Oniromancie

Chapitre 6 : Retour au château

4770 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/03/2021 16:34

- Miss Kenneth, les vacances n'ont pas suffi à votre repos ?

Je me redressai d'un seul coup et le professeur Têtenjoy remonta ses lunettes sur son nez d'un air réprobateur.

- Si... Bien sûr, professeur ! m'exclamai-je, gênée.

- Très bien, dans ce cas, vous pouvez me résumer ce que nous avons appris avant les vacances ?

Je sentis tous les regards converger vers moi et mes joues se mirent à brûler. Mes doigts pianotèrent nerveusement sur mon pupitre tandis que j'essayais de me souvenir des notes de Lacerta que j'avais tenté de retenir. Si sûre de moi dans ma qualité de Potterhead, je m'étais concentrée sur le moins présent dans les livres, tel que l'Arithmancie ou les Runes. Après tout, si Harry était si fort en Défense Contre les Forces du Mal, pourquoi serais-je mauvaise ?

- Les sortilèges informulés ? tentai-je d'une petite voix.

Quelques rires fusèrent. Assez nombreux pour que je me sente honteuse, mais assez discrets pour que le professeur n'y fasse pas attention.

- Vous avez malheureusement un trimestre de retard, jeune fille, me réprimanda la vieille sorcière. J'ai bien peur que ce manque de sérieux ne coûte cinq points à votre maison - cessez de râler, Shacklebolt. Qui donc peut me dire ce que nous avons fait avant de nous quitter ? Oui, Jedusor ?

- Nous étudiions les Inferis, professeur, répondit poliment Jedusor. Nous avons vu comment les discerner, mais pas comment s'en débarrasser...

- Excellent, Jedusor, cinq points pour Serpentard. Dans ce cours nous allons donc voir...

Ce n'était pas par un quelconque inintérêt que je n'écoutais pas le cours du professeur Têtenjoy, mais par incompréhension totale ! Voilà que j'allais devoir demander des cours de rattrapage à Dumbledore...

Je repensais à ces vacances de Noël qui s'étaient écoulées aussi inexorablement que l'eau d'une rivière. J'avais passé le plus claire de mon temps dans la tour de Serdaigle avec Amy, qui n'avais cessé de me parler des merveilleuses rencontres qu'elle avait faite lors du mariage des Prewett. Moi, je n'avais fait réellement qu'une seule rencontre ; la dite rencontre s'était enfuie aussitôt qu'elle avait appris mon nom... Quand à Noël, il avait été très fade pour un Noël à Poudlard, mais par chance, Connor était rentré chez lui à la suite du mariage. Le repas avait été somptueux mais pas une bagarre de boules de neige n'avait pointé le bout de son nez. J'avais passé mon après-midi le nez contre la fenêtre à regarder les Gryffondors fabriquer un bonhomme de neige pour le détruire à grands coups de sortilèges. Lacerta avait reçu des cadeaux, évidement, mais pour des présents destinés à une sorcière de Sang-Pur, ils manquaient cruellement de magie...

Je me grattai le menton avec ma plume dorée, un des cadeaux qui m'avaient justement étés offerts. En y réfléchissant, Slughorn n'avait pas fait de soirée pour Noël, comme dans le sixième tome. Il n'avait pas fait non plus quoi que ce soit pour la nouvelle année. En même temps, nous n'aurions étés que Jedusor et moi, ce qui se serait révélé assez gênant.

J'avais appris que le premier janvier, Lacerta fêtait ses dix-sept ans, sa majorité. Là aussi, j'avais reçu de riches présents, robes, colliers et autres orfèvreries, mais là aussi, rien de magique. Un fait étrange, ou peut-être simplement dû au hasard, avait fait que l'anniversaire de Lacerta et le mien tombaient le même jour. Donc, si mes calcules étaient bons, j'avais maintenant -58 ans. Ce n'est pas quelque chose dont tout le monde peut se vanter...

Je secouai machinalement la tête et essayai de me centrer sur le cours qui se déroulait en face de moi.

- Professeur ! s'exclama une fille rousse avec qui je partageais le dortoir. Est-ce vrai qu'il est impossible de ramener les morts à la vie ?

