Le Temps de la Nuit
Les policiers de la ville toute entière étaient sur les traces de Jérôme. Ce qui ne le dérangeait absolument pas. Bien au contraire, lorsque Galavan apprit au rouquin qu'ils devaient aller tuer son père, le vieux Cicéro, celui-ci fut plus qu'enjoué. En effet, Théo Galavan voulait faire accuser le vieil homme aveugle de l'évasion de ses monstres. Il fournit à Jérôme différentes preuves, dont des plans d'Arkham ou des lettres écrites en brailles, qui permettraient de faire accuser le soi-disant médium.
Tabitha et Jérôme étaient chargés de la mission, pendant que Barbara et Annie resteraient à l'appartement. Jérôme avait été si pressé, qu'il était sortit de l'appartement avant de prendre son petit-déjeuner, sans croiser Annie. La jeune femme resta au lit un long moment. Elle entendait très légèrement les voix de Galavan et de Barbara qui semblaient échanger une conversation sérieuse. Jérôme et Tabitha étaient vraisemblablement partis. Annie serra la mâchoire. Jérôme avait le droit à sa vengeance. Elle le jalousait. Lui, allait tuer son père. Elle ne savait ce qu'il lui avait fait, et elle s'en fichait éperdument, mais elle savait ce que son propre père lui avait fait. Et elle aussi voulait avoir le dessus pour une fois, lui faire cracher son âme et lui arracher son dernier souffle de ses propres mains. C'est dans ses pensées noires qu'elle resta allongée sur le matelas, sans sentir le monde autour d'elle, ignorant les bruits lointains de la ville. On entra dans la chambre.
- Bonjour, chantonna presque Barbara en voyant Annie.
- Une bonne nouvelle ? Demanda cette dernière en s'asseyant en tailleur sur son lit.
Barbara frétilla un cours instant, et s'assit lourdement sur le lit pour rejoindre Annie.
- La destruction prochaine de Jim Gordon, sourit-elle en ouvrant grand ses yeux bleus.
Encore une qui avait le droit à sa vengeance. Elle la regarda avec un discret contentement.
- Tu viens ce soir ? Voulu savoir Barbara en calmant son excitation enfantine.
Annie fronça les sourcils, interrogative.
- Le bal de charité ! S'exclama Barbara. C'est le grand soir à Jérôme, blah, blah, blah. Il veut devenir la star de Gotham. Je serai son assistante, on va faire un numéro de magie ! S'extasia-
t-elle comme une enfant.
- Oh, je ne dois pas être invitée, dit Annie avec négligence.
Barbara la regarda avec malice. Elle attrapa sa langue entre ses dents et se rapprocha d'elle.
- Allez, dis moi ce qu'il s'est passé.
Annie détourna le regard.
- Oh, ne fait pas celle qui ne veut pas me dire ! Je sais bien que Jérôme n'est pas le gars le plus sympa, ou même le plus raisonné qui soit, mais ça ne doit pas être si terrible !
- Il n'y a rien entre ce taré et moi, répondit Annie avec arrogance.
- Ouuuuh... quelle froideur, tu fais vraiment peur, ironisa Barbara.
Barbara lui rangea une mèche derrière l'oreille.
- Tu promets de ne pas en parler ? demanda Annie.
- Je suis pas du genre à faire des promesses.
Annie soupira.
- Hier soir, Jérôme m'a rejoint dans la salle à manger, et il a, enfin, comment dire...
- Vous avez fait l'amour ? Demanda Barbara de but en blanc, la curiosité faisant remuer ses pupilles.
- Non ! Se défendit Annie.
- Dommage, j'étais curieuse de savoir ce que ça fait de coucher avec un psychopathe complètement taré. J'imagine que ça doit pas changer grand chose, finalement ! Rigola-t-elle avec distinction.
- Je suis juste partie, termina Annie.
- Hé, il faut te décoincer ! Dit Barbara en lui remuant l'épaule. Tu vas bien devoir te confronter à un garçon au moins une fois dans ta vie. Ou a une fille, comme tu veux. Un peu comme Tabitha et moi, dit-elle comme si elle avait attendu tout ce temps pour parler de son couple. Et puis faire l'amour ça n'a rien de mauvais...
