La mort est une fin heureuse

Chapitre 11 : Weasley est notre roi

4689 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/03/2024 10:39

Hugo, Septembre 2021 – Novembre 2021.

 

        Ils étaient affreux. Tout droit sortis de ses cauchemars les plus terrifiants. Hauts, squelettiques, à la tête de dragon et aux ailes de chauve-souris. Pétrifié, Hugo observa le Sombral le plus proche. Il n’arrivait pas à détacher son regard de cette créature au comportement si inoffensif, mais à l’apparence si démoniaque.

        Evie, elle, tremblait de tout son corps. Elle aurait pu supporter la vue d’un seul Sombral, mais il y en avait une bonne trentaine, et c’était trop pour elle. Ils avaient beau avoir été prévenus auparavant, cette rencontre fût des plus déplaisantes.

 

        Sur le quai de la voie 9 ¾, le matin-même, ses parents avaient pris Hugo à part avant qu’il ne monte dans le train. Son oncle Harry et sa tante Ginny étaient là, eux aussi. Ils avaient attendu l’arrivée de Evie et d’Ernest Butternut avant de commencer la conversation.

— Bon alors, avait entamé sa mère. Cela ne va pas être une conversation facile, en particulier pour toi Evelyn, mais c’est nécessaire de vous prévenir.

Evie, dont le sourire pétillant avait semblé avoir disparu de la surface de son visage, lui avait jeté un air interrogateur.

— De quoi s’agit-il ? avait demandé Ernest.

— Allons droit au but, avait proposé Ron, le père de Hugo. Evelyn, Hugo, vous voyez les carioles qui vous amènent de la gare à Poudlard ? Celles qui se tirent toutes seules ?

Les deux concernés avaient prudemment hoché la tête, comme si c’était une question piège.

— Et bien en fait, avait repris son père, elles sont tirées par des Sombrals.

À ces mots, le visage de Hugo s’était décomposé, mais Evie et Ernest n’avaient pas compris.

— Ce sont des créatures magiques, avait expliqué Ginny. De sortes de grands chevaux ailés. Ils sont parfaitement inoffensifs, mais extrêmement repoussants.

— Et donc, quel est le problème ? avait demandé Ernest. Pourquoi le besoin de les prévenir eux spécifiquement ?

— Parce que, avait répondu sa mère, ces chevaux ont la particularité de n’être visibles que par ceux… qui ont été témoin de la mort.

Hugo avait baissé la tête, la bouche d’Ernest s’était ouverte en grand, et les yeux d’Evie avaient commencé à briller. Un long silence avait suivi ces explications.

— Quelle horreur ! Qui a eu l’idée de créer des choses aussi malsaines ? s’était finalement écrié Ernest.

— Cela fait un choc à tout le monde, avait répondu son père, même aux sorciers les plus aguerris.

— Tout de même, je… et pourquoi y’a-t-il des créatures aussi terrifiantes dans l’enceinte de leur école ? C’est quand même…

— Vous pouvez les voir, vous ? avait coupé Evie d’un air sombre.

— Oui, avait répondu Harry. Je les ai découverts en début de cinquième année. Je venais d’assister à la mort d’un ami. Je crois que Hugo t’a raconté l’histoire.

Evie acquiesça.

— En fait, à peu près tous ceux qui ont participé à la Bataille de Poudlard peuvent les voir, avait tristement ajouté Ginny.

— C’est… terrible, avait commenté Ernest. 

 

*       *       *

 

La voyage dans le Poudlard Express s’était passé dans un grand silence. Hugo avait tenu à rester avec Evie durant le trajet, et n’avait pas rejoint le compartiment de ses cousins. Lily les avait accompagnés, et ils avaient vite été rejoints par Basile. Quelques maigres et timides conversations avaient ponctué le silence. Hugo avait beaucoup appréhendé leur rencontre avec les Sombrals.

Mais malgré la mise en garde, cette vision cauchemardesque ne faisait que leur rappeler l’horreur qu’ils avaient vécue cet été.

— Au moins… Ils ont l’air gentils, fit timidement Evie.

— Oui…, répondit Hugo. Mais ça fait quand même froid dans le dos, de se dire que ces trucs-là étaient près de nous depuis le début…

— Oh, vous en faites pas, ils ont toujours eu l’air gentils, plaisanta Basile. — Attend, s’écria Lily, tu peux les voir toi aussi ?

