La mort est une fin heureuse

Chapitre 1 : Seul dans son nid

5429 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/02/2024 11:00

Hugo, Septembre 2019.

 

Pour la première fois de sa vie, Hugo était heureux. Il avait passé son enfance à entendre parler de magie, à voir ses parents en faire devant lui, à en faire lui-même sans en avoir aucun contrôle. Il avait toujours été fasciné par la magie, mais au lieu de lui apprendre à s’en servir, sa mère lui avait appris l’anglais, les mathématiques, la géographie, la biologie, et un peu de français. Elle était très douée pour lui apprendre plein de choses intéressantes, sa mère, et même s’il adorait ça, Hugo attendait tout de même impatiemment la connaissance, la vraie : la magie. Attendre ses onze ans lui paraissait injuste, surtout qu’il était le dernier d’une grande famille d’une bonne dizaine de cousins Weasley. En plus, sa propre sœur Rose était partie à Poudlard deux ans avant lui, le laissant seul à la maison quand leurs parents étaient au travail.

Hugo était un jeune garçon de onze ans. Il était plutôt discret, mais aimait bien la compagnie d’autres personnes. Bien sûr, héritage familial oblige, ses cheveux étaient d’un roux éclatant, un peu ondulés, qui retombaient presque devant ses yeux bleu ciel, et il avait des dizaines de petites taches de rousseur sur son visage. En fait, il ne semblait avoir hérité de sa mère que son esprit.

        Sa mère, Hermione Granger-Weasley, occupait le poste de directrice du Département de la justice magique, au ministère de la Magie. Elle adorait dénoncer des injustices, proposer des réformes pour révolutionner le monde des sorciers, et par-dessus tout essayer d’influencer les Départements dont elle ne s’occupait pas. Beaucoup de sorciers rechignaient souvent quand elle se montrait trop active, mais elle avait quand même réussi, grâce à une campagne qu’elle avait menée sans aucun soutien de ses collègues, à abolir l’esclavage des elfes de maison, ce qui n’était pas rien.

        Son père, Ron Weasley, travaillait avec son oncle et parrain George dans une boutique de farces et attrapes, sur le Chemin de Traverse. Oui, moins fascinant que sa femme. Il avait commencé sa carrière au bureau des Aurors, avec son meilleur ami Harry Potter, mais il s’était rendu compte au bout de quelques années qu’il préférait aider son frère avec le magasin plutôt que d’exercer un métier glorifiant mais dangereux. Comme il avait dit, « J’ai eu mon temps de gloire et d’aventures, je mérite ma retraite anticipée ! ».

        En effet, ses parents étaient très célèbres. Ils avaient activement participé à la fin du règne de Lord Voldemort sur le monde des sorciers, plus de vingt ans auparavant. Cela leur avait valu la reconnaissance du monde entier, ainsi que leurs propres cartes de chocogrenouilles, pour eux ainsi que pour Harry Potter.

        Enfin, la paix régnait désormais depuis une bonne vingtaine d’années, et la fratrie des Weasley en avait profité pour se reproduire comme des lapins, si bien qu’aujourd’hui, Hugo avait une grande sœur, quatre cousins et six cousines. Il y avait d’abord Victoire, Dominique et Louis Weasley-Delacour, puis Molly et Lucy Weasley-Giordanno, puis Freddie et Roxanne Weasley-Johnson, puis James, Albus et Lily Potter-Weasley, et enfin sa sœur Rose et lui. Et à part Victoire qui avait fini ses études, tous étaient avec lui en ce moment-même, le 1er septembre 2019, dans le train qui les emmenait en direction du collège Poudlard.

