Secrets de Serpentard : La noble famille Black

Chapitre 17 : Une rencontre intéressante

2956 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/08/2022 20:27

Narcissa était désormais en quatrième année, et commençait à se demander si elle connaîtrait une seule année de sérénité à Poudlard.

Pendant ses deux premières années, elle s'était fait du souci pour sa mère, évidemment : le Croculus Sativus avait lentement perdu en efficacité, et la mère de Narcissa n'avait pas trouvé de remède alternatif qui puisse soulager ses crises fulgurantes de douleurs articulaires et de migraines. De plus, d'autres Magicomage s'étaient penchés sur son cas, et avaient exprimé leur désaccord sur le diagnostic initial de Saviriose, ce qui ajoutait encore à la confusion et au désarroi de la famille Black.

Narcissa s'était également inquiétée à propos de Bellatrix. Elles avaient échangé de nombreuses lettres, et Bellatrix répondait toujours de manière vague, même lorsque Narcissa lui réclamait des détails. Narcissa savait simplement qu'elle avait rencontré dans le Poudlard Express un homme extrêmement ingénieux, qui lui avait tendu la main alors qu'elle était au plus bas, qui lui avait généreusement procuré une nouvelle baguette, et qui l'aidait désormais à perfectionner sa pratique de la magie.

Narcissa, préoccupée par la facilité avec laquelle Bellatrix se faisait parfois embobiner, avait immédiatement souhaité connaître l'identité de cet instructeur mystérieux. Bellatrix avait refusé de lui donner son nom, mais elle lui avait promis que bientôt, elle lui ferait rencontrer ce professeur si talentueux, auquel elle vouait une profonde admiration. Et puis, le temps avait passé, la situation s'était stabilisée, et à force de réassurance, Narcissa avait fini par croire que ses leçons de magie nocturnes lui étaient profitables.

Mais le répit avait été de courte durée : à peine Narcissa avait-elle été rassurée sur le sort de Bellatrix, que son père essuyait une défaite cuisante face à Eugenia Jenkins, pour l'obtention du poste de Ministre de la Magie. Depuis, il était plus irascible que jamais, ce qui n'améliorait guère la situation au 12, square Grimmaurd. Narcissa avait essayé d'arranger les choses, mais son père s'était montré hermétique à toute tentative de réconfort : elle s'était donc résignée à le regarder maronner dans son coin, et à laisser la situation évoluer d'elle-même.

Et à présent, Narcissa se faisait du souci pour son autre sœur, Andromeda. Depuis la rentrée, Narcissa la trouvait plus anxieuse, distante ; elle qui avait l'habitude de venir l'embrasser le soir avant de se coucher, elle oubliait de plus en plus souvent. Et ce jour-là, Daisy lui avait appris qu'Andromeda avait pleuré toute l'après-midi dans les toilettes.

Le soir venu, dans le dortoir des Serpentard, Narcissa alla se glisser à côté d'Andromeda, sans faire de bruit. Quand elle écarta les rideaux, Andromeda se dressa d'un bloc dans son lit, affolée, haletante.

– Ce n'est que moi, lui dit doucement Narcissa.

– Cissy ! Tu m'as fait peur...

– Ah ? Désolée, mais... Qui d'autre voulais-tu que ce soit ?

Andromeda s'épongea le front, et reprit son souffle, nerveuse.

– Andy, tu... Tu es sûre que ça va ? s'inquiéta Narcissa, sourcils froncés.

Sa grande sœur lui faisait penser à une biche traquée par un prédateur. Quelques-unes de ses boucles brunes lui tombaient devant le visage, et jetaient une ombre inquiétante sur ses traits délicats. Elle avait les bras croisés sur sa poitrine, et était légèrement recroquevillée sur elle-même comme si elle voulait se protéger de quelque chose – ou de quelqu'un.

Narcissa ouvrit les rideaux un peu plus largement, se pencha vers l'avant, et monta sur le matelas pour s'asseoir sur le lit à côté de sa sœur.

– Dis-moi ce qui ne va pas, lui dit Narcissa à voix basse.

Andromeda avait les yeux brillants, et Narcissa se blottit un peu plus contre elle. Malgré l'inquiétude que celle-ci ressentait, elle fut immédiatement apaisée par le contact de la peau de sa sœur et par son parfum réconfortant. Au cours des dernières années, la complicité des deux sœurs n'avait rien perdu de son éclat ; elles passaient beaucoup de temps ensemble, avec Daisy, et venaient souvent chercher refuge dans les bras de l'autre, surtout quand leur mère n'allait pas bien.

– Allez, dis-moi, insista Narcissa. Tu sais bien que tu peux tout me dire.

Andromeda haussa les épaules, et secoua la tête.

– Non, c'est idiot... Ce n'est rien.

