Ta prison, c'était toi-même

Chapitre 1 : Ta prison, c'était toi-même

Chapitre final

Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:24

NDA : Je sais que beaucoup vont me haïr en lisant cet OS, surtout des mamans à qui je tiens à manifester tout mon respect devant leur courage. Je sais que j'exploite ici un thème qui ne fera pas l'unanimité, mais pourquoi écrire si on reste toujours dans le strictement politiquement correct ?

J'exploite (c'est le cas de le dire) ici le personnage de Molly Weasley, au travers des souvenirs que sa fille a gardés d'elle après sa mort, parce que je pense que quelque part, elle colle à l'image de ces femmes qui n'ont vécu que pour leur mari, leur famille, et ont oublié de vivre leur propre vie, finalement.

A une grande dame que j'ai beaucoup aimée, malgré tout. A une dame à qui je n'ai pas voulu ressembler.

***

- Tu es la digne fille de ta mère, Ginny.

La voix pleine d'émotion de mon père me fit l'effet d'une douche froide. Je lâchai dans l'évier l'assiette sale que je m'apprêtais à laver. Le fracas résonna dans la pièce comme un cri de colère envers celui qui m'avait engendrée. Je me retournai, prête à démentir, sentant la fureur monter en moi.

Mais face à moi, je ne rencontrai qu'un regard vide. Celui d'un homme perdu. Un homme, qui, arrivé à plus de quatre vingt ans, n'avait jamais tenu une maison, n'avait jamais essayé de se faire seulement de quoi dîner. Un assisté, qui, alors que sa femme venait de le quitter, emportée par la vieillesse et la lassitude, se demandait comment il allait pouvoir survivre sans elle. S'attendait-il à ce que je la remplace en tant que ménagère, cuisinière, femme au foyer qui ne vit que pour repasser le linge de son mari, toujours pas capable de le faire lui-même ?

J'eu presque envie de le gifler, de lui faire comprendre ce que maman avant enduré, à élever sept enfants, sans épanouissement personnel, vingt quatre heures sur vingt quatre chez elle, sans aucun loisir autre que de veiller à ce que les tâches ménagères soient faites. J'eu envie qu'il comprenne, qu'il se repentît de n'avoir jamais pensé qu'il pouvait lui aussi participer, aider à la maison, laisser parfois de côté ses recherches sur les moldus, pour qu'elle-même puisse se reposer, pour voir diminuer un peu les cernes sous ses yeux. Les seules fois où elle avait l'occasion de se reposer, je la voyais toujours saisir ses vieilles aiguilles à tricoter, dans l'espoir de nous entourer de la chaleur de son amour en hiver. Maman aurait mérité qu'on l'aide.

Je me tournai vers la table de la cuisine, champ de bataille meurtrier du passage des nombreux membres de la famille qui s'étaient réunis pour la veillée. Assiettes sales, débordants de déchets autour desquels les mouches s'affairaient déjà, serviettes tachées oubliées sous la table, plats vides sur lesquels la graisse s'était déjà fixée. Tous étaient partis se coucher, dans leurs anciennes chambres, installant des lits de camps pour les enfants, se serrant dans les lits de leur jeunesse avec leurs compagnes ou leurs compagnons. Ce n'était que pour un soir. Il n'y avait que moi, Ginny Weasley, pour me rendre compte que sans maman, il fallait quelqu'un pour faire ce qui autrefois se faisait tout seul. La vaisselle, ranger les restes, nettoyer les miettes de pain sous la table, ramasser les papiers qui trainaient… Le travail d'une esclave de notre société soit disant moderne où la place de la femme est à la maison.

Lentement, mon regard se perd sur les montagnes de vaisselle souillée, en me demandant comment maman faisait pour supporter ça. Chez moi, tout le monde participe, chacun ramène son assiette, on fait la vaisselle à tour de rôle. Ca a permis à mes enfants d'être autonomes lorsqu'ils ont quitté la maison, à leur apprendre ce que moi-même je n'ai appris que bien plus tard, après beaucoup de ratés. J'ai l'impression de la voir, s'affairant autour de la table, comme si elle n'était pas morte. Elle aurait été capable de revenir sous forme de fantôme si elle n'avait pas eu le temps de finir la vaisselle avant de mourir.

Cette idée me semble si dérisoire que j'ai presque envie d'en rire. Mais elle m'a appris à ne pas me moquer des défunts. On doit leur rendre hommage, même si on leur en veut, même si on ne les aimait pas toujours de notre vivant il ne faut pas dire du mal des disparus.

La colère revint alors que je me souvenais de ce vieil adage. Et pourtant, maman, il y a tellement de choses que j'aurais voulu te dire… Si tu savais comme je t'en veux, d'avoir été celle que tu fus. Tu répétais à longueur de journée que tu avais mal au dos, que ton arthrose te faisait souffrir lorsque tu passais le balai, que personne ne t'aidait. On se proposait, bons enfants qu'on était, on était pleins de bonnes intentions. Mais nous avions tous notre propre travail, nous ne pouvions venir te voir que le soir, et alors, tu nous expliquais que tu étais épuisée, parce que tu avais passé cet après-midi à rendre cette maison habitable, alors que l'on t'avait promis de faire au moins un peu de ménage, d'étendre le linge. Ce qu'on aurait fait en seulement quelques minutes en utilisant la magie, mais tu prétextais que c'était moins efficace, moins précis, et qu'on risquait davantage de casser quelque chose avec un balai qui lévitait qu'en le tenant dans nos mains. Mais non, tu le faisais avant qu'on arrive, puis tu nous reprochais notre manque d'empathie.