        C’était aussi la raison pour laquelle il était heureux : il était bien entouré. À part sa cousine Lily, qui allait faire sa première année comme lui, tous étaient très heureux à Poudlard, et tous veillaient les uns sur les autres. Évidemment, tous étaient à Gryffondor, comme depuis plusieurs générations (sauf Fleur Delacour qui était allée à Beauxbâtons, et Audrey Giordanno, qui était une moldue). Hugo n’était pris d’aucun doute, d’aucun remord, il était juste heureux, et avait hâte d’apprendre plein de choses auprès de sa famille et de ses futurs amis.

        Leur compartiment, qui pouvait habituellement accueillir au maximum huit personnes, était plein à craquer. Hugo était coincé entre la vitre et son cousin James. Ce dernier discutait Quidditch avec Freddie et Louis, qui étaient assis à sa gauche. Albus et Lucy étaient assis sur une malle qui bloquait l’entrée du compartiment, et se moquaient de différents professeurs. Sur la banquette face à Louis, Rose débattait avec Dominique sur l’affaire des deux sorciers ivres qui, la veille, avaient semé la pagaille au milieu des moldus à Hyde Park. À la gauche de Dominique, Roxanne et Molly se remémoraient leurs vacances. Enfin, assise sur sa valise, tout près d’Hugo, se tenait silencieusement Lily. Hugo lisait sur son regard qu’elle n’était pas aussi confiante que lui à l’idée d’intégrer l’école. Elle buvait les paroles d’Albus et de Lucy, situés face à elle, afin d’en apprendre plus sur les professeurs de Poudlard.

        Molly, qui allait entrer en sixième année, était en train de raconter fièrement une de ses aventures.

— C’est Peeves qui nous a sauvés, disait-elle. On ne savait pas par où aller, on ne connaissait pas cette partie du château, et en plus Freddie boitait car une armure lui avait mis un coup de pied. Et on avait toujours la bonne Padilvia à nos trousses ! Puis on a croisé Peeves, et il a commencé à hurler pour qu’on se fasse choper. Mais j’ai été maligne ! Je lui ai dit que s’il nous aidait, je lui rapporterais un gros stock de bombabouses de chez Zonko. Voyez, il ne peut pas sortir du château. Et alors là, miracle, il a tout de suite changé d’avis. Il nous a indiqué le bon chemin, et il a foncé sur Padilvia. Nous on s’est barré en courant, mais on l’a entendu hurler « AU TROOOLL ». Et finalement, personne n’a jamais su que c’était nous qui avions saboté sa porte de bureau. C’est McGonagall en personne qui a dû venir la désenchanter. Je peux vous dire que les semaines qui ont suivi, l’école entière empestait la bombabouse.

Tout le monde s’était arrêté pour écouter cette histoire, et tout le monde éclata de rire en entendant la fin. Albus, qui ne l’avait jamais entendue, était partagé entre l’immense surprise et les pleurs de rire.

— Alors c’est pour ça que les dernières sorties à Pré-au-Lard ont toutes été annulées ? demanda James en riant.

— Oui, ils ont compris que Peeves avait un fournisseur ! lui répondit Molly, hilare.

— En tout cas, reprit Freddie, cette bonne vieille Padilvia nous aura bien fait rire. Dommage qu’elle parte en retraite. J’aimais bien ses cours.

— Oui, j’espère que la prochaine prof de métamorphose sera aussi bonne qu’elle, dit Roxanne.

— D’ailleurs, à propos de ça, intervint Dominique, je crois qu’il va y avoir une surprise cette année.

— Comment ça ? demanda Hugo, avide de savoir.

— Disons que j’ai surpris une conversation… Mais je vous en dis pas plus…

Tandis que tout le compartiment se mit à la harceler pour qu’elle révèle son secret, Hugo se replongea dans ses pensées, en regardant les gouttes de pluie s’abattre sur les vitres. Il aimait ces histoires sur l’école et son personnel, mais il trouvait qu’il était enfin temps qu’il découvre tout ça par lui-même. Il en avait assez de ne connaître le monde fabuleux de la magie qu’à travers les récits de ses parents, de sa sœur et de ses cousins. Désormais, c’était son tour, à lui.

