Dollhouse

Chapitre 4 : Pourquoi elle ?

5415 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 26/08/2023 14:43

J’aurais certainement dû faire parvenir l’information que nous avions récoltée au Seigneur des Ténèbres dès le lendemain, mais j’avais choisi de m’accorder une journée. Une journée sans plan de Mangemort. Une journée sans torturer personne. Une journée sans noirceur. C’étaient les sélections de Quidditch, et Blaise, Theo et moi jouions depuis notre deuxième année. Blaise étant capitaine cette année, je n’avais pas beaucoup d’appréhensions quant à nos sélections, et puis nous étions tous trois doués, c’était indéniable. J’avais considéré que nous pouvions prendre une journée pour être de simples étudiants souhaitant intégrer l’équipe de Quidditch de leur maison avec leurs amis. Blaise, Theo et moi nous changions dans les vestiaires et comme à son habitude, Pansy était à nos côtés.


-      Imaginez Blaise prend Wein à la place de Drago, avait-elle lancé en rigolant.


J’occupai la place d’attrapeur dans notre équipe depuis la deuxième année, et Blaise et Theo tenaient les rôles de poursuiveurs. Si j’avais été capitaine, il m’aurait semblé judicieux de mettre Theo en tant que batteur. Il était aussi doué pour protéger que pour attaquer, et je lui aurais fait une confiance aveugle pour remplir ces tâches. Seulement, il était également un excellent poursuiveur, et un poursuiveur bien meilleur que nos autres joueurs potentiels. Blaise me regarda avec un grand sourire :


-      T’as peur ma poule ? me provoqua-t-il en jubilant du pouvoir qu’il avait sur la situation.

-      Tu aimerais bien, lui répondis-je avec un sourire narquois.

-      Ouais c’est ça, fait genre, continua-t-il alors. Je vois tes p’tites mèches blondes pâlir d’ici, se moqua-t-il.

-      Que veux-tu que je te dise capitaine, répliquai-je avec une voix voulue suave, tu m’entraînes pour ce jour depuis notre excursion dans les falaises.


Il rit mais il soupira devant mon manque évident d’appréhension. Il se tourna alors vers Nott qui venait de retirer son haut et qui se tenait debout, torse nu, seulement vêtu de son pantalon de Quidditch. Je jetai malgré moi un coup d’œil vers Pansy, et vit ses yeux parcourir les muscles dessinés de son torse. Ses joues rougirent et son regard se baissa soudainement, et même si Nott ne l’avait pas regardée, j’aurais juré qu’il avait senti son regard sur lui, parce qu’un petit sourire en coin ne pu s’empêcher de se dessiner sur ses lèvres. Je me demandai combien de temps il leur faudrait encore pour s’avouer leurs sentiments mutuels évidents depuis bien des années.


-      Et toi Nott, tu flippes ? lui demanda Blaise.


Theo enfila son maillot de Quidditch en se tournant vers lui, et le regarda droit dans les yeux avec un air joueur. Il lui tapa sur l’épaule en un geste encourageant, puis lui dit alors :


-      Ça va aller mon pote, tu vas gérer.


Il se foutait ouvertement de sa gueule et Pansy et moi trouvions cela hilarant. Blaise râla et se défendit en disant qu’il n’avait aucune appréhension et que c’était à nous d’en avoir alors que nous nous dirigions vers nos balais pour aller prendre place sur le terrain de Quidditch. Lorsque Pansy fut installée dans les gradins et que nous avions enfourché nos balais, notre nouveau capitaine continua de justifier de sa « non-anxiété » tout à fait évidente sous les yeux amusés de Theo et moi. Puis finalement, nous entrions en scène.


