L'enfant
Quelques jours plus tard, de bon matin, quatre Séraphins, parés de leurs lourdes armures de plaques argent et or, vinrent violement frapper à notre porte. Les Séraphins étaient les soldats du Promontoire, et protégeaient toute la Kryte des peuples agressifs comme les Centaures, ou des créatures dangereuses. Ils constituaient le plus gros corps armé de Kryte, mais aussi le plus sollicité, car ils se battaient non-seulement à l'extérieur du Promontoire, mais aussi à l'intérieur et s'occupaient des habitants, servant de police et de protecteurs. Ils portaient tous des armures lourdes blanc et or, et se baladaient armés en toutes circonstances. Ma mère se précipita pour leur ouvrir, mais ils la bousculèrent sèchement en entrant, la poussant en arrière et l'un d'eux fit, d'un ton sec:" Vous devez de l'argent au Promontoire, cela fait un mois que vous devez payer...-Nous sommes désolés messieurs... Mais regardez, nous avons à peine de quoi subsister...-Cela ne nous concerne pas-Nous ne pouvons pas payer!"Ils nous regardèrent: ma sœur et moi, maigres, cernées, crasseuses. Puis ma mère, voutée, traits tirés, à bout..." Suivez-nous".Intima l'un d'eux, athlétique, aux yeux bleus, la trentaine, apparemment le plus haut gradé. Nous ne pouvions pas résister, contre ces grands hommes armés d'arcs et d'épées, et nous les suivions donc, abandonnant notre "maison", sortant à leur suite dans la rue étroite sans rien emporter. De toute façon, que pouvions-nous emporter? La panière en osier? Le balai? Peut-être les couverts rouillés... De toute façon, dans la prison où les soldats nous menaient, cela ne nous servirais à rien. Nous marchâmes un petit moment dans les rues dallées du promontoire, honteuses, tête baissée, tentant d'éviter les regards tantôt dédaigneux, tantôt compatissants des gens qui croisaient notre étrange cortège. Vous savez, au Promontoire, les gens sont divisés en plusieurs catégories. Ceux qui restent au Promontoire pour travailler, devenir commerçants, ceux qui s'engagent dans les Séraphins, et les autres: les voyageurs, les aventuriers. Certains partent de chez eux, d'autres quittent leur travail, d'autres n'ont pas vraiment le choix... Et comme vous le savez sûrement, ils s'entraînent auprès d'instructeurs qui leur apprennent les bases d'un style de combat ou de magie. Les Professions: Les Nécromanciens, mages de la mort, les Ingénieurs, à la technologie destructrice, les Gardiens, protecteurs et soigneurs, les Guerriers, maîtres d'armes, les Elémentalistes, disposant des éléments à leur guise, les Rôdeurs, maîtres de l'arc et de la nature, les Envouteurs, maîtres de l'illusion, et les voleurs, assassins des ombres. Au Promontoire Divin, ces gens font partie de l'économie et il y a autant de voyageurs que de résidents. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu m'en aller, partir loin, vivre de moi-même hors de cette gigantesque ville qui était pour moi une prison. Mais pour l'heure, j'en étais plutôt loin, de mon rêve, encadrée par quatre Séraphins qui nous conduisaient à la prison...Ils nous guidèrent vers les geôles, dans une petite rue sombre et peu fréquentée. Ma mère réprima un sanglot. Je tremblais de peur et ma sœur fermait les yeux... Mais les soldats continuèrent sans même jeter un regard à la haute grille de fer bloquant l'entrée du tunnel menant à la prison. D'une petite voix, je demandais:"Où allons-nous?-Contente-toi d'avancer petite." Me répondit le grand soldat d'une voix neutre. Je continuais donc, mais me demandais où nous allions. J'avais peur, et mon imagination ne fit qu'aggraver les choses... Nous continuâmes en silence. Sortant de la ville, nous arrivâmes dans la Vallée de la Reine, une vaste étendue de forêts, de collines et de champs qui bordaient le Promontoire. C'était une région au cœur de la Kryte, jouxtant avec les Champs de Gendarran à l'Est et les Collines de Kessex au sud, qui aurait pu être un havre de paix si les centaures n'y avaient pas installé plusieurs avant-postes. Ma sœur et moi découvrions cette région pour la première fois, puisqu'il était fortement déconseillé de s'y balader sans armes, notamment à cause des centaures arpentant la région, mais aussi à cause des différents monstres et créatures habitant les lieux, qui ne demandaient rien de mieux qu'un humain sans défense à croquer. Nous regardions donc avec de grands yeux avides de nature et d'air frais les alentours, oubliant soudainement les peurs qui nous tenaillaient pour contempler ces scènes banales pour les Séraphins, mais pourtant incroyables pour nous. Tous ces cerfs, daims, moas étaient libres, gambadaient à leur guise dans les bois touffus et nous envions grandement leur liberté. Tenant à distance les hostiles avec leurs armes, pour le moins dissuasives, les Séraphins nous guidèrent à travers champs et forêts vers le sud-est, et nous arrivâmes à un camp militaire. L'angoisse s'insinua une fois de plus en nous, telle une vipère sournoise et silencieuse ayant attendu dans l'ombre le moment de ressurgir. Le soldat qui cheminait en tête nous arrêta à une dizaine de mètres du camp, et un autre, en armure cabossée et rayée arriva, nous jeta un regard intrigué, et se mit à parler à voix basse avec celui qui avait mené notre expédition. Après un court échange, les Séraphins qui nous avaient escortées repartirent en nous adressant un bref salut, nous laissant avec l'homme à l'armure cabossée. Une foule de questions se bousculaient dans mon esprit, se marchant les unes sur les autres: Pourquoi nous avaient-ils mené ici? Qu'allaient-ils faire de nous? Allons-nous être esclaves? Mais quelque chose me disait que j'allais avoir la réponse bien assez tôt..." En temps normal, les gens comme vous vont en prison pour y travailler... Mais bon, on ne choisit pas d'être pauvre... Et en plus, avec cette guerre contre les Centaures, nous avons besoin d'aide dans les camps militaires, plus que jamais. Donc je vous donne le choix: vous nous aidez au camp, dans les écuries, et tout le reste, et en retour vous serez logées, nourries convenablement, habillées... Si cela ne vous convient pas, libre à vous de retraverser la Vallée de la Reine, et de rentrer chez vous si vous y arrivez... Jusqu'à ce que d'autres plus attachés aux lois viennent vous jeter dans les geôles du Promontoire..."Sa voix se voulait calme et rassurante, mais l'on percevait l'autorité d'un meneur dans son l'intonation. Même si l'on n'avait pas vraiment le choix, nous étions soulagées, et commencions à envisager, sans rêver cette fois ci, une vie meilleure. Ma mère n'hésita pas un seul instant:"Nous vous suivons monseigneur! Mille mercis!-Appelez-moi commandant" fit-il avant de nous entraîner dans le camp.