L'évadé du clair de Lune
— Quand il a eu seize ans, Maître Regulus est devenu Mangemort. Il était fier. Il était heureux de servir le Seigneur des Ténèbres. Alors, un an après, il est venu trouver Kreattur pour l'emmener auprès de Lord Voldemort. C'était un grand honneur d'avoir été choisi qu'il disait. Alors Kreattur a obéi. Le Seigneur des Ténèbres l'a emmené, seul avec lui, dans une caverne au creux d'une falaise. Kreattur ne sait pas exactement où.
Sirius, Sélène et Remus se retournèrent vers lui, lentement, de peur qu’un mouvement trop brusque ne l’arrête dans son élan. Sans bouger, ils l’écoutèrent pendant près d’une demi-heure.
Kreattur raconta tout, ses yeux globuleux s’écarquillant encore sous l’horreur de ce qu’il avait vécu.
Il narra avoir traversé un lac dans cette caverne. Un lac noir, dont il émanait une magie maléfique. Il tremblait encore à ce souvenir. Ils étaient arrivés auprès d’un promontoire dans lequel était creusé un petit bassin contenant une potion écœurante que Voldemort lui avait ordonné de boire. Kreattur avait juré d’obéir, alors il avait obéi.
Il décrivit rigoureusement les effets que la potion avait eue, dans son esprit et dans son corps, en se tordant encore de douleur sur le sol de la cuisine, les yeux perdus dans son cauchemar, ses mains tirant désespérément sur ses longues oreilles. Les pleurs déformant sa voix, il détailla la brûlure de ses entrailles alors qu’un froid immense s’emparait de lui.
Il raconta avoir eu soif, comme jamais il n’avait eu soif alors qu’il avait bu jusqu’à la dernière goutte la potion du bassin. Il avoua avoir supplié le Seigneur des Ténèbres de l’aider, mais le mage noir avait ri et l’avait laissé là. Kreattur avait alors rampé vers le lac pour se désaltérer.
Terrorisé, l’elfe raconta, s’immobilisant soudain, que des mains décharnées l’avaient alors saisi dès que ses lèvres avaient touché la surface du lac, l’entraînant toujours plus au fond. Il porta ses mains à sa gorge, semblant étouffer à nouveau.
Sélène porta la main à sa bouche et murmura :
— Des Inferis.
Sombrement, Sirius hocha la tête pour confirmer. Ainsi, Voldemort avait vraiment eu recours à la nécromancie. Les trois sorciers frissonnèrent.
Indifférent à ce qui se passait autour de lui, l’elfe suffoquait toujours sur le sol, les yeux injectés de sang. Sirius le fit sursauter quand il reprit la parole :
— Comment as-tu fait pour survivre ?
— Monsieur Regulus a dit à Kreattur de revenir, répondit l'elfe, le plus simplement du monde.
— Comment ça ? Ça a suffi ? demanda Remus.
Sirius se frappa la tête.
— Mais bien sûr ! Un elfe de maison ne connaît d'autre loi que les ordres de son maître. Regulus t'a sauvé la vie en te rappelant.
Kreattur se redressa et éclata en sanglots alors qu'il hochait la tête pour confirmer : par son simple appel, Regulus lui avait permis de transplaner et de fuir les Inferis.
— Mais, je ne comprends pas, Kreattur. Pourquoi Voldemort voulait-il que tu boives cette potion infâme ?
L’elfe s’assit sur le sol et leva le regard vers son maître.
— Quand Kreattur a eu fini de boire la potion, le Seigneur des Ténèbres a déposé un médaillon au fond du bassin. Puis il a rempli le bassin à nouveau. Kreattur a eu peur de devoir boire encore. Mais le Seigneur des Ténèbres est parti après ça. Il a abandonné Kreattur derrière lui.
Sirius fronça les sourcils alors que Remus et Sélène se rapprochaient, tendus.
— C’était quoi ce médaillon ?
— Un mauvais médaillon, couina l'elfe d’une voix aigüe. Rempli de magie maléfique… Pardon, Monsieur Regulus… Kreattur n'a pas su exécuter les ordres !!!
