La Bataille de Cispron
Chapitre 2 : Première Partie - Episode 01 : Protéger.
Catégorie: T
Dernière mise à jour 08/11/2016 23:22
Gurren Lagann : ...
Épisode 01 : Protéger
Mémoires de Kenny Kamina
Je suis le fils de Makken et Leite Jokin, membres de la Brigade Gurren.
C'est tout.
Cela a-t-il la moindre importance ?
Mon père est mort durant la bataille galactique contre les Anti-Spirales. Ma mère était chef de l'ingénierie du vaisseau, et n'a pas vu la scène. Elle m'a raconté ce qu'on lui a rapporté : Makken Jokin s'est sacrifié pour sauver le vaisseau. Il est mort l'épée à la main. Sa tombe est érigé sur la colline Kamina, à côté de tous les autres héros de la Brigade Gurren.
Est-ce pour cela que j'ai pris la voie de l'épée ? Était-ce une obligation ? Un devoir à transmettre ? Ou était-ce un pur instinct ? Une envie de mon inconscient ?
Mon frère et ma soeur, mes deux aînés, n'ont pas touchés à cette voie guerrière. Alors pourquoi moi ?
Est-ce une fantaisie, ou une destinée ?
Je me souviens bien de cette soirée, celle qui a suivi la journée où nous avons appris que c'était notre unité qui avait été choisie pour la garde rapprochée de la conférence de paix spirale intergalactique qui aurait lieu dans deux mois. Cette nouvelle fit sauter Ash de joie, et à peine avions-nous terminé notre service qu'il nous emmena avec entrain dans les rues éclairés et animés de la capitale. " C'est moi qui invite !" s'est-il exclamé sur ton bon enfant en nous emmenant au restaurant habituel. Ash était ce genre de type, un grand homme brun bien formé, ouvert et chaleureux, pleurant et riant quand il le fallait. Alors que nous marchions dans la rue, il tentait déjà une approche auprès d'Ariane. Le fait qu'Ash ait le béguin pour elle était quelque chose dont tout le monde au sein de l'unité était au courant. Par contre, on avait plus de mal à imaginer le pourquoi de la chose. Certes, Ariane Kamina était une grande et jolie jeune femme, aux cheveux d'un bleu clair miroitant, et dont elle trouvait toujours le moyen de les coiffer correctement malgré la difficulté des entraînements. On la décrivait comme étant une génie, ressortant de la plupart des exercices sans la moindre goutte de sueur, à l'inverse de la totalité de ses camarades. Mais justement, ce qui poussait Ash vers elle, semblait être la jalousie. Ariane était réputé comme la meilleure tireuse de sa génération, et beaucoup étaient convaincu qu'il ne lui faudrait pas longtemps avant de détrôner Darry Adai même. Mais Ash était lui-même un excellent tireur, et prendre à Ariane son titre était semble-t-il une ambition féroce qu'il nourrissait. Étant l'un de ses proches amis ( je demande encore aujourd'hui comment cela s'est fait ), je pense pouvoir dire qu'en réalité, la chose qui avait l'air de l'irriter le plus entre elle et lui, était tout simplement le fait qu'elle soit plus grande que lui. Mais ainsi, cette étrange jalousie avait apparemment muté en une sorte d'attirance amoureuse que personne dans leur entourage n'arrivait à comprendre ou expliquer. Manque de chance pour Ash, Ariane n'était guère intéressé.
Mais aujourd'hui, ce soir-là plus exactement, elle était avec nous, coupant à travers la foule indénombrable des jeunes citadins en quête d'un lieu pour s'enivrer ou faire la fête. On disait de Kamina City qu'elle était un gigantesque coeur, une ville sens cesse en mouvement sur elle-même, une population florissante et toujours grandissante. Le centre de l'univers où se réunissaient des gens de toutes les peuplades, articulant la langue terrienne avec l'exotisme de tous les accents possibles et inimaginables. Nous atteignâmes le restaurant, y entrèrent pour échapper au méli-mélo de la ville. Nous nous asseyâmes sans nous arrêter de bavasser, principalement sur le boulot, et ce qu'il allait nous apporter dans les jours à venir, tandis qu'Ash était déjà en train d'interpeller une serveuse pour commander nos steaks de porci-taupes. Ash avait une mémoire brillante, et il arrivait à se souvenir des plus futiles détails, tel que nos goûts en matière de variétés de plats à base de porci-taupe. Cela étant, il récita sans attendre les plats favoris de chacun auprès de la serveuse. Ariane le réprimanda sur le fait que nous pourrions avoir envie de temps en temps d'essayer autre chose et qu'il aurait dû nous laisser nous décider avant de commander, mais il ignora ce sermon et reprit le contrôle de la conversation, tout heureux qu'il était de pouvoir parler et se vanter de notre affectation prochaine.