           Il me semblait que je n’avais pas expérimenté la sensation du vent sur mon visage lorsque je volai sur mon balai depuis des mois, et après tout c’était peut-être le cas. L’été que j’avais passé avait été une réelle descente aux enfers, et ni Blaise, ni Theo, ni moi n’avions eu l’âme à aller faire quelques balles entre deux missions pour les Mangemorts dont nous faisions désormais parti. L’espace d’un instant, alors que je m’élevai dans les airs pour prendre position, je fermai les yeux pour goûter à nouveau à cette liberté. Cette légèreté. L’air du mois de septembre était doux et agréable, à mon humble avis c’était le meilleur mois pour voler. Les chaleurs intenses de l’été étaient passées mais il demeurait un climat assez chaleureux pour ne porter que des maillots légers. Nous étions plus libres de nos mouvements que lorsque nous devions nous couvrir pour des températures plus hostiles. Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, j’étais à mon poste, prêt à mériter ma place. Je jetai un coup d’œil dans les gradins pour repérer Pansy et lui adressai un clin d’œil lorsque son regard rencontra le mien, puis je regardai le sol, où Zabini se tenait, ne participant évidemment pas aux sélections. Il approcha le sifflet de ses lèvres et l’espace d’un instant, alors que je regardais l’herbe plusieurs dizaines de mètres au-dessous de moi, je me demandai ce que je ressentirai si je me laissai tomber de mon balai. Le bruit du sifflet annonçant le début des sélections raisonna dans mes oreilles.


           Evidemment, Theo et moi avions été pris dans l’équipe. En vingt minutes de jeu, Theo avait marqué sept buts dans le camp ennemi, et moi j’avais attrapé le vif d’or en premier. Blaise, Theo et Vaisey étaient nos poursuiveurs, Crabbe et Goyle nos batteurs, Urquhart était notre gardien et finalement j’étais notre attrapeur. La saison s’annonçait bonne. En accord avec nos plans, Blaise avait invité la fille Weasley ainsi que Granger à venir fêter les sélections avec nous dans notre salle commune, avec bien d’autres Serpentard. Blaise avait rit en nous annonçant qu’il se dévouait pour séduire Weasley, mais nous savions tous qu’il ne plaisantait pas. Il me restait Granger. Ce jour-là, elles étaient les seules dans notre salle commune à ne pas appartenir à notre maison.


-      Je dois avouer que cette nouvelle invitation nous a surprise, avait annoncé Granger qui avait prit place sur un des deux fauteuils individuels face au canapé.

-      Vous n’êtes pas les seules à vouloir sonder la compétition, commenta Zabini avec une voix suave en direction de la rousse qui se trouvait à son côté sur le canapé.

-      Je dois reconnaître que votre équipe n’est pas mauvaise, mais… la mienne est meilleure, provoqua Weasley avec un sourire.

-      Je t’accorderai qu’il était pertinent de prendre McLaggen comme gardien au lieu de ton frangin, répliqua Blaise, mais vous perdrez quand même.

-      Ça n’a pas jeté trop de froid entre vous ? demandai-je avec un sourire.

-      Ron n’a pas rattrapé tous les buts, contrairement à Cormac, répondit la brune. Certaines équipes sont formées grâce au talent des joueurs plutôt que par affinités. En général, ajouta-t-elle avec un air hautain, c’est ce qui fait qu’elles gagnent.


Je lui adressai un grand sourire depuis le canapé.


-      C’est un commentaire intéressant de la part d’une Gryffondor qui ne lève jamais ses fesses des gradins pour venir transpirer sur le terrain, répliquai-je en sa direction.

-      Mes fesses ont bien plus intéressant à faire que de chevaucher des balais pour attraper des ba-balles, répondit-elle trop vite pour se rendre compte de ce qu’elle venait de dire.


Je me mordis la lèvre alors mon sourire s’agrandissait. A la vue de mon visage bien trop amusé à son goût, elle réalisa alors et ses joues rougirent, mais je répliquai avec une voix suave avant qu’elle ne puisse se défendre :


-      Oh, je n’en doute pas.


Je marquai une pause alors que les autres pouffèrent avant de reprendre :


-      Même si on dirait que le balai de McLaggen attire tes fesses vu ta façon de saluer ses efforts médiocres.