Les trois sorciers n'eurent pas le temps de réagir avant que l'elfe ne se relève, se précipite sur le tisonnier de la cheminée et commence à se frapper le crâne comme punition. Sirius se rua vers lui pour le retenir mais une bosse ornait déjà sa tête.
— Ca suffit, Kreattur, gronda-t-il. De quels ordres parles-tu ?
— Maître Regulus a demandé à Kreattur de le détruire.
— Regulus a réussi à mettre la main dessus ?
Kreattur hocha tristement la tête, ses yeux se remplissant de larmes à nouveau.
— Maître Regulus aimait bien Kreattur. Il était très inquiet quand Kreattur est rentré. Il a ordonné à Kreattur de se reposer. Mais plus tard, il a voulu aller dans la caverne…
Les larmes de Kreattur redoublèrent et Sirius, Sélène et Remus durent se concentrer pour comprendre ce que l'elfe dit ensuite.
— Maître Regulus a donné un deuxième médaillon à Kreattur et il a ordonné de remplacer celui du Seigneur des Ténèbres quand le bassin serait vide… Puis il a dit à Kreattur… De rentrer à la maison… De ne jamais raconter ce que le maître avait fait et de détruire le véritable médaillon…
Sirius grimaça. Il commençait à se douter de la suite des évènements. Il n'avait pas envie de les entendre mais Kreattur était lancé et ses sanglots étaient maintenant semblables à des grincements rauques désagréables. Mais soudain, ils s'arrêtèrent et, l’air absent, l’elfe de maison raconta comment Regulus avait bu toute la potion pour que l’elfe puisse échanger les médaillons, énumérant les diverses supplications de son maître.
Kreattur raconta, rigoureusement, comment Regulus s’était traîné vers le lac noir, pour étancher sa soif dans les eaux mortes.
Il décrit avec précision les mains décharnées qui se saisirent du jeune homme pour l’entraîner dans l’eau.
Chaque détail serrait un peu plus le cœur de Sirius.
— Kreattur a pleuré… Kreattur a voulu le sauver… Mais Kreattur devait obéir alors il n'a rien fait… Puis il est rentré à la maison, comme Monsieur Regulus avait demandé et n'a jamais raconté…
Sirius grimaça et ferma les yeux, douloureusement. Quand Sélène glissa sa main dans la sienne, il se rendit compte qu’il tremblait. Il imaginait sans peine le corps de son frère sombrer dans le lac. Ses jambes flanchèrent et il dut s’asseoir sur une chaise. Il lâcha sa compagne et se prit la tête entre les mains.
Regulus…
Sirius ferma les yeux, tentant de maîtriser ses émotions. Puis soudain, après quelques minutes, il prit une grande inspiration, se redressa et regarda son elfe à nouveau, bien déterminé à connaître toute l'histoire, et lui demanda avec douceur.
— Et le médaillon, Kreattur. Tu es rentré avec le médaillon ?
L'elfe de maison hocha la tête en regardant le jeune homme d'un air désespéré :
— Kreattur a essayé, Maître Sirius.
Sirius sursauta. C'est la première fois que son elfe de maison s'adressait à lui respectueusement. Il glissa un regard à Sélène qui sourit.
— Kreattur a vraiment essayé de détruire le médaillon… Mais il n'a pas réussi… Alors il s'est puni. Il a essayé encore et s'est puni encore, couina l'elfe d'une voix aigüe.
— Où est-il Kreattur ? Où est le médaillon ? insista Sirius.
Kreattur hésita mais finit par sortir le médaillon de sous sa tunique. Tout ce temps, il l'avait gardé près de lui. Fébrile, Sirius tendit la main.
— Donne-le moi, Kreattur. Je prends le relai. Je vais finir ce que Regulus a commencé. Je te le promets.
