R.A.B

En entendant le tableau de Wallburga hurler, Harry s’était tendu, les yeux écarquillés. Il repoussa brusquement Régulus pour se précipiter sur la cape d’invisibilité de son père et il la drapa sur son compagnon, prenant quand même le temps de déposer un léger baiser sur ses lèvres, comme pour adoucir sa réaction brutale et instinctive.

Régulus tenta de l’arrêter, mais Harry semblait paniquer, hermétique à toutes ses paroles.

Dans l’esprit du Gryffondor, si Régulus était vu près de lui, il serait en danger. Il n’avait plus la moindre confiance en ceux qui se disaient de l’Ordre du Phénix. L’idée même que Fol’Oeil puisse mettre la main sur Régulus et le menacer, ou se servir de lui pour le blesser, le rendait fou de terreur.

Régulus sembla comprendre puisqu’il ne protesta pas, le laissant cacher toute preuve de sa présence. Il était furieux de voir ses yeux écarquillés, sa peur palpable et son affolement alors qu’il aurait dû se sentir en sécurité au sein de son propre camp.

Il y eut d’autres cris, indistincts, et Harry se figea. Il s’approcha de la porte, hésitant, ne sachant pas s’il devait se joindre à la mêlée ou au contraire rester loin de toute cette agitation. Alors que le chaos semblait se répandre au rez-de-chaussée, Régulus attrapa l’épaule de Harry, prenant soin de rester dissimulé au maximum. Il chuchota, ne pouvant pas s’empêcher de laisser transparaître son inquiétude.

   – Reste à l’écart.

Harry se mordilla la lèvre, indécis. Il était visiblement tiraillé entre ce sage conseil et la crainte qu’il ne se produise un incident dramatique. Il connaissait après tout la paranoïa de Maugrey Fol’Oeil, et le vieil Auror serait parfaitement capable de s’attaquer à Sirius ou Severus en prétendant qu’ils représentaient un danger. Le Ministère le soutiendrait évidemment : l’un était un exilé revenu sur le territoire illégalement, l’autre portait la marque des Mangemorts et Dumbledore n’était plus là pour le tirer d’affaire.

Il y eut des chocs sourds et de nouveaux cris, puis le silence revint, soudain et angoissant.

Harry haleta et ouvrit la porte, prêt à s’élancer. Régulus attrapa sa main et enlaça leurs doigts, lui jetant un regard décidé, sa baguette déjà en main, prêt à le suivre et à le défendre sans la moindre hésitation.

Ils échangèrent un long regard puis Harry expira doucement, avant de hocher la tête, les yeux emplis d’incertitude. Ils s’aventurèrent dans le couloir sombre, main dans la main, Régulus toujours à demi dissimulé sous la cape, prêt à disparaître totalement sous le tissu fluide pour devenir invisible.

Harry progressait lentement, le souffle court, inquiet.

Lorsqu’ils arrivèrent au rez-de-chaussée, après un temps qui leur parut interminable, ils étaient l’un et l’autre sur les nerfs, crispés sur leurs baguettes, imaginant déjà le pire.

Harry émit une exclamation stupéfaite en arrivant devant Sirius et Severus, qui étaient seuls dans l’entrée, côte à côte. Les deux hommes se tournèrent d’un bloc, visiblement nerveux, avec leurs baguettes sorties. Puis Sirius se détendit et un léger sourire amusé apparut sur son visage. Il attira Harry à lui, ne semblant pas surpris de découvrir son frère émerger de sous la cape de James Potter près de son filleul.

Ébouriffant les cheveux de Harry, il laissa échapper un rire tonitruant face à son expression perdue.

   – Nous voilà officiellement déclarés comme… traîtres. Ou dissidents. Peu importe. Je viens de botter le derrière de ce vieux fou de Fol’Oeil et de dire à Rémus ce que je pensais de sa conception de l’amitié.

Régulus sortit complètement de sous la cape, effaré.

   – Quoi ? Mais… Que s’est-il passé ?

Severus se passa une main sur le visage avant de marmonner, l’air sombre.

   – Nous devons refaire les protections de cette maison. Ils ne seront pas longs avant de revenir pour… nous arrêter. Au mieux.

Sirius eut un rictus moqueur.

   – La maison est imprenable, ne t’en fais pas. Si Dumbledore la convoitait tant, c’était pour une bonne raison. Le Fidelitas n’était pas son seul atout même si en lancer un nouveau où nous serions les seuls à pouvoir accéder à cet endroit serait une bonne idée…

Voyant que Harry semblait sur le point de se mettre à hurler, visiblement à bout de nerfs, Sirius lui frotta le dos et finit par s’expliquer.

   – Fol’Oeil et Rémus sont venus. Ils voulaient que nous invitions les Weasley ici, à la fois pour les protéger et pour… Pour te rapprocher de leur fille.

Régulus grogna sourdement, et Harry vacilla légèrement. Il balbutia, l’air prêt à s’effondrer.

   – Mais… madame Weasley était comme une mère pour moi ! Elle… elle a toujours pris soin de moi et elle ne semblait rien attendre en retour ! Et… Et j’étais souvent invité au Terrier. Je ne comprends pas pourquoi… Pourquoi elle veut me faire ça !

Severus roula des yeux et répondit, répugnant visiblement à avouer qu’il suivait de près les petites histoires des élèves.

   – Vous allez devoir accepter que vous ne soyez plus aussi proche de cette famille ici, Harry. Lors du tournoi des trois sorciers, lorsque la coupe de feu a recraché votre nom, Ronald s’est détourné de vous et a mené une véritable campagne de dénigrement. Il… Il était visiblement parfaitement jaloux de l’attention portée sur vous et je suppose que les choses auraient pu s’améliorer entre vous s’il l’avait voulu.

Harry hocha la tête.

   – Oui. Dans mes souvenirs, dans… ma version des choses, Ron a été horrifié de voir que j’ai failli mourir face aux dragons pendant la première épreuve et il s’est excusé. Nous sommes redevenus amis, même si… Nous étions peut-être moins proches.

Sirius grimaça.

   – L’histoire se répète visiblement. Comme si quelque chose s’était brisé n’est-ce pas ?

Harry hocha la tête, sans ajouter quoi que ce soit. Sirius haussa les épaules.

   – Je connais ce sentiment. Lorsque Rémus a refusé de croire en mon innocence après la mort de tes parents… j’ai compris que notre amitié serait endommagée. Mais je ne pensais pas qu’il nous trahirait de cette façon. Qu’il te tournerait le dos.

Harry sembla mal à l’aise et Régulus l’enlaça. Le jeune homme soupira.

   – J’ai l’impression que mes actes ont empiré les choses… Je n’ai jamais remarqué un froid entre toi et Rémus, vous aviez l’air… complices. Heureux de vous retrouver. Il a toujours été fidèle à Dumbledore et il était… dévasté lorsque tu es mort. Quand… il était furieux après moi, il savait que c’était de ma faute.