– Daisy m'a dit que tu avais pleuré tout l'après-midi, dit Narcissa. Quelle qu'en soit la raison, je suis certaine que c'est loin d'être quelque chose d'idiot.

Après quelques secondes de silence, Andromeda dit d'une voix étranglée :

– Tu... Tu vois bien qui est Hector Crabbe ?

– Un des deux jumeaux ? Oui, évidemment...

Andromeda lui raconta qu'à la rentrée, Hector Crabbe lui avait fait des avances répétées, et que malgré les protestations d'Andromeda, celui-ci continuait de la suivre partout en la regardant fixement. Andromeda n'en pouvait plus, elle en faisait même des cauchemars.

– Andy, tu ne dois pas te laisser faire ! s'indigna Narcissa après l'avoir écoutée.

– Je lui ai déjà demandé d'arrêter ! protesta Andromeda. À chaque fois, il continue de me fixer en rigolant. Et ceux à qui j'en ai parlé trouvent que j'exagère...

– Eh bien, dans ce cas, il faut en parler au professeur Slughorn ! Il punira Hector, j'en suis sûre !

– Chhht ! siffla quelqu'un dans le dortoir.

Narcissa se retourna, excédée, et entrouvrit les rideaux du lit à baldaquin pour identifier la personne qui venait de les intimer au silence.

– Encore cette idiote de Carla, j'en suis sûre, chuchota-t-elle tout bas. Enfin, passons... Bon, écoute, il faut que demain, tu ailles en parler à Slughorn, d'accord ? Je t'accompagnerai.

Andromeda secoua la tête.

– Je lui en ai déjà parlé, avoua-t-elle.

– Ah ! C'est bien ! Et alors ?

– Il s'en fiche... Il m'a dit de ne pas faire attention. Il m'a même dit que je devrais être flattée...

Narcissa écarquilla les yeux, de plus en plus révoltée.

– Si seulement Bellatrix était là, soupira-t-elle. Elle aurait fait passer un mauvais quart d'heure à ce mufle de Hector Crabbe...

– Ça, je n'en doute pas, dit Andromeda avec un pâle sourire.

– Bon... Demain, je t'accompagnerai à tous tes cours, promit Narcissa. S'il ose se montrer, il verra de quel bois je me chauffe !

Andromeda sourit plus franchement, et Narcissa l'embrassa sur la joue, très fière de sa déclaration.

– Tu aurais dû m'en parler avant, lui reprocha-t-elle gentiment.

– Tu as raison, répondit Andromeda, qui respirait déjà un peu plus librement.

Narcissa ouvrit les couvertures, et les deux sœurs s'y glissèrent côte à côte, comme elles avaient l'habitude de le faire de temps en temps. Narcissa posa sa tête sur l'épaule d'Andromeda et s'endormit auprès d'elle, bercée par sa respiration qui se calmait lentement et baignée dans son parfum délicat et rassurant.

Le lendemain, comme elle l'avait promis, Narcissa escorta Andromeda à tous ses cours de la journée, ce qui la mit en retard à son cours de Potions et lui valut quelques plaisanteries du professeur Slughorn qui lui donnèrent envie de lui faire manger sa moustache. Durant la journée, Hector Crabbe ne se manifesta pas, jusqu'au soir, lorsque les deux sœurs se mirent tranquillement en route vers les dortoirs de Serpentard. En effet, au détour d'un couloir, Andromeda tressaillit, livide : Hector Crabbe s'était mis sur son chemin, et la lorgnait avec insistance, tout en mâchouillant une confiserie.

Même si Hector Crabbe semblait ne pas l'avoir remarquée, Narcissa le foudroya du regard. Comment avait-elle pu ne pas remarquer que ce mastodonte talonnait sa sœur depuis le début de l'année ? À côté d'elle, Andromeda fit aussitôt demi-tour, effrayée.

– Viens, Cissy, passons par l'autre côté...

– Hors de question ! C'est à lui de s'écarter, objecta Narcissa en continuant d'avancer.

– Cissy, reviens ! la supplia Andromeda. Ne fais pas comme Bellatrix...

Andromeda avait été assez choquée par l'agression de Molly Prewett – qui se portait désormais comme un charme, et avait d'épousé Arthur Weasley quelques mois plus tôt.

– Ne t'en fais pas, je vais juste le remettre à sa place, la rassura Narcissa. Rentre au dortoir. Tout va bien, je te rejoins ! Je ne toucherai pas à ma baguette, c'est promis !

Sur ces mots, Narcissa marcha droit vers Hector Crabbe. Au fur et à mesure qu'elle s'approchait, son adversaire lui parut de plus en plus imposant et menaçant ; à chaque pas, son assurance s'amenuisait, et ses enjambées rétrécissaient.