— Oui, répondit simplement Basile.

— Qui…

— Hé, coucou ! fit une voix familière derrière eux. Je suis contente de vous voir !

Hugo se retourna et aperçut le visage rond et le sourire chaleureux d’Alice. Elle était suivie de Lorcan et Lysander.

— Comment ça va, Evie ? demanda Alice en se jetant dans ses bras.

— Oh, ça va, répondit-elle distraitement. Et toi ?

— Très bien. On était dans un compartiment avec mon petit frère. Il y avait aussi Mokrane et un autre gars.

— Vous avez fait le trajet avec Mokrane ? s’étonna Lily. Pourquoi vous avez fait ça, vous auriez dû venir avec nous !

Tandis que la petite troupe montait dans une diligence, Hugo prit soin de ne pas jeter un dernier regard à la créature qui la tirait.

— On avait des grosses valises, on a pris le premier compartiment qu’on a trouvé, désolée. Mais heureusement qu’on y est resté ! Mon frère n’a pas pu s’empêcher de faire une blague stupide. C’est tombé sur Mokrane, il l’a aspergée d’encre.

Basile éclata de rire.

— Il a aspergé Mokrane d’encre ? répéta Hugo. Il a signé son arrêt de mort.

— Au moins, c’est pas tombé sur nous, fit Evie.

— Oh, tu peux être sûre qu’on va nous aussi subir le courroux de sa vengeance, plaisanta Basile.

— Ah, je suis contente de vous revoir ! répéta Alice avec un grand sourire, en serrant à nouveau Evie dans ses bras. Où est Entis ?

— Sais pas, répondit Evie en haussant les épaules.

        Tandis que le Sombral tirant leur diligence poursuivit son chemin en direction du château, Hugo l’observa avec autant de curiosité que de dégoût, sans se préoccuper de la conversation des autres.

 

*       *       *

 

        Leur première semaine de cours fût assez morose. Evie, qui habituellement était la principale source de bonne humeur, et qui chantait et sifflotait tout le temps, était devenue extrêmement discrète, effacée. Alice et Lily avaient décidé qu’il valait mieux faire comme d’habitude, et ne pas constamment lui demander si ça allait. Ce ne fût pas chose aisée, surtout quand, un soir, Evie les rejoignit dans la salle commune en leur annonçant qu’elle s’était séparée d’Entis.

— Oh non ! Est-ce que ça va ? ne put s’empêcher de demander Alice.

— Oui, répondit simplement Evie en haussant les épaules avant de se plonger dans ses devoirs avec les autres.

        Cette nouvelle bouleversa beaucoup Hugo. Il se rendit compte qu’il en était plutôt content, mais ne savait pas trop pourquoi. Était-il amoureux d’Evie ? Possible. Il trouvait qu’il y avait une sorte de lien spécial entre elle et lui. Un lien dont ils ne parlaient jamais, mais qui était bien là. Evie était-elle aussi consciente de ce lien ? Hugo décida de ne pas le lui demander. Ou du moins, pas tout de suite. Pas avec tout ce qu’elle traversait. Et puis, pour cette troisième année, il avait un autre projet…

 

*       *       *

 

— Devinez quoi ! s’exclama-t-il le vendredi soir de la troisième semaine après la rentrée, alors que la petite troupe était réunie autour d’un banc dans la cour de récréation.

— Tu as enfin jeté ton horrible t-shirt orange ! tenta Basile.

— J’ai pas de t-shirt orange, Basile ! répondit Hugo. Non, c’est encore mieux que ça ! Je viens d’être sélectionné dans l’équipe de Quidditch de Serdaigle !

        Sa déclaration fut suivie d’un long silence. Puis, Evie lâcha un grand rire.

— Ben quoi ? demanda Hugo, un peu vexé.

— Attend, c’est pas une blague ? demanda Alice en souriant.

— Bah non ! s’écrai-t-il.

— Mais, tu sais jouer au Quidditch ? demanda Lysander.

— Parce que c’est sympa de faire de la discrimination positive en acceptant les handicapés dans l’équipe, mais on aimerait bien gagner nous ! lança Basile.

        Hugo lui lança son exemplaire du Livre des sorts et enchantements : niveau 3 au visage.

— Moquez-vous, mais il est plutôt doué, hein ! affirma Lily, venant à son secours.

— Ah, merci ! dit Hugo.

