Secrets de Serpentard : La noble famille Black

Chapitre 5 : La douce et merveilleuse Walburga Black

4297 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/05/2022 19:56

– Cissy ! Andy ! DEBOUT !

Narcissa entrouvrit les yeux avec un grognement. Bellatrix se tenait devant elle, les poings sur les hanches, visiblement surexcitée. Narcissa rabattit son drap jauni sur sa tête, et retomba sur son oreiller, bien décidée à refaire un petit somme.

– Les filles ! Allez, réveillez-vous, bande de tire-au-flanc ! On a des tas de choses à faire !

– Encore un peu, marmonna Andromeda, la voix pâteuse.

– Debout, idiote ! J'essaie de te rendre service ! Tu as oublié ?

– Quoi ?

– LA RENTRÉE ! aboya Bellatrix en tirant d'un coup sec le drap de sa cadette. ANDROMEDA, TU RENTRES À POUDLARD DANS DIX JOURS ! Tu as peut-être perdu ton cerveau pendant la nuit ? Tu n'as même pas d'uniforme !

Andromeda se dressa d'un bond dans son lit, affolée, ses boucles brunes en bataille.

– Quel jour est-on ? Quelle heure est-il ?

– L'heure d'aller au Chemin de Traverse, et au galop ! Allez, debout, vous deux ! Nom d'une gargouille, comment a-t-on pu oublier ? Fleury & Bott va être en rupture de stock !

Narcissa imita ses deux sœurs et se leva comme un ressort. Bellatrix avait raison de s'indigner, comment avaient-elles pu oublier ce jour si important ? Andromeda et elle en avaient parlé durant toute l'année précédente ! Elles avaient même imaginé la forme de la future baguette d'Andromeda, et feuilleté les livres de Bellatrix pour essayer de deviner quelles seraient ses matières préférées – et après une longue enquête, Andromeda avait parié sur l'Histoire de la magie.

Andromeda était donc sur le point de faire son premier pas au cœur du monde magique, et d'obtenir sa baguette, la clé de tous les possibles ! Narcissa ressentait une pointe de jalousie, mais était surtout incroyablement excitée.

Bellatrix revêtit en vitesse une jupe noire, grossièrement fendue sur le côté par ses soins, un chemisier débraillé et fouilla dans le fatras de sa valise pour en extraire sa longue cape, noire et chiffonnée.

– Parfait ! s'exclama-t-elle en admirant dans le miroir son accoutrement singulier.

Andromeda s'habilla également – mais ses habits étaient bien en ordre dans son armoire, ce qui lui permit d'aller aussi vite que son aînée, et avec moins d'agitation.

Narcissa lui demanda conseil pour sa tenue. Cela faisait bientôt deux semaines qu'elles étaient arrivées au 12, square Grimmaurd, et elles n'avaient pas mis le nez dehors : pas question d'être mal vêtue pour la sortie du mois ! Andromeda lui prêta une robe que Narcissa lui enviait depuis des années, et lorsque Narcissa l'enfila, la robe s'ajusta naturellement autour de sa taille avec un joli bruissement de tissu.

Ainsi apprêtées, les trois sœurs montèrent au deuxième étage, et toquèrent timidement à la porte de la chambre de leurs parents. Évidemment, leur père était au Ministère, mais leur mère devait être là, si elle ne dormait pas, comme elle en avait l'habitude à cette heure...

Bellatrix entrouvrit la porte avec précaution : la chambre était plongée dans l'obscurité.

– Maman ?

Un gémissement discret leur répondit. Bellatrix s'avança dans l'obscurité, et marcha sur quelque chose de duveteux qui émit un petit couinement.

– Satanés Boursoufs, pesta Bellatrix à voix basse.

– Que se passe-t-il, mes chéries ? demanda la voix éteinte de Druella Black.

Les lampes à gaz accrochées au mur s'allumèrent avec un discret grésillement, et diffusèrent une lumière blafarde dans la pièce. La chambre de Druella et Cygnus était presque aussi exiguë que celle de leurs filles, et tout aussi lugubre.

Druella Black s'assit péniblement sur le bord de son lit, visiblement épuisée. Walburga avait commandé plusieurs fioles de Croculus Sativus à Sainte-Mangouste, mais elles tardaient à être livrées.

Bellatrix osa expliquer :

– Maman, comme vous le savez sans doute, c'est aujourd'hui l'ouverture du Chemin de Traverse...