Pansy se permit de rire tandis que les autres se contentèrent de réactions silencieuses bien qu’amusées. Granger enfonça ses yeux dorés dans les miens et sa bouche afficha une moue de colère. Elle avait été prise à son propre jeu, et je devais avouer que je trouvais cette joute verbale des plus amusante. Si les enjeux n’avaient pas été la guerre, j’aurais pu prendre bien plus de plaisir à jouer avec elle de la sorte. Avant qu’elle ne trouve quoi répondre, je continuai :


-      Puis-je t’offrir un verre, où les effets de celui-ci risqueraient de pousser tes fesses dans les bras de McLaggen ?


Elle se mordit l’intérieur des joues en me lançant un regard menaçant. Je sentis l’excitation de la compétition monter en moi.


-      Je te trouve bien concerné par mon postérieur Malefoy, répliqua-t-elle alors.

-      Je ne voudrais pas que tes fesses se fassent mal en chevauchant un balai mal équipé, renchéris-je en me levant pour lui tendre la main afin qu’elle m’accompagne vers le bar.


Pansy s’étouffa à l’écoute de mes mots et Theo et Blaise affichaient des visages visiblement outrés, mais pleins d’amusement. Nous n’avions pas vraiment le luxe de faire croire que nous voulions soudainement être amis avec elles. La seule carte que nous avions à jouer, c’était celle du désir, celui-ci étant si proche de la haine. Puisque Blaise avait jeté son dévolu sur la rousse, et puisque Theo était éperdument amoureux de Pansy et se trouverait tout à fait inconfortable avec une telle mission, je me coltinai Granger. J’aurai pu prendre le temps de faire semblant de la découvrir, et de doucement tomber amoureux d’elle, mais je n’avais pas l’énergie pour cela, et je n’en avais pas non plus le temps. Après six ans de chamaillerie, je n’allais pas en quelques mois et une soirée tous les quatre matins soudainement tomber éperdument amoureux de la Sang de Bourbe, je n’y aurais pas cru moi-même. Rien dans cette histoire n’aurait été crédible, et c’était de toute façon une mission vouée à l’échec. Comment une fille comme elle pourrait tomber amoureuse du genre de mec que j’étais ? Granger était bien des choses, mais je n’étais pas assez dupe pour penser ses standards comme étant aussi bas que moi. Ma meilleure option était de susciter le désir en elle, et de la pousser à m’imaginer dans des positions dont elle n’aurait jamais osé rêver. De la prendre à son propre jeu. Cela, j’étais capable de le faire, et j’étais capable de le faire bien plus rapidement. Il paraissait que les langues des femmes se déliaient lorsqu’elles trouvaient intense satisfaction. Cela, je pouvais le lui donner. Je n’avais pas besoin de feindre de m’éprendre d’elle, et je n’avais pas besoin d’essayer de m’acharner à ce qu’elle m’aime, ce qu’elle ne pourrait jamais faire. Je n’avais qu’à éveiller chez elle une curiosité physique. Son énergie changea alors qu’elle commença à jouer au même jeu que le mien. Elle croisa les jambes sur le fauteuil et posa sur moi des yeux joueurs avant de me répondre :


-      Parce que le tien est mieux équipé ?


Je me léchai la lèvre inférieure sans la quitter des yeux. Elle ne baissa pas le regard une seule seconde. Elle aussi, elle était en mission, et elle venait de comprendre que je lui présentai-là sa porte d’entrée vers ce qu’elle croyait être l’occasion parfaite pour elle et son clan. Elle ne se doutait pas une seule seconde que c’était moi qui me jouais d’elle. Je gardai la main tendue vers elle quand je répliquai comme si les autres n’étaient pas là :


-      Tu es sûre que tu ne préfères pas prendre un verre avant que je ne te dise tout ce qu’il y a à savoir sur mon balai ?