Ce n'est pas le moment de se dégonfler, gronda-t-elle intérieurement. Sans la voir, Hector Crabbe se mit à suivre Andromeda, ce qui procura à Narcissa le courage nécessaire pour s'interposer.

– Hé, toi ! lança-t-elle en se mettant en travers de sa route.

Hector Crabbe baissa la tête, interloqué, et un petit rire s'échappa de ses lèvres charnues. Narcissa était grande pour son âge, certes, mais le garçon la dépassait d'une bonne tête, et était large comme une armoire. Avec son nez épaté et ses yeux semblables à ceux d'une grenouille, semblables à ceux de son frère jumeau Rascus, il était encore plus repoussant de près.

– Tu vas laisser ma sœur tranquille, dit Narcissa en pointant sur lui un index menaçant. Sinon... Sinon, gare à toi !

Sa voix avait un peu tremblé. Narcissa n'avait absolument pas réfléchi au moyen d'éloigner ce lourdaud d'Andromeda. La seule chose qu'elle savait, c'est qu'elle était terriblement en colère contre lui.

Avant que Crabbe ne trouve de quoi répliquer, un garçon blond surgit à côté de lui, et posa sa main sur son énorme épaule. Narcissa le reconnut immédiatement : il s'agissait de Lucius Malefoy, le garçon qui dirigeait les deux Crabbe à la baguette. En un éclair, Narcissa détailla de nouveau son visage mince au menton pointu, son allure élancée et impeccablement soignée, ses gestes élégants et les chevalières qui brillaient autour de ses longs doigts fins.

– Un problème, Crabbe ? demanda le nouveau venu avec désinvolture.

– Cette discussion ne te regarde pas, l'arrêta sèchement Narcissa, de plus en plus agacée.

Lucius eut un petit sourire en coin, puis exhiba un insigne rutilant épinglé sur sa veste brodée.

– Au cas où cela t'aurait échappé, je suis le préfet de Serpentard, et mon rôle est de veiller à ce que les élèves de ma maison ne s'étripent pas entre eux. Or, arrête-moi si je me trompe, mais il me semble que votre discussion ne relève pas de la plus grande courtoisie...

– Nous pouvons régler nos différends nous-même, merci bien.

Lucius se détourna et interrogea Hector Crabbe du regard.

– C'est la p'tite dernière des Black, dit ce dernier sur un ton méprisant. Elle est venue m'agresser, parce que, paraît-il, je fais peur à sa sœur.

– Oh ! Je vois, je vois... Et dis-moi, petite, ta sœur n'est-elle pas assez grande pour venir se défendre toute seule ?

Petite ? Quel toupet ! pensa Narcissa. Il avait seulement un an de plus qu'elle !

– Hors de question, répliqua Narcissa, je ne l'aurais certainement pas laissée s'abaisser à ça ! Ce serait plutôt à cet imbécile de ramper devant elle pour lui présenter ses excuses.

Le préfet haussa un sourcil et échangea un regard moqueur avec Crabbe.

– Oui, les sœurs Black, ça me revient, murmura-t-il en la toisant du haut de sa grande taille. Narcissa, c'est bien ça ?

Elle ne répondit pas.

– Dis-moi, je te trouve un peu prétentieuse pour quelqu'un dont la famille ne possède même pas son propre toit...

Crabbe eut un petit rire gras ; Narcissa, quant à elle, sentit ses oreilles devenir rouge cerise.

Mais plutôt que de perdre la face devant la sournoiserie de cette remarque, Narcissa eut aussitôt le réflexe de penser à sa tante Walburga, et à l'attitude qu'elle adopterait si quelqu'un lui manquait de respect de cette manière. Car en effet, au cours des innombrables réceptions auxquelles Narcissa avait assisté aux côtés de sa tante, elle avait eu tout le loisir d'observer ses manières méprisantes et ses réparties cinglantes.

Voyons... Une voix glaciale, supérieure... Oui, elle redresserait la tête, exactement comme ça, en pinçant ses lèvres, en faisant frémir ses narines...

– Monsieur le préfet... répondit Narcissa en imitant l'intonation présomptueuse de Lucius. Quelque chose m'échappe, peut-être allez-vous pouvoir m'éclairer sur ce point... Voilà, arrêtez-moi si je me trompe, mais quelqu'un m'a dit récemment que le rôle d'un préfet était "de veiller à ce que les membres de sa maison ne s'étripent pas entre eux"...

Lucius Malefoy hocha la tête, amusé et confiant.

– Mais dans ce cas, poursuivit Narcissa, à qui faut-il s'adresser si le préfet lui-même s'avère être encore plus puéril que ses camarades, et ne fait qu'envenimer les situations au lieu d'y remédier ? À qui faut-il faire part de son incompétence ?

