Pour l'amour du volley-ball
Chapitre 6 : La victoire est une affaire personnelle
2182 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 05/05/2020 14:33
La nuit tombée, dans son futon, Lia se retournait sans pouvoir trouver le sommeil. Elle enviait le souffle calme de Yû qui, juste à côté d’elle, résonnait dans toute la pièce. Il avait gentiment accepté de partager sa chambre avec elle depuis que leurs parents avaient décidé de transformer sa chambre à elle en atelier de couture. Une vraie preuve de leur intérêt pour leur fille. Jamais là, toujours à l’étranger, ils avaient mis deux mois à apprendre qu’elle était partie. Et quelques semaines à déménager sa chambre.
Lia soupira. Elle savait pourquoi elle n’arrivait pas à trouver le sommeil. Une fois le soleil levé, elle se replongerait dans le monde du volley-ball, cherchant à retrouver la place qu’elle occupait dans une ancienne vie, qui lui semblait bien lointaine.
Elle repensa aux évènement de l’après-midi.
***
Un peu plus tôt, à l’extérieur du lycée Karasuno
-Lia ! Attends-moi !
Hinata la rejoignit en haletant.
-Je peux marcher avec toi ?
-Oui, bien sûr, tu habites de quel côté ?
-Oh j’habite loin, je dois prendre le train et ensuite j’en ai pour une heure de vélo.
-Ah oui ! C’est pour ça que tu as autant d’énergie !
-Tu trouves ???
Lia éclata de rire à la vue des yeux brillants de Hinata. C’était assez incroyable, la façon qu’il avait de s’exciter pour n’importe quel petit détail. Lia était assez envieuse.
-Et toi tu habites où ? Avec Nish-… avec ton frère ?
-Hm…on habite sur la vallée ouest.
-Avec toutes les belles maisons ?!
-Nos parents sont de riches diplomates. Ils sont jamais là, mais au moins on a une grande maison.
Lia sourit.
-Vous viendrez un jour, on fera une soirée volley !
-Oooooooooooh !!!
Nouvel éclat de rire de Lia, qui remarqua ensuite qu’Hinata était soudainement devenu pensif. Il lui jetait des regards en coin et ses lèvres frémissaient. Visiblement, il se retenait de poser une question.
-Vas y, dis-moi tout.
-Hein ? Ah non, pas du tout je…
-Shoyo ! Il faut que tu arrêtes d’avoir peur de moi juste parce que j’ai un an de plus et que je suis une fille haha !
-Désolé…
-Et arrête de t’excuser !
-Oui chef !
Lia et Hinata sourirent. Décidément, ils s’entendaient vraiment bien.
-C’est juste que tout à l’heure, à l’entraînement, pendant que vous parliez avec Nishinoya, Daichi m’a parlé de votre surnom…
Lia se raidit. Un surnom ? Quel surnom ? Elle et les autres avaient pourtant été clairs là-dessus, on ne devait plus en parler.
-…les jumeaux maléfiques.
Lia retint un soupir de soulagement.
-Ah, celui-là !
-Pourquoi ?!! Il y en a un autre ?? Parce que celui-là il est super classe je l’adore ! Vraiment il est incroyable ! Moi aussi j’aimerais trop avoir un surnom comme ça, quoique je devrais avoir un jumeau, et je pense que je supporterais pas vraiment…hmm le connaissant il essayerait de me voler la vedette ! Comment il s’appellerait hein ? Un nom bien prétentieux tiens… !
-Shoyo ! Tu divagues ! Tu veux savoir l’histoire de ce surnom ou non ?
-Oui m’dame ! Pardon m’dame !
Lia sourit, et resta silencieuse un moment. Hinata pouvait voir qu’elle remontait loin dans sa mémoire, à la recherche de souvenirs d’enfance.
