Secrets de Serpentard : La noble famille Black
Psst, il y a un prologue (chapitre 0) ! Ne le loupez pas ;)
Bonne lecture !!
– Maman ! Andromeda ! Dépêchez-vous, on va être en retard !
Dans le hall d'entrée, Narcissa Black ne tenait pas en place : elle était attendue chez les Goyle pour célébrer son neuvième anniversaire, et elle avait déjà cinq minutes de retard. Afin de tromper son impatience, elle fit le tour de la pièce en sautillant sur les dalles du carrelage, puis admira une nouvelle fois son reflet dans le miroir qui trônait en face d'elle : sa sœur Andromeda lui avait fait deux jolies tresses blondes parfaitement symétriques, elle portait un bandeau pailleté, un petit sac à dos en forme de hibou, ses plus beaux souliers vernis, et surtout sa robe verte favorite, avec des volants qui ondoyaient à chacun de ses pas.
À l'étage, Narcissa entendit sa sœur et sa mère se mouvoir avec une lenteur désespérante. Elle jeta un coup d'œil à l'horloge imposante qui trônait sur la cheminée et constata, catastrophée, que les aiguilles argentées sculptées en forme de plumes de corbeau indiquaient déjà quatorze heures dix : les invités allaient bientôt affluer chez les Goyle, et il fallait absolument que Narcissa arrive avant eux, car sinon, personne ne la remarquerait, et il n'y en aurait que pour son amie Daisy Goyle, qui était née le même jour qu'elle.
Alors que Narcissa s’apprêtait à appeler de nouveau sa mère et sa sœur, un bruissement d’ailes et des sifflements furieux provenant du salon attirèrent son attention. Oubliant son impatience, elle traversa le vaste hall d’entrée et poussa la porte pour connaître l’origine du vacarme.
Le salon des Black était la pièce la plus lumineuse de la maison. Le soleil de ce début d’après-midi y pénétrait abondamment par les grandes fenêtres encadrées de rideaux de lin blanc, et semblait se répercuter à l’infini dans les miroirs et les meubles étincelants de propreté. Tout y était toujours parfaitement en ordre, depuis les chaises blanches qui entouraient l’immense table centrale jusqu’à la vaisselle en argent qui reposait tranquillement dans l’armoire au fond de la pièce. Sur les étagères vitrées qui couraient le long des murs, on pouvait voir une collection impressionnante de figurines en ivoire, représentant chacun des membres de la famille Black depuis plusieurs dizaines de générations.
– Oh ! Zangor !
Dans cet espace aussi ordonné, Narcissa identifia immédiatement ce qui troublait la tranquillité de leur maison : leur hibou grand-duc, Zangor, s’agitait furieusement dans sa cage pour faire fuir un deuxième hibou qui venait d’entrer par la fenêtre ouverte et qui essayait de picorer dans sa mangeoire. Narcissa ne connaissait pas le nouveau venu, mais vit qu’il tenait une enveloppe entre ses pattes ; elle accourut donc pour saisir l’enveloppe froissée et constellée de tâches d’encre noire, puis chassa le volatile tapageur qui l’avait apportée. Celui-ci s’envola par la fenêtre avec des piaillements vexés et le calme revint aussitôt dans la pièce.
Après avoir redonné à manger à Zangor et caché sous la table les plumes grises qui jonchaient le sol, Narcissa constata avec bonheur que c’était son prénom qui était inscrit sur l’enveloppe et l'ouvrit précipitamment. À l’intérieur se trouvait un morceau de papier, manifestement déchiré dans un livre de sorcellerie, et couvert d’une écriture désordonnée. Le sourire de Narcissa s’élargit encore, car elle ne connaissait qu’une seule personne qui écrive de cette manière, et qui ne prenne jamais la peine d’utiliser un parchemin digne de ce nom.
Joyeux anniversaire Cissy ! Neuf ans, dis donc ! Je me souviens encore de toi quand tu faisais la taille d’un farfadet. Tu n’arrêtais pas de te baver dessus, c’était plutôt marrant. J’espère que tu ne t’ennuies pas trop sans moi, avec cette andouille d’Andromeda. Ici, à Poudlard, les élèves sont toujours aussi nuls et les profs sont encore pires qu’eux. Heureusement, il y a les copains.
Bisous, amuse-toi bien avec Daisy, et ne mange pas trop de Croustifix cette fois-ci !
Bella
PS : tu me diras si ce fichu hibou a réussi à t'apporter la lettre en temps et en heure. Si ça n’est pas le cas, je me ferais un plaisir de l’étriper.