– Attends une minute, la coupa Druella Black, presque inaudible.

Elle tituba, courbée, jusqu'à l'évier en forme de tête de corbeau, se passa de l'eau sur le visage et se rassit sur le lit, la tête entre ses mains.

– Je t'écoute, soupira-t-elle.

– Andromeda a besoin d'une baguette, résuma Bellatrix, elle entre à Poudlard dans une semaine : il faut que nous allions au Chemin de Traverse !

Druella Black mit quelques instants à réagir.

– Je ne peux pas vous accompagner, vous vous en rendez bien compte.

– Ça n'est pas un problème, s'enthousiasma Bellatrix, je connais le chemin ! Mais simplement, il nous faudrait un peu... Hum, eh bien, un peu d'argent.

Druella soupira, et sans rien dire, passa sa main sous son oreiller, puis autour du matelas, d'où elle tira deux misérables noises. Exaspérée, elle fouilla dans ses vêtements, puis eut un vertige, et se rassit ; et après avoir marqué un temps d'hésitation, son regard se posa sur un petit coffret posé sur le bureau.

Elle poussa un long soupir résigné, et s'empara du coffret – un coffret en velours suranné, serti de pierres précieuses et entouré par un long serpent qui en mordait le fermoir. Lorsqu'elle posa la main dessus, le serpent métallique se rétracta pour libérer le fermoir, et le coffret s'ouvrit en dégageant un petit nuage de poussière.

Druella Black en extirpa un magnifique collier. Les trois sœurs Black le connaissaient bien : c'était le préféré de leur mère, un Collier de Charme, ensorcelé pour amplifier la beauté de celle qui le portait. Lorsqu'il était au cou de Druella Black, il prenait la forme d'une grosse aigue-marine bleu clair, assortie à ses beaux yeux, et donc à ceux de Narcissa, qui avait les mêmes. Dès qu'elle l'avait à son cou, ses joues semblaient plus roses, et son regard plus pétillant. Le collier appartenait autrefois à Irma Black, la mère de Cygnus, de Walburga et de leur petit frère Alphard. Irma l'avait offert à sa belle-fille Druella en cadeau de mariage, en lui assurant qu'il avait toujours été destiné à la femme qui épouserait Cygnus, son fils favori. Et bien évidemment, Walburga en était verte de jalousie.

– Tiens, dit Druella en le glissant dans la main de Bellatrix. Allez à la bijouterie magique de Pemsley, juste à côté de chez Gringott’s. Vous en tirerez un bon prix, et vous aurez assez d’argent pour acheter tout ce dont Andromeda a besoin.

Bellatrix, Andromeda et Narcissa étaient embarrassées par cette proposition, car c'était un des derniers objets auquel leur mère tenait vraiment. Mais elles n'eurent pas l'occasion de prendre une décision, car la porte de la chambre pivota sur ses gonds, et leur tante Walburga apparut sur le palier.

– Qu'est-ce que vous mijotez, par ici ? s'enquit-elle en plissant les yeux avec méfiance.

Les trois filles se figèrent, et Walburga entreprit de les scanner de la tête aux pieds. Ses lèvres fines étaient pincées, et les ailes de son nez étroit frémissaient. Cette expression était déjà horriblement familière à Narcissa : c'était celle que prenait le visage de Walburga lorsqu'elle cherchait à déverser sa rancœur sur quelqu'un.

En effet, la remarque désobligeante que Walburga avait faite à Bellatrix à propos de ses rondeurs le jour de leur arrivée n'était qu'une sympathique mise en jambe, en comparaison avec ce qui avait suivi. Walburga Black avait un avis sur tout, et ne se gênait jamais pour le donner, surtout lorsque personne ne lui demandait. Depuis l'arrivée des sœurs Black dans sa maison, une douzaine de jours plus tôt, leur tante Walburga critiquait tout ce qu'elle pouvait avec aigreur, trouvait que ses nièces mangeaient trop et riaient trop fort, harcelait Bellatrix de sarcasmes sur les courbes de ses hanches – ce qui, Narcissa le voyait bien, lui faisait beaucoup de mal – et à chaque méchanceté qu'elle leur adressait, ne manquait pas d'en doubler la peine en accablant leur mère, l'accusant de les avoir mal éduquées, et se lamentant devant le chantier qu'elle allait devoir entreprendre afin de pallier leur manque de savoir-vivre.