 

*       *       *

 

Quand le train s’arrêta enfin devant le petit quai de la gare de Pré-au-Lard et que le flot d’élèves descendit, Hugo était plus qu’excité, même s’il savait exactement ce qu’il l’attendait.

        On lui avait raconté que le demi-géant Rubeus Hagrid, le garde-chasse de Poudlard et un très grand ami de la famille, devait les amener jusqu’à Poudlard en barque à travers le lac noir. En effet, après avoir adressé un signe de main chaleureux aux rouquins de la famille, Hagrid appela les élèves de première année, et les emmena avec lui à travers un étroit chemin qui coupait la forêt. Au bout de quelques minutes de marche, Hugo pût distinguer au loin, au large d’un grand lac sombre, perché au sommet d’une haute falaise rocheuse et dominant l’obscurité, l’immense silhouette imposante du château qui allait devenir son foyer. Enfin. Cette forme inconnue et biscornue lui semblait pourtant si accueillante et familière.

Guidé par la voix de Hagrid, il continua d’avancer sans quitter le château des yeux. Ils arrivèrent devant un grand ponton auquel étaient amarrées une trentaine de barques en bois. Quatre personnes par barques, indiqua Hagrid. Hugo monta avec sa cousine Lily et deux jumeaux aux cheveux d’un blond presque argentés. Dans une barque derrière eux se trouvait Alice Londubat, que Hugo connaissait bien, leurs parents étant très amis. La vision du château qui se rapprochait au fur et à mesure que les barques avançaient remplit Hugo d’une excitation encore plus intense. Les barques passèrent sous un grand tunnel creusé dans la falaise. Arrivés au bout, ils débarquèrent tous les uns après les autres sur un petit quai glissant taillé dans la roche, puis, grimpèrent une série d’escalier, avant d’arriver dans le grand parc de Poudlard. Hagrid les mena devant une immense porte en bois de chêne, et frappa trois fois. Les portes s’ouvrirent aussitôt, et un minuscule sorcier aux cheveux blancs apparut, et les guida dans une petite pièce, pendant qu’Hagrid se dirigea vers la Grande Salle.

Le petit sorcier se présenta comme étant le professeur Flitwick, professeur de sortilèges, directeur de la maison Serdaigle, et directeur adjoint de l’école. Puis, il présenta les quatre maisons, les salles communes, les points, et la coupe de fin d’année. Après son discours, il les emmena dans la Grande Salle, d’où le bruit d’un millier d’élèves raisonnait bruyamment. Cependant, tandis que le petit troupeau de nouveaux élèves passa entre les tables, le brouhaha se tût progressivement. Allait pouvoir commencer la cérémonie de Répartition.

La cérémonie de Répartition n’avait aucun secret pour Hugo et Lily : leurs cousins leur avaient tout raconté. Le célèbre professeur McGonagall, directrice de l’école, se leva, et plaça le vieux Choixpeau moisi et brûlé sur la tête des élèves qu’elle appelait.

Les deux jumeaux blonds étaient Lorcan et Lysander Dragonneau, et le premier fût envoyé à Serdaigle, le second à Gryffondor. Alice Londubat fût aussi envoyée à Serdaigle. Quand vint le tour de Lily, tous les élèves de Gryffondor se levèrent. Parmi les plus proches d’eux se situait une petite troupe d’élèves aux cheveux roux : tous les cousins étaient rassemblés. La famille Weasley était tellement célèbre, que tout le monde savait qu’ils étaient envoyés à Gryffondor, si bien que tout le monde criait à Lily « Weasley ! Gryffondor ! Weasley ! Gryffondor ! ». Bien que Lily soit techniquement une Potter, sa tignasse de feu et ses taches de rousseur ne trompaient personne. En effet, quand le Choixpeau gronda « Gryffondor », Lily se hâta vers la table de ses cousins sous les rires et les applaudissements.