Radieuse, Narcissa plia soigneusement le bout de papier et le glissa dans son petit sac à dos en forme de hibou. Bellatrix, sa sœur aînée, n’oubliait jamais son anniversaire, même depuis qu’elle était rentrée à Poudlard, deux ans auparavant, et même si, pour lui souhaiter, elle devait s’abaisser à utiliser les hiboux de l’école – leur père lui avait offert un hibou lors de sa première rentrée, mais Bellatrix s’en occupait si mal que l’oiseau s’était enfui pour trouver un propriétaire qui daigne lui donner à manger de temps en temps.
Narcissa revint dans l'entrée et constata, dépitée, que sa mère et sa sœur Andromeda n'étaient toujours pas descendues.
– Bon ! Je pars devant, vous me rejoignez là-bas ?
En haut de l'escalier, personne ne répondit. N'y tenant plus, Narcissa saisit sa poupée favorite qui l'attendait sagement sur la commode située à côté de la porte d'entrée, l'installa avec précaution dans son petit sac à dos, et sortit de la maison. Après tout, les Goyle habitaient à quelques minutes à peine, sa mère et Andromeda la rejoindraient vite.
En traversant le jardin, elle se retourna pour jeter un regard furtif vers les grandes fenêtres du premier étage, et aperçut Andromeda aider sa mère à se lever de son lit. L'humeur de Narcissa s'assombrit furtivement : depuis quelque temps, Druella Black, habituellement si radieuse, si sémillante, n'était pas dans son état normal. En effet, quelques semaines plus tôt, elle avait commencé à boitiller pendant leurs promenades, mais sans que Narcissa ne s'inquiète le moins du monde. Puis, elle s'était mise à s'allonger de plus en plus longtemps après les repas, et à s'essouffler loin derrière ses filles sur des trajets de plus en plus courts.
Leur père, Cygnus Black, n'y voyait rien, entièrement absorbé par son travail au Ministère. Il continuait, comme si de rien n'était, à leur tenir la chronique palpitante des affaires qui agitaient le monde des sorciers, sans remarquer que son épouse ne réagissait plus avec la même verve et quittait le salon de plus en plus tôt.
C'était Andromeda qui s'était alarmée la première – ce ne pouvait être qu'elle, toujours si attentive – et avait insisté à deux reprises pour que leur mère aille voir les guérisseurs de l'hôpital sorcier Sainte Mangouste, le plus réputé d'Angleterre.
– C'est seulement passager, ne t'en fais pas, lui avait distraitement répondu Cygnus Black, plongé dans La Gazette du Sorcier. Tu sais bien, c'est sans doute ce bracelet qu'elle a perdu, le mois dernier... Elle y tenait beaucoup, mais elle s'en remettra vite, j'en suis certain.
Cette phrase avait suffi pour étouffer les tracas naissants de Narcissa : son père ne pouvait qu'avoir raison, sa mère devait être très affectée par la perte de son bracelet préféré... Narcissa se promit de lui en trouver un nouveau, afin que tout rentre dans l'ordre le plus vite possible.
Elle franchit donc leur portail en trottinant avec entrain. En sortant de leur propriété, elle risqua un regard vers le bas de la rue, où une grille haute et menaçante marquait l’entrée de la Colline d’Émeraude. Des Moldus passaient devant sans la voir : pour eux, la Colline avait l’aspect d’une décharge abandonnée, dans laquelle il était interdit de s’aventurer. Comme chaque fois qu'elle entrait ou sortait de chez elle, Narcissa se demanda en secouant la tête comment des êtres humains pouvaient être aussi bêtes.
Puis elle se tourna vers le haut de la colline, où habitaient les Goyle, et se mit à gravir la rue pavée, bordées de haies plus hautes les unes que les autres, parfaitement entretenues. La Colline d’Émeraude n’avait jamais aussi bien porté son nom qu'en ce premier jour d'été, avec ses pelouses vertes étagées rendues éclatantes par les rayons du soleil. Narcissa Black était très fière d’y habiter : cette colline n’abritait que les plus riches familles de Sang-Pur, dans une dizaine de maisons spacieuses aux jardins luxuriants. Ce jour-là, les jardins étaient déserts, car toutes les familles étaient occupées à revêtir leurs plus belles tenues pour célébrer dignement le neuvième anniversaire de Narcissa Black et de Daisy Goyle. Mais habituellement, les habitants de la Colline d'Émeraude se prélassaient dans leurs jardins verdoyants et s'y réunissaient pour échanger les derniers potins qui agitaient le monde des sorciers.