- Je veux pas connaître tes expériences personnelles, la coupa Annie en se sentant gênée.
- Bon, très bien, mademoiselle la coincée.
Elle se leva du lit, le secouant légèrement.
- Tiens moi au courant, en tout cas, ajouta-t-elle en lui offrant un clin d'œil avant de sortir de la pièce.
Annie ramena ses jambes vers elle, et passa ses mains sur son visage, essayant d'effacer les souvenirs de cette conversation. La seule chose que désirait Annie était la vengeance. Ainsi, elle se leva du lit, sans prendre la peine de se changer, et alla retrouver celui qui tirait les ficelles de toute cette organisation. Il était assis à la table, buvant tranquillement un café dans une élégante tasse.
- Bonjour, Annie, dit-il avec galanterie. Bien dormi ?
La jeune femme tiqua.
- Oui, à peu près, répondit-elle rapidement. Je suis venue vous demander quelque chose.
- Une requête ?
- En quelque sorte. Jérôme est parti tuer son père, avec votre protection, je viens d'apprendre que Barbara va pouvoir prendre sa revanche sur Jim Gordon.
- Et ?
- Je veux pouvoir aller tuer mon père, moi aussi.
- Quel comportement enfantin, soupira Galavan.
- C'est la seule chose que je désire réellement, continua-t-elle, et je veux pouvoir lui faire payer pour le mal qu'il a fait. Vous avez regroupé des tueurs, des criminels, et vous savez pertinemment à quoi ils aspirent. À quoi j'aspire. Je sais aussi pourquoi vous faites tout ça.
- Oh vraiment ? Dit Galavan étonné. Je doute sincèrement que tu saches à quoi j'aspire aussi.
Elle posa ses paumes sur la table et se pencha en avant.
- Je crois en tout cas l'avoir deviné, répondit-elle sans perdre son assurance. Le cœur des hommes est noirci par la haine. Et vous avez une haine incontrôlable pour cette ville. Vous voulez lui faire payer, mais je doute que vous vouliez la détruire dans sa totalité. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, et je m'en contre fou, mais je veux avoir ma chance aussi.
Galavan posa sa tasse de café sur la table, effaça l'invisible trace que le liquide avait laissé sur les coins de sa bouche à l’aide d’un mouchoir parfaitement blanc.
- Tu es très perspicace Annie. D'habitude, c'est le genre de choses qui ont tendance à m'exaspérer. Mais je ne peux pas t'en vouloir de réfléchir. Et puis, si tu fais quelque chose de stupide, ce n'est pas vraiment toi que je devrai punir, mais Jérôme. Je t'accorde cette faveur. Il n'y a pas de raison spéciale pour cela, peut-être simplement de la… bienveillance. Fais-toi accompagner, par qui tu veux. Je doute néanmoins que quelqu'un veuille te suivre dans tes lubies gamines.
Elle sourit discrètement, satisfaite.
- Je trouverai.
Elle se détourna, bombée d'un sentiment d'invincibilité. Au passage, elle attrapa un toast recouvert de confiture qui traînait sur un service à roulette.
* * *
- Nous revoilà ! S'exclama Jérôme en entrant dans l'appartement luxueux.
- Vous avez été rapides, complimenta Galavan.
- On a rencontré deux flics, expliqua Tabitha sans laisser de temps à Jérôme. Gordon et un de ses amis...
- Vous ne les avez pas tués ? Demanda Galavan avec inquiétude.
- Bien sur que non, dit Tabitha. Ils en ont encore pour quelques temps de sommeil, on leur a mit la dose.
- Parfait, s'apaisa Galavan.
- Par contre le vieux mioche est non seulement aveugle, mais maintenant il est aussi sourd et muet, se réjouit Jérôme avec un petit rire.
- Je meurs de faim, dit Tabitha en s'approchant des toasts pour s'en saisir d'un.
- Vous l'avez bien mérité, approuva Galavan.