Elle essayait de le cacher, mais elle était visiblement très gênée à l’évocation aussi explicite de mon sexe et de l’idée qu’elle puisse en apprendre plus sur celui-ci. Je pénétrais discrètement à l’intérieur de son esprit et lui envoyait une vision dénudée de moi l’espace d’une seconde. Elle se redressa immédiatement sur son fauteuil et décroisa ses jambes alors que ses joues prirent une teinte de rouge. Je ne pus m’empêcher de sourire. Elle se leva finalement sans se saisir de ma main, et n’eut pas besoin que je lui montre où se trouvait le bar. Il me sembla en cet instant que cette mission allait m’amuser plus que je ne m’étais autorisé à l’imaginer.


           Je lui servis un verre et me dirigeai à l’écart de notre groupe, vers une table en arrière indépendante. Des troisièmes années qui s’étaient installés là où je souhaitais m’asseoir se levèrent et nous cédèrent leurs places avec un regard de ma part.


-      Nous ne rejoignons pas les autres ? demanda une Granger nerveuse, si peu à l’aise avec ce genre de jeu auquel elle venait de décider de se livrer avec moi, mais s’asseyant tout de même face à moi.


Je pris une gorgée de mon verre avant d’enfoncer mes yeux dans les siens. Je choisissais d’ignorer sa question, puisque de toute façon elle comme moi savions parfaitement que nous n’étions pas là pour des jeux d’enfants. Elle était simplement nerveuse de s’engager sur un terrain aussi glissant, et aussi inconnu pour elle. Alors que je la regardai, ses cheveux bouclés tombant sur ses épaules et ses yeux dorés pas même un peu décorés de maquillage, il m’apparaissait évident - par sa gêne qu’elle tentait tant bien que mal de cacher - qu’aucun homme ne lui avait encore fait découvrir l’étendue des sensations que son corps pouvait lui procurer. 


-      Alors comme ça tu es impressionnée par le talent de McLaggen ? lui demandai-je avec un sourire en coin.

-      Reconnaître le fait qu’il a été meilleur que Ron aux sélections revient donc à être impressionnée par son talent ? répliqua-t-elle calmement.

-      Dans ce cas tu aurais dû reconnaître que notre propre équipe a été formée par le talent de ses joueurs plutôt que par affinités, annonçai-je à juste titre.


Nous avions beau être amis avec notre capitaine, autant Theo que moi étions les meilleurs choix parmi les autres Serpentard.


-      Pour ça il aurait fallu que j’assiste à vos sélections, lâcha-t-elle alors.

-      Tu te prononces donc sur un sujet sans même connaître les tenants et les aboutissants de celui-ci ? Je te reconnais bien des défauts, mais je n’aurais pas pensé avoir à t’attribuer celui-ci Granger, répondis-je avec sincérité.


Elle fit une moue qui me permit de penser qu’elle était déçue de s’être fait prendre à son propre jeu. Elle n’avait pas l’habitude d’avoir des adversaires à sa taille. Ce constat me fit sourire.


-      J’ai dû subir le supplice d’assister aux matchs de Quidditch depuis assez d’années pour m’être forgée mon propre avis sur le sujet Malefoy, dit-elle finalement.


Je la savais bien assez intelligente pour saisir ce qu’il était en train de se passer entre nous. Elle avait une mission, et étant donné mon attitude soudaine avec elle j’étais persuadé qu’elle savait que j’en avais une également. Si c’était ainsi qu’elle comptait se rapprocher de moi pour me soutirer des informations, il me semblait qu’elle avait encore bien des choses à apprendre sur l’art de la séduction. Moi, j’étais bien plus doué que cela. J’aurai pu user de mes pouvoirs de légilimens pour pénétrer son esprit et y voir ce qu’elle pensait afin de pouvoir user de ses faiblesses contre elle, mais il m’aurait semblé que cela aurait été de la triche, et j’étais bon joueur.