L'elfe hésita encore un instant puis se remit debout et déposa le médaillon dans la paume de Sirius, avant de s'écarter en s'inclinant respectueusement. Au creux de sa main, le jeune homme avait l'impression que l'objet pesait bien plus lourd que ce qu'il aurait dû. Sélène et Remus se rapprochèrent et observèrent le bijou. Tous les trois sentaient la magie noire suinter des dorures, ils l'entendaient crépiter sous le "S" qui ornait l'avant du pendentif. Le jeune homme échangea un regard de victoire avec ses amis. Ils avaient trouvé le premier Horcruxe. Il referma le poing sur le médaillon et se releva.
— Tu as bien travaillé, Kreattur. Reste là et prends soin de la maison en mon absence. Quand j’aurais terminé ce que j’ai à faire, nous irons chercher le corps de Regulus. Mon frère mérite une tombe de héros.
OoooO
Au même moment
Rufus Scrimgeour leva la tête du rapport qu'il étudiait quand son collègue, Kingsley Shacklebolt, poussa la porte de son bureau au Ministère de la Magie. Ce dernier semblait soucieux et s'assit en face de Rufus en soupirant. Kingsley balança sur la table de travail une chemise cartonnée sur laquelle s'affichait la photo de Sirius Black tenant son numéro d'identification de prisonnier.
— Je sais pas dans quoi on a mis les pieds, mais cette affaire devient de plus en plus louche. Y a plein de petits détails qui me chiffonnent. Mais là, c'est quand même quelque chose…
— Ca ne s'est pas bien passé à la prison ? Ils n'ont pas voulu te filer leurs infos sur les autres Mangemorts ? demanda Scrimgeour en refermant le dossier devant lui.
— Si, j'ai eu accès à toutes leurs archives, tous les prisonniers, tout ce que j'ai demandé.
— Ben alors, c'est quoi le problème ? questionna-t-il en s'adossant à sa chaise.
— J'ai passé les dossiers au peigne fin et je peux maintenant reconnaître chaque Mangemort sans aucun souci, crois-moi. Je les ai relus une bonne dizaine de fois chacun et je n'arrivais pas à trouver ce qui me dérangeait. Jusqu'à ce que je reprenne le dossier de Black…
— Et ?
Shacklebolt s'appuya les bras sur le bureau. Il fronçait les sourcils.
— Tu sais… Le tatouage qu'ils arborent tous sur leur avant-bras gauche ?
— Ouais, la marque des Ténèbres, c'est grâce à elle que Voldemort appelait ses fidèles quand il avait besoin d'eux.
— C'est ça… Tu ne trouves pas ça bizarre toi, que Black qui est censé être le Mangemort le plus dévoué à son maître, n'en soit pas affublé ?
Scrimgeour se redressa soudain, intrigué, et se saisit des documents que Kingsley avait ramenés pour les feuilleter plus en détail. Il s'arrêta sur la page contenant les signes distinctifs de Black. Il était fait mention de quelques tatouages, de différents symboles alchimistes, runiques ou autres, mais rien de plus. Pas de marque de Ténèbres sur le bras et comme l'avait relevé son collègue, c'était un détail bien curieux. Il gratta sa barbe blonde comme à chaque fois qu'il réfléchissait et finit par dire :
— Ils avaient peut-être trouvé un autre moyen de communiquer. Black était dans le cercle amical restreint des Potter, un signe aussi voyant que la marque sur son bras allait finir par le trahir, non ?
— Peut-être, concéda Shacklebolt en se renfonçant dans son fauteuil.
— Ecoute, on va garder ça dans un coin de nos têtes, mais il faut avancer, la Ministre veut des réponses, poursuivit Scrimgeour. Elle est persuadée que Black a eu une aide extérieure pour s’échapper et elle me met la pression pour trouver qui. Alors, j'ai réétudié les témoignages et il ne nous manque celui de cette guérisseuse, Skye Fallon. J’ai essayé de rassembler des informations sur elle avant d’aller l’interroger. Sauf que ce que j’ai trouvé, ou plutôt ce que je n’ai pas trouvé, est plus que troublant. On n’a rien sur elle. Pas de diplôme, pas d’adresse. Pas de casier. Pas d'arrestation. Aucune infraction d'aucune sorte. Pour nous, cette fille n’existe pas. Et Gringotts refuse bien évidemment de lever leur secret bancaire… J’ai donc demandé son dossier médical à Sainte-Mangouste, comme ils l’ont soignée hier.