Le petit groupe resta un moment ensemble, partageant le petit-déjeuner. Lorsqu'ils se furent dispersés, Annie considéra Jérôme quelques instants, alors qu'il était dos à elle. Elle avait longuement réfléchis. Tabitha n'accepterait pas de l'accompagner chez elle. Il n'était pas question de compter sur Barbara. Malheureusement, Jérôme semblait la dernière personne à pouvoir accepter sa demande. Elle mit à l'écart tous les souvenirs de la veille. Elle avait besoin de lui.
- Je peux te demander un service ? Hésita-t-elle.
- Je déteste rendre service, répondit le jeune homme sans la regarder.
- Ça devrait te plaire.
- Tu sais Beauté, il y a peu de choses qui me plaisent.
- Je veux me venger de mon père.
- Te venger ?
- Le faire baigner dans son sang, si tu préfères.
Jérôme éclata de rire. Il se tourna subitement vers elle.
- Tu sais ce qu'il faut, pour tuer une personne de sa famille ? Demanda-t-il.
- Une arme sera suffisante.
- Un putain de cran. Ce que moi j'ai, naturellement, je suis Jérôme Valeska, le gamin qui a tué ses deux abrutis de parents.
- Oui, ou non ?
- Et Galavan ?
- Il est d'accord.
- Et pourquoi tu demandes ça à moi ?
- Tabitha et Barbara seront catégoriques. Toi, tu aimes t'amuser.
- Ce soir, c'est mon grand soir, tu le sais, Ann ? Si je rate ça, je me sentirai vraiment très triste, et qui sait de quoi je suis capable, dit-il avec un sourire malsain.
- C'est pas très loin, ne t'en fait pas pour ça.
- On part quand ?
- Quand tu es prêt, répondit Annie en le regardant avec complaisance.
* * *
En s'approchant de son ancien immeuble, Annie sentit son cœur se serrer. Se serrer d'impatience. Certes, un léger sentiment de peur était présent. Mais rien n'était plus exaltant que de savoir qu'elle revenait avec une force qu'il ne lui avait jamais connu.
- Il n'y a pas d'ascenseur ? se plaignit Jérôme.
- J'allais justement te demander de me porter sur tes épaules.
Il se contenta de la regarder avec dédain.
- J'habite seulement au troisième, rassura-t-elle.
- Plus maintenant, rectifia le jeune homme, tout sourire.
- Il devrait être ici, murmura-t-elle en montant les escaliers, sans écouter Jérôme.
Ils arrivèrent devant la porte de l'appartement. Elle s'arrêta, et prit une grande inspiration. Il était presque midi. Il devait être rentré pour prendre son déjeuner.
- Je t'avais dit qu'il fallait du cran, susurra-t-il avec mépris, bien trop proche de son oreille.
Elle plongea son regard décidé dans le sien.
- Je n'ai pas peur, répondit-elle en serrant les dents.
- Qu'est-ce que t'attends pour ouvrir la porte, alors ?
Elle posa sa main sur la poignée pour la tourner. La porte s'ouvrit. Son père était tellement soul qu'il ne devait pas fermer la porte à clef. Elle entra la première, suivie nonchalamment par Jérôme qui traînait à l'arrière en observant autour de lui. Elle entra dans la petite cuisine, en même temps que son père sortait du salon pour s'y rendre. En croisant sa fille, il s'immobilisa brusquement, n'étant pas certain de sa vision.
- Espèce de salope, dit-il, la voix embuée d'alcool.
Il se tourna vers elle et jeta la bouteille de bière qu'il tenait à la main à sa figure. Elle l'évita en fléchissant ses genoux. Son père se précipita sur elle. Annie s'empara immédiatement de son arme et la pointa sur son front. Il s'arrêta en croisant le regard changé de sa fille. Il comprit que la crainte n'était plus ce qui la faisait vivre. Il en fut déstabilisé, et recula de quelques pas. Elle remarqua les cicatrices qu'elle lui avait laissé sur les bras. Il avait survécu. Un sourire se dessina sur son visage, malgré elle.
- Je crois qu'on en est resté à peu près là, la dernière fois.