C'est donc avec cette expression soupçonneuse qu'elle arpenta la pièce du regard, et huma profondément l'air ambiant, comme si les grains de poussière en suspension allaient lui souffler la réponse à sa question.

Son regard s’arrêta bien évidemment sur le coffret posé sur la table. En le voyant ouvert, et vide, puis en apercevant la fine chaîne qui dépassait de la main de Bellatrix, la liste de fournitures qu'Andromeda tenait dans sa main, et enfin les tenues soignées de Narcissa et Andromeda, elle comprit immédiatement ce que ses nièces avaient en tête.

– J’espère que vous ne comptez pas faire ce à quoi je pense, dit-elle en désignant le coffret du menton.

Bellatrix referma rapidement sa main et cacha le collier derrière son dos.

– Il faut bien qu’Andromeda s’achète une baguette, répliqua-t-elle.

Walburga tendit sa paume devant elle, implacable.

– Je peux m’en charger moi-même. Et pour me rembourser, Druella, tu n’as qu’à me donner ce collier. J’y perds au change, mais ça ne fait rien, je commence à m'y habituer.

Bellatrix chercha un soutien du côté de sa mère, mais celle-ci, très lasse, lui fit signe de se soumettre.

– Donne-lui, ma chérie.

Butée, Bellatrix ouvrit la main, et regarda la tante Walburga avec un sourire provocateur. Sa main était vide.

– Dommage, susurra Bellatrix. Il a dû partir en courant, en apprenant qui était sa nouvelle propriétaire...

– Bellatrix, ce sont des affaires de grandes personnes, gronda Walburga, qui commençait à perdre patience. Donne-le-moi immédiatement. De toute manière, il aurait dû me revenir depuis le début.

De mauvaise grâce, Bellatrix rouvrit le poing, où le collier se trouvait de nouveau, et le tendit à la tante Walburga, tout en dardant sur elle un long regard furieux.

Walburga lui prit sèchement et se plaça devant le miroir de la chambre pour le mettre à son cou, satisfaite. Le collier se métamorphosa immédiatement pour prendre la forme d’une grosse pierre opaque, gris anthracite. Ses traits aussi changèrent un peu. Cela la rendait plus belle, mais aussi, aux yeux de Narcissa, encore plus terrifiante.

Narcissa regarda sa mère, désespérée. Il fallait absolument qu'elle trouve un moyen de renverser la situation. Car sa mère n'aurait jamais dû être ainsi, elle n'aurait jamais dû ressembler à ce fantôme pâle et chancelant... Non, décidément, ça n'était pas elle, mais une image fausse, déformée par le filtre de la maladie ! Sa mère, la vraie, était cette femme resplendissante sur qui la malchance ne s'était pas encore abattue, une femme qui possédait encore sa beauté et ce collier, qui portait au cou cette pierre assortie à ses ravissants yeux bleus, et sa chevelure blonde resplendissait autour d'elle comme un beau soleil, avec ses gestes gracieux qui captivaient tous les regards et effaçaient sa tante Walburga, qui n'était alors qu'une vieille mégère, envieuse et mesquine.

Il fallait trouver une solution, à tout prix, Narcissa s'en fit la promesse.

Walburga se détourna du miroir, et tira Andromeda par le bras.

– Toi, viens avec moi, j’ai des tas de choses à faire aujourd'hui. Plus vite nous t’aurons acheté une baguette, plus vite je serai débarrassée de cette corvée.

– Je dois aussi acheter des livres, dit Bellatrix, qui mourait d'envie d'aller se promener.

– Il suffit que tu me donnes ta liste, j'achèterai le strict nécessaire. J'ai déjà assez d'une gamine sur le dos pour aller me promener dans cet endroit crasseux, grouillant de Sang-de-Bourbe et autres monstruosités. Et puis, je ne tiens pas à ce que tu te montres dans cet accoutrement, on te prendrait pour une traînée sortant tout droit de l'Allée des Embrumes...

Bellatrix en fut clouée sur place, comme si Walburga venait de lui tirer une flèche en plein cœur.

Impuissante, Narcissa dut se contenter de suivre sa tante Walburga jusqu'à la cheminée de la cuisine, pour faire un petit signe de la main à Andromeda lorsque celle-ci monta dans la cheminée aux côtés de sa tante.

Là, Walburga prononça de sa voix tranchante :

– Chemin de Traverse !

Et Andromeda disparut avec elle dans une explosion verte.