Le professeur se tourna vers la rouquine au visage constellé de tâches de rousseurs.

- Ensorceler des cadavres pour les transformer en Inferis n'est pas qualifiable de "ramener les morts à la vie", Miss Peakes. Car en effet, la nécromancie, telle que nous la décrivons vulgairement, est une magie abstraite, sans aucun fondement. Il a été prouvé que quelques phénomènes rares permettaient de communiquer avec les morts, et les fantômes en sont la preuve matérielle (un sourire étira ses lèvres), au sens figuré, bien entendu. Mais jamais personne n'a réussi à ramener du monde des morts un être humain capable de penser et d'agir sur son environnement à la fois...

- Quel est l'intérêt de créer des Inferis dans ce cas ? s'étonna un garçon au faciès équin.

- Levez la main avant de parler, Mr Stebbins.

- Excusez-moi professeur, dit le garçon en levant la main.

Mais le professeur Têtenjoy répondit à sa question sans l'interroger de manière officielle.

- Ce qu'il faut que vous reteniez bien, et là je m'adresse à toute la classe, et pas seulement à vous, Stebbins, c'est que les Inferis s'apparentent à une magie très noire. Un mage noir ne s'intéresse pas au fait de rendre la vie aux morts, mais de l'enlever aux vivants. Si vous avez bien retenus votre cours, vous devez savoir que les Inferis sont des golems. Il est difficile de les maitriser, mais une fois qu'on y arrive, on a à sa disposition une armée intarissable. Voilà l'intérêt qu'ont les mages noirs à faire des Inferis : ils représentent une armée fidèle et dépourvue de conscience, sanglante et meurtrière.

- C'est dégoûtant, s'exclama la dernière fille qui partageait mon dortoir, une blonde au visage pincé.

- On peut qualifier ce genre de magie de beaucoup de chose, et effectivement Miss Hornby, "dégoûtant" en fait partie, soupira le professeur Têtenjoy. Mais j'ai bien peur qu'il existe encore pire que cela.

Elle parut soudain plus vieille qu'elle ne l'était déjà puis se reprit avec rigueur.

- J'apprécie beaucoup le fait que vous me donniez votre avis mais nous allons justement voir comment se débarrasser de ces créatures, ce que - oui, Mr Jedusor ?

Sous le regard impatient du professeur, Jedusor baissa lentement la main, l'air un peu gêné.

- Excusez-moi de vous déranger encore une fois, mais est-ce que l'inverse et possible ?

- Que voulez-vous dire par là ?

- Eh bien, si l'on ne peut pas ressusciter les morts, est-il en revanche possible de prévenir cette mort ?

- L'immortalité ? Encore beaucoup de légendes et de mythes circulent à ce sujet, mais, comme je viens de le dire, ce n'est pas ce dont nous allons parler aujourd'hui. Bien sûr, vous pourrez toujours venir en discuter après le cours.

Jedusor hocha la tête, l'air compréhensif et s'empressa de griffonner ce que le professeur venait de dire sur sa feuille de parchemin. Je le toisai longuement. Il me rappelait vraiment moi-même, à poser aux professeur des questions auxquelles il connaissait déjà la réponse. Mais sa monomanie pour l'immortalité était telle qu'il voulait obtenir un savoir qu'il avait déjà. Mon regard dériva sur sa bague et, un frisson me parcourant l'échine, je me retournai avant qu'il ne lève la tête et ne me voit.

- Miss Kenneth, m'interpela le professeur lorsque le cours prit fin. J'ai à vous parler.

Elle attendit que les élèves mécontents (car elle nous avait donné en guise de devoir une dissertation de un mètre sur les Inferis) soient sortis de la classe pour me parler. Jedusor lui aussi était resté. Il les voulait ses réponses sur l'immortalité !

- Votre comportement m'a surprise aujourd'hui, Kenneth. Je ne vous ai jamais connu aussi distraite. Avez-vous quelque chose à me dire ?

- Excusez-moi, professeur, dis-je. Je suis juste un peu fatiguée. Je... Je serais plus attentive la prochaine fois.