Au fur et à mesure qu'elle parlait, Narcissa se laissa emporter par sa propre colère.

– Et enfin, qui faut-il avertir que sa mère ne lui a visiblement pas appris à prêter aux filles le respect qu'on leur doit ?

Alors que Narcissa prononçait cette dernière phrase, le préfet ouvrit grand les yeux, déconcerté ; Hector Crabbe fit une petite moue embarrassée, en glissant un regard furtif vers Lucius ; et Narcissa comprit qu'elle avait visé juste.

– Bien, continua-t-elle, j'ai l'impression que je vais devoir me débrouiller seule ; peut-être que le professeur Slughorn, là-bas, saura mieux me renseigner.

Narcissa tourna les talons, et s'éloigna rapidement sans cesser de fulminer. Au moment où elle allait bifurquer dans le couloir, elle entendit des pas pressés derrière elle, et on l'arrêta en la retenant par le bras.

– Attends une minute !

C'était Lucius Malefoy. Narcissa se retourna vers lui, le cœur battant à tout rompre, et soutint son regard, qui était d'un gris singulièrement pâle.

– Je... J'ai bien peur qu'il y ait eu un léger malentendu, dit-il de sa voix légèrement traînante. Et j'en suis... vraiment désolé. J'ai bien réfléchi, et finalement, je suis ravi d'avoir fait ta connaissance. Nous sommes partis d'un mauvais élan, je crois... Mais nous pouvons certainement arranger ça.

Narcissa essaya de masquer son étonnement, et de conserver son attitude dédaigneuse. Hector Crabbe arriva en trottinant derrière son comparse, essoufflé et rougeaud.

– Pour être honnête, j'en doute sérieusement, répliqua froidement Narcissa.

Lucius lui lâcha le bras, et lui présenta sa main tendue.

– Je m'appelle Lucius. Lucius Malefoy. Mais, on t'a sûrement déjà parlé de moi, pas vrai ?

Son sourire était redevenu confiant et moqueur. Narcissa regarda sa main, et ses longs doigts ornés de chevalières. "Quelqu'un dont la famille ne possède même pas son propre toit", vraiment ?

– Seulement pour me mettre en garde à propos d'un imbécile de préfet, mentit Narcissa. Écoute, si tu tiens tellement à "arranger ça", assure-toi seulement que ton ami laisse ma sœur tranquille, d'accord ? Vous savez, j'ai mieux à faire que de calmer les ardeurs d'un... d'un bouledogue pré-pubère !

Narcissa eut juste le temps d'apercevoir un éclair de surprise dans leurs deux paires d'yeux, puis elle leur tourna le dos, laissant la main tendue de Lucius Malefoy se replier dans le vide. Et elle s'éloigna en serrant étroitement son livre de Potions contre elle, afin que personne ne voie ses mains trembler.

Non sans fierté, elle entendit derrière elle les deux garçons échanger quelques mots :

– Qu'est-ce qui t'a pris, Lucius ? ronchonna Hector Crabbe. Je t'avais bien dit, que c'était une vraie peste !

– Certes, certes... Mais je dois l'admettre, c'était une belle riposte, tu ne trouves pas ?

Le soir même, Narcissa fit à Daisy et Andromeda le récit détaillé de sa rencontre avec Lucius Malefoy, en omettant volontairement le moment où il s'était moqué d'elle. L'histoire fit sensation auprès de sa sœur et de son amie d'enfance, qui étaient ravies d'entendre que Narcissa avait traité Hector Crabbe de bouledogue pré-pubère dans un couloir bondé d'élèves.

– Malefoy n'est sûrement pas habitué à ce genre de contre-attaque, supposa Daisy quand Narcissa eut terminé. Ça a dû lui faire tout drôle...

– Oui, il voulait sûrement te faire du charme pour te dissuader de raconter l'histoire à tout le monde, renchérit Andromeda.

Narcissa se surprit à espérer furtivement que ce changement d'attitude avait une autre explication, mais se laissa vite emporter par l'enthousiasme de Daisy et d'Andromeda.

– Au moins, il se souviendra de toi, conclut joyeusement Daisy.

Et cette prédiction plut beaucoup à Narcissa – bien plus qu'elle ne voulait l'admettre.

Le lendemain soir, Andromeda vint voir sa petite sœur, de nouveau rayonnante.

– J'ai croisé Hector Crabbe, tout à l'heure, raconta Andromeda.

– Alors ?

– Quand il m'a vue, il s'est enfui en courant !

Narcissa rit joyeusement à l'idée d'avoir pu impressionner ce malotru.

– Tu es trop forte, la félicita Andromeda en l'embrassant sur la joue. Merci pour tout.

– Je t'en prie.

Narcissa essayait de rester modeste, mais en réalité, elle était extrêmement fière d'elle.



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