Puis, après quelques noms, McGonagall prononça le nom de Weasley, Hugo. Hugo rejoignit la directrice, incapable de contenir un léger sourire en entendant ses cousins beugler « Weasley ! Gryffondor ! Weasley ! Gryffondor ! ». Quand le professeur McGonagall enfonça le Choixpeau sur sa tête, tout devint sombre et il entendit alors la voix du vieux chapeau monologuer dans ses pensées : « Intéressant… Un air familier… Très intéressant… Je vois un avenir très… prometteur… Mais quel calvaire… Voilà plus de mille ans que je n’avais pas eu de choix aussi difficile… Je vois de longues heures de travail passionné… Une soif de savoir immense… Une force et une détermination sans pareille… Et une ambition qui te mènera très loin… Mais quelle maison choisir ? Chacune d’elle t’emmènera à sa façon vers la grandeur… Il est certain que le contact avec les élèves de Poufsouffle vous poussera, toi comme eux, vers le progrès exponentiel… Mais à l’avenir, ton esprit si développé aura-t-il la patience de diriger ceux différents de toi ? Peut-être pas… Ton ambition dans le monde magique serait parfaitement stimulée chez Serpentard… Mais tu as beaucoup de préjugés envers cette maison… Serais-tu tranquille dans une maison que tu détestes tant, même si tu te trompes ? Ah… Tu voudrais que je t’envoie chez Gryffondor avec ta famille… Il est certain que tu serais bien entouré… Mais à quel prix ? Est-il raisonnable de gâcher un avenir pareil, dans le seul but de te rapprocher de ceux que tu connais déjà ? Non… Un esprit si brillant ne saura être ralenti par des banalités telles que la famille… Crois-moi, il viendra un moment où tu devras t’éloigner de tes êtres chers pour le bien de tous… Dans ce cas, il vaut mieux… » Soudain, la voix du Choixpeau raisonna dans la Grande Salle « Serdaigle ! ».

Hugo était effondré, et le grand silence de déception qui régnait dans la salle n’arrangeait rien. Le visage pâle, Hugo se dirigea vers la table des Serdaigles, et s’assit au bout de la table, sans adresser un regard à ses cousins. Il enfonça sa tête entre ses mains, complètement désemparé.

Comme Hugo était le dernier à passer, le professeur McGonagall prit la parole :

— Bienvenue à toutes et à tous pour cette nouvelle année à Poudlard ! Avant de débuter le traditionnel festin de rentrée, j’aimerais vous dire quelques mots. Comme d’habitude, l’accès à la forêt est formellement interdit aux élèves non accompagnés. L’utilisation de la magie dans les couloirs entre les cours est aussi proscrite. Enfin, suite au départ de notre précédente professeur de métamorphose, madame Padilvia, je me fais un plaisir d’accueillir son remplaçant, le professeur Lupin.

        Tandis que tout le monde applaudissait – les cousins Weasley plus fort que tous les autres réunis – Hugo leva la tête brusquement. Il reconnut alors Teddy Lupin à la table des professeurs, un jeune homme rayonnant, aux cheveux cyan, qui avait l’air aussi jeune que certains élèves. Il était installé à côté de Neville Londubat, le professeur de botanique. Hugo connaissait bien Teddy, il était le filleul de son oncle, Harry Potter, et un grand ami de la famille Weasley. Il sortait avec sa cousine la plus âgée, Victoire. Et, apparemment, il était le nouveau professeur de métamorphose à Poudlard. Il s’était bien gardé de leur en parler pendant l’été !

        Soudain, Hugo entendit une jolie voix amusée qui s’adressait à lui :

— C’est quoi ces cheveux ?

La voix appartenait à une jeune fille aux yeux marron, et aux cheveux bruns tressés. Perdu dans ses pensées, Hugo ne l’avait même pas remarquée.

— C’est un métamorphomage, répondit-il doucement.