- Je vois, affirma le professeur Têtenjoy en hochant la tête ( son chapeau pointu glissa légèrement sur le côté). Évitez juste le surmenage, reposez vous plus souvent. Vous êtes une élève brillante, Kenneth, tâchez de le rester. (Elle eut un sourire conventionnel.) Bon, maintenant, allez en cours avant d'être en retard.

Je pris hâtivement congé et sortit de la salle de classe. Avec une prévoyance peu commune, j'avais eu la bonne idée de repérer mes salles de classe, durant les vacances. J'arrivai donc sans difficultés et sans retard au cours d'Etudes des Langues à Caractère Magique. Une matière bien étrange par le seul fait que je n'en avait jamais entendu parler (même pas par Hermione, c'était pour dire...).

La salle exigüe ne comportait que cinq tables disposées en cercle, dont trois étaient déjà occupées par Sharon, le professeur - une femme relativement jeune tout de violet vêtue - ainsi qu'une jeune fille aux cheveux châtains et aux lunettes colorées.

- Lacerta, venez vous asseoir, m'invita le professeur Idioma Moroz. Nous allions commencer le nouveau chapitre ! Tom n'est pas avec vous ?

Comment ça? Jedusor est aussi dans ce cours ?! Mais il peut pas arrêter trente secondes, avec son allure de Monsieur-Je-Sais-Tout qui prend toutes les options possibles et imaginables pour se faire bien voir !?

- Non, répondis-je, avec le moins d'hésitation possible (j'en avais marre de paraître idiote et ignorante avec mes "euuuh"). Mais il arrive tout de suite, il discutait avec le professeur Têtenjoy.

- Pas de soucis, assura le professeur Moroz, tandis que je m'installai entre elle et une chaise vide.

Jedusor arriva sans grand retard, s'excusant très poliment. Les cours de Moroz se révélaient très différents de ceux de Têtenjoy. Tout d'abord, nous étudiâmes la langue des goblins, le Gobelbabil, pour la première fois, je ne fus donc pas complètement humiliée par mon piètre savoir en la matière. Puis les cours avaient quelque chose de plus interactifs, car, n'en ayant que quatre, le professeur Moroz faisait attention à ce que tous ses élèves comprennent bien, et n'hésitait pas à avoir recours à des exemples amusants pour bien faire rentrer le vocabulaire dans nos têtes. Ce qui, à la fin de l'heure, m'amena à savoir me présenter et à parler de mes hobbies dans un Gobelbabil plus que correct.

- Barlak Greur ? eus-je le courage de m'incruster dans une conversation entre Sharon et l'autre fille, Rosemonde Westmore de Gryffondor, à la fin du cours.

Littéralement, ce que je venais de dire signifiait "Ça va ?" en langue gobeline, mais Sharon renifla avec force et l'autre fille eut l'air gêné.

- Ça va ? répétai-je en anglais. Pourquoi vous me regardez comme ça ?

- Bon je vous laisse, s'excusa Rosemonde à la hâte. Je dois... euh... j'ai quelque chose à faire...

Elle s'enfuit presque et, la suivant du regard disparaître au détour d'un couloir, je ne pus m'empêcher de faire remarquer :

- Elle est étrange cette fille, qu'est-ce que j'ai fait ?

- Ce que tu as fait ? se moqua Sharon, un rictus étirant ses lèvres minces. Tu es Lacerta Kenneth, c'est tout.

- Ah mince... Ça va être une réconciliation plus dure que prévue... Où va-t-on maintenant ? ajoutai-je avec un sourire franc.

On ne va nulle part. Moi je pars de mon côté, et toi du tiens.

- Hein ? Mais...

- Pas de "mais", Lacerta. Je ne suis pas ta "pote". Mais Amy l'est donc je te supporte. Ne crois pas que je t'aime bien, Lacerta, j'ai tendance à ne pas aimer les gens qui ne prennent compte que de mon statut de sang. Si je t'ai aidé la dernière fois c'est parce que c'est dans ma personnalité. Maintenant, que tout rentre dans l'ordre, tu vaques à tes occupations, moi aux miennes et basta !

