Promesse de sang

Ce fut Rogue qui répondit, d’un ton sec, sans la moindre hésitation, avec la volonté évidente de choquer les deux jeunes hommes.

— Comme pour un serment inviolable. La mort.

Son ton lugubre résonna dans l’infirmerie. Harry hocha simplement la tête, avec un calme qu’il était loin de ressentir, comme si la conversation n’était pas si sérieuse. 

Son regard passa de l’un à l’autre des deux hommes et il regretta de ne pas avoir pu discuter de la situation avec Malefoy avant de faire face à la curiosité débordante du directeur. Il hésita, puis il haussa les épaules, presque avec nonchalance. 

— Je ne me souviens pas vraiment en fait. Je suis désolé.

En prononçant ces mots, il pressa la main de Drago, espérant que le Serpentard comprendrait qu’il voulait en discuter seul à seul avec lui avant de laisser Dumbledore décider de leur cas sans les consulter. 

Rogue laissa échapper un grognement enragé.

— Comment pouvez-vous être aussi stupide, Potter ? Vous n’apprendrez donc jamais ? 

Dumbledore se leva, faisant taire à nouveau le professeur de potions d’un coup d’œil bref. Puis, il mit ses mains dans son dos et fit quelques allées et venues, le front plissé alors qu’il réfléchissait. Finalement, il s’immobilisa au bout du lit et porta son regard sur Drago.

— Et vous, monsieur Malefoy ? Un souvenir de ce qui a été échangé entre vous ?

Le Serpentard laissa échapper un ricanement moqueur avant de répondre, calmement.

— J’étais à moitié inconscient en train de me vider de mon sang. Pour ce que j’en sais, Potter aurait pu me promettre de me ramener la lune que je n’aurais pas eu la moindre réaction… ou que j’aurais accepté.

Harry ne put s’empêcher de sourire malicieusement, amusé de la répartie de son compagnon d’infortune. Son amusement devint rapidement un air faussement contrit sous le regard noir de Severus Rogue. 

Le regard de Dumbledore se perdit dans le vide et il lissa sa barbe machinalement avant de hocher la tête lentement, échafaudant probablement un plan les concernant. 

— C’est ennuyeux. Bien… nous n’avons hélas pas le choix, je pense. Vous allez rester ici tous les deux, jusqu’à ce que vous vous souveniez des évènements. Je pense que… oui… mieux vaut que personne n’apprenne cette histoire, donc il n’y aura aucune visite pour l’instant.

Harry fronça les sourcils et se redressa légèrement prêt à protester. Cependant, Dumbledore leva une main pour le stopper et poursuivit, d’un ton sans appel.

— Il n’y aura aucune exception, Harry. Tu resteras ici avec ton camarade jusqu’à ce que nous trouvions les… modalités de cette promesse afin de nous assurer de votre sécurité à tous les deux. Nous ne pouvons pas prendre de risques alors que le coût à payer est exorbitant. Tu dois savoir que lorsque le sang d’un sorcier est impliqué, les choses sont… extrêmement sérieuses.

Harry grimaça au rappel que quelque chose de plus menaçait sa vie, mais il resta silencieux, son regard allant de Dumbledore à Rogue. Puis, il hocha la tête sèchement, les sourcils froncés, toute sa posture criant la révolte. Cependant, il n’était pas assez idiot pour protester bruyamment. 

En se tournant, il jeta un bref regard à Drago et leurs yeux s’accrochèrent. Harry craignait un rejet, mais il put lire une lueur de reconnaissance dans le regard gris. Une chose était certaine : il n’y avait pas la moindre haine. À la place, le Serpentard semblait le considérer autrement, avec des questions plein les yeux. 

Dumbledore se pencha vers eux, les yeux brillants, probablement pour insister, mais l’entrée de Pomfresh l’interrompit. En le voyant, l’infirmière fronça les sourcils, et claqua la langue d’un air agacé.

— Messieurs, je vais vous demander de sortir d’ici. J’ai ces deux jeunes hommes à examiner et il me semble qu’ils ont besoin de repos plutôt que de subir un interrogatoire en règle ! 

Dumbledore soupira.

— Poppy, il s’agit d’une affaire importante ! Nous ne pouvons pas…

L’infirmière grogna et le coupa sèchement sans se soucier de l’air pincé du directeur.

— C’est toujours une affaire importante, Albus. Cependant, il n’y a rien qui presse ici. Poudlard ne va pas s’effondrer si vous n’avez pas vos réponses dans la minute. Donc… Dehors !

Le vieil homme baissa la tête et soupira avant de hocher la tête, comprenant que l’infirmière ne changerait pas d’avis. Il fit signe à Rogue et les deux hommes se dirigèrent vers la sortie sans se presser, en silence. 

Harry adressa un sourire de gratitude à l’infirmière, soulagé de voir la porte se refermer derrière Dumbledore et Rogue.

Pomfresh se planta devant eux, et leur lança plusieurs sorts, essayant visiblement de déterminer s’ils allaient bien. Après quelques instants, elle sembla satisfaite puisqu’elle hocha la tête avec un demi-sourire.

— Parfait. À part un reste de fatigue dû à un manque de sommeil chronique et une légère dénutrition, vous semblez parfaitement remis tous les deux. Monsieur Malefoy, les cicatrices disparaîtront rapidement, je vous donnerai un baume pour… aider. Elles deviendront presque invisibles. Je vois que… vous gardez un contact permanent entre vous, je pense que ce n’est pas obligatoire, mais tant que vous en ressentez le besoin… Et bien, ça ne fera pas de mal !

Harry aurait probablement dû se sentir gêné et vouloir retirer sa main, mais il s’en sentit incapable, préférant juste raffermir sa prise sur la main de Drago. 

Pomfresh marmonna un accio et attira à elle deux fioles de potions qu’elle posa près du lit.

— Potion de nutrition pour vous remettre d’aplomb. Ce soir, vous aurez une potion pour dormir sereinement. En attendant, je ne veux pas le moindre chahut ni le moindre cri. Je me doute que vous avez probablement beaucoup à discuter tous les deux au sujet de votre situation actuelle, mais uniquement dans le calme, sinon je vous stupéfixe pour vous attacher à votre lit. Est-ce compris ?

Harry hocha rapidement la tête, connaissant assez l’infirmière pour savoir qu’elle était capable de tout. Elle les dévisagea avec suspicion puis elle soupira en marmonnant au sujet d’idiots qui se jetaient tête la première dans le danger tout en s’éloignant d’un pas vif. Lorsque la porte de son bureau se referma, Harry prit une grande inspiration.

— Je suis désolé.

Il n’osa pas regarder Drago et celui-ci resta silencieux un long moment. Finalement, le Serpentard souffla et murmura, incertain.

— Tu le pensais vraiment ? Ce que tu as dit ?

Harry se tourna vers lui et se perdit dans son regard gris. Il hocha lentement la tête avant de murmurer.

— Oui. Je t’aiderai, Malefoy. Je te protégerai. 

Ils sentaient tous les deux que quelque chose était en train de se produire et ils ne faisaient rien pour l’arrêter. Harry ignorait ce que Malefoy en pensait, mais lui ne voulait pas retourner à leurs anciennes querelles. 

Le Serpentard se mordilla un instant la lèvre, sourcils froncés. Puis, il souffla.

— Pourquoi ?