-Quand on était à la maternelle avec Yû, on était aussi turbulents l’un que l’autre. Nos parents étaient toujours absents, et les nourrices et les profs n’en pouvaient plus ! (Elle eut un petit rire), Il faut dire qu’on leur en a bien fait baver ! Un jour, le conseiller de la maternelle décida de nous inscrire à un sport. Yû partit au club de volley-ball, et moi au softball. Mais qu’est-ce que je m’ennuyais ! J’étais jalouse de mon frère, et j’étais si admirative de ce sport… alors un jour où mes parents étaient à la maison, on est allés les voir tous les deux et on leur a demandé de nous inscrire dans un club de volley. Autant te dire qu’ils étaient ravis de pouvoir se débarrasser encore un peu plus de nous !
-Wouah, tu fais du volley depuis que tu es toute petite alors !
-Ca va faire 11 ans maintenant.
Hinata se pétrifia. Il était si en retard !
Lia continuait, imperturbable. Elle semblait happée dans la bulle de son récit.
-Très vite, Yû et moi étions devenus les chouchous du club. On parlait de nous faire recruter ailleurs, dans de meilleurs équipes, mais ce club était le seul qui proposait des entraînements mixtes pour les petits, et on ne voulait pas se séparer. On y est donc restés jusqu’au collège. Quand on est entrés tous les deux à Chidori Yama, j’ai rejoint l’équipe des filles et celle des garçons. C’est à peu près à cet âge-là que le docteur nous a dit qu’on ne grandirait plus que très peu. Ca a été bien plus frustrant pour Yû que pour moi mais tu le connais, il s’en est remis ! En sortant de chez le médecin, il m’a regardée dans les yeux et il m’a dit : Nee-chan, je serais le meilleur libéro du monde.
Hinata avait les yeux semblables à deux comètes en feu.
-Trop claaaaaasse ! Nishinoya, la claaaaaasse !
-Haha oui, totalement la classe. Ca m’a fait réfléchir d’ailleurs. Pour moi, la taille n’était pas un obstacle aussi grand que pour lui. J’avais une bonne détente, j’aurai facilement pu jouer réceptionneur-attaquant. Mais un jour, alors qu’on regardait un match pro, le commentateur n’arrêtait pas de complimenter le passeur sur ses choix tactiques. Quand j’ai compris que c’était la passe qui pouvait déterminer l’action en entier, et même parfois changer le cours du jeu, j’ai su que je voulais devenir passeuse. Quelques années plus tard, Yû et moi continuions à faire des tournois mixtes en plus du club, et c’est de là que vint le surnom de jumeaux maléfiques.
Lia s’interrompit, et eut un sourire narquois, semblable à celui de Daichi plus tôt dans la journée. Le Sang d’Hinata se glaça. Comment est-ce qu’ils faisaient tous pour avoir l’air aussi flippant ???
-Crois-moi, on en a pas perdu beaucoup des matchs.
-Et maintenant ?
Lia regarda Hinata. Le garçon lui opposa un regard profond et déconcertant. Elle l’avait déjà vu avec cette expression en match. En général, ça se passait mal pour les adversaires.
-Et maintenant quoi ?
-Maintenant, tu vas rejouer ?
Il avait posé avec innocence et désinvolture la question que Lia s’était refusée de se poser depuis qu’elle était rentrée à Miyagi. Ce qui signifiait qu’elle n’avait pas la réponse. Vraiment ?
-Je…
-Oh regarde ! C’est Seijô !
-Hein ? Où ça ?!
Lia tourna la tête dans la direction que pointait Hinata, juste à temps pour voir Iwa qui lui aussi les avait vus. Au regard qu’il lui jeta, ce n’était pas une bonne nouvelle.
Tout se bousculait dans la tête de Lia. Que faire ? Partir ? Faire demi-tour ? Comment l’expliquer à Hinata ? Avancer comme si elle ne les avait pas vus ? Pareil, comment l’expliquer au central de Karasuno ? Aller les voir ? Après tout, pour l’instant il n’y avait que Iwa, ça ne voulait pas forcément dire que-…
Mais si, forcément que ça voulait le dire. Sinon, le karma n’existerait pas. Elle n’eut pas le temps de prendre une quelconque décision qu’à l’angle où Iwa avait tourné apparut un pied, puis une jambe en survêtement aux couleurs de Seijô. Une demi-seconde plus tard, qui sembla longue de plusieurs années à Lia, et Oikawa lui faisait face, de l’autre côté de la rue.