Elle tourna elle aussi les talons entre deux jurons et disparut à son tour dans les méandres du dédale de Poudlard. C'était-à-dire que... et bien... je ne m'attendais pas trop à cela. Un minimum, évidemment, puisque j'avais cerné très vite la personnalité de mon avatar. Mais quiconque se prenait un " je suis pas ta pote" dans la figure ne pouvait pas vraiment s'en sortir indemne.

Entre elle, Rosemonde Westmore et Alphard Black, je me demandai si j'étais sur la liste noire d'encore beaucoup de personne : la réponse était oui.

Je me doutais que Lacerta piquait, comme une rose couverte d'épine. Je me doutais moins qu'elle était aussi horrible que ça.

Après deux heures de métamorphose durant lesquelles nous devions transformer un invertébré en mammifère (à grand coup de sortilèges informulés, évidemment), je ressortis de la salle, les mains couvertes de la bave de ma limace géante que je n'avais pas réussi à transformer en chien (quelle idée de transformer une limace en chien, aussi...).

- Je vais aller aux toilettes, laver ça, dis-je à Amy en montrant mes mains poisseuses. Vous m'accompagnez ?

Amy sembla sur le point de dire quelque chose, mais Olive Hornby, la blonde au visage pincé, posa une main (propre) sur son épaule.

- Non, c'est bon, dit-elle sèchement. J'ai déjà eu affaire à elle. À toi maintenant.

Sur le coup, je ne compris pas et me dirigeai vers les toilettes les plus proches, vexée. C'est alors que j'ouvris la porte, et que je percutai.

- Qui est-là ? aboya une voix grinçante.

Soudain, Mimi Geignarde apparut en traversant la porte du cabinet dans lequel elle se cachait. En me voyant, son expression se mua en une fureur folle.

- Toi ! rugit-t-elle en se précipitant vers moi.

Je me protégeais le visage de mes mains avant de me rendre compte que Mimi, dans sa qualité de spectre, ne pouvait pas me blesser.

- Tu as l'audace de venir après ce que tu m'as fait ?!

- Quoi ? Que... Comment ça ?

- Regardez, Myrtle la Sang-de-Bourbe, se déchaina Mimi. Mimi la boutonneuse, l'hideuse fille de Moldus ! Tu le disais à tout le monde, et tout le monde se moquait de moi. Ce n'est pas Olive Hornby que j'aurais dû hanter mais toi ! Tu as vu ce que tu as fait ? Tout ça c'est de ta faute ! Ta faute !

Un robinet éclata sous la colère de Mimi Geignarde.

- Vas-t-en ! Vas-t-en ! VAS-T-EN !

Alors que je filai à toutes jambes, Mimi poussa un jappement et fondit dans la cuvette des toilettes, éclaboussant remarquablement le carrelage.

Lacerta n'était pas une rose. Elle ne piquait pas. Lacerta était une épée. Elle transperçait de part en part, et la blessure de Myrtle Elisabeth Warren lui avait été fatale.

J'allais devoir rééquilibrer tout ça.

Et j'allais avoir du boulot...

*

Ce fut en m'enfuyant comme une voleuse, effrayée par la revenante, que, la vision brouillée, je percutai en plein fouet un garçon de haute taille qui arrivait dans le sens inverse.

Jedusor, dit une petite voix à glacer le sang logée quelque part dans ma tête.

Non, lui répondirent mes yeux. C'était Alphard Black. Ses longs cheveux noirs retombaient avec nonchalance autour de son visage. Il marmonna un "pardon" qui ne me convainc absolument pas et tenta de me contourner. Je lui bloquai volontairement et ostensiblement le passage. Je m'étais promis de changer en toute impunité la réputation de Lacerta à l'instant, et voilà que Merlin me testait.

Recurvite, murmurai-je en visant les mains, puis je me tournai vers le garçon comme si de rien n'était. Bonjour Alphard Black, le saluai-je avec un sourire que je savais absolument adorable.

- Bonjour, répondit-il, le regard fuyant.

- Tu te souviens de moi ? Lacerta Kenneth? Nous avons dansé ensemble au mariage des Prewett.

- Oui je vois. Excuses-moi mais je dois me rendre à la bibliothèque, j'ai des BUSEs à obtenir...