— Et ?
L’Auror blond lui tendit le dossier sur lequel il était penché quand Kingsley était entré :
— Lis toi-même
Son associé se saisit du dossier et le parcourut du regard. Au fur et à mesure de sa lecture, il fronça les sourcils et releva la tête.
— C’est une blague, non ?
— Non… Je leur ai demandé de vérifier qu'il n'y avait pas d'erreur et que la Skye Fallon que je cherchais était bien vivante et adulte, mais ils ont maintenu leur réponse. La seule Skye Fallon dans leurs archives, c’est elle… Une gamine de sept ans, morte il y a plus de vingt ans dans un accident de chaudron. Ce qui explique aussi pourquoi ils m’ont remis le dossier sans exiger de décret pour lever le secret médical.
Shackelbolt regarda son collègue. Il semblait aussi fatigué que lui et cette affaire se compliquait d’heure en heure. D’abord, Black était introuvable et il n’y avait plus aucune trace de lui nulle part et maintenant ça… Quelque chose clochait, il en était persuadé et ils tenaient là un indice qu’il pressentait capital. Il passa une main sur son visage puis suggéra, avec peu d’espoir :
— Un homonyme peut-être ?
— C’est ce que j’ai pensé, alors, j'ai poussé un peu plus loin. La gazette a sorti un article sur elle y a trois ans, lors de son retour.
— Son retour ? Comment ça ? Elle est revenue d'entre les morts ?
— Non, apparemment, elle n'est pas morte. Dans l'article, ils la présentaient comme la fille de Grant et Retha Fallon. Ça a agité pas mal les hautes sphères. Beaucoup se rappelaient que la jeune Fallon était morte enfant. Mais dans l’article, il est noté que sa famille l’avait exilée en faisant croire à sa mort parce qu’elle n’avait pas les mêmes idées que ses parents et cela mettait à mal le projet de son père au sein du Magenmagot. Ils ont voulu la faire oublier et l’ont envoyée dans leur famille aux Etats-Unis où elle a poursuivi sa formation.
Scrimgeour se saisit d’une feuille qui traînait sur son bureau et la tendit à Shacklebolt.
— J’ai demandé son dossier à Illvermorny et voici la réponse.
Son collègue lut la réponse du collège de Magie américain puis releva la tête vers lui.
— Elle n’a jamais mis les pieds chez eux.
— Jamais… Le directeur est formel. Il n’a personne de ce nom-là dans ses archives.
— Elle a peut-être suivit des cours privés là où elle a vécu ?
— C’est ce que je me suis dit. Sauf que, impossible de trouver une trace d’une quelconque famille affiliée aux Fallon aux Etats-Unis… J’ai demandé au MACUSA* s’ils avaient des traces du passage de Skye Fallon chez eux, mais rien là non plus…
L’Auror se laissa aller contre le dossier de son fauteuil en soupirant et le silence retomba dans le bureau. Puis soudain, il prit une grande inspiration en se redressant et reprit la parole en martelant le bureau de son index.
— Cette fille se fait passer pour quelqu’un qu’elle n’est pas, Kingsley. Et pour moi, ça fait d’elle une suspecte. J’en ai parlé à la Ministre quand elle est revenue demander des comptes juste avant ton retour. Elle a passé ce cas comme prioritaire. Elle en fait une affaire personnelle puisque que c’est elle qui l’a mise en poste. Si tu veux mon avis, elle est allée trop vite en besogne, n’a pas respecté les vérifications d’usage et flippe que ce soit découvert.
— Et on la retrouve comment cette fille, on ignore jusqu’à son nom ?
— Morrissey nous a dit qu’elle a été amenée à Sainte-Mangouste le soir de l’émeute, ils doivent bien avoir une trace dans leurs archives. J’ai un papier pour lever le secret médical. Tu me suis ?