Sans que je ne le sache comment, je m'étais retrouvé assis en face John Lon. C'était un très grand homme brun, solidement bâti, à la force calme et au tempérament franc. Accessoirement, si Ariane était notre meilleure tireuse, lui était de loin notre meilleur épéiste.
Je me rappelle, cette séance d'entraînement avec lui.
C'est dans ma lame que j'ai plongé tous mes espoirs... de compréhension.
Je ne pouvais admettre quelqu'un de meilleur que moi dans le maniement du sabre. Le vaincre et le dépasser était une nécessité, si je voulais un jour espérer comprendre.
C'est pour cela que je l'ai défié à de nombreuses reprises, que je l'ai adjoint de s'entraîner seul à seul avec moi dès que j'en avais l'occasion. Il ne refusa jamais, nous avons parfois passé jusqu'à des nuits entières à échanger des coups à lame réelle. Oui, je me rappelle de cette fois, où nous n'étions plus éclairé que par la Lune, dont la lumière transitait faiblement à travers les lucarnes de la salle d'entraînement. J'étais en sueur, lui calme. Je serre les dents et frappe avec une rage contrôlée, rendant mes coups aussi furieux que précis. Mais sa vitesse n'avait d'égal que sa force, il para l'un de mes nouveaux mouvements comme s'il le connaissait de longue date, et la seconde suivante sa lame s'était posé sur ma gorge.
Il relâcha un soupir, baissant son arme et reprenant une attitude de repos.
" Faisons une pause un instant "
Il avait une voix au ton grave, mais qui respirait malgré tout le calme et la sérénité d'un combattant aguerri. J'aurais aimé être capable de m'exprimer d'une telle voix. Il s'asseya sur l'un des banc encerclant le tatami, inspectant sa lame.
" C'est la colère qui résonne dans ta voix " me répondit-il, fermant alors les yeux, " beaucoup de gens au sein de l'unité te qualifie comme une personne calme, de la même manière que moi, n'est-ce pas ? Mais l'émotion qui transparaît dans tes mots... c'est une forme de détermination. C'est la rage d'un homme qui veut aller plus loin... je crois. "
Je lui répondis avec un grognement neutre.
" Tu.. désire... " il avait rouvert les yeux, examinant de nouveau le fil de sa lame " Ton regard hargneux trahit le dégoût de ta propre apparence, il trahit ce manque dont tu souffres. "
Mon humeur dût descendre d'un cran. Il était parfaitement vrai que ma petite taille, accouplé à mon tour de taille et à la couleur blonde de mes cheveux ne me donnait guère fière allure. John n'était pas le genre de personne à vouloir faire des remarques désobligeantes, mais il était un homme qui poussait parfois la franchise à son paroxysme.
" Tu n'es pas un digne pilote de Grapearl "
Je levais un sourcil, plus surpris que vexé par une telle remarque, cela était inattendu.
" Protéger " articula-t-il, " ceci a toujours été la fin derrière l'existence de l'escadron Grapearl, mais l'on en dit aussi que c'est ce qui est sensé animer le coeur d'un guerrier. "
Il n'avait toujours pas levé les yeux de son sabre. Si j'avais été sourd, je n'aurais pas cru un seul instant qu'il était en train de penser à autre chose que son arme.