— Un quoi ?

— Un métamorphomage. Ça veut dire qu’il peut à tout moment se métamorphoser en ce qu’il veut.

— Ah, comme Fantomas ? demanda-t-elle avec un sourire, toute fière d’elle.

— Comme… Quoi ?

— Peu importe, précipita la fille.  Comment tu sais tout ça, tu le connais ce prof ?

— Oui, c’est Teddy Lupin, un ami de la famille. Ça fait bizarre de le voir là, il a seulement vingt-et-un ans. Mais bon, comme c’est un métamorphomage, c’est vrai que c’est un génie en métamorphose.

— Cool… Hugo Weasley, c’est ça ? T’avais l’air célèbre quand tout le monde a gueulé ton nom.

— Ouais, enfin c’est plutôt mon nom de famille qui est célèbre, bougonna Hugo. Tu vois tous les rouquins à la table des Gryffondors là-bas ? Et bien c’est ma famille. Et toi, comment tu t’appelles ?

— Evelyn. Erskine. Je suis née moldue. Pourquoi ta famille est célèbre ?

— Oh, mes parents, mes grands-parents et tous mes oncles et tantes ont beaucoup aidé durant l’année des Ténèbres, récita machinalement Hugo. Un de mes oncles, Harry Potter, a même tué lui-même Lord Voldemort, avec l’aide de mes parents. Enfin bref, ils sont connus, ajouta-t-il en voyant qu’Evelyn n’avait pas compris un seul mot de ce qu’il avait dit.

— Eh ben, j’ai des choses à rattraper en Histoire moi, plaisanta Evelyn. Mon nom est aussi très célèbre, d’ailleurs, enfin chez les moldus. Ma mère est ministre. Je peux te dire que c’est un sacré bordel pour elle de cacher à tout le monde pourquoi je suis pas dans un grand collège bourgeois au milieu de Londres.

Sur ces mots, Evelyn éclata de rire, un rire aigu et parfaitement singulier qui surprit Hugo. Il se mit à rire doucement avec elle. Puis, il reprit la conversation.

— Alors, ça te fait pas trop peur de changer de monde d’un seul coup ?

— Si, un peu. Pour l’instant, ça va. Ma mère connaît le monde des sorciers depuis quatre ans maintenant, alors quand elle m’a vu faire de la magie précoce, elle a compris et elle m’a expliqué. Et du coup, quand le professeur McGonagall est venue m’apporter ma lettre, j’étais prête. Et toi ? Ça doit te faire drôle d’être le seul de ta famille à Serdaigle, non ?

Cette question, comme un coup de poignard, fit revenir Hugo à la réalité. Il se renfrogna.

— Oui. Oui, c’est sûr, répondit-il d’un air triste.

Pendant le reste du repas, Evelyn parla avec Alice Londubat qui était assise à côté d’elle, et Hugo bouda. Au moment du dessert, le garçon assis à sa gauche se tourna vers lui.

— Dis donc, t’en fais une tête toi. Tu détestes à ce point les tartes aux pommes ?

Hugo sourit. Il se tourna vers son interlocuteur, un jeune garçon maigre aux yeux gris et aux cheveux bruns très sombres. Son teint était tellement pâle qu’on aurait pu croire qu’il sortait tout droit d’un film et noir et blanc.

— Non, c’est pas ça, répondit Hugo. Je m’attendais juste pas à me retrouver tout seul chez Serdaigle, c’est tout.

— Tout seul ? Regarde notre table. T’as l’impression d’être tout seul ?

— Non, mais je parlais de ma famille, là-bas…

— Oublie-les, plaisanta le garçon. C’est nous ta famille, maintenant.

— C’est plus compliqué que ça, rétorqua Hugo, ne pouvant cependant pas s’empêcher de sourire à son culot. Tu aussi ça te ferait drôle si tous tes cousins étaient ensemble sans toi.