-      Est-ce vraiment un tel supplice de regarder tant de garçons se battre corps et âme pour leur équipe, transpirants et haletants ? la questionnai-je à voix basse.


J’envoyais à son esprit une image ridicule de Ron Weasley à bout de souffle, peinant à marcher en descendant de son balai, suivi d’une image de ma propre personne, les joues rosées par l’effort, le maillot collé contre mon corps transpirant, adressant un grand sourire à mon capitaine. Elle pinça les lèvres et haussa les sourcils.


-      Certains d’entre nous sont bien plus intéressés par l’esprit que par le corps, fut sa seule réponse.

-      Je crois pourtant me rappeler t’avoir déjà vue au bras de Viktor Krum, rappelai-je alors avec malice.

-      Je te trouve bien concerné par les garçons qui semblent m’entourer Malefoy, avança-t-elle enfin.


Je lui adressai un large sourire et me reculai dans ma chaise, posant un bras décontracté sur le dossier de celle-ci. De mon autre main, je tripotai mon verre.


-      Oh je te vois venir ici pour la deuxième fois en si peu de temps Granger, entourée seulement de serpents qui ont l’habitude, l’art et la manière de planter leurs crocs dans des filles inexpérimentées, et bien que je ne doute pas une seule seconde de tes capacités intellectuelles, je ne peux m’empêcher de me demander si tu as la carrure pour recevoir un tel venin, chuchotai-je presque en ne lâchant pas ses yeux.


Je sentais une excitation malsaine monter en moi alors qu’elle déglutit difficilement. Elle était si mal à l’aise que ce spectacle était un délice pour moi. J’avais toujours trouvé beaucoup de plaisir à énerver cette fille, et il me semblait désormais que j’en trouvais encore plus à voir ses joues rougir de malaise alors qu’elle avait cru pouvoir avoir la carrure de se rapprocher de moi, d’une façon où d’une autre. Finalement, elle répliqua avec un ton bien plus formel :


-      Je te remercie pour ta sollicitude Malefoy, mais je crois qu’après avoir su empêcher ta chère tante et ton cher père de planter leurs crocs dans ma peau, ce n’est pas une bande de gamins arrogants qui vont me faire peur.


Cette fois-ci c’était moi qui affichais une moue signifiant qu’elle marquait un point. Un point déloyal et qui démontrait à quel point je l’insupportai, et à quel point elle rencontrerait des difficultés à progresser dans sa propre mission, mais un point tout de même. Elle se leva, ne pouvant plus supporter ma compagnie et ces joutes verbales, puis elle parti chercher son amie et elles repartirent finalement de notre salle commune. D’une certaine façon, j’avais tout de même gagné.


           La soirée ne s’éternisa pas longtemps ensuite, les classes avaient repris et la plupart des élèves étaient parti se coucher relativement tôt, Pansy y comprit. Blaise, pour sa part, était aller courir le château de nuit avec une jolie blonde. Theo et moi étions donc les seuls encore debout dans notre salle commune, moi sur le canapé et lui face à moi sur son fauteuil, partageant un dernier verre. Il y avait des questions que je voulais lui poser, mais je ne savais pas comment utiliser des mots qui ne seraient pas culpabilisants.


-      Vas-y, parle, lâcha-t-il alors.


Il était avachi dans son fauteuil comme il ne se permettait de l’être que lorsque nous n’étions que tous les deux, totalement détendu et à l’aise. Je lui souris, moi-même relaxé dans le canapé.


-      C’est moi ou c’est toi le légilimens ?


Il me rendit mon sourire.


-      Je n’ai pas besoin de rentrer dans ta tête pour savoir ce qu’il s’y passe, me répondit-il avec véracité.


Je me redressai dans le canapé. J’avais bu quelques verres et je voulais trouver les mots justes.


