Promesse de sang

La promesse de sang — plus exactement la fermeture de leur lien — avait défait la marque des ténèbres de Drago, mais elle avait également éliminé l'horcruxe d'une façon ou d'une autre. Elle avait supprimé le lien entre Harry et Voldemort, permettant au jeune homme de réaliser une fois de plus l'impossible : survivre.

Harry murmura soudain, d'une voix brisée.

— C'est pour ça que Dumbledore se moquait bien de la façon dont ma famille moldue me traitait. Peu importait que je sois malheureux, je devais être sacrifié avant de devenir adulte. Il n'allait pas se fatiguer à… à me rendre heureux.

Drago grogna, furieux.

— Une fois de plus, je regrette de ne pas l'avoir tué, ce vieux fou. J'aurais dû accomplir cette mission au moins… Tu ne peux pas savoir à quel point j'ai envie d'y retourner pour l'attaquer et pour lui faire autant de mal qu'il t'a fait.

La colère de Drago apaisa Harry. Savoir qu'il voulait le venger était un baume sur son cœur meurtri et il soupira, avant de le serrer contre lui à son tour, restant silencieux. Il n'allait certainement pas tenter de défendre Dumbledore, pas après ce qu'il venait de découvrir.

Harry profita de cette étreinte, savourant le soutien inconditionnel de Drago. Il resta agrippé à lui jusqu'à ce que son cœur s'apaise, jusqu'à ce qu'il réussisse à surmonter la douleur d'avoir été trahi, encore une fois.

Puis, il soupira et s'écarta lentement, tête baissée.

Il répondit au regard inquiet de Drago par un sourire incertain, le moral en berne. Lorsque le Serpentard entrelaça leurs doigts, il redressa la tête, décidé à se battre. Pour Drago, pour eux deux. Il était vivant, il n'avait plus à se sacrifier pour le monde magique et il avait quelqu'un qui comptait pour lui, plus que sa propre vie.

— Est-ce que tu as lu la suite ?

Drago pinça les lèvres et secoua la tête, sans quitter Harry des yeux.

— Pas vraiment. J'étais plus en train de chercher un détail qui aurait pu signifier que je me trompais au sujet de ce passage. Je ne voulais pas que tu sois… Que tu doives te sacrifier.

Harry cligna des yeux, surpris de l'émotion qu'il put entendre dans la voix de Drago. Habituellement, le Serpentard réussissait à dissimuler ce qu'il pensait. Il le dévisagea avec attention, mais Drago se tendit, comme s'il craignait d'être repoussé. Le jeune homme n'avait pas vraiment l'habitude de montrer ses émotions, et il se sentait terriblement exposé d'avoir laissé entrevoir cette faille.

Le jeune homme n'était pas un Gryffondor pour rien, même s'il avait de sérieuses compétences en ruse. Aussi, plutôt que d'ignorer la réaction de Drago, il se pencha pour déposer un bref baiser sur ses lèvres, puis il murmura avec douceur.

— Je n'ai plus à me sacrifier. Je ne vais pas t'abandonner. C'est toi et moi, maintenant, tu te souviens ?

Harry laissa passer quelques secondes, sans s'écarter, sans cesser de regarder Drago. Puis, il ajouta tranquillement, totalement sincère.

— Même sans le lien entre nous, je ne t'abandonnerai pas.

Drago hoqueta et ses yeux s'écarquillèrent. Il laissa échapper un bref rire, sans pouvoir dissimuler le soulagement qu'il ressentait et il marmonna d'un ton agacé.

— Stupide Gryffondor sentimental.

Cependant, il souriait et ses yeux gris brillaient d'un éclat particulier. Ce fut suffisant pour chasser les ombres dans le regard de Harry.

Harry sentit son cœur se gonfler de tendresse et soudain, plus rien n'eut d'importance. Si tous les malheurs qu'il avait traversés conduisaient à Drago, alors il les acceptait sans la moindre hésitation. Il pourrait même traverser l'enfer s'il y avait Drago qui l'attendait au bout.

C'était un peu effrayant et exaltant de ressentir ce genre de choses. Drago avait pris la place principale dans son cœur, reléguant tout le reste au second plan. Ses propres sentiments lui firent peur, alors il les enferma provisoirement au plus profond de son cœur pour ne pas faire fuir Drago. Il savait que le Serpentard n'était pas habitué à avouer si facilement ce qu'il ressentait et il ne voulait pas le presser ou le blesser. Ils iraient à son rythme.

Harry sourit avec tendresse à Drago et il enlaça leurs doigts avant d'attraper le livre abandonné sur la table. Il tourna la page lentement, craignant ce qu'ils allaient découvrir, mais sachant déjà qu'il n'était plus seul et que le soutien de Drago l'aiderait à tout traverser.

En voyant Harry tourner la page, Drago eut presque envie de lui arracher le livre et de le jeter loin d'eux. Cependant, il resta immobile, se contentant de se coller contre le dos de Harry pour lire par-dessus son épaule, se pressant contre son corps comme s'il craignait de le voir disparaître.

Drago se détendit au fur et à mesure de la lecture. C'était plutôt effrayant, mais il n'y avait aucune mauvaise nouvelle les concernant. Pas de sacrifice à venir, merci bien.

Le livre parlait d'un seul horcruxe comme si Voldemort était le premier à avoir divisé son âme en autant de parcelles. L'auteur alertait sur les dangers de cette pratique, rappelant qu'une âme incomplète pouvait conduire à la folie. Sur ce point, il était évident que le mage noir qui sévissait avait depuis longtemps perdu l'esprit… Il n'avait probablement pas lu les avertissements contenus dans ce grimoire. Ou il n'en avait pas eu connaissance. Ils devraient peut-être lui faire parvenir une copie de ce livre, pour le renseigner sur les conséquences de ses actes…

Selon l'auteur, les horcruxes ne pouvaient pas être détruits. Ce passage fit ricaner Harry, mais Drago n'y prêta pas attention plus que ça. Il était plutôt intéressé par la suite, alors qu'un plan insensé commençait à germer dans son esprit.

Comme ils l'avaient déjà compris, les horcruxes étaient une façon d'approcher l'immortalité, en sacrifiant l'intégrité de son âme. Certains prenaient conscience du poids de leurs crimes et se repentaient sincèrement. Leurs remords permettaient alors de réintégrer le fragment d'âme qu'ils avaient perdu. Bien que ce soit intéressant, ce cas de figure n'était pas envisageable en ce qui concernait Voldemort. Le mage noir était un monstre — qu'il l'ait été depuis le début ou qu'il le soit devenu au fil des années — et il n'éprouvait pas le moindre regret de ses actes criminels. Il continuait de tuer, sans se préoccuper des ravages qu'il faisait et il ne semblait attaché à personne.

Harry murmura, le tirant de ses pensées.

— Je rêve ou il sous-entend que ce qui a été créé peut-être défait ?