Jérôme apparut derrière elle. En le reconnaissant, les yeux du père d'Annie laissèrent parler leur anxiété.
- Bonjour, papa d'Annie, dit-il avec un étrange sourire.
Jérôme colla son visage à celui d'Annie, offrant à l'homme en face un spectacle terrifiant, celui de deux adolescents en quête du monde, élevé au meurtre et au son des armes. Élevés par des gens comme lui. Rendu insensibles par eux. Tant habitués à souffrir, que la douleur n'était devenue qu'une question d'endurance.
- Tu verras, dit Jérôme, il va te dire qu'il t'aimait, et qu'il faisait ça pour ton bien. J'ai presque eu le même discours ce matin, finit-il avec une profonde lassitude.
En entendant cela, son père s'efforça de parler, pour plaider son innocence.
- C'est vrai Ann, je... je suis désolé, désolé pour tout, ne fait pas ça... qu'est-ce que tu es devenue ? Laissa-t-il échapper.
Elle ne put s'empêcher de rire un long instant. Elle se calma, et s'approcha de lui.
- Qu'est-ce que moi, je suis devenue ?
Il ne dit rien.
- Mais regarde-moi ! Regarde ce que je suis !
Elle tourna une fois sur elle même.
- D'abord, tu remarqueras, j'ai des vêtements à ma taille, elle désigna sa veste en cuir, son pull, son jean. J'ai une nouvelle coupe de cheveux. Je prends une douche tous les jours. Je suis en train de terroriser la ville. Celui pour qui je travaille est immensément riche. Aucun alcoolique.
Annie approcha son visage de celui de son père pour lui souffler la suite.
- Et pour finir, je suis libre.
Elle termina en lui assénant un coup de poing auquel il ne s'attendait pas. Derrière, Jérôme fit une grimace qui exprimait la douleur.
- Ta mère est revenue, dit-il avant qu'elle ne le frappe à nouveau.
Elle se figea.
- Elle est venue te chercher, se moqua-t-il, il n'y a pas longtemps. Elle était avec un autre homme, elle l'a empêché de me tuer. Il avait un flingue lui aussi, et il était aussi sûr que toi. Tu ne vas pas me tuer, hein ? Que dirait ta mère ?
Annie hocha négligemment la tête, une expression de compassion affichée au visage.
- Il semblerait que je sois venue terminer son travail.
Il se rapprocha du sol, pitoyable, essayant de faire parler la pitié d'Annie. Jérôme fit semblant de bailler en posant sa main sur sa bouche.
- Dis toi que tu mérites la mort, fit-elle semblant de le rassurer.
Elle l'abattit totalement sur le sol d'un coup de pied, ramena l'arme vers ses yeux et lui logea plusieurs balles dans l’abdomen. Elle se sentit tout autant frustrée qu'avant. Frustrée mais vengée. Il n'avait pas fallut longtemps. Et elle avait l'impression d'avoir fait une chose mal, mais elle ne savait pas quoi. Après tout, cela n'avait plus d'importance. Ennuyé, Jérôme se rapprocha du cadavre.
- Bon, tu m'as fait rencontrer ton père, dit-il alors qu'un sourire fendait son visage enfantin, il ne me reste plus qu'à faire connaissance avec ta mère, et on aura fait le tour de la joyeuse famille !
- Je sais pas où est ma mère, répondit Annie qui ne semblait pas avoir entendu le ton sarcastique du jeune homme.
Elle regardait le corps inerte de son père sur le sol.
- Et puis de toute façon, elle n'y est pour rien. On devrait rentrer.
- Déjà ? Pourquoi ne pas profiter de l'appartement libre ?
- Il y a un cadavre dans la cuisine ! S'indigna-t-elle.
Jérôme expira longuement, tout en regardant Annie de ses yeux fixes et funestes.
- Tu sais Beauté, j'ai été patient avec toi, dit-il avec une voix lente et rauque qui marquait son impatience, perdant son sourire sadique. Je crois que t'as pas bien compris.
Elle détacha les yeux du cadavre au sol, et considéra Jérôme longuement.
- Tu ne m'aime pas, se justifia-t-elle sans perdre son aplomb.