-      Je… je sais que tout ce qu’on est obligé de faire ça t’affecte, je le vois après coup. Je te vois, une fois que c’est fini, je vois tes yeux et je sais ce que ça te fait. Je sais comment tu te sens, ajoutai-je à voix basse. Mais… j’ai remarqué que pendant que tu le fais, même quand il n’y a personne d’autre que nous comme l’autre soir, et que ce n’est pas une question de survie de ne montrer aucune émotion, ta main ne tremble pas, observai-je.


Je ne ressentais pas le besoin de plus expliciter ce que j’essayais de lui dire, il me comprenait parfaitement. J’ajoutai simplement :


-      Comment tu fais ?


Il prit une grande gorgée de son verre et me répondit sans me permettre de voir ses yeux :


-      Quand mon père m’enfermait dans notre cave pendant plusieurs jours, commença-t-il à voix basse, quand je ne pouvais pas manger, pas boire, et qu’il n’y avait aucune lumière autour de moi, au début j’étais terrifié. Les premières fois, je pleurais et je l’appelais. Je le suppliai de venir me chercher, mais il ne venait pas, il marqua une pause. Ça fait peur, quand tu as trois ans et que t’es enfermé dans le noir pendant des jours, et le problème c’est que ça ne s’arrête pas. Au début, tu es terrifié pendant plusieurs heures d’affilé, mais au bout d’un moment, il faut réussir à survivre à cette terreur, et il faut réussir à oublier la faim et la soif. Et il faut se résoudre à l’idée que ton père ne viendra pas te chercher avant ce qui te semble être une éternité. Une fois, j’y ai passé tellement de temps, je ne pourrais pas te dire combien, que j’ai sincèrement pensé que j’allais mourir là, dans cette cave. Je n’avais pas mangé et je n’avais pas bu depuis trop longtemps, j’avais tellement froid que je ne sentais même plus mon corps. Cette fois-là, j’ai fermé les yeux, et je n’ai plus rien ressenti du tout. Il n’y avait plus la peur. Il n’y avait plus la faim. Il n’y avait plus la soif. Il n’y avait plus l’espoir que mon père vienne me chercher. Et quand il est venu me libérer, je suis sorti de cette cave en sachant pertinemment qu’il y aurait une prochaine fois. Je crois qu’à partir de ce moment-là, je n’avais plus la force d’avoir peur. Et les fois qui ont suivies, lorsqu’il m’a à nouveau enfermé dans cette cave, je m’asseyais par terre, et je ne bougeais pas. Je… c’était comme si je n’étais plus vraiment là. Comme si je n’étais plus vraiment dans mon corps. C’était le seul moyen que j’avais de subir cette situation dans laquelle j’étais totalement impuissant. Comme ça, je ne ressentais pas la peur, et je ne ressentais pas la faim. Je ne ressentais plus rien. Je crois qu’aujourd’hui, quand je suis dans une situation où je dois faire quelque chose pour la survie, ou que je dois subir quelque chose que je n’ai pas le choix de subir, c’est comme si j’appuyai automatiquement sur un bouton off, sans que je ne le contrôle vraiment. Et je subis ce qui doit être subi, acheva-t-il gravement en prenant une importante gorgée de son verre. Au fond, quand on y pense, ajouta-t-il en regardant le fond de son verre bientôt vide, dans toute cette situation de merde, c’est mon super pouvoir. Il y en a au moins un d’entre nous qui peut faire ce qui doit être fait sans sentir son âme se déchirer sur le moment.

-      Sur le moment, relevai-je à voix basse.

-      Je crois qu’on a tous notre lot de douleur à gérer, me répondit-il.

-      Mais j’ai vu juste, renchéris-je alors, après coup, tu la ressens, toute cette douleur ?


Il leva ses yeux bleus embués de larmes vers moi et les enfonça dans les miens. Je savais que la réponse était oui, et je senti mon cœur se serrer violemment dans ma poitrine.


-      Je n’ai pas encore trouvé le moyen de la faire disparaître, chuchota-t-il.