— Mais pas assez pour battre l’équipe de Gryffondor, ajouta Lily.

— Ouais, ils sont balèzes cette année apparemment, commenta Evie.

— Aucune chance, fit Lorcan.

— Eh oh, attendez un peu ! répliqua Hugo. Je vous rappelle que mon cousin Freddie vient d’entrer dans l’équipe des Canons de Chudley en tant que joueur professionnel ! J’en ai eu, de l’entraînement !

— Tu savais que Mokrane venait d’être sélectionnée elle aussi, pour Gryffondor ? indiqua Lysander à son frère Lorcan, comme si Hugo n’était même pas là.

— Et ma propre tante était une championne internationale ! tenta Hugo.

— Je sais bien, merci, rétorqua Lily. Et son fils aîné, à savoir mon frère, voltigeur prodige et poursuiveur de génie, est dans l’équipe de Gryffondor.

— Super, merci du soutien, bouda Hugo.

— Mais t’en fais pas, le rassura Lily, vous finirez deuxièmes ! À quel poste joues-tu ?

— Gardien, bougonna Hugo.

        Un nouveau long silence s’abattit.

— James et Mokrane vont te désintégrer, lança Basile.

        Tout le monde éclata de rire en même temps que la cloche annonçant le dîner sonna. Le petit groupe se dirigea lentement vers la Grande Salle, Hugo traînant des pieds derrière. Alice s’approcha de lui, et posa sa main gantelée sur son épaule en affichant un sourire chaleureux.

— Moi, je crois qu’on a nos chances, cette année ! dit-elle.

— Merci, Alice, répondit Hugo en souriant en retour.

 

*       *       *

 

        Les entraînements de Quidditch, le mercredi soir et le samedi matin, étaient épuisants. Hugo n’était pas aussi bon que le souhaitait Gary Thewlis, le capitaine de l’équipe de Serdaigle. Il avait beaucoup de mal à anticiper la trajectoire des tirs de poursuiveurs, ce qui était en fait la première qualité requise pour un gardien. Après un mois d’entraînement, Hugo n’avait que peu progressé, et s’était demandé pourquoi Thewlis l’avait sélectionné. En fait, il lui avait posé directement la question.

— Tu sais pourquoi l’équipe de Gryffondor a systématiquement gagné la coupe de Quidditch ces cinq dernières années ? avait-il répondu.

— Heu… non.

— Parce qu’ils avaient trois Weasleys dans leur équipe. Cette année, ils n’en ont plus que deux, et nous on en récupère un. Tu comprends ? C’est notre chance !

        Hugo n’avait rien su répondre à cette logique implacable. Il se contenta donc de subir les entraînements et de mourir d’angoisse à l’idée de se ridiculiser lors de son premier match.

 

*       *       *

 

Le match Poufsouffle-Serdaigle fût programmé pour le troisième samedi de novembre, le week-end suivant le tout premier match de la saison : Gryffondor-Serpentard.

Le fait d’assister à ce premier match était encore plus angoissant pour Hugo. Oui, effectivement, l’équipe de Gryffondor était excellente. Entis Trite était toujours un excellent batteur, Mokrane se débrouillait vraiment bien en tant que poursiuveuse, sa cousine Lucy – qui était d’ailleurs la nouvelle capitaine de l’équipe – a rapidement mis fin au match en saisissant le Vif d’Or avant même que l’attrapeur adverse ne le remarque, et James était comme à son habitude : un véritable prodige. Il évoluait dans les airs comme un faucon pèlerin, sa cohésion avec le reste de l’équipe était parfaite. Leur gardien n’avait rien d’exceptionnel, mais au moins il arrivait à arrêter des tirs. Sans surprise, l’équipe de Serpentard fût pulvérisée. Un bon 280-30.

Une grosse fête se déroula dans la salle commune de Gryffondor tout l’après-midi durant. Evie, Basile, Lorcan, Alice et lui se contentèrent d’aller à la bibliothèque pour rédiger le devoir de potions qu’ils devaient rendre pour le lundi qui venait.

Mais Hugo n’arrivait pas à travailler, il n’arrivait pas à se concentrer, ses pensées étaient focalisées sur le match à venir. Quelle angoisse.