Il fronça les sourcils en tiquant, faisant tourner sa tête comme un hibou, et paraissant réellement surpris.
- Non, et alors ? L'amour, c'est pas pour des gens comme toi et moi. On en a pas besoin, sourit Jérôme en s'approchant d'elle. Eux, ils sont amoureux, nous on est libre, tu l'as dit toi même.
Elle avait tendance à l'oublier. La liberté n'était pas si évidente que ça. Alors ainsi, ils étaient libres de ne pas s'aimer. Elle le craignait, ce garçon, tout comme elle le convoitait. Les meurtriers et les psychopathes ne sont pas fait pour aimer, de ce fait. Elle enjamba le corps de son père en évitant le sang qui s'étendait lentement sur le sol, rappelant à Jérôme le merveilleux jour où il avait assassiné sa mère.
Il fit joindre leurs lèvres, avec ardeur, les mouvants avec vivacité. Elle l'agrippa avec ses ongles. Ses lèvres avaient un léger goût de sang, auquel elle semblait s'habituer puisque cela ne la dérangea pas. Elles étaient amères et sucrées. Piquantes et douces. Elle se sentait frissonner. Jérôme entrouvrit sa bouche, pour jouer avec sa langue sur les dents d'Annie. Elle le laissa s'immiscer dans sa propre bouche, et leurs deux langues se rencontrèrent. Elles s'enserrèrent comme deux serpents fous. Annie se découvrit plus à l'aise qu'elle ne l'avait imaginé. Toutes ses craintes s'estompèrent, comme le brouillard tombe lors des matins d'hiver. Ils effacèrent l'espace qui tentait encore de les séparer. Ainsi enlacés, ils se déplacèrent dans l'appartement pour trouver le lit des parents d'Annie, cognant contre les murs et les meubles.
- Aïe, attends, souffla Annie en retirant la main de Jérôme qui lui tirait sur une mèche de cheveux.
Elle se laissa tomber sur le lit, et Jérôme s'empressa de retirer sa veste et sa chemise pour lui retomber dessus, ne lui laissant pas le temps d'appréhender son corps. Elle passa ses mains sur son torse nu, respirant le parfum de sa peau. Il s'assit sur elle et déboutonna le jean de la jeune femme pour le lui retirer. Il fit couler ses mains sur ses cuisses, rapidement. Elle entoura ses hanches de ses jambes. Elle se redressa et retira son pull. Leurs deux peaux se rencontrèrent enfin, après une attente incertaine, faisant frissonner leurs deux corps. Il passa sa langue sur sa peau, juste au dessus de la poitrine, gardant un goût métallique dans la bouche. Elle défit la boucle de sa ceinture, détacha le bouton, et fit glisser le pantalon qui tomba sur le sol. Elle se recula sur le lit, cherchant toujours la bouche du jeune homme, comme s'ils étaient tous deux affamés d'une chose dont ils ne pouvaient être repus. Il s'avança sur elle comme un fauve, et les deux amants se laissèrent l'un à l'autre, dans un élan passionné qui ne laissait le choix à aucun des deux, alors qu'ils laissaient leurs désirs les plus profonds se manifester sans retenue, comme s'ils n'étaient plus humains, comme s'ils étaient de simples animaux. Féroces, agressifs l'un envers l'autre. Se découvrant seulement de façon charnelle, oubliant leur humanité afin d'apprécier l'autre dans sa bestialité la plus véritable.
Jérôme et Annie ne s'aimaient pas. Ils s'adoraient dans la haine.
L'esprit d'Annie reprit toute sa conscience après un moment indéfini, sans qu'elle ne puisse d'abord ouvrir les yeux. Elle attrapa le drap qui traînait sur elle, et sentit un bras qui lui traversait la taille. Jérôme s'était assoupi lui aussi. Elle l'entendait respirer lentement, son visage collé à sa nuque. Elle en oublia presque son désordre mental. Se rappelant ce qu'ils étaient venus faire avant de se retrouver dans le lit, Annie se releva brusquement, maintenant le drap sur sa poitrine. Elle jeta un coup d'œil à l'horloge posée sur la table de nuit. Cela faisait presque deux heures qu'ils étaient là. Elle sauta presque du lit, et mit rapidement ses sous-vêtements.