Je le regardai, enfoncé dans son fauteuil, son verre à la main. Je regardai son visage pâle et ses magnifiques yeux bleus qui lui avaient coûté tant de souffrance. Je regardai ce frère que la vie m’avait donné et je voyais à travers lui.


-      Tu as le droit au bonheur, lui dis-je avec la plus intime sincérité.


Un mince sourire se dessina sur ses lèvres et il baissa à nouveau ses yeux.


-      Je l’ai déjà, murmura-t-il.

-      Pourquoi elle ? demandai-je finalement. Depuis le premier jour, pourquoi c’est elle ?


Je n’eu pas besoin de prononcer son nom pour qu’il sache de qui je parlais. Un plus important sourire illumina son visage alors qu’il me répondait :


-      Elle était là, cette petite fille, si mince, à l’air si fragile, et ce garçon était tellement géant à côté d’elle. Il venait de l’agresser quand il avait renversé son sac par terre, et elle… elle s’est approchée si près de lui, elle a enfoncé ses grands yeux verts dans les siens sans trembler, et elle l’a obligée à faire ce qu’elle voulait par la simple force qu’il y avait dans son regard.


Il prit une nouvelle gorgée de son verre, son sourire s’effaça de son visage quand il ajouta :


-      Pour un garçon qui n’était pas capable de regarder qui que ce soit dans les yeux, et qui n’avait jamais été capable de se défendre lui-même, ce n’était pas simplement impressionnant, c’était… elle était magique, conclu-t-il.


Je souriais à l’évocation de ce souvenir, et je revoyais la magie que j’avais vue dans les yeux de mon ami ce jour-là.


-      Pourquoi est-ce que tu ne sautes pas le pas avec elle ?


Il finit son verre avant de me répondre :


-      J’ai déjà le privilège de la voir tous les jours, de pouvoir lui parler chaque jour de ma vie depuis six ans, et j’ai déjà le privilège de partager sa vie. Qu’est-ce qui pourrait bien valoir de prendre le risque de perdre ça ?

-      De partager encore plus de sa vie ?

-      Il ne reste plus beaucoup de choses qui me terrorisent dans cette vie, m’expliqua-t-il gravement. Mais je suis incapable d’imaginer ce qu’il adviendrait de moi si je l’avais, et qu’un jour je la perdais.


Je ne trouvais rien à lui répondre. Il me semblait que je n’étais pas capable de prendre la mesure de ce qu’il me disait, parce que je n’avais jamais ressenti de tels sentiments pour une femme. Qui étais-je pour lui dire que la façon dont il l’aimait n’était pas suffisante ? Il l’aimait tellement qu’il ne pouvait pas s’autoriser à le faire pleinement. A cet instant, Blaise rentra à nouveau dans notre salle commune, et avec son arrivée, l’ambiance changea pleinement. Il nous afficha un sourire de conquérant.


-      Les filles vont arrêter de s’intéresser à vous et penser que vous êtes gai si vous n’arrêtez pas de finir toutes vos soirées ensemble, déclara-t-il en partant se remplir un verre au bar avant de venir me rejoindre sur le canapé.


Theo et moi rigolions à ces mots et je m’apprêtais à répliquer sur le même ton que lui lorsque Pansy, seulement vêtue d’une chemise de nuit argentée apparu soudainement dans le salon. Theo se leva gravement de son fauteuil et la totalité de son attention était dirigée vers la fille qu’il aimait, et qui affichait un visage traduisant explicitement la douleur qu’elle ressentait. La tension qui émanait du corps de Nott en alerte vis-à-vis de l’état de Pansy était palpable.


-      Je ne peux plus le garder pour moi, chuchota-t-elle alors qu’une larme coulait sur sa joue. 


J'espère que ce chapitre vous aura plu et que vous arrivez à vous mettre dans l'ambiance de cette nouvelle si différente de Le Feu et La Glace !! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez en commentaire et de voter pour ce chapitre s'il vous a plu <333

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Liv


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