Outch.
Lia mit un moment à réaliser qu’Hinata lui donnait des coups de coude.
-Eh Lia ! Lia ! Ils nous regardent ! Qu’est-ce qu’on fait Lia ? Tu crois qu’ils m’ont reconnu ? Hein ? Hein ? Oh non, ils viennent vers nous ! Ils viennent vers nous ! Lia j’ai peur !
Lia avait décroché après le « ils viennent vers nous ». Elle aurait voulu disparaître, se faire engloutir par la terre, plutôt que d’être là, à cet instant précis. Et la tête désolée de Iwaizumi n’arrangeait rien du tout !
Une fois en face d’eux, un silence s’installa. Lia garda les yeux baissés, et pria de toute son âme pour qu’Hinata fasse un de ses célèbres numéros. Mais le petit joueur était bien trop tétanisé pour cela. Sans un mot, elle finit par lever les yeux, pour les plonger dans le regard sombre-clair du passeur adverse. Son regard étonné faisait à la fois transparaître une douceur et une douleur qui lui étaient atroces à supporter. Un océan de souvenirs la traversa, des rires, des larmes, des victoires, des déceptions, et lui coupa le souffle. Que dire ?
De son côté, Oikawa était paralysé. Il n’était pas préparé à une telle rencontre. Une rencontre qu’il pensait ne plus jamais faire. Mais c’était bien elle, et son regard était le même fossé lumineux dans lequel il s’était perdu des milliers de fois. Il sentait Iwaizumi s’agiter nerveusement à côté de lui, et se rappela mentalement de lui mettre une raclée en rentrant pour lui avoir caché ça. Enfin, s’il rentrait sain et sauf. Il ouvrit la bouche pour parler, quand soudain une voix lui glaça le sang. Pas maintenant, putain.
-Tôruuuuuuuuuu !
De l’angle de la rue sortit la personne rattachée à cette voix. Une jeune fille arborant l’uniforme de Seijô et agitant la main courut vers le groupe et glissa sa main dans celle d’Oikawa.
-Tu avais promis que tu m’attendrais ! On va manger ?
Il n’est certainement pas possible de faire plus silencieux qu’un silence déjà pesant. Et pourtant, c’est l’impression que cela donna après son arrivée. Une chape de plomb s’abattit sur le groupe, la rue, la ville, le pays entier, sembla-t-il à Lia. Simultanément, un millier de poignards lui traversèrent le corps de part en part. De la tristesse ? Oui, mais pas que. De la colère. Plus besoin de mots, d’explications, de pleurs. Oikawa venait de lui envoyer un message très clair.
Ce dernier se retenait d’exploser et d’envoyer valser l’intrus qui lui tenait la main. Incroyable ce mauvais timing ! Bon, il faut tout expliquer à Lia. Il ouvrit la bouche, mais resta sans voix à la vue du regard de cette dernière. Un regard qu’il ne lui avait pas vu depuis longtemps, et surtout jamais dirigé contre lui. Un regard qui était capable de détruire les montagnes, de séparer la mer en deux, et d’écraser la confiance de l’adversaire en une seule seconde.
-Viens Shoyo, on s’en va.
Elle prit Hinata par le bras et continua son chemin. Alors qu’elle passait à côté des joueurs de Seijô et de…l’autre là, elle s’arrêta un instant, juste assez longtemps pour voir le regrd désolé de Iwa et celui, effaré de Oikawa.
-La prochaine fois que l’on se reverra…
Ce dernier sursauta. Il pensait ne plus jamais entendre cette voix.
-La prochaine fois que l’on se reverra…
Lia le regarda, brûlante de colère.
-…vous serez à genoux. Et vous aurez perdu.
Et ils partirent.
Alors qu’ils s’éloignèrent, le silence déjà brisé sursauta aux exclamations de plus en plus distantes de Hinata.
-Trop classe Lia ! Trop classe trop classe trop classe !
***
Mais dans son lit, la nuit tombée, aux côtés de son frère dormant paisiblement, Lia pleurait toutes les larmes de son corps. Elle n’aurait jamais dû partir.