Dans l'unique rue pavée qui serpentait jusqu'au sommet de la Colline d'Émeraude, chaque maison avait sa singularité, et reflétait les caractéristiques de ceux qui y habitaient. Celle des Black était située tout en bas de l’allée : c’était donc la première qu’on voyait en rentrant dans le domaine. Elle était immense, sobre, parfaitement proportionnée, et d’un blanc immaculé. Le jardin, lui aussi, était ordonné et harmonieux. Au-dessus de leur porte d’entrée étincelait la devise de leur famille – Toujours purs – inscrite en lettres argentées, assez grosses pour être lues par quiconque passait devant leur portail.
Tout en remontant la pente, Narcissa traversa la rue : elle allait passer devant la maison des Crabbe, et elle voulait marcher le plus loin possible des deux molosses au poil ras qui gardaient le perron. Cela ne manqua pas, dès qu'elle fut dans leur champ de vision, les deux pitbulls d'un mètre de haut se mirent à aboyer hargneusement, et Narcissa accéléra le pas, tendue : les chaînes qu'ils avaient autour du cou pour les empêcher de dévorer les passants paraissaient toujours trop minces, et l'anneau d'or qui les retenait au mur paraissait toujours sur le point de se briser.
Ces deux chiens, nommés Castor et Pollux, ressemblaient de façon troublante aux deux fils jumeaux de leurs propriétaires, Hector et Rascus Crabbe, deux brutes corpulentes qui, à dix ans, étaient forts comme s'ils en avaient quinze, et qui prenaient un malin plaisir à soulever les jupes des filles ou à leur tirer les cheveux.
Il y avait quelques années de ça, les deux garçons avaient mis du Gratopoil dans le cou de Narcissa, et elle s'était en effet grattée jusqu'au sang pendant plusieurs jours. Mais les deux Crabbe l'avaient rapidement regretté : depuis ce jour, Bellatrix faisait apparaître des mygales sur leur tête dès qu'elle les apercevait dans la rue, et les deux jumeaux s'enfuyaient en courant dès qu'ils voyaient sa tignasse noire approcher. De la même manière, lorsqu'elle était en public, Bellatrix s'amusait à inverser les prénoms des deux garçons avec ceux de leurs chiens, ou mieux, de les mélanger entre eux – Cactor, Poscus, les possibilités étaient infinies – avec une telle assurance que beaucoup d'enfants, et même certains adultes, l'imitaient parfois par inadvertance, pour le plus grand déplaisir de la famille Crabbe.
Lorsque Narcissa fut hors de portée, Castor et Pollux se turent, et elle se détendit un peu. Elle s’autorisa même à s’arrêter pour regarder derrière elle : enfin, Andromeda et sa mère étaient sorties de la maison. Elle leur fit un petit signe de la main, auquel sa mère répondit faiblement. Tout de même, pensa Narcissa, Maman est vraiment pâle… Et elle se tient trop courbée, on dirait une vieille femme…
Immédiatement, elle chassa au loin ses inquiétudes : aujourd’hui, c’était son anniversaire – neuf ans ! La journée ne pouvait être que formidable, il n’y avait aucune place pour les soucis.
Elle se remit donc en marche. Elle traversa le nuage de feuilles vertes et grasses qui s'envolaient de la haie des Parkinson, et passa devant leur maison, recouverte de miroirs aveuglants. Lorsqu’elle fut en face de l’un d’entre eux, Narcissa fit un tour sur elle-même pour faire tournoyer les volants de sa robe verte : tout le monde la complimenterait abondamment, c'était absolument certain.
Plus haut, il y avait aussi la maison des Rosier, les cousins de Narcissa, entourée de bosquets de roses plus somptueux les uns que les autres ; puis celle des Nott, dans un virage, brune et fripée comme la couverture d’un vieux livre ; la maison des Flint, où toutes les poignées des portes et des fenêtres avaient été remplacées par des Vifs d’or depuis que leur fils avait gagné la coupe de Quidditch de Poudlard quatre fois d’affilée ; et enfin, la maison des Selwyn, des musiciens qui avaient construit leur maison en forme de harpe, avec les parents d'un côté, les enfants de l'autre, et un petit escalier pour relier les deux.