— Alors là je peux pas te dire, j’ai pas de famille.

À ces mots, le garçon détourna le regard et renifla bruyamment. Hugo ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit.

— Je suis désolé… Je ne voulais pas…

— T’inquiètes, je rigole, répondit le garçon en retournant brusquement la tête vers lui, ne révélant aucune larme. Enfin, je rigolais pour les larmes, pas pour la famille. Bref, je m’appelle Basile. Basile Trefflingham. Et toi ? Mon petit doigt me dit que ton nom est Weasley. Mais ton prénom ?

— Hugo. Enchanté.

— De même, répondit Basile en feignant une révérence.

        Basile se retourna pour regarder par-dessus son épaule, et Hugo revint à son assiette.

Quand le professeur McGonagall invita tout le monde à aller se coucher, un flot d’élèves se dirigea vers la sortie de la salle dans un grand brouhaha. Hugo aperçut tous ses cousins lui faire signe de les rejoindre à côté de la table des Gryffondors. Ils voulaient visiblement parler avec Teddy. Hugo se hâta, ne voulant pas perdre son groupe de Serdaigles. Sa sœur Rose fût la première à lui parler.

— Ça va ? lui demanda-t-elle.

Si ça allait ? Évidemment que ça n’allait pas. Comment cela pourrait-il aller ? Il venait de se retrouver tout seul, loin de tous, alors que tous ses chers cousins étaient ensemble. Et il allait y rester pendant sept ans. C’était tellement injuste.

— Bof, répondit-il simplement.

— T’inquiètes pas, lui dit doucement sa sœur. C’est pas parce que t’es à Serdaigle qu’on va être séparés.

— On sera toujours là ! affirma Roxanne.

— Enfin sauf pour les matchs de Quidditch, plaisanta Freddie.

— Et puis tu sais, si le Choixpeau t’a mis chez Serdaigle, c’est qu’il pense sûrement que tu peux devenir mieux que des bouffons comme nous, assura Lucy.

— Oui, tu peux faire confiance au Choixpeau, confirma Louis.

Hugo était très touché par ces mots de ses cousins. Il regarda avec attention Lily. Elle semblait un peu déçue pour lui, mais beaucoup moins angoissée que dans le train. Elle lui sourit.

— On va traîner tout le temps ensemble, on aura plein de cours en commun.

Hugo afficha alors un sourire un peu triste.

— Merci beaucoup.

— Allez viens, lui dit Rose. On va aller voir ce que Teddy fabrique ici.

Lorsque la petite troupe arriva devant leur nouveau professeur aux cheveux bleus, la Grande Salle s’était déjà vidée de moitié. Teddy les attendait debout, près de la table des Poufsouffles, avec un sourire narquois.

— Alors, vous vous y attendiez pas, à celle-là, hein ?

— En fait, si, répliqua Dominique. Je t’ai entendu le dire à Victoire il y a deux semaines.

— Quoi ? Et tu l’as répété à tout le monde ?!

— Ooh non, je voulais voir leur tête.

— Mais qu’est-ce que tu fiches ici ? demanda James, incrédule.

— Eh bien, comme vous le saviez déjà, répondit Teddy, le professeur Padilvia a pris sa retraite. Le professeur McGonagall a donc cherché tout l’été un nouveau professeur de métamorphose.

— Et elle t’a choisi, toi ?! ricana Molly.

— Eh bien… À vrai dire, je ne pense pas que j’étais son premier choix. Mais, les candidats ne courent pas les rues. Elle m’a clairement fait comprendre qu’elle me trouvait trop jeune pour le poste. Alors je compte sur vous pour ne pas me mettre dans une position difficile. Je dois faire mes preuves. Désormais, vous allez m’appeler professeur Lupin, comme les autres.

Dominique, Molly et Freddie éclatèrent de rire. Teddy fronça les sourcils, puis sourit.