" Il y a quelque chose que tu veux obtenir, que tu désires plus que tout, une chose comme... une réponse... une réponse à... "
Je me jetais sur lui, lame levé. Ses yeux firent de même, regard placide croisant ma haine, et les fers se cognèrent. Se courbant en arrière comme s'il allait tomber, les lames glissant l'un sur l'autre dans un son crissant, d'un seul mouvement ses deux pieds me frappèrent à la poitrine, me projetant en arrière. Au moment où je reprenais mon équilibre, lui s'était déjà levé et se jeta droit en avant vers moi, dans un sursaut de brusquerie bien rare chez lui. Je vis au dernier moment le mouvement de sa lame visant mes jambes et parait en catastrophe.
" Pas mal, Kenny.. cette attaque par surprise. Mais je t'ai vu arrivé bien trop tôt. "
Désarçonnant les deux lames jusque-là en contact, il attaqua de nouveau, avec une hargne m'obligeant à enchaîner parades et esquives, sans possibilité de riposte. Une telle attitude offensive était très inhabituelle chez John et je fus rapidement à bout du souffle, n'ayant pas pu récupérer totalement de cette pause que j'avais moi-même interrompu.
" Hé bien, Kenny ? Tu ne tiens pas le coup ? ... Tu es sur un champ de bataille Kenny ! Tu vas mourir ! "
Perçant ma garde, sa lame rata de peu ma gorge pour érafler le bas de ma joue. Par réaction instinctive, la douleur me cria soudain de plaquer la blessure avec ma main, mais j'y résistais et gardait serré entre mes doigts le manche de mon sabre. Mais l'unique seconde que me prit ce infime combat mental ne me permit pas de voir le lourd et brutalement surprenant coup de pied de John que me frappa à l'exact endroit où il m'avait blessé. Je perdis toute notion de la réalité à ce moment-là, ma mâchoire hurla de douleur dans mon crâne.
" ALLEZ !! "
Sa voix me ramena à cette réalité, à ce corps gisant sur un tatami tâché de sens. Cette douleur sourde cognant dans ma tête. Serrant les dents, j'empoignais mon arme et me relevais.
" Oui, vas-y ! Montre-moi cette rage que tu sais si bien canalisé ! Montre-moi que tu peux faire mieux encore avec ! "
Je ne me rappelle plus très bien l'instant qui a suivi. Un fragment blanc, taché du rouge de la haine et du noir de la douleur. A la fin, je n'étais qu'assis sur l'un des bancs, en sueur, ma tenue d'entraînement couverte de sang, un John accroupi face à moi, appliquant un morceau de coton imbibé d'alcool sur sa blessure avant de la bander.
" Pas mal, pas mal " répéta-t-il plusieurs fois en murmurant, " il faudra quand même tu ailles voir un vrai médecin au cas où. Désolé pour ça " ajouta-t-il finalement.
C'était il y a plusieurs semaines, et ma mâchoire ne me faisait plus mal depuis longtemps, la blessure disparue. Aujourd'hui, nous étions simplement assis l'un en face de l'autre au restaurant, avec tous nos camarades, dévorant avec animation nos steaks de porci-taupes. L'heure n'était pas à se remémorer ce genre de choses. La conversation allait de bon train, sautant rapidement d'un sujet à un autre. On en vint à un moment au classique débat sur les noms de famille.
Dans les années qui ont suivi la chute de Teppelin, il est rapidement devenu de tradition de faire suivre le nom des gens de celui de leur village natal. Enfin, c'est ce qu'on m'a dit, je n'y étais pas. Durant la modernisation de Kamina City, cette tradition est devenu une mesure administrative qui a fortement aidé la répertoration de l'ensemble des habitants. Pour autant, les demandes de changements ont rapidement été autorisés, procédure au départ peu utilisé. Mais durant les années qui ont suivis la défaite des Anti-Spirales, une mode consistant à faire changer son nom de famille pour " Kamina " s'est répandue comme une traînée de poudre chez les jeunes de la ville, ceux-ci voulant arborer fièrement le nom de la ville qui les a vu naître, ainsi que celui du héros qui a ouvert l'avenir, et non plus ceux des anciens villages de leur parents. Cette attitude se serait même étendue à toute la planète, et plus loin encore, dit-on. Et encore aujourd'hui, il y a nombre de débats sur le bien fondé de ce mouvement, et si il ne constitue pas un manque de respect envers la mémoire de ce héros, sans parler des problèmes administratifs que cela pose pour cette fameuse répertoration de la population.