- Jérôme, dit-elle en se penchant vers lui pour le secouer d'abord doucement puis avec vivacité.
Celui-ci souffla, encore endormi.
- Jérôme ! Il est bientôt deux heures de l'après-midi, réveille toi ! Les autres vont se douter de quelque chose.
- Tout le monde est déjà au courant, ronchonna-t-il en enfouissant sa tête dans le coussin pour l'ignorer.
Elle retira le drap pour l'empêcher de se rendormir, et fut surprise en le trouvant nu. Et pour la première fois, elle se sentait salie. Mais qu'avait-elle bien pu faire. Elle rabattit le drap sur le jeune homme et retourna vers ses vêtements pour enfiler son jean. Elle jeta celui de Jérôme à sa figure.
- Jérôme Valeska ! Dit-elle pour attirer son attention, avec plus de force dans la voix.
En recevant son jean sur la figure, celui-ci se redressa enfin, pour attraper son boxer qui traînait au bout du lit. En enfilant son pull, elle entendit tinter la boucle de sa ceinture. Son corps se figea alors qu'un souffle glacé lui passait dessus, quand elle se rappela lui avoir elle-même défait a boucle de ceinture. Elle dû faire un effort immense pour envoyer ses pensées au loin, et se reprendre.
- Tu peux me passer ma chemise, bébé, dit-il avec sarcasme.
- Ne m'appelle pas comme ça, dit-elle en lui lançant son vêtement.
- Chérie ? Chaton, peut-être ? Non, toi t'es pas un chaton. Toi t'es une louve, une véritable lionne...
- Ferma-là.
Jérôme ricana. Elle finit de mettre ses chaussures pour se lever. Elle récupéra son arme, posée sur la table de nuit. Elle la plaça sur sa ceinture.
- On y va, ordonna-t-elle, sans qu'elle ne voulut être si autoritaire.
- Ow, ow, ow... calma Jérôme. Sois pas si pressée, on va rentrer. Tiens, jette moi mes chaussures plutôt.
Elle s'exécuta. Il se mit dos à elle, pour se pencher sur ses pieds. Elle repensa à ce que lui avait dit Barbara, le matin même. « J'étais curieuse de savoir ce que ça fait de coucher avec un psychopathe complètement taré. » Elle était incapable de répondre. Mais en le regardant mettre ses chaussures, elle savait pourquoi. Elle observa ses épaules, sa nuque, son dos. Elle eut envie de se lever, et de se placer juste derrière lui, pour le prendre dans ses bras, et poser sa tête sur son dos. Mais, il se leva soudainement, les paupières de la jeune femme battirent plusieurs fois sur ses yeux, comme si elle se réveillait à nouveau. Il se dirigea vers elle sans la voir, et ramassa sa veste.
- Ça pue le mort ! S'exclama-t-il sans prévenir.
Il fit semblant de renifler, pour ensuite tordre son cou vers Annie en souriant.
- J'oubliais ! suis-je bête ?
- Arrête de faire l'idiot, s'empêcha-t-elle de rire.
Ils prirent le chemin de la porte, Annie jeta un dernier coup d'œil au cadavre dans la cuisine, vérifia s'ils n'avaient rien laissé d'évident. Soudainement, une inquiétude lui fit battre le cœur plus vite. Si la police trouvait le corps, ils inspecteraient l'appartement, et trouveraient sûrement des preuves dans le lit. Puis elle se souvint du massacre du GCPD, et le parricide de Jérôme, et le fait qu’ils étaient l’un et l’autre déjà recherchés. Un meurtre en plus, un meurtre en moins, quelle importance ? Elle se sentit stupide de s'être inquiété.
Les deux sortirent de l'appartement en rabattant leurs foulards sur leur nez, de sorte à n'être reconnu par personne. Ils prirent le chemin en sens inverse pour retrouver l'immeuble de Galavan.
Dans l'ascenseur qui menait jusqu'au dernier étage, Jérôme se rapprocha une dernière fois d'Annie.