— Je n’hésiterai pas à balancer à la directrice tous vos petits exploits nocturnes que vous avez raconté avec autant de fierté cet été. Elle sera ravie de savoir comment Peeves s’est procuré des bombabouses.

Les sourires de Molly et de Freddie se figèrent. Mais avant qu’ils ne puissent contre-attaquer, Teddy ajouta en chuchotant :

— Allez, les petits collégiens, il est l’heure d’aller se coucher. Barrez-vous.

À ce moment précis, Hugo arrêta de faire attention à ses cousins. Il avait un problème plus urgent. La Grande Salle était vide, tous les élèves étaient partis. Seuls quelques professeurs discutaient encore dans leur coin, tout en se dirigeant vers la sortie. Hugo n’avait pas la moindre idée d’où se situait la salle commune de Serdaigle. Pris de panique, il s’adressa à Teddy.

— Heu… Tu sais où est ma salle commune ?

Teddy le regarda avec des yeux ronds. Il n’en avait visiblement aucune idée non plus. Il regarda un peu autour de lui, ne sachant que faire. Puis, il repéra le professeur Flitwick qui franchissait la porte de la Grande Salle. Il courut en sa direction – sous les rires des cousins Weasley – et fit signe à Hugo de le suivre.

— Professeur Flitwick ! Professeur Flitwick, excusez-moi, pourriez-vous indiquer la salle commune de Serdaigle à Hugo Weasley, s’il-vous-plaît ?

— Teddy, répondit le vieux professeur, je te l’ai déjà dit. Nous sommes collègues, maintenant. Il faut me tutoyer, et m’appeler Filius.

— Ah oui, excusez-moi professeur… enfin, excuse-moi Filius. Hugo discutait un peu avec ses cousins, et ses préfets ne l’ont pas attendu.

— Je m’en occupe. Vous pouvez me suivre, mon garçon, indiqua-t-il à l’adresse de Hugo, en souriant.

Hugo remercia Teddy, fit un bref signe de main à ses cousins, et suivi le professeur Flitwick. Celui-ci commença à lui parler.

— Vous savez, vous allez vous plaire à Serdaigle. Le professeur McGonagall et moi-même avons toujours pensé que votre mère y aurait eu toute sa place, elle aussi. Hélas, les circonstances de l’époque ont fait que le Choixpeau a choisi son courage plutôt que son érudition, mais…

Hugo n’écoutait pas. Il ne voulait pas savoir pourquoi sa mère n’était finalement pas allée à Serdaigle, alors que lui, si. Perdu dans ses pensées, il se contenta de suivre machinalement le professeur Flitwick. Il en oublia même de regarder où il allait et de retenir le trajet. Quand il sortit enfin de sa propre tête, il était arrivé dans la vaste salle commune, qui était déjà déserte. Flitwick lui dit bonsoir et sortit.

        Hugo ne prit pas le temps d’admirer la salle. Il fonça vers les escaliers qui menaient, d’après Flitwick, aux dortoirs des garçons. Cependant, avant qu’il n’y arrive, il entendit une voix familière. Elle venait d’un recoin dans la pénombre, près d’une grande fenêtre ouverte.

— C’est toi, Hugo ?

Hugo reconnut la voix. C’était Evelyn Erskine. Il s’approcha d’elle.

— Oui. Je suis allé parler à mes cousins après le banquet. J’ai perdu le préfet de vue. Qu’est-ce que tu fais là ? Où sont les autres ?

— Ils sont tous partis se coucher directement, répondit-elle en se tournant vers la fenêtre. Vu ce qu’ils ont mangé, ça m’étonne pas. Mais moi je voulais rester un peu et… réfléchir.

Une brise légère balançait une petite mèche de ses cheveux. Elle regardait quelques étoiles qui scintillaient faiblement au-dessus des montagnes. La Lune se reflétait distinctement dans ses yeux humides. Elle avait l’air triste. Hugo s’approcha encore.