Narcissa remonta les escaliers, le cœur lourd, et rejoignit Bellatrix dans leur chambre. Elle s'étendit sur le lit, découragée. Bellatrix, elle, se tenait devant le miroir terni qui était accroché à l'intérieur des battants de leur unique armoire, et examinait sa silhouette sous toutes les coutures, visiblement désappointée par la forme de celle-ci.

– Je la déteste, lâcha finalement Bellatrix.

– Moi aussi, approuva Narcissa.

Puis Bellatrix entreprit de s'installer à côté de sa petite sœur, sur son matelas jauni.

– Allez, pousse-toi...

Elle parlait toujours sèchement, mais depuis le temps, Narcissa avait appris à déceler un peu de douceur dans ses gestes. Elle laissa donc une place à Bellatrix sur son matelas, sans se formaliser.

– Elle ressemble aux tarentules géantes qu'il y avait dans le salon des Goyle, remarqua pensivement Narcissa.

Bellatrix rit de bon cœur.

– Tu as raison ! Surtout quand elle met sa longue robe noire, avec ses bras interminables...

Elle mima les crochets des araignées avec ses doigts, en faisant une horrible grimace, et Narcissa éclata de rire. Puis Bellatrix imita la voix de Vera Goyle, quand elle leur présentait les innombrables bestioles qui peuplaient sa maison :

– Approchez, mes petites, cette tarentule est un spécimen très rare ! Pourquoi, à votre avis ? Bravo, Daisy, tu as deviné : elle n'a pas de cœur ! Oui, oui, vous m'avez bien entendu !

Narcissa rit à nouveau, mais à l'évocation des Goyle, l'amertume l'envahit.

– Daisy aura sûrement une plus belle baguette que moi, quand nous rentrerons à Poudlard, murmura-t-elle.

Bellatrix s'appuya sur son coude pour se tourner vers sa petite sœur, et replaça une de ses mèches blondes derrière son oreille.

– T'en fais pas, Cissy, dès que je retournerai à Poudlard, je trouverai un moyen pour vous sortir d'ici. Tu verras, je suis sûre que je pourrai guérir maman, et tout redeviendra comme avant !

Narcissa lui sourit en retour. Elle avait envie de la croire, mais elle savait que sa grande sœur s'emballait facilement. En effet, Bellatrix se vantait souvent d'être la plus douée de sa classe, alors qu’en réalité, le seul qui l’appréciait vraiment était son professeur de Potions, le professeur Horace Slughorn. Tous les autres s'accordaient pour dire que Bellatrix, par son refus d'obéissance, gâchait ses capacités hors du commun.

Andromeda rentra à peine une heure plus tard, les yeux rougis, et Bellatrix et Narcissa durent déployer des trésors d'enthousiasme pour lui redonner le sourire et la convaincre de leur montrer sa baguette, une ravissante pièce en bois de sorbier, lisse et cuivrée.

– Elle est très belle ! s'exclama Narcissa en caressant le bois impeccablement poli. Qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur ?

– Du crin de licorne.

– Je préfère la mienne, dit Bellatrix en agitant sa baguette. Mais, la tienne est très chouette aussi, je suis sûre qu'elle te conviendra ! ajouta-t-elle immédiatement, voyant que les yeux d'Andromeda rougissaient de nouveau.

Narcissa avait d'autant plus de mal à s'extasier devant cette nouvelle acquisition qu'elle signifiait l'approche de l'échéance tant redoutée : dans quelques jours, Andromeda quitterait le 12, square Grimmaurd pour se rendre à Poudlard, et Narcissa se verrait, pour la première fois, séparée de ses deux sœurs adorées.

C'est donc ainsi que s'acheva l'été le plus désastreux de leur vie.

Dix jours plus tard, Narcissa les accompagna à King's Cross, la mort dans l'âme. Avant de monter dans le Poudlard Express, Bellatrix la serra fermement dans ses bras en ébouriffant ses cheveux blonds, lui souhaita une bonne dose de courage pour l'année qui s'annonçait, l'embrassa sur le sommet de la tête et partit rejoindre une bande de garçons bruyants, qui l'accueillirent avec de grandes tapes sur l'épaule.

Andromeda embrassa sa petite sœur à son tour, puis voulut s'écarter d'elle, mais Narcissa refusait de la lâcher. Depuis toutes petites, les deux sœurs étaient inséparables, et ne s'étaient jamais quittées plus de quelques heures. Avec elle, Narcissa se sentait apaisée, reposée : bien, tout simplement. Tout, chez Andromeda, allait manquer à Narcissa : la douceur de sa voix, les histoires fantastiques qu'elle parvenait à inventer à partir de rien...