Sur ces mots, Rufus Scrimgeour se leva et se dirigea vers l'étage principal du Ministère, suivi de son collègue qui lui emboîta le pas. Ils empruntèrent l'une des cheminées du hall d'entrée et dans une gerbe de flammes vertes, disparurent pour réapparaître dans le hall de réception de l'hôpital Sainte-Mangouste. Ils époussetèrent leurs vêtements et allèrent demander leur chemin à la sorcière d'accueil.
Une fois dans le service, il leur fut demandé de patienter le temps que le médicomage responsable du département arrive. Ce dernier vint accompagné d'une jeune femme qu'il présenta comme étant Janet Hammers, la guérisseuse qui s'était occupé de la suspecte la veille. Le médicomage les mena dans une salle de repos vide et les laissa en compagnie de leur témoin le temps d’aller chercher le dossier médical de la patiente.
La jeune soignante s'assit devant eux, bien droite, les mains nerveusement posées sur ses genoux. Son regard noisette passait rapidement de l'un à l'autre. Scrimgeour lui sourit.
— Ne vous inquiétez pas, Mademoiselle Hammers, tout va très bien se passer.
— C'est juste que, je n'ai jamais été interrogée par les Aurors avant ça. Ça me rend un peu nerveuse, je dois bien l'avouer. J'espère que j'arriverai à vous aider.
— Nous n'avons aucun doute à ce sujet, la rassura Shacklebolt d'un ton aimable.
Elle lui sourit en retour puis leur fit un signe de tête.
— Je suis prête, dit-elle.
Encore une fois, ce fut Scrimgeour qui mena l'interrogatoire. Il espérait que le cadre familier de la salle allait aider la jeune femme à se détendre, malgré la plume à papote qu'il avait sorti pour noter ce que la guérisseuse allait leur dire.
— Donc, vous avez été en charge de celle qui se fait appeler Skye Fallon quand elle a été amenée ici. Vous confirmez ?
— Non pas tout à fait, elle est arrivée ici vers minuit. C'est ma collègue de nuit qui l'a admise quand un des gardiens qui l'a amenée, elle était sans connaissance. Le médicomage de garde ce soir-là soir l'a examinée. Elle avait plusieurs côtes cassées et un traumatisme crânien. Rien de bien grave, mais il a demandé de lui donner une potion de sommeil pour mettre le cerveau au repos. Je n'ai pris le relai qu'au matin, vers six heures et demi, elle dormait encore.
Les deux Aurors échangèrent un regard amusé. La jeune femme était bien précise, soucieuse de bien faire.
— Votre collègue n'a rien dit de particulier sur le déroulement de la nuit ?
Janet secoua la tête.
— Non, comme dit, avec ce genre de potion, vous dormez sans rêve pendant huit heures. Elle s'est réveillée le lendemain matin. Peu de temps après ma prise de poste.
— A-t-elle fait ou dit quelque chose de particulier ?
— Elle a essayé de se lever tout de suite, mais on n'avait pas encore pu soigner ses fractures. Juste un simple cataplasme, mais ce n'est pas aussi efficace qu'une potion. Du coup, elle s'est rallongée d'elle-même en hurlant et je suis arrivée pour lui donner une dose de Poussos et lui refaire un pansement apaisant.
— Vous avez remarqué quelque chose, un signe distinctif ?
— En changeant le bandage ? Elle est trop maigre pour sa taille, ses côtes étaient saillantes, normal qu'elles se soient brisées si elle était sous-alimentée. Et puis, elle avait une énorme cicatrice de brûlure dans le dos aussi.
Les deux Aurors froncèrent les sourcils.
— Je croyais que la médecine magique évitait les cicatrices de ce genre.
— En général oui, répondit la jeune femme passionnée par son métier. Tout dépend du sortilège ou du maléfice responsable. Là, on aurait dit du Feudeymon, j'en mettrais ma main à couper. Ces cicatrices-là, impossible de les faire disparaître. En tout cas, les survivants sont tellement rares que nous n’avons pas encore trouvé de remède efficace pour les effacer.