Mais celle que Narcissa préférait, c’était la maison des Goyle, où elle se rendait d’un pas vif. Située tout en haut de la colline, la maison biscornue et multicolore surplombait un immense jardin qui dévalait toute la pente sur le flanc de la colline. Leur terrain, dissimulé derrière des arbres touffus, abritait des spécimens des créatures les plus fantastiques du monde magique. C’était un secret bien gardé, car ces créatures avaient été, pour la plupart, acquises d’une manière qui n’aurait pas plu du tout au Ministère – braconnées, dérobées, enlevées. Mais peu importait à Narcissa : après tout, les Goyle en prenaient soin, ces créatures n’avaient pas l’air malheureuses, et elles faisaient la joie de tous les enfants qui habitaient la Colline d’Émeraude.
Narcissa accéléra le pas, toute excitée à l’idée de la fête grandiose qui se préparait en son honneur. Daisy Goyle et elle étaient nées à quelques minutes d’écart seulement, et tous les ans, les deux amies célébraient leur anniversaire ensemble, donnant ainsi le coup d’envoi des festivités estivales.
Narcissa était maintenant devant le portail des Goyle, tout aussi multicolore que leur maison. Une immense banderole flottait au-dessus d'elle, la même depuis neuf ans, si imposante et triomphale qu'on la remarquait depuis n’importe quel point de la Colline : Joyeux anniversaire à Daisy et à Narcissa, pouvait-on ainsi lire, où que l'on soit.
Dans le jardin, les quatre Goyle s’affairaient. Le père, Fergus, un homme trapu et de petite taille, arrosait les fleurs proches de leur maison à l'aide de sa baguette magique, tout en chantonnant. Les fleurs se trémoussaient sur leurs longues tiges, et l'eau ruisselait sur leurs pétales, qui changeaient de couleur au contact des gouttes.
– Voilà, mes chéries, vous allez être splendides ! assurait Fergus Goyle, qui avait l'habitude de s'adresser aux plantes et aux animaux comme s'ils le comprenaient mieux que quiconque.
Vera Goyle, son épouse, était une grande femme extravagante au visage constellé de taches de rousseur. Narcissa l'adorait, d'abord parce qu'elle était drôle, gaie, et qu'elle était l'amie d'enfance de sa mère ; mais surtout parce qu'elle était sa marraine, et la couvrait donc régulièrement de cadeaux fantastiques, comme le tipi géant qu'elle avait fait monter dans sa chambre pour son dernier anniversaire.
Ce jour-là, Vera Goyle portait une longue robe à bretelles, couverte d'énormes fleurs orange, assorties à son chapeau pointu et à ses chaussures à boucle. Dans son dos, une longue tresse de cheveux cuivrés, cerclée de rubans de couleurs vives, se balançait au rythme de ses mouvements. Vera faisait courir sa baguette le long des murs de la maison avec application, en y faisant apparaître des guirlandes vertes, oranges et violettes. Sa fille Daisy, qui lui ressemblait de façon surprenante, se tenait à côté d'elle, et la regardait faire avec émerveillement. Albert, un des innombrables animaux de compagnie des Goyle, un petit ravluk – qui ressemblait à un singe vert ailé – était perché sur l'épaule de Vera, et poussait des petits couinements excités. Ce fut lui qui aperçut Narcissa le premier, et il tira aussitôt sur la tresse cuivrée de sa maîtresse pour l'en avertir.
– Et voilà Narcissa ! lança joyeusement Vera Goyle en se retournant.
– Cissy ! s’exclama Daisy en faisant volte-face.
Daisy portait une superbe robe violette, qui faisait ressortir ses yeux verts et ses cheveux cuivrés. Elle s'élança vers Narcissa, ouvrit le portail et lui sauta au coup pour la serrer entre ses petits bras potelés.
– Tu vas voir, Maman a fait une commande géante chez Bertie Crochue… On va se régaler !
Et en effet, Edgar Goyle, le grand frère de Daisy, avait déjà commencé à engloutir des Chocogrenouille à pleines poignées.
À son tour, Vera Goyle s’approcha à grands pas pour accueillir Narcissa.
– Joyeux anniversaire, ma filleule chérie ! lui dit-elle avec un grand sourire, dévoilant des dents étincelantes de blancheur. Tu es en beauté, dis-moi ! Ta mère est en chemin ?
– Oui, juste derrière…
Un cri de détresse les interrompit. Toutes les trois se retournèrent vers la rue, et leurs sourires se figèrent au même instant. Andromeda était debout au milieu de la chaussée, les bras ballants. À ses pieds, sa mère s’était évanouie sur le pavé. Ses yeux étaient clos, et elle ne bougeait plus.