– J'ai un cadeau pour toi, lui murmura Andromeda.

Alors seulement, Narcissa consentit à desserrer son étreinte. Andromeda sortit de derrière son dos un paquet enrobé de ficelle et de papier parcheminé. Narcissa le déchira précipitamment, et découvrit un carnet rose et brillant, épais, absolument superbe. Il était verrouillé par un fermoir en forme de fleur, car Andromeda n'aimait pas beaucoup les serpents, contrairement au reste de sa famille.

– Tu pourras écrire dedans ce qui te tracasse, lui dit Andromeda. Il n'y a que toi qui peut l'ouvrir, comme ça, personne ne pourra y fourrer son nez ! Et puis, ça sera un peu comme si je t'écoutais... Tu vas me manquer, Cissy chérie !

Elles s'embrassèrent une dernière fois, et le Poudlard Express donna le signal du départ. Andromeda hissa sa valise dans le wagon, et fit un petit signe de la main à Narcissa avant la fermeture des portes.

Tout en serrant son nouveau carnet contre elle, Narcissa regarda longuement le Poudlard Express s'éloigner, un peu ragaillardie. Voilà pourquoi elle aimait autant Andromeda : sa grande sœur savait toujours comment la réconforter. Si Narcissa se cognait quelque part ou se cassait la figure en faisant de la balançoire, Andromeda savait toujours quels mots employer pour que Narcissa oublie sa douleur et recommence à jouer comme si de rien n'était. En serrant le carnet rose contre son coeur, Narcissa ressentit exactement la même chose que lorsqu'Andromeda la prenait dans ses bras pour qu'elle arrête de pleurer.

Le soir même, après le dîner, Narcissa monta s'allonger sur son matelas aux draps jauni. La petite chambre-placard était vide, mais Narcissa s'en fichait. Elle sortit son carnet rose de sous son oreiller, et inscrivit de grandes lettres soignées sur la couverture :

JOURNAL INTIME DE NARCISSA BLACK

Ne pas toucher, ne pas ouvrir, ne pas manger

Sous peine de représailles

Elle recula un peu pour observer la couverture, en espérant que cela intimiderait sa tante Walburga si elle finissait par dénicher son journal – sa tante avait la fâcheuse habitude de fouiller absolument partout, et d'examiner avidement les moindres objets personnels qui se trouvaient sur son chemin. Puis elle ouvrit son beau journal, décrivit des petits cercles sur sa joue avec l'extrémité souple de sa plume, et se décida à écrire avec application :

Cher journal,

 

Si tu savais comme je suis contente de t'avoir ! Je t'entame par une belle journée, tout ensoleillée. Il n'y a pas trop longtemps, c'était mon anniversaire : neuf ans ! Alors, on va dire que tu es mon cadeau d'anniversaire, car je n'en ai pas eu d'autres. Tu m'as été offert par Andromeda, ma sœur adorée. Elle seule sait que depuis quelque temps, j'aime gribouiller mes pensées du soir sur des petits papiers que je cache sous mon matelas. Grâce à toi, ça sera plus commode ! Tu es très beau, tout brillant, assez grand pour tout ce que j'ai à te dire, et assez petit pour te cacher facilement où je le souhaite.

Je suis si excitée ! Il y a tellement de choses que je voudrais écrire que je ne sais pas par où commencer.

Bon, allez, je me lance : de toute manière, je n'ai pas du tout sommeil.

Donc, je disais : avant de te parler de moi, je vais te parler de ma famille, et il y a vraiment beaucoup de choses à dire. Nous sommes cinq, et Père est le seul garçon. Après, il y a ma mère, mes deux grandes sœurs Bellatrix et Andromeda, et moi. Nous faisons partie de la grande famille Black, une famille de Sang-Pur : ça veut dire qu'on ne se marie qu'avec des sorciers, qui n'ont eux-mêmes que des ancêtres sorciers. Cela fait de nous une famille supérieure, puisque notre sang n'est pas mêlé à celui de Moldus.

Ça, c'est une histoire drôlement compliquée, mais laisse-moi t'expliquer rapidement. Les Moldus, c'est ceux qui ne sont pas comme nous : ils n'ont pas de pouvoirs magiques. Nous sommes très différents d'eux : ils sont stupides et dangereux, alors que nous, les sorciers, sommes sages et mesurés. C'est comme ça depuis la nuit des temps, et ça ne changera jamais, "un point c'est tout", comme dit souvent mon papa.