Shacklebolt vérifia que la plume à papote notait bien ces informations capitales, puis sourit à la jeune guérisseuse pour la rassurer : elle s'en sortait bien, ce qui la fit rougir. Elle se repositionna sur sa chaise et, d’un geste gracieux, repoussa une mèche brune qui s‘était échappée de son chignon et dansait devant ses yeux. Elle leur fit ensuite un petit signe de tête, prête à répondre aux autres questions qu'ils pourraient lui poser.
— A-t-elle dit quelque chose de particulier pendant le soin ? reprit son collègue.
— Hmmm. Elle s'est inquiétée du bruit, précisa-t-elle. Quand je lui ai dit ce qu’il s’était passé à Azkaban, elle n'a pas semblé se rappeler des évènements. Mais compte tenu de son état et de ses blessures, ce n'était pas surprenant.
— Et concernant l'évasion de Sirius Black ? Comment a-t-elle réagi ?
La jeune femme fronça les sourcils, en papillonnant des paupières d’un air absent. Ses yeux se voilèrent. Scrimgeour leva un sourcil intrigué, imité par son collègue. Elle avait été tellement précise, répondant sans bégayer à leurs questions jusqu'à présent, que son hésitation leur mis la puce à l'oreille.
— Je… Euh… Compte tenu de son état et de ses blessures, ce n'était pas surprenant, reprit-elle en les regardant tour à tour, persuadée d'avoir répondu à leur question.
Les deux Aurors se regardèrent et chacun devina que l'autre pensait à la même chose. Sur un signe de tête discret de son collègue, Shacklebolt se leva, nonchalant. La guérisseuse le suivit du regard mais Scrimgeour attira son attention en continuant ses questions.
— Et la baguette de votre patiente, où était-elle ?
— Oh ! Avec le reste de ses affaires, dans la table de chevet, répondit-elle en tournant à nouveau la tête vers lui.
— Elle avait quoi d'autre avec elle ?
La jeune femme énuméra sur ses doigts. A nouveau, elle hésita :
— Sa robe, sa baguette… Euh…. Je… sa baguette… sa robe.
A nouveau, ses paupières papillonnèrent alors qu'un voile translucide recouvrait ses iris. Shacklebolt se positionna derrière elle sans qu'elle ne le remarque et pointa sa baguette sur la tempe de la jeune femme.
— Janet, il semblerait que vous avez été victime d'un sortilège d'Oubliette. Mon collègue va inverser le processus, ça ne fera pas mal, annonça Scrimgeour alors que la jeune femme paniquait en sentant l'arme de son collègue sur sa tête.
Il lui serra la main en la regardant droit dans les yeux et lui souriant pour la rassurer. Elle serra sa main en retour et grimaça quand Kingsley lança le sort. Certes, cela ne faisait pas mal, comme l'avait promis l'Auror, mais c'était fort désagréable quand même. Quand elle rouvrit les yeux, elle les regarda avec étonnement.
— Ca a marché ? demanda-t-elle innocemment.
— Nous allons vérifier cela tout de suite, si vous le voulez bien. Comment a-t-elle réagi concernant l'évasion de Sirius black ?
La jeune femme se redressa en souriant, sûre d'elle.
— Ah ça, elle a été surprise, presque paniquée je dirais, mais on le serait tous à moins. c'est Sirius Black quand même.
— Qu'est-ce qui vous fait dire qu'elle a paniqué ?
— Elle a pâli, d'un coup, toutes ses couleurs avaient déserté son visage. Puis elle a cherché à partir immédiatement. Elle a demandé à récupérer ses affaires. Je lui ai dit que j'avais tout mis dans la table de chevet. Sa baguette, ses vêtements et tiens, même ses fausses joues et son faux nez, ajouta-t-elle en riant.
A ces mots, les deux Aurors sursautèrent.
— Des fausses joues ?
— Ouais, c'est un truc que les moldus utilisent pour se déguiser. Je le sais, mon mari est moldu et il adore regarder des films à la télévision, parfois c'est bluffant ce qu'ils arrivent à faire. En tout cas, là c'était vraiment bien fait. Je ne les ai vu que parce que ça commençait à se décoller.
— Et elle n'a rien dit parce que vous les aviez enlevés ?