Il repéra alors, plus loin dans la bibliothèque, sa cousine Roxanne. Elle était à moitié cachée derrière une grosse pile de livres. Elle n’était pas à la fête avec les autres Gryffondors, mais en y réfléchissant, Hugo n’en fut pas surpris. Roxanne n’était pas une grande fêtarde. Après Lily, elle était d’ailleurs sa cousine préférée. Elle était très timide et réservée, contrairement à son grand frère Freddie, mais extrêmement gentille et généreuse, auprès de tout le monde. Peu de personnes la connaissaient vraiment, mais tous ceux qui la côtoyaient avaient énormément d’affection pour elle. Elle portait des grosses lunettes qui couvraient une grande partie de son visage à la peau bronzée, et ses cheveux étaient crépis et d’un roux presque auburn. Elle était en sixième année, et portait discrètement l’insigne de préfète sur le devant de sa robe.

Hugo se leva et alla s’asseoir face à elle. Il dût lancer un petit « Salut » pour que Roxanne lève son nez des Contes de Beedle le Barde et remarque sa présence.

— Salut Hugo ! Ça va bien ? demanda-t-elle en affichant un large sourire.

— Ouais, ça va ! Et toi ? Tu lis quoi ?

— Oh, euh… rien, dit-elle en refermant son livre et en le posant sur le côté.

— Tu n’es pas avec les autres ?

— J’y étais au début, mais il y avait littéralement tous les Gryffondors, c’était insoutenable. Je crois même qu’il y avait deux-trois Poufsouffles. Bref, je me suis enfuie assez rapidement !

— Tu as des responsabilités en tant que préfète, pourtant, la taquina Hugo, tu es censée les surveiller !

— Oh, je m’en fais pas trop, Louis y est, tu le connais…

— Ah oui, James et Lucy vont avoir un peu de mal à déballer toutes leurs conneries si Louis est là pour les monitorer…

        Tous les deux rirent doucement, mais Roxanne lut l’angoisse dans son regard.

— Tu es stressé pour samedi prochain ? s’inquiéta-t-elle.

— Ça se voit tant que ça ? plaisanta Hugo.

— Oh, pas tant que ça, assura-t-elle. Mais un peu, quand même.

— Disons que les séances d’entraînement n’ont pas spécialement porté leurs fruits…

— C’est pas grave !

— Ben… quand même, je vais jouer devant toute l’école, et potentiellement faire perdre mon équipe…

— Et alors ?

        Hugo ne sut quoi répondre.

— Joue d’abord pour toi, et ensuite pour ton équipe, et ensuite seulement pour ton école. Tu sais, c’est exactement ce que c’est, le Quidditch : un jeu.

        Hugo crut se souvenir d’une dispute conjugale à la maison quand sa mère avait dit la même chose à son père. À moitié convaincu, il répondit cependant :

— J’espère que ça va bien se passer…

— J’en suis sûre !

        Hugo sourit.

— Merci Roxanne. Allez, je te laisse. Tu bosses sur quoi, là ?

— C’est de l’extrascolaire. Je m’intéresse un peu à la science des baguettes magiques… Je vais peut-être m’orienter là-dedans après Poudlard.

— Super ! Bon courage alors, lança Hugo en retournant vers ses amis.

 

*       *       *

 

La veille de son match, il monta dans son dortoir se coucher avant huit heures, mais ne parvint pas à s’endormir avant une heure du matin. Pourquoi fallait-il qu’il pose sa candidature ? Que cherchait-il à accomplir ? Il entendait déjà Mokrane lui lancer « C’est ça le gardien de Serdaigle ? Pas la peine de réveiller Potter le jour de notre match, on gagnera facilement à deux poursuiveurs ! ».

Le lendemain, il n’eût l’impression de ne véritablement ouvrir les yeux qu’au moment où l’équipe de Serdaigle pénétra sur le terrain de Quidditch sous le bruit des spectateurs qui hurlaient et tapaient du pied. Il n’avait aucune idée de comment ni pourquoi il était arrivé là, il avait oublié la façon dont ses amis l’avaient encouragé, ou même s’ils l’avaient encouragé. Il ne savait qu’une seule chose : aujourd’hui était le jour où il allait décéder. De honte ou d’un cognard dans le crâne, il n’en savait rien, mais il allait mourir.

Il tenta désespérément de jeter un dernier regard à ses amis, mais avant qu’il ne parvienne à les repérer parmi la foule, le coup de sifflet fut donné, et le reste de son équipe décolla. Pris de court, voyant qu’il était le seul encore au sol, il paniqua et se jeta sur son balai. Heureusement, l’équipe adverse n’eut pas le temps de marquer avant qu’il n’arrive devant les trois anneaux de son camp.