Nous pourrions vivre tranquillement entre sorciers, mais malheureusement, les Moldus sont beaucoup plus nombreux que nous, et même s'ils sont très bêtes, quand il s'agit de rejeter ce qui leur fait peur, ils sont très doués : il n'y a pas si longtemps, les sorciers étaient pourchassés sans arrêt, et parfois brûlés vivants, tu imagines un peu ?

Heureusement, un jour, quelques sorciers se sont rencontrés et ont réalisé qu'ils n'étaient pas tous seuls ; alors ils se sont rassemblés, et ont commencé à construire une vraie société magique, en créant le Conseil des Sorciers. Maintenant, ce Conseil s'appelle le Ministère de la Magie, et il est beaucoup plus grand, avec plein de Départements, qui sont si nombreux que je n'arrive pas à les compter. Grâce à ça, nous sommes tranquilles, nous avons des endroits spéciaux où nous pouvons faire de la magie, et les Moldus ne nous embêtent plus. En échange de ça, nous devons respecter une règle qui s'appelle le Code International du Secret Magique : nous devons être très discrets, et ne surtout pas exercer la magie devant les moldus, au risque d'être mis en prison. Le Ministère de la Magie est très à cheval sur ces règles, car ils ne veulent pas se disputer avec les moldus.

Au début, je ne comprenais pas pourquoi nous devions nous cacher alors que c'est nous qui avions quelque chose en plus ! Mais Père me dit que les Moldus ont des défauts très contagieux, et que si nous commençons à nous mélanger avec eux, ils risquent de manipuler les sorciers influençables en les appâtant avec tous leurs dévergondages – d'ailleurs, j'aime bien quand il dit ce mot, "dévergondage". C'est pourquoi il vaut mieux rester entre nous et ne pas s'ouvrir à eux, pour conserver précieusement notre pureté de sorciers.

Je disais donc, que notre famille avait un "sang pur" : il n'y a ni Moldu, ni Sang-de-Bourbe (ça, c'est ceux qui ont des pouvoirs magiques alors qu'ils sont nés dans une famille de Moldus), ni Sang-Mêlé – tous ceux qui n'ont pas un sang pur. Ainsi, nous sommes certains que les Moldus ne saliront pas notre descendance. Mon père dit que ceux qui ont un sang vraiment pur sont de plus en plus rares, et ça l'inquiète beaucoup : il dit que si on ne fait rien, la grandeur et la dignité des Sorciers sera "dissoute dans la masse boueuse de ces maudis Moldus", et il prend une voix vraiment terrible quand il dit ça. D'ailleurs, "Toujours purs", c'est la devise de notre famille : elle est écrite au-dessus de tous nos arbres généalogiques et sur notre blason, et nous sommes inscrits dans le Registre des Sang-Purs avec vingt-sept autres familles anglaises, dont la famille Rosier, qui est la famille de ma mère.

Narcissa relut les quelques pages qu'elle venait d'écrire, ravie. Son père serait fier d'elle : elle avait bien retenu sa leçon.

Mes deux parents se sont rencontrés à Poudlard, l'école où on apprend à faire de la magie, et se sont mariés très jeunes. Avec mes sœurs, nous leur demandons souvent de nous raconter comment ils sont tombés amoureux, mais ils ne sont pas très bavards sur ce sujet. Je pense qu'ils sont juste timides, et d'ailleurs, je ne les vois jamais s'embrasser. Mais je suis sûre qu'ils s'aiment beaucoup, parce qu'ils ont le même avis sur les Moldus et la pureté du sang, et il paraît que c'est ce qu'il y a de plus important pour fonder une famille.

Bon, maintenant que je dois te présenter un peu plus précisément les membres de ma famille, je me rends compte que c'est un peu difficile, parce que tout a été vraiment bousculé ces derniers temps. En fait, c'est comme si, au lieu d'avoir une seule famille comme les gens normaux, j'en avais deux : la famille d'avant mon neuvième anniversaire, et celle de maintenant, qui ne ressemble plus du tout à la première.

Ce qui s'est passé entre les deux est très triste, mais je vais te le raconter quand même. Désolé si tu ne comprends pas tout, car tout s'est enchaîné très très vite, comme si j'avais voulu descendre en courant un escalier un peu trop raide...


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