On eut dit que le seul fait de me parler équivalait à la pire des tortures. Un peu d'audace, Edith ! Je lui attrapai le bras avec familiarité et le tirai derrière un pan de mur.

- Pas d'empressement dans ce cas. Je veux juste rétablir certaines choses.

Alphard haussa les sourcils mais ne me repoussa pas.

- Voilà, alors... Est-ce que toi aussi tu me déteste ?

- Pardon ?

Courage. Courage. Courage !

- Est-ce que tu me déteste ? Parce que beaucoup de personnes semblent me détester...

- Oui, beaucoup de personnes te détestent, Kenneth. Mais c'est parce que tu les déteste plus encore. Et depuis quand tu pose ce genre de questions ? Et surtout à moi ?

- Et bien... J'ai décidé de devenir un être humain. Donc je m'excuse pour tout ce que j'ai pu dire, ou faire. 

- Tu es sérieuse? Qu'est-ce qu'il t'arrive, on t'a jeté un sort ?

- Non ! Enfin, oui, je suis sérieuse ! protestai-je.

Un sourire septique apparut sur le visage de Alphard.

- Donc tu me parles de ton plein gré ? Toi ? Toi qui méprise tout ce qui ne te ressemble pas ?

- Oui ! J'ai... hum... changé... Écoute, je ne veux pas passer une sale année (dans l'univers que j'aime le plus au monde) en sachant que tout le monde ne peut pas me blairer...

- C'est une prise de conscience très subite, je dois dire...

- Donc tu ne me déteste pas ?

- Si tu n'es plus le monstre qui traîne avec ma tarée de soeur ainée alors non.

Avec nervosité, je me mis à tordre mes doigts doucement.

- C'est déjà ça, dis-je. Et, euh, Alphard ? Tu ne danses pas si mal que ça.

Alphard ouvrit la bouche mais ce ne fut pas le son de sa voix qui atteint mes oreilles mais celui d'une voix caquetante et passablement désagréable.

- Petits, petits, petits ! s'exclama un petit homme au visage grossier qui voletait au dessus de nous. Vous vous cachiez ?

Peeves eut un rire gras et, comme nous avions l'air de ne pas assez s'amuser selon lui, se mit à nous lancer à la figure toute sorte d'objets qu'il avait dû voler quelque part. Alphard et moi nous enfuîmes aussi vite que je m'étais enfuie de Mimi, zigzagant pour échapper aux projectiles de l'esprit frappeur.

- Et bien, Kenny, Alphy, rev'nez ici ! s'écria Peeves. Hahahaha !

Nous dûmes croiser de pauvres petits Poufsouffle de première année pour que Peeves se rabatte sur une autre proie.

- Ça alors, dit Alphard, essoufflé, lorsque nous nous retrouvâmes hors de la portée du poltergeist. On peut dire qu'il a le chic pour apparaître au bon endroit, au bon moment, lui !

- Que serait la vie sans Peeves ? fis-je remarquer, la respiration haletante.

Voilà la première fois que je rencontrais un des multiples absents de la saga cinématographique et l'impression qu'il m'avait donnée avait été très fidèle à son comportement exécrable si bien décrit dans les livres. Alphard se retourna et poussa un soupir.

- J'ai bien de la chance, ironisa-t-il. Je ne connais qu'un seul chemin qui mène à la bibliothèque et, maintenant, il est en "zone Peeves" !

- C'est une expression bien trouvée, souris-je en me massant un point-de-côté naissant. Tu sais, peut-être que je pourrais te ramener les livres que tu veux de la tour de Serdaigle. Si on enlève les dortoirs, cette endroit, c'est une deuxième bibliothèque, ajoutai-je.

- Non, merci, déclina poliment Alphard. Il y a aussi des livres dans la salle commune de Serpentard. En fait, c'était surtout pour la tranquillité que je voulais y aller... Mrs Pince à beau être jeune et inexpérimentée, elle n'hésite pas à jeter un sort à celui qui parle un peu fort.