Une fois à son poste, il ne se donna qu’une seule consigne : « Ne t’occupe que du souaffle. Ne regarde rien d’autre que le souaffle. » Il le repéra passant de main en main parmi les trois poursuiveurs de son équipe. Il pria pour que le souaffle reste indéfiniment de l’autre côté du terrain, afin qu’il puisse rester tranquille. Malheureusement, une de ses coéquipières marqua un but. Le souaffle allait donc retourner dans les mains de l’équipe de Poufsouffle. Et à présent, le joueur qui le tenait filait droit dans sa direction. Hugo ne fit pas attention à la parade que tenta ses poursuiveurs, ni au cognard qu’envoya l’un de ses batteurs. Il ne regarda que le souaffle. Rien que le souaffle. Il ne le quitta pas des yeux.

Il ne l’avait toujours pas quitté des yeux quand il regarda le souaffle filer à travers l’anneau de droite.

Finalement, il n’était pas si surpris. Ça n’était que la suite logique des choses : il volait bien sur son balai, mais il était incapable de garder les trois anneaux en même temps. Les six buts suivants n’étaient donc que tout à fait normaux. Bientôt, le score s’éleva à 70-20 en faveur de Poufsouffle. Ça n’était pas si honteux, pour le moment. Rien à voir avec le match Gryffondor-Serpentard. Cette pensée le rassura. Il se souvint des moqueries qu’avaient subi les joueurs de Serpentard durant la semaine. Cette pensée ne le rassura pas.

Il décida de tenter autre chose. Au lieu de fixer le souaffle, il fixerait le joueur qui le détient pour essayer de vaguement faire mieux. Rapidement, il put mettre son idée à exécution quand les poursuiveurs adverses filèrent près de lui munis de la grosse balle rouge. Quand l’un des trois sembla décidé à cadrer, à un peu moins d’une dizaine de mètres de lui, Hugo le regarda droit dans les yeux.

Et quelque chose d’étrange se produisit.

 

Il avait le souaffle en main, et fonçait vers les anneaux. Le gardien, comme d’habitude allait rater. Il visa l’anneau de gauche, et tira de toutes ses forces. Et il marqua.

 

Une fraction de secondes plus tard, Hugo se jeta sur sa droite et bloqua le tir. Le poursuiveur adverse le regarda avec des yeux ronds, aussi surpris que lui. Puis, au bout de quelques instants, il entendit Thewlis gueuler « Allez, on enchaîne ! », alors il lui renvoya le souaffle. Il se replaça au centre des anneaux et prit le temps de réfléchir.

Venait-il d’avoir une prémonition ? Avait-il vu à l’avance l’anneau qu’allait viser le poursuiveur ? Aurait-il un don de voyance ? Aurait-il dû choisir de suivre le cours de divination au lieu de celui d’arithmancie ? Non. Cela lui paraissait trop improbable. Sa mère était la sorcière la plus dénuée de tout don de voyance. Il n’avait pas la génétique du Troisième Œil. Alors, quoi ?

Avant qu’il n’ait le temps de répondre à sa propre question, l’équipe adverse revint à la charge. Il regarda la poursuiveuse qui était sur le point de tirer droit dans les yeux.

 

Elle décida de faire une petite feinte. Elle visa l’anneau de gauche, et regarda le gardien se jeter dessus. Quel imbécile. Avec une aisance déconcertante, elle put marquer son joli petit but dans l’anneau de droite.

 

Quand la poursuiveuse visa l’anneau qui était situé à la droite d’Hugo, ce dernier fila dans la direction opposée, et bloqua à nouveau le tir. Cette fois-ci, Hugo poussa un cri de jubilation en entendant les supporter de Serdaigle hurler de joie. Il renvoya aussitôt la balle à son équipe.

C’était insensé. Avec cette technique qui lui échappait complètement, il parvint à bloquer trois, quatre, cinq, six, dix tirs. Trop heureux pour creuser la question, il continua à jouer et à prendre confiance. Dans les tribunes, c’était la folie. Cette remontada était spectaculaire. Quand l’attrapeur de Serdaigle attrapa le Vif d’Or, le match prit fin sur un score de 190-70 en leur faveur.