Tu agissais de la même manière lorsqu'on était encore à Poudlard. Pendant l'année scolaire, tu trouvais le moyen de nous envoyer des gâteaux que tu avais faits toi-même, comme si nous n'étions pas bien nourris là-bas. Tu nous envoyais des pulls tricotés main, que tu avais dû passer des jours entiers à faire. Et lorsqu'on revenait, pour les vacances, tu attendais toujours qu'on soit sortis, qu'on soit partis s'amuser, pour faire les tâches ménagères, toujours sans nous appeler en renfort. Et lorsque l'on rentrait, tu nous le reprochais.

Bien sûr qu'on t'a aidée, parfois. Mais si peu par rapport à tout ce qu'il y avait à faire ! Car enfants que nous étions, nous n'avions aucun sens des réalités quand à savoir ce qu'il y avait à faire dans une maison. Nous voulions aider, mais à chaque fois que l'on se proposait pour une corvée, tu nous répétais que c'était déjà fait depuis bien longtemps, ou alors tu nous disais qu'il n'y avait plus rien à faire. Si seulement tu avais placé des règles, si tu nous avais assignés à une corvée, nous n'en serions pas là. Nous aurions peut être rechigné au départ, puis tout cela nous aurait semblé normal. Nous serions tombés dans une routine où, à neuf, le travail se fait bien plus rapidement et efficacement que seul. Et au moins, nous aurions su quoi faire. A présent, je le sais, ce qu'il faut faire pour tenir une maison, bien sûr ! Mais à l'époque, adolescente apathique comme tous les autres, qu'en savais-je ? La seule chose que je savais, c'est que j'agissais mal.

Tout ce que tu as pu nous reprocher, depuis notre naissance ! Maman, même si tu dois me détester de penser cela, tu t'es mise toi-même dans cette situation de femme servile. Je m'en rends compte à présent que j'ai moi-même une famille. Il suffit de répartir les corvées pour ne pas finir totalement débordé. Toi, tu faisais tout dans l'ombre, tu semblais en tirer une fierté, puis tu venais nous expliquer à quel point nous étions des enfants indignes, nous qui t'avions laissée souffrir pendant que l'on s'amusait. Aujourd'hui, je réalise cette fierté malsaine qui t'habitait en ces moments-là, alors que tu jouissais de notre culpabilité.

Cette culpabilité qui finalement, ne m'a pas quitté, pendant une grande partie de ma vie. Jusqu'à ce que mère à mon tour, je me rende compte que je n'étais pas obligée de vivre comme toi, et que toi aussi, tu aurais pu choisir un autre destin. Je te voyais toujours affairée, épuisée physiquement et mentalement, abîmée par les années, ridée comme une pomme alors que tu affichais sur ton visage cet habituel sourire qui signifiait « je souffre, mais je fais bonne figure quand même ».

Et papa, dans l'histoire ? Papa, rien. Les reproches ne semblaient pas l'atteindre, et puis, tu ne lui en faisais pas trop. Elles étaient surtout destinées à la seule autre fille de la famille. Parce qu'une fille, c'est fait pour servir son mari. Une femme, c'est à peine mieux qu'un elfe de maison. Le devoir conjugal en plus. Papa ne se rendait pas plus compte que toi de l'embarras dans lequel je me trouvais, ainsi impuissante à soulager ma mère.

Un jour, je t'ai demandé pourquoi tu faisais cela. Pourquoi tu te fatiguais tant à nous élever. Tu te souviens ce que tu m'as répondu, maman ? Que tu faisais cela pour nous protéger, pour nous aider à grandir dans de bonnes conditions, pour que nous ne soyons pas accablés de travail comme toi. Et pourtant, la seule chose que tu as fait grandir, c'est notre honte.

- Non, je ne suis pas comme toi, maman.

- Qu'est-ce que tu dis, ma chérie ?

Papa a l'air encore plus perdu que tout à l'heure. Il erre dans la cuisine, comme s'il attendait qu'on lui dise quoi faire, qu'on lui rappelle où était sa chambre et qu'il fallait s'y coucher, le soir. Je soupirais en me rendant compte que c'était surement le cas.

- Je ne fais pas cela ce soir, annonçai-je.

- Mais…

- Beaucoup de choses doivent changer, ici. Il faut que tu apprennes à te débrouiller tout seul. Demain, on s'y mettra tous, on te montrera comment faire, tu nous aideras, chacun en fera un peu. Je viendrai t'apprendre, au début, pour la nourriture et le linge, puis tu te débrouilleras tout seul.

Il me regarde sans comprendre. Son expression réveilla d'abord la colère que j'avais enfouie en moi pendant si longtemps, mais je la remplaçai rapidement par de la pitié. Une chose que j'avais comprise, avec les années, était que haïr ne servait pas à grand-chose. Lorsque quelqu'un suscitait en moi un sentiment de cette veine, au lieu de me faire du mal à cause de cette personne, je répétais dans ma tête « compassion, compassion ». J'ai de la compassion pour toi, maman.

Après tout, ta prison, c'était toi-même.

***

Notes de fins :

Bon, voila, vous pouvez me houspiller, me congratuler, me dire que cette fanfiction est pleine de mauvaise volonté, d'excuses faciles, mais en féministe que je reste, je vous répondrai que la mère Weasley, très peu pour moi. Même si je reconnais son courage, et l'amour débordant qu'elle porte autour d'elle, je n'aimerais pas lui ressembler un jour. Il y a d'autres façons de montrer son amour qu'en souffrant.

Je ne tiens pas à stigmatiser ici les mères au foyers, surtout que toutes ne sont pas dans la même situation, je tiens ici à alerter sur une certaine catégories de femmes qui ont fait passer le bonheur de leur mari et de leurs enfants à la place du leur.

Mais bon, voila, votre avis m'intéresse tout de même… Lâchez-vous !

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