Alphard était à Serpentard ! Ce n'était pas une nouvelle si étonnante que ça - Alphard était un Black - mais il ne partageait tellement pas les caractéristiques de sa maison ! J'appris également que Mrs Pince occupait déjà le poste de bibliothécaire cinquante ans avant la scolarité de Harry... À passer autant de temps entourée de livres, voilà pourquoi elle était si... pincée !

- Mince ! m'exclamai-je. Je suis désolée de t'avoir fait perdre encore plus de temps...

- Ça ne fait rien, assura Alphard. Peeves ne tient pas en place. Le couloir sera de nouveau désert en un rien de temps.

Il s'assit par terre, le dos contre le mur de pierre, et sortit un manuel de son sac.

- Bon, je m'excuse encore...

- Ça ne fait rien ! me coupa Alphard.

- Alors dans ce cas, j'y vais ?

- Une dernière chose...

Il leva ses yeux gris vers moi.

- Je n'aurais jamais pensé que tu pouvais être comme ça.

- Comment ? demandai-je, interloquée.

- Sympathique, répondit Alphard.

Il se replongea dans son ouvrage sans plus de bavardages.

Alphard m'avait trouvé sympathique ! Je venais de sauver l'âme de Lacerta... En tout cas, Alphard ne me regarderait plus comme une Acromantule. Il fallait maintenant que je parle à Sharon. Quelque chose me disait qu'elle allait être moins facile à convaincre. Son statut de Sang-Mêlé et ses convictions pro-moldu faisait d'elle une personne bonne mais très anti-Lacerta.

Je descendis un escalier en colimaçon pour rejoindre le rez-de-chaussée. Le cours de botanique étant le dernier cours de la journée. Je ne croisai pas beaucoup d'élèves sur mon chemin, car je devais être une des seuls à ne pas avoir cours à cette heure-ci (c'était, au passage, la première de mes deux uniques heures de trou de toute la semaine). Dans le couloir central, la température faisait chuter le mercure plus bas encore que partout ailleurs dans le château. Je rabattis ma capuche sur le sommet de ma tête et enfilai mon écharpe à la quatrième vitesse - ce n'était pas parce que j'étais une sorcière que je ne pouvais pas attraper la grippe. Je jetai un coup d'oeil au cloitre lorsque je passai devant. La neige ne tombait plus depuis une bonne semaine, et ce qui était au sol maintenant ressemblait plus à une sorte de glace compacte, très glissante.

Soudain, quelqu'un surgit de derrière le grand chêne qui dominait la cour intérieure, suivit par une silhouette floue, brillant dans l'ombre de l'arbre. Jedusor et la Dame Grise étaient facilement reconnaissables, même de loin. Aussitôt, je jetai sur moi-même un sortilège de Désillusion, bien moins efficace qu'une Cape d'Invisibilité, mais assez pour ne pas être aperçue à cette distance. Désormais, il fallait comprendre ce qui se disait...

Audioratio ! marmonnai-je.

Ce sort, appris dans un livre pas plus tard que la veille, se révélait moins efficace que les oreilles à rallonge de Fred et George, mais m'avait tout de suite tapé à l'oeil. Je tendis l'oreille et tentai de comprendre ce qui se disait.

- ...jour Tom, dit la Dame Grise. Que me vaut le plaisir de ta venue ?

- Bonjour, Helena, dit Jedusor, la voix aussi douce et polie qu'un poison dans du chocolat. Il me tardait de vous voir et de prendre de vos nouvelles...

Je décelai un sourire pâle sur le visage de la revenante.

- Oh, Tom... Tu sais, mon existence n'est pas aussi palpitante que la tienne...

- Je ne sais pas, Helena, la contredit doucement Jedusor. Je ne crois pas, en réalité. Je ne suis qu'un élève tandis que vous...

- Je suis la fille de Rowena Serdaigle, acheva la Dame Grise. Ce n'est pas aussi glorieux qu'on pourrait le penser, ajouta-t-elle, d'être sans cesse dans l'ombre de ses ancêtres.

Jedusor ne dit rien. Non seulement il savait comment parler, mais il savait également comment se taire.

- Vous savez, Tom, vous savez que vous êtes l'un des seuls à qui je n'ai jamais révélé mon nom ? C'est un secret lourd à porter. Parfois, je ne rêve que de me débarrasser de ce stupide surnom de "Dame Grise". Comment réagiriez-vous s'il on venait à oublier votre nom au profit d'un pseudonyme anonyme?

