Histoires d'Avant la Fournaise
Je m’appelle Emma Indoril. J’ai une trentaine d’années, je crois.
Je n’ai jamais aimé les villes. Ni la foule. Je préfère la solitude et les grands espaces.
J’ai toujours vécu comme ça.
J’ai dû naître à Ascalon, je crois. J’ai peu connu mes parents. Nous avons été séparés alors que je n’étais qu’une enfant.
J’ai une sœur, je crois. Anna. Anna Indoril. Mais je ne suis pas sure.
Elle est peut-être morte. Comme mes parents. Allez savoir.
Très jeune, j’ai dû me débrouiller seule. J’ai vécu en marge des autres hommes, en vivant sur les ressources naturelles, chasse, pêche, cueillette.
Parfois, je me mélange aux autres, le temps d’acheter ou de voler ce qui est indispensable, et que je ne peux pas trouver dans la nature.
J’ai toujours observé les hommes, les nains et les autres créatures, de loin. Je n’aime pas me mêler de leurs affaires de guerre ou autres.
Un jour, je suis tombé sur un vieux bonhomme à moitié fou, un ermite.
Il vivait un peu comme moi, en recyclant ce que les autres ne veulent pas.
C’est lui qui m’a appris à me servir d’une épée. Le reste, j’ai appris tout seul. Un arc est bien pratique pour chasser, et une hache est utile pour fendre du bois mort, ou la tête d’un qui vous veut du mal.
Puis le bonhomme est mort. Je l’ai enterré sommairement. Je crois que c’est ce qu’on fait dans ces cas-là.
En fouillant dans ses maigres possessions, je suis tombé sur son journal.
J’avais appris à lire au cours d’un séjour dans un temple, où je m’étais rendue pour me faire soigner. Les moines étaient gentils, ils m’ont donné à manger, et m’ont rien demandé en échange. Sauf leur grand chanoine, qui voulait me mettre dans son lit.
Alors je l’ai tué.
Dans son journal, le vieux racontait sa vie. En fait il était pas ermite. Il était déserteur. Il avait foutu le camp de son régiment au cours d’une bataille.
Je suis allée voir le commandant de ce régiment, et je lui ai dit que je voulais m’engager comme soldat.
Il a rigolé. Alors je lui ai cassé la gueule. Et il a bien voulu de moi comme soldat.
Soldat, c’est la belle vie. Vous avez toujours à manger. Bien sûr, il faut se battre, mais c’est pas un problème.
J’ai eu quelques bonnes années comme ça. À la fin on m’avait confié la responsabilité de quelques hommes. Il fallait surveiller les frontières.
C’était bien.
Et puis j’en ai eu assez. J’ai été revoir mon commandant, et je lui ai dit que je voulais m’en aller. On s’est disputé. Il m’a traité de déserteur.
Alors je l’ai tué.
Ça c’était une connerie, mais bon…
Après, j’ai dû m’enfuir, en emportant que ce que je pouvais porter.
Je me suis cachée dans les collines, jouant avec les patrouilles et les Grawls pour ne pas me faire prendre.
Au cours de cette année-là, j’ai dû tuer plus d’une douzaine de Grawls et quelques soldats.
Petit à petit, je revenais à ma vie d’avant.
J’ai erré comme ça quelques années, en volant ce qui m’était nécessaire, et en détroussant des voyageurs isolés.
Un jour, je suis tombé sur un de ces grands chats, qui vivent en Ascalon.
C’était un jeune, à peine sevré. Alors je l’ai adopté, et je crois que lui aussi il m’a adopté. Ensemble on est une famille. Il me prévient des embûches. Et je lui donne à manger.
On chasse ensemble, on se bat ensemble, et chacun veille sur l’autre.
Même si j’aime pas trop qu’il soit dans mes pattes, j’aime bien Satan.
C’est ma famille.
Ensemble on a continué à vivre sur le pays, à détrousser des voyageurs, casser la gueule aux bandits, aux Grawls et aux soldats.
Et puis le Ciel nous est tombé dessus.
Je sais pas ce qu’il s’est passé, mais du feu est tombé du ciel et a ravagé la terre. Tout ce qui vivait à la surface a été brûlé, réduit en cendre.
Les arbres, les fleurs et tout le reste, disparus. Plus que du sable.
Et les Charrs.
J’ai survécu à La Fournaise comme ils disent, parce que quand ça s’est passé, j’étais dans une grotte, en train de chercher des Oeufs de dévoreurs.
Je suis resté à l’abri tout le temps de la pluie de feu, et après, pendant l’incendie.
J’aurais bien filé, mais Satan me disait d’attendre, et de rester à l’abri.
Alors c’est ce que j’ai fait.
J’ai jamais autant mangé d’œufs de dévoreurs que pendant cette période-là !
Puis il a fallu sortir, et se retrouver nez à nez avec les Charrs…
J’en avais entendu parler, mais je les avais jamais vus. Ces trucs, là, ils veulent tout tuer, tout brûler. Et pas pour mettre quelque chose à la place, ou pour régler un compte ou quoi.
Juste pour tuer et brûler.
Alors je me suis battue contre les Charrs, j’en ai tué mon compte et même plus. Et puis, avec l’aide de soldats complètement perdus (leur chef venait de se prendre une étoile filante en pleine vitrine !), j’ai rassemblé des survivants et ce qui restait de leurs familles, et on est parti à marche forcée vers ce qui reste des défenses d’Ascalon, avec les Charrs aux fesses.
Ça m’a pris un peu de temps pour les distancer et les égarer, et on eut pas mal de morts, mais on y est arrivé.
À Ascalon, ils ont été contents de voir des survivants, mais après, il a bien fallu faire des choses, vu qu’on n’avait pas assez à manger pour tous.
Le Roi voulait rester, tenir face aux Charrs et tout reconstruire, mais son fils était pas d’accord, et il disait qu’il fallait abandonner le terrain et partir loin.
Là j’étais d’accord avec lui.
Du coup, il voulait me confier une colonne de réfugié et des soldats, pour les mener ailleurs, En Kryte ou un nom comme ça.
Là j’étais moins d’accord !
Mais d’un autre côté ça m’emmerdait de laisser ces gens dans la panade, Et Satan était pas d’accord pour les abandonner.
Alors j’ai fait l’éclaireur. Comme je connaissais bien les Collines et les Cimefroides, j’ai décidé de les amener au moins jusqu’à la Descente du Yak, et après de les laisser se démerder.
Mais voilà que là-bas, je me suis fait aborder par une certaine Amya-Shan.
Avec des amis, elle avait monté une « guilde », et elle voulait sauver le monde.
Elle m’a parlé d’une prophétie et de « Dieux ».
J’ai pas bien compris sur le coup ou elle voulait en venir. Quand j’ai compris, c’était trop tard, je faisais partie de la « guilde ».
Je me suis fait avoir sur ce coup…
M’est avis que ces cons-là filent tout droit au massacre. C’était bien la peine de se barrer d’Ascalon…
En même temps, j’ai rien de mieux à faire ces temps-ci… je peux toujours leur filer un coup de main. Je ne sais pas si on rencontrera leurs « Dieux », mais ça vaux peut-être le coup d’essayer....