Moi-même ai choisi de porter ce nom.
Mais pourquoi donc cela ?
Je ne sais pas.
Peut-être ai-je pensé que cela me rapprocherait de mon père, qui a eu l'occasion de connaître cet homme ?
Peut-être est-ce parce que que je crois en le fait que être né au centre de l'univers n'est pas une coïncidence ?
Peut-être était-ce pour essayer de me rapprocher un peu plus des autres, de mes camarades, moi que l'on qualifie de distant ?
Ou alors suis-je assez bête pour suivre les effets de mode ?
Ash Redli et Ariane Kamina ont déjà pris en main chaque parti du débat, commençant une de leur éternelle dispute, le sujet de la discussion n'est qu'un prétexte. Certaines personnes, tel que Ash, adopte un autre train d'attitude vis-à-vis de leur nom de famille. Au diable leur village natal, ou celui de leurs parents, au diable cette mode insipide, leur nom, ils le choisissent eux-même.
" Je suis qui j'ai décidé d'être ! " s'exclamait Ash, sûr de lui, " je ne suis pas l'un des pierres du village de mes darons, ni une brique attaché pour toujours à cette ville. Vous les Kaminiens, vous ne regardez pas vers l'avenir, vous vous croyez mieux que vos ancêtres à arborer le nom de la capitale de l'univers, vous vous croyez important parce que vous êtes né au centre de la spirale, mais l'avenir est ailleurs ! C'est tout ce qui nous entoure qui est important ! "
A ce discours passionné, Ariane lui répliqua avec calme mais assurance que le nom " Kamina " n'était pas seulement représentatif de leur origine mais surtout de l'esprit animant la jeune génération, ce désir (justement) d'expansion et de développement, cette volonté d'aller plus loin, de faire quelque chose de plus. Et puis, avant de s'attarder sur la périphérie, il fallait s'assurer que le centre pouvait la soutenir correctement, rajouta-t-elle.
Un débat interminable, qui continua même alors que les deux principaux intervenants étaient trop soûls pour formuler des arguments cohérents.
Nous nous amusâmes bien ce soir-là.
...La Bataille de Cispron
Première Partie
Ce jour-là, de nombreux Grapearls stationnaient dans le ciel de Cispron. Des cieux qui semblaient annoncer la venue d'un temps plus nuageux dans l'après-midi.
Volant à basse altitude au-dessus du bâtiment de la conférence, Kenny et Burloc étaient assignés à la protection rapproché du lieu. La totalité des ambassadeurs étaient maintenant arrivés, la plupart des Grapearls chargés de la protection de la route avaient soit rejoint la capitale, soit l'escouade Adai stationné dans les hauteurs de l'atmosphère.
Si un grand nombre d'unités étaient placés là-haut, ainsi que Gurren Lagann, s'étaient dans le but de pouvoir rapidement redéployer ces troupes soit dans l'espace avec le Daï-Gurren Hypergalactique, soit vers le lieu de la conférence et pouvoir ainsi prévenir les attaques de toutes origines.
Kenny aurait aimé être là-bas. A l'annonce de la promotion de leur unité, il avait espéré avoir l'occasion de combattre aux côtés de Gurren Lagann. Mais pour l'heure, il était relégué ici, avec Burloc, et sans l'ombre d'un combat ou une escarmouche à l'horizon. Bien sûr, ne se voulant pas être égoïste, il ne souhaitait pas une telle chose. Tout serait pour le mieux si l'escadron Grapearl n'avait pas à faire quoi que ce soit. Mais Kenny était un guerrier, et en cela il désirait le combat.
Patrouiller sans fin au-dessus d'une étendue verte n'étant guère passionnant, il tourna son engin de manière à regarder vers Burloc. Kenny ne pouvait le voir lui-même sans ouvrir le relais de communication, mais à la manière dont il maniait son unité, il paraissait serein. Burloc était un grand type roux spécialisé à l'inverse de Kenny dans les armes de poing. Il n'y avait pas d'animosité entre les deux hommes, mais pour une raison qui était inexplicable à Kenny lui-même, il ne se sentait pas d'en faire son ami. Il sursauta lorsqu'un bip résonna à son oreille et que le visage de son camarade apparut sur la visière droite de son cockpit.