— Il y a quelque chose qui va pas ?

— Ma mère me manque, répondit-elle aussitôt, comme s’ils avaient été confidents depuis longtemps. Je l’ai laissée toute seule. Et mes amis aussi. Et je sais que je ne pourrai pas les revoir avant Noël.

Hugo s’avança encore plus. Il ne répondit pas, il sentait qu’elle n’avait pas terminé.

— Tu sais, c’est très rare, pour les moldus, de partir de chez ses parents à seulement onze ans. La plupart de nos collèges et lycées sont proches de chez nous. On y retrouve ses amis de l’école primaire. Et tous les soirs, après les cours, on peut rentrer chez soi, manger avec ses parents, et dormir dans son lit. Mais moi, je suis à des centaines de kilomètres de chez Maman.

Une larme coula lentement sur sa joue.

— Je pensais que j’étais prête. Mais en fait, pas du tout. La magie, les sorciers, Poudlard, tout ça c’est un monde hostile pour moi. Pourquoi ils nous laissent pas rentrer chez nous le soir ?

Hugo était arrivé à quelques centimètres d’elle. Son cœur battait comme un cognard. Il posa sa main sur son épaule.

— Tu seras pas toute seule. Je vais t’aider. On va tous t’aider, d’ailleurs. Tu verras, ça va être formidable. On va se faire un groupe d’amis, on va avoir des cours passionnants. On va devenir des grands sorciers. Comme ça, à chaque fois que tu retrouveras ta maman, elle sera fière de toi.

Evelyn le serra alors dans ses bras. Elle marmonna un faible « Merci » avant de fondre en larmes. Choqué, Hugo la laissa faire, puis lui rendit son étreinte. Il se rendit compte que lui aussi en avait besoin. Il regrettait que sa sœur ne soit pas là pour le consoler. Heureusement qu’Evelyn était là.

— Au fait, lui dit-elle dans un murmure, tu peux m’appeler Evie. Tous mes amis m’appellent comme ça.

Au bout de quelques minutes, qui passèrent mille fois trop vite au goût d’Hugo, Evie monta se coucher. Hugo monta alors les escaliers des dortoirs des garçons, et franchit la porte sur laquelle un écriteau indiquait élèves de première année.

        Le grand dortoir était composé d’une quinzaine de lits, mais chacun avait un petit coin assez intime. Tout le monde dormait. Hugo aperçut un lit vide, qui devait être le sien. Ce lit était à côté de celui de Lorcan Dragonneau, qui ronflait bruyamment. Celui de Basile Trefflingham était en face de lui, à l’autre bout de la pièce. Il s’allongea en silence, et se mit à réfléchir à nouveau.

        Il avait bien compris ce qui s’était passé quand il avait le Choixpeau sur la tête, ses parents lui en avaient parlé. Le Choixpeau avait hésité entre plusieurs maisons : il était un Chapeauflou. En revanche, il lui semblait qu’en général, le Choixpeau pouvait hésiter entre deux maisons au maximum, et pas quatre. Mais ce qui le perturbait le plus, c’était qu’il lui avait délibérément conseillé de s’éloigner de sa famille. Sa grande famille si soudée qu’il aimait tant. Mais cette pensée fût vite remplacée par celle d’Evie, et un sourire se dessina contre son gré sur son visage. Certes, il était très déçu de ne pas avoir rejoint ses cousins à Gryffondor. Ses cousins devaient aussi être très déçus, et surtout sa grande sœur Rose. Certes, ses parents risquaient d’être tristes quand ils apprendront qu’il passerait sept ans à l’écart du reste de sa famille. Certes, il était le premier Weasley à échapper à Gryffondor depuis plusieurs générations. Certes, rien ne s’était passé comme il l’espérait. Mais il avait rencontré la personne la plus incroyable qu’il puisse imaginer, et n’arrêtait pas de penser que peut-être, finalement, tout s’était passé pour le mieux.

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