Les spectateurs étaient en folie. L’équipe n’eut même pas le temps de se changer, ils étaient déjà embarqués par un tsunami de supporters pour aller faire la fête dans leur salle commune. Mais, comme Roxanne, Hugo n’était pas tellement un fêtard, d’autant plus qu’il ne parvenait pas à discuter avec ses amis à lui dans tout ce capharnaüm. Il décida de retourner aux vestiaires pour se changer, puis de sa balader un peu dans le parc.

La plupart des élèves étaient rentrés dans le château, soit pour faire la fête, soit pour travailler. Mais Hugo rencontra tout de même quelques personnes.

Lorsqu’il croisa le regard d’un élève de Serpentard qui passait par là, le phénomène se reproduisit.

 

Il croisa le regard de Weasley et le salua poliment. Il fallait l’avouer, il avait vraiment bien joué aujourd’hui. Décidément, le talent pour le Quidditch était de famille. Entre l’équipe de Serdaigle et celle de Gryffondor, Serpentard n’avait décidément aucune chance, cette année. Peut-être pourraient-ils au moins vaincre l’équipe de Poufsouffle, et finir troisièmes du classement ?

 

Hugo fit un signe de tête à l’élève, et poursuivit son chemin. Contrairement à tout à l’heure, il n’avait pas vu l’avenir. A priori, il avait plutôt vu les pensées de cet élève. Ou entendu. Ou senti. Il n’en était pas trop sûr.

Était-il doté d’un don de légilimencie ? Cela se tenait : durant le match, il avait tout simplement su la direction vers laquelle les joueurs pensaient tirer. Il avait vu la stratégie qu’ils avaient adoptée. Mais pourquoi ce don ?

Hugo croisa ensuite la route, pour son plus grand malheur, de Dinah Mokrane. Il n’avait absolument aucune envie de connaître ses pensées, alors il s’efforça de ne pas la regarder dans les yeux.

— Eh, Weasley ! lança-t-elle.

— Mokrane, répondit-il en prenant bien soin de regarder son front et pas ses yeux.

— Je ne savais pas que tu étais si doué au poste de gardien.

— Moi non plus. Sinon je m’en serais vanté, tu me connais, répliqua-t-il d’un ton las.

        Mokrane marqua une petite pause, et décida d’ignorer le sarcasme.

— Je… j’ai hâte de me mesurer à toi. Et à ton équipe, je veux dire.

        Hugo était-il en train de rêver, ou Mokrane lui faisait véritablement un compliment ?

— Euh… Ben, merci… Mais entre Lucy en tant qu’attrapeuse et James en tant que poursuiveur, on a pas beaucoup de chances de gagner… Et puis tu te débrouilles plutôt bien aussi, se força-t-il à ajouter timidement.

        Mokrane lâcha un léger soufflement du nez à peine audible qui pourrait s’apparenter à un petit rire.

— Merci, p’tit génie, lâcha-t-elle sur un ton qui, pour une fois, ressemblait plus à une forme d’affection qu’à du mépris.

        Abasourdi, Hugo l’observa s’éloigner à grands pas. Mokrane était-elle sympathique ? Décidément, tout était bizarre aujourd’hui.

— Ah, te voilà ! fit une voix forte dans son dos.

        Hugo sursauta, se retourna d’un seul coup pour voir Basile, Evie, Alice et Lorcan marcher vers lui. Pris de court, sans réfléchir, Hugo croisa machinalement le regard de Basile.

 

        Il était agenouillé sur le sol. Il tremblait de tout son corps, et des larmes chaudes coulaient sur son visage. Il faisait une chaleur étouffante, et quelques braises voletaient encore dans les airs autour de lui. Dans ses bras, il tenait une petite fille d’à peine plus de quatre ans. Elle avait le visage couvert de suie. Les vaisseaux de ses yeux avaient éclaté, et elle affichait un regard vide. Pris d’une panique immense, il essaya tant bien que mal de la réveiller. Elle était immobile. Elle ne respirait plus. Elle était morte.

 

— Qu’est-ce que tu foutais avec Mokrane plutôt qu’avec nous ? le taquina Basile.

        Hugo ne répondit pas, et se contenta de baisser les yeux. Il ressentait encore l’immense chagrin qu’il venait de ressentir dans les pensées de Basile.

Il venait de découvrir pourquoi Basile pouvait voir les Sombrals.

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