du groupe se projeter sur les côtés pour l’éviter, mais la personne qu’il reconnût aussitôt comme étant Alice ne sauta pas assez loin. Le saule cogneur ne bougeait plus. Frank, effaré, avait les mains sur les oreilles. C’était vrai qu’ils allaient probablement avoir encore plus de problèmes que prévus. Ceux qui étaient par terre commençaient à se relever lentement dans le silence.

— Alice ? chuchota la rouquine.

— Alice ? appela celle avec des nattes.

— Alice ?! hurla le Norbert numéro 3.

— Elle est ici, sous l’arbre ! s’écria le rouquin.

        Pravin réalisa alors la chance qu’ils avaient eus. Ils avaient voulu se venger de Mr Londubat, et grâce à une histoire de timing hasardeux, de coïncidence inespérée, ils avaient aussi eu Alice, qui les avait dénoncés. Quelle était la probabilité que cela arrive ? Pravin éclata de rire.

— Regarde, Frank, ça lui apprendra à nous dénoncer, à elle aussi, fit-il d’un air joyeux.

        Grave erreur. Frank était tombé à genoux. Il tremblait de tout son corps. Il tourna un regard choqué vers Pravin.

— Ça… ça te fait rire ? T’es sérieux ? s’écria-t-il.

Pravin fronça les sourcils. Pourquoi Frank n’était-il pas content ? N’en avait-il pas marre qu’Alice se mêle de ses affaires, elle aussi ? Pravin ne comprenait pas. Frank ne devait pas avoir bien vu ce qui se passait.

— Frank, regarde, c’est Alice, expliqua-t-il avec un sourire. C’était elle qui nous avait dénoncés auprès de ton père, et elle a eu son compte !

        Frank ouvrit grand la bouche.

— Tu savais qu’elle était là-dessous ! réalisa-t-il. Tu l’as vue sur la carte !

— Bah oui, répondit simplement Pravin, ne comprenant pas le reproche. Enfin, je ne pensais pas qu’ils allaient ressortir pile à ce moment-là, mais oui. Et alors ?

        Frank retourna le regard vers le groupe. Ils n’avaient même pas encore remarqué leur présence, trop occupés à essayer de dégager Alice et à crier. Frank commença à pleurer.

— Frank, qu’est-ce qui t’arrive ? demanda Pravin.

        Mais il l’ignora.

— Non, non, non, non, murmura-t-il, pas encore, pas encore, pas ça…

— Pas encore quoi ?

        Frank l’ignora à nouveau, se leva d’un coup et courut en direction du groupe. Au grand étonnement de Pravin, il commença à les aider. Ces derniers ne s’occupèrent même pas de se demander pourquoi il était là, et acceptèrent immédiatement son aide.

— Alice ! Alice ! pleura Frank en creusant la terre autour avec énergie.

        Le rouquin se baissa et plaça son oreille près du visage dégagé d’Alice.

— Elle… elle ne respire pas… fit-il d’une voix tremblante.

— Non… se plaignit Frank avant d’éclater en sanglots.

— Vite, allons chercher de l’aide, fit Basile, le garçon au teint pâle. Vous, allez chercher Hagrid, il est le plus proche. Moi je vais réveiller le professeur McGonagall.

        Les deux Norberts partirent en courant en direction de la cabane de Hagrid, et Basile partit vers le château, suivi de près par le rouquin.

        Pravin s’approcha du groupe à son tour. Il ne comprenait pas trop pourquoi, mais Frank voulait de toute évidence aider Alice. Pravin proposa donc son aide, à son tour.

— Peut-être que si…

— La ferme, toi ! cria Frank. C’est de ta faute ! Espèce de malade, t’as aucune limite en fait ! Dégage de là !

        En entendant ces mots, en voyant le regard de haine profonde que lui lançait son meilleur et seul ami, Pravin sentit son cœur se déchirer en mille morceaux.


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