Guérir ensemble
Drago eut un sourire triste.
— Je sais que tu ne demandes rien. Tu m’as déjà sauvé d’un feudeymon, tu te souviens ? Tu ne peux pas savoir le nombre de fois où j’ai fait des cauchemars, dans lesquels tu revenais pour moi, mais où nous étions consumés tous les deux par ma faute… Où tu étais touché en plein vol, juste devant moi…
Harry se mordilla la lèvre, puis se frotta le visage.
— Je n’ai pas oublié. Il m’arrive aussi de… d’être dans ce cauchemar où je n’arrive pas à temps pour te sauver.
Drago sourit et se pencha pour servir le thé dans les tasses.
— Stupide Gryffondor plein de bons sentiments. Tu mérites d’avoir des nuits paisibles après tout ce que tu as fait… Tu nous as tous sauvés.
Harry sucra son thé machinalement et fixa le liquide ambré, sans lever les yeux vers son ancien camarade.
— Et donc ? Tu vas suivre ta raison ou… tu vas accepter ma proposition ?
Drago murmura, indécis.
— Je n’avais jamais mon fils si heureux. Si extraverti. Il est si silencieux, si discret habituellement, comme s’il avait peur de me déranger…
— Albus Severus est plutôt discret lui aussi. Mais ensemble, ils semblent… rayonner. Je suis heureux qu’ils aient lié une amitié pareille si rapidement.
Drago ferma les yeux, déglutissant.
— Potter. On va se battre.
Harry répondit calmement, remuant toujours le thé dans sa tasse.
— C’est évident.
Drago leva la tête, les yeux écarquillés, perplexe. Harry souriait, d’un air nostalgique, sans lever la tête. Il continua, toujours aussi doucement.
— Je suppose qu’on arrivera à s’accorder. On se hurlera dessus, puis on en rira. On se disputera, puis on se réconciliera. Ce serait terriblement ennuyeux si nous étions toujours d’accord, tu ne penses pas ?
Voyant que Harry se perdait dans ses pensées, le visage triste, Drago se releva et hésita longuement. Puis, il s’approcha de l’homme et prit son visage entre ses mains pour le forcer à le regarder. Il le dévisagea longuement, puis il soupira.
— Idiot.
Cependant, il le prit dans ses bras, le serrant contre son ventre et Harry s’agrippa à sa taille, comme un noyé s’accrocherait à une bouée.
En se dégageant, Harry lui sourit.
— Nous deux, ça va fonctionner.
Le cœur de Drago accéléra et il eut un sourire amusé. Il ne contredit pas Harry, loin de là. Il n’avait pas envie de lutter.
*
Les jours suivants furent un peu étranges. Les enfants étaient heureux d’être ensemble et en profitaient. Harry avait ôté Albus Severus et Lily Luna de l’école, puis il avait commencé à chercher un précepteur avec l’aide de Drago.
Le Sauveur du monde magique recevait bien trop de courrier commentant ses actes et il brûlait la plupart des lettres, refusant de se laisser influencer par les paroles haineuses de la population.
Il y avait également des courriers réguliers du Ministère, l’enjoignant de reprendre son poste, lui proposant de l’avancement, ainsi que d’étudier toutes ses exigences. Harry ne répondait pas, se contentant de soupirer en levant les yeux au ciel.
Ses amis écrivaient également, subitement inquiets, se souvenant de son existence, lui reprochant de s’isoler et de ne pas leur parler de ses projets. Il avait répondu à la première lettre, indiquant qu’il allait bien et qu’il avait juste besoin de changer de vie. Cependant, il avait ignoré les autres lettres, de plus en plus pressantes, lui conseillant de rester au Ministère ou de changer sa démission en vacances.
Drago n’avait pas fait le moindre commentaire. C’était la vie de Harry, c’était à lui de prendre ses décisions. Parfois cependant, il avait envie de leur écrire et de leur dire d’ouvrir les yeux. Ils ne voulaient pas voir que Harry allait mal, qu’il déprimait et ils le traitaient comme l’adolescent qu’il était autrefois, avant d’être brisé par la guerre.
Eux avaient avancé, laissant cette sombre période derrière eux, se soutenant mutuellement. Mais leur meilleur ami avait juste caché son mal-être et s’était enlisé dans ses cauchemars.
Malgré cette avalanche de courriers, sans compter les articles de journaux de plus en plus violents envers Drago qu’ils cachaient soigneusement aux enfants, Harry ne semblait jamais douter. Il repoussait juste les lettres, les détruisait, et reprenait la conversation comme si c’était normal. Il lui souriait ou lui adressait un clin d’œil complice, repoussant tout ce qui n’était pas eux.
Plusieurs fois, Drago avait envisagé de rentrer chez lui, pour permettre à Harry de souffler face à toute cette hostilité, mais le brun avait haussé les épaules, repoussant fermement sa proposition.
— Ils ne savent pas que tu vis ici. Ça ne changera pas parce que je ne compte pas revenir en arrière. Que tu restes ou non, le résultat sera le même…
Avant que Drago puisse protester, il avait murmuré, en le fixant.
— Je préfère que tu restes.
Drago avait cédé. La vie près de Harry était agréable, même s’il essayait de se convaincre qu’il faisait ça pour le bonheur de son fils.
Harry avait changé de sujet et ils avaient continué de vivre comme si tout allait bien.
Jusqu’à l’arrivée d’une beuglante.
Ils avaient fixé tous les deux l’enveloppe rouge et Harry avait légèrement rougi, laissant penser à Drago qu’il n’avait pas été totalement honnête sur les reproches qu’il recevait quotidiennement. Cependant, il l’avait ouverte devant Drago, sans la moindre hésitation, lui prouvant une fois de plus qu’il avait confiance en lui.
C’était la voix de Hermione Granger, qui hurlait après avoir appris que Harry avait retiré ses enfants de l’école. Elle le traitait d’irresponsable et l’accusait de vouloir les priver d’avenir.
Harry semblait sonné, les yeux écarquillés et les joues rouges, ne sachant visiblement pas quoi dire. Drago se leva pour le laisser seul, mais Harry l’attrapa au passage et se releva brusquement pour se serrer contre lui.
Harry avait visiblement besoin de réconfort et Drago le serra dans ses bras, sans un mot. Après un long moment, Harry marmonna.
— Ils me voient comme un enfant encore. Comme si je n’avais pas grandi. Ils jouent les adultes, mais ils sont incapables de voir… tout ce qui a changé. Ils veulent que je corresponde à ce qu’ils imaginent.
Drago ne répondit pas, le serrant juste un peu plus, espérant lui offrir tout le réconfort dont il avait besoin. Harry reprit.
— Ginny est partie, mais ils me reprochent de ne pas lui avoir couru après. C’est comme s’ils avaient imaginé nos vies et qu’ils ne déviaient pas de leurs rêves. Mais je ne veux pas être dans leur rêve, je veux juste… vivre tranquillement ma vie. Ma propre vie. Prendre mes décisions, être libre.