" Hé, c'est seulement moi ou est-ce que ta radio cloche aussi ? "
Le relais de communication était en général seulement utilisé pour les communications de courtes distances entre pilotes de la même escouade, la radio, qui ne fournissait pas de visuel, était utilisait pour les transmissions plus générales. Kenny monta le volume de celle-ci. Rien, à part un grésillement désagréable qui n'aurait pas dû être là. Kenny brancha son micro sur la fréquence générale.
" Ici Kenny de l'escouade 04, notre radio produit un grésillement inhabituel, est-ce que tout fonctionne bien de votre coté ? A vous. "
Une dizaine de secondes passa, sans la moindre réponse. La respiration de Kenny s'accéléra. Une malfonction de la radio était une chose inimaginable depuis bien des années, la communication ne pouvait être que délibérément brouillé. Mais la technologie terrienne était la plus développé du l'univers, qui pouvait avoir les moyens de couper les signaux de leur radio ? En seulement l'espace des quelques secondes qu'il fallait pour Kenny a enchaîner ses conclusions, la situation avait atteint le plus haut niveau de gravité.
Non seulement l'ennemi était là, mais il avait un niveau technologique rivalisant avec celui de la Terre, le noyau de l'univers.
" Burloc ! "
Ce fut à son tour de sursauter. Il était en train d'écouter avec attention le grésillement.
" Ces bruits, on dirait des... "
" On s'en branle ! L'ennemi... "
Et ce fut à lui d'être coupé, par un éclat venu du ciel. Levant les yeux, il remarqua que les multiples points noirs sur le fond gris nuageux, les unités stationnaient là-haut, s'agitant et se rassemblant tous dans une même direction, dans un tonnerre de coups de feu. Sans que les deux hommes aient besoin de se dire quoi que ce soit, Burloc alla rapidement prévenir les autres pilotes en repos au hangar du bâtiment de la conférence, tandis que Kenny fit rugir le moteur de son engin et se propulsa vers les cieux à pleine vitesse. Burloc le rattraperait, avec deux ou trois unités de renforts s'il en restait suffisamment pour s'occuper de la protection rapproché des lieux.
Mais à leur rencontre vint un bruit strident, un son que Kenny reconnut immédiatement, celui produit par un missile en vol, et de bonne taille s'il en croyait l'ampleur du bruit.
Il le vit, point blanc pourchassait par unités de couleur sombres. Mais Kenny s'étonna alors, pourquoi n'avaient pas encore réussi à stopper un unique missile ? La réponse lui apparu alors qu'il posa les yeux sur son radar : le missile ne se contentait pas d'avancer en ligne droite, sa position fluctuait sans cesse et après quelques secondes d'observation, Kenny comprit, bien que cela lui sembla alors inimaginable : le missile effectuait de minuscules sauts dans l'espace-temps à un rythme rapide mais irrégulier, modifiant sans cesse ses coordonnés, bien que se dirigeant toujours vers le même objectif évident : le bâtiment de la conférence. Kenny était pile en face du projectile qui, s'il en croyait les estimations de son radar, faisait trois la taille de son Grapearl. Seule personne bien placé pour l'intercepter, il dégaina l'épée de son mecha. Il avait déjà coupé en deux des engins beaucoup plus effrayants, la difficulté allait résider dans l'anticipation des déplacements spatiaux-temporels du missile. Mais Kenny avait confiance en lui-même, tout allait être question de vitesse. Déjà collé à son siège par la pression, il augmenta encore la poussée de son réacteur, dépassant sa capacité maximale recommandé. Il avait plusieurs minutes devant lui avant que celui ne surchauffe et il lui fallait le maximum de vitesse possible. Le missile se mit à grossir à vue d'oeil, seulement quelques secondes avant qu'ils ne se croisent. L'engin de mort disparut, mais Kenny avait déjà comprit la trajectoire de ses sauts et le missile réapparut tout juste devant la lame tendue de Kenny
" J'te tiens !! "