— Ah si, elle m'a demandé si j'en avais informé quelqu'un, mais bon, comme ce n'était pas important pour sa prise en charge, je lui ai garanti que je n'avais rien dit. Puis, chacun a ses bizarreries, surtout dans notre monde, non ? Après ça, je lui ai tourné le dos. Je l'ai entendue murmurer quelque chose et je suis partie. Je ne l'ai pas revue, elle est sortie contre avis médical tout de suite après, ajouta-t-elle en haussant les épaules. J'ai bien tenté de la rattraper, mais elle ne m'a pas écoutée.
Ils allaient la congédier quand le médicomage responsable entra dans la pièce. Il amenait avec lui un dossier qu’il tendit aux deux Aurors :
— Messieurs, voici le dossier de la patiente nommée Skye Fallon, arrivée hier soir. Il m’a fallu un peu de temps pour le retrouver car il n’avait pas encore été archivé. Il semble qu’il y ait eu un problème d’enregistrement car ses informations personnelles correspondent exactement à celle de l’enfant décédé dont on vous a envoyé le dossier ce matin.
Scrimgeour jura dans sa barbe.
— Il y a bien un moyen de savoir qui est réellement cette personne ?
Le médicomage lui répondit, gêné, en secouant la tête :
— Je suis navré.
La guérisseuse toussota timidement :
— J’ai peut-être une idée…
— On vous écoute, dit Kingsley en se tournant vers elle. Au point où nous en sommes, toutes les idées sont bonnes à prendre.
— Je vous ai dit que la patiente présentait des cicatrices dues à une brûlure de Feudeymon. C’est extrêmement rare de survivre à cela alors, j’ai pensé, peut-être que si on recherche une patiente qui s’est fait soigner pour ça …
Scrimgeour sourit, cette jeune femme était vraiment pleine de ressources et allait peut-être réussir à faire avancer l’enquête. Cependant, son enthousiasme fut douché par le médicomage qui émit un doute :
— Je ne suis pas sûr qu’on ait le droit de fouiller dans les dossiers des patients comme ça.
— Et pourtant le papier que je vous ai donné tout à l’heure nous y autorise, répliqua Rufus d’un ton qui ne souffrait aucune contradiction.
— Je suppose également que vous ne souhaitez pas être arrêté pour entrave à une enquête prioritaire du Bureau de Aurors, n’est-ce pas ? enchérit Kingsley.
Le médicomage déglutit et secoua la tête. Scrimgeour lança :
— Commencez par les dossiers concernant les blessures au cours des cinq dernières années. Si on ne trouve pas, on remontera dix ans en arrière.
Le médicomage sortit et quand il revint, moins de vingt minutes plus tard, le temps pour les deux enquêteurs de revoir la déposition de la jeune guérisseuse et de lui faire signer, il n’avait qu’un seul dossier en main. Curieuse, la guérisseuse jeta un œil sur le devant de la chemise cartonnée montrant la photo de la patiente et se tourna vers les deux Aurors :
— C’est elle, je suis formelle, elle est tellement jolie ! Elle a aussi changé la couleur de ses yeux, apparemment. Des iris aussi bleus, je m’en serai fatalement rappelée, ajouta-t-elle en hochant la tête.
Scrimgeour se jeta presque sur la chemise que le médicomage lui tendait et l'ouvrit. Il se pencha dessus en même temps que son collègue. Quand ils relevèrent la tête quelques minutes plus tard, ils se jetèrent un regard éloquent, conscients tous les deux que leur affaire venait de prendre un tournant décisif.
Le dossier venait de leur livrer le nom de leur suspecte : Sélène Thorne, soignée la veille pour fractures multiples et traumatisme crânien suite à une agression dans la prison d'Azkaban. Admise également il y a quatre ans pour brûlures sévères dues au Feudeymon et quelques années plus tôt pour traumatismes multiples. Et là, dans l'onglet personne à prévenir en cas d’urgence, son fiancé : Sirius Black.
*MACUSA : Congrès Magique des Etats-Unis d’Amérique, équivalent du Ministère de la Magie anglais.