Je refoulai un ricanement. Et bien,Tom ? Comment réagirais-tu si on t'appelais Voldemort - ou pas, dans le cas de tous ceux qui auraient trop peur de toi - et qu'on oubliait le nom de ton moldu de père ? Tu serais triste, non ?

- Comment puis-je le savoir ? Comme vous, sans doute ?

- Sans doute, soupira la Dame Grise en se détournant théâtralement de Jedusor. La vie sous la forme d'un fantôme, ce n'est pas la vie... Ne prends jamais le même chemin que moi, Tom.

- Ne vous blâmez pas, Helena ! la reprit Jedusor - sa patience me scotchait. Tout le monde à le droit d'avoir peur de la mort !

La Dame Grise se retourna vers lui avec fluidité et je pus lui remarquer une expression compatissante, presque surprise par une telle innocence.

- Je n'avais pas peur de la mort, dit Helena à voix basse. Je voulais que l'on ne m'oublie pas. Je voulais que mon existence n'aie pas été vaine, je voulais...

Elle avait haussé la voix mais ne termina pas sa phrase. Ce fut Jedusor qui eut cet honneur.

- Vous vouliez que l'on ne parle pas de vous seulement comme de la fille de Rowena Serdaigle.

- Exactement, acquiesça la Dame Grise. Mais lors de mon retour à Poudlard, sous cette forme, on m'a harcelé. On me demandait si je n'avais pas de rapport avec la disparition de la précieuse relique de ma mère. On ne me parlait que pour ça... Il a fallut plusieurs générations pour que j'obtienne la paix. Comme je regrette cette décision stupide et orgueilleuse. Je n'ai même pas obtenu ce pour quoi je suis dans cette état aujourd'hui. De plus, je dois supporter la vue du Baron chaque jour...

- Le Baron ?

Cette fois, Jedusor n'avait pas pu s'en empêcher. C'était une information trop croustillante pour la laisser filer.

- Le Baron Sanglant, oui. C'est lui qui m'a... tué... murmura la Dame Grise, affolée par ce qu'elle venait de laisser échapper.

Jedusor tenta de s'approcher d'elle mais elle s'éloigna frénétiquement.

- Je n'aurais pas dû dire ça. Il faut que je m'en aille.

- Non, attendez, Helena !

Trop tard. La Dame Grise s'était enfuie, laissant derrière elle l'odeur de l'échec de Jedusor. Elle avait à peine parlé du Diadème Perdu. J'en connaissais un qui allait devoir faire plus d'efforts en matière de patience et de manipulation. Je constatai avec délectation que l'expression neutre et emphatique du jeune homme avait mué en une colère glaciale. Et je vis - ou, tout du moins, crus voir - ses mains aux longs doigts se refermer en un poing serré par le goût acide de sa défaite. Puis, reprenant le dessus sur ses émotions qui débordaient un peu trop de son masque parfait, Jedusor lissa sa cape avec soin et continua son chemin comme si de rien n'était.

DONG ! me surprit l'horloge de la tour nord, qui m'annonçait que j'allais devoir retourner en cours. Toutefois, j'attendis que Jedusor eut été hors de ma vue, ou plutôt moi de la sienne, pour annuler le sortilège de Désillusion et retrouver les jolies petites mains toutes blanches de Lacerta Kenneth.

Je ne dus pas aller bien loin pour rejoindre les serres, et faillis même, à un couloir près, croiser Jedusor. Les élèves attendaient déjà devant. Parmi eux Jedusor, Rosier et quatre Serdaigles de la même année que moi, qui se nommaient respectivement, si je me souvenais bien, Terence Fortarôme, Victor Stebbins, Janice Peakes et Barnaby Edgecombe. Sans plus attendre, le professeur Mandrake, un homme filiforme et émacié portant de longs cheveux gris qui tombaient en rideau sur ses épaules, nous fit entrer. 

 Fini l'espionnage digne du MI6, maintenant, il était l'heure de se battre contre des Tantacula Vénéneuses !


Laisser un commentaire ?