Mais un flash de lumière coloré s'empourpra soudain autour du missile qui redisparut immédiatement. " Il m'a esquivé ! ", à peine avait-il pensé cela que Kenny se reprit et fit tout de suite demi-tour, repartant à la poursuite du missile. Avec la gravité désormais de son côté, sa vitesse décupla encore. " Je peux le rattraper ! ". A l'instant où le bâton de mort s'était trouvé à seulement quelques mètres de Kenny, il l'avait vu, cet oeil rouge, placé à l'avant de l'engin. Quelque soit l'intelligence artificielle dont on était doté la machine, cette lentille rougeoyante ne pourrait pas détecter une attaque venue de derrière. " Je vais l'avoir cette saloperie ! " Il ne lâcha pas l'accélération alors même que le moteur commença à prendre feu. Ignorant le problème, il crispa les dents. Il avait le temps, il en était certain, il avait le temps d'atteindre le missile avant de se transformer en boule de feu. Il leva à nouveau son arme, la cible n'était plus qu'à une dizaine de mètres. " Je te vois ! ". L'engin sauta dans le continuum, et réapparut juste sous la lame de Kenny. Hurlant, il transperça le blindage et planta l'arme dans le missile. Quelque chose explosa, mais cela ne fut pas le missile. Kenny n'utilisa pas la seconde qui lui aurait été nécessaire pour vérifier que c'était bien son moteur qui avait lâché. Il savait que c'était le cas.
" Tu l'emporteras pas en enfer, connard ! "
C'est à ce moment-là, dans la pire des situations, que Kenny se sentit soudain comme s'il avait tous les moyens possibles et inimaginables à sa disposition. Quelque chose de plus fort encore que de l'adrénaline s'était mit à couler dans ses veines. Toute forme de peur avait disparu. Chaque seconde était à la fois comme une éternité figé et un instant infime.
Il voyait. A travers le tissu de son uniforme, à travers sa peau et sa chair, il vit son propre squelette rayonnant comme s'il avait été fait d'émeraude.
Il hurla. Et quelque chose s'extirpa de lui-même, se propageant à son mecha. Instantanément il sut que son moteur refonctionnait, et mieux que jamais. Il leva la main gauche du mecha et une vrille s'en extirpa dans un éclat verdâtre. La pression envoya valser l'épée, mais Kenny avait déjà planté sa vrille dans le blindage. Sans attendre, il en invoqua d'autres de la main droite et des genoux et s'élança dans un alpiniste vers l'avant du missile. Le ciel de Kenny n'était déjà plus qu'une immense étendue verte qu'il s'apprêtait à percuter. Arrivé à la tête de l'engin, il s'y agrippa avec ses vrilles, faisant éclater au passage la lentille rouge dans un fracas similaire à un cri, et se plaçant ventre contre tête, il poussa à nouveau son réacteur dorsale à pleine puissance.
" Ta route s'arrête là !! "
Ne différenciant même plus son propre corps de son Grapearl, Kenny ressentit toute la pression de la vitesse du missile dans le creux de son ventre. Un poids immense, comme si toute l'étendue d'un monde cherchait à l'écraser. Mais il résista, ses sensations se fussent-elles changer en un chaos d'éclairs noirs et blancs, il résista avec toute l'énergie qui coulait dans son corps de chair et de ferrailles. C'est une véritable douleur qui lui brisa la main lorsque la paume de son mecha vola en pièce. Son hurlement fut une décharge qui se répercuta dans le corps d'énergie, il ne se relâcha, il continua à tendre ses muscles jusqu'à la déchirure. Dans ce torrent qu'était devenu pour ces quelques secondes son monde, le front collé à la visière de son cockpit, tout le corps en feu, il ne relâcha jamais les commandes. Mais en un instant l'univers devint blanc et dans la disparition de toute chose se fit entendre une faible voix, à peine un souffle : " je ne suis pas aussi fort que Père ". A ce blanc fugitif succéda un microcosme d'existence temporel, le plus infime des instants de la vie de Kenny, ce fragment de seconde où son dos percuta le miroir de l'au-delà et que son corps fut broyé dans les souterrains de l'enfer.
A suivre...