- Pas ici, murmura-t-elle en faisant pression sur son torse.
Il ne l'écouta pas et l'embrassa vivement. Elle lui rendit son baiser, malgré elle. Du moins, malgré son appréhension de rencontrer quelqu'un dans l'ascenseur. Annie estimait qu'on ne faisait jamais rien malgré soi, et embrasser un garçon encore moins. Pas dans ce contexte là en tout cas. Elle goûtait une dernière fois à l'ardeur de ses lèvres rieuses, voulait tenir ce corps grand et robuste, sentir ce parfum spécial et piquant, singulier. L'ascenseur arrivait à la fin de sa progression lente lorsque les jeunes amants rendirent l'un à l'autre la possession totale de son corps. Elle sentit un léger goût métallique lui traverser la bouche. Elle passa un doigt à l'intérieur de sa lèvre, qui ressortit avec une toute petite goutte de sang.
- Je t'ai mordu, expliqua-t-il.
Elle ne répondit pas, et laissa le sang couler dans sa gorge, sans l'apprécier pour autant. C'était la seule chose qu'était capable d'offrir Jérôme.
Ils entrèrent dans l'appartement. Ils avaient raté le déjeuner.
- Vous voilà enfin ! Fit remarquer Galavan.
- On devrait faire des journées « Tuer des papas » plus souvent ! S'exclama Jérôme avec jovialité.
- Néanmoins, ça suffira pour aujourd'hui, encore un papa et tu arriverais en retard ce soir, avisa Galavan.
Barbara et Tabitha entrèrent dans la pièce, pendant qu'Annie prenait le chemin de la sortie.
- Vais me doucher, dit-elle négligemment.
- Qu'est-ce qu'elle a ? demanda Barbara en la désignant du pouce.
- Elle doit sûrement regretter quelque chose, dit Jérôme en attrapant une pomme.
- Elle est trop sentimentale, soupira Galavan en reprenant son journal.
Annie n'entendit pas la suite. Elle s'enquit dans la chambre, vérifia que personne ne la suivait et se mit à fouiller frénétiquement dans les affaires de Barbara en prenant soin de ne pas mettre trop de désordre.
- Pitié, pitié, pitié...
Enfin, elle mit la main sur ce qu'elle cherchait. Un soulagement l'envahit tout à coup. Elle remit les affaires en ordres, attrapa un nouveau t-shirt et s'enferma dans la salle de bain. Elle prit la pilule contraceptive entre ses mains et l'avala avec l'eau du robinet. Elle se laissa aller plus d'une demie heure dans la douche, passant et repassant ses mains sur son corps, jusqu'à ce qu'elle ne sente plus la trace qu'avait laissé Jérôme sur sa peau.
Elle se laissa tomber sur son lit. Barbara et Tabitha entrèrent, alors qu'elles semblaient plongées dans une discussion sérieuse concernant la coupe de cheveux de la première. Elle regarda en direction de leur lit, et s'arrêta immédiatement de parler. Annie la surprit, et regarda dans le même sens qu'elle. Elle n'avait pas remit le rouge à lèvre et le vernis à la bonne place. Elle fit mine de rien. Barbara se dirigea vers ses affaires.
- Qui a fouillé ? Demanda-t-elle.
Sans attendre de réponse, elle s'empressa de regarder dans son sac. Elle fronça les sourcils, et un sourire sournois apparut sur son visage.
- Dis donc, Annie, vous en avez mit du temps avec Jérôme, non ?
- Mon père n'était pas chez lui...
- Et tu as besoin de prendre des pilules du lendemain après avoir tué ton père ? La coupa-t-elle. Alors, finalement ça fait quoi ?
- Laisse tomber, dit Annie.
- On est entre filles, tu peux tout nous dire, dit Barbara en battant des cils pour paraître plus prévenante.
Tabitha ne disait rien. Elle n'avait que faire des histoires de gamins. Elle soupira et fit un coucou à Barbara pour sortir de la chambre. Barbara fixait Annie, pour la pousser à parler.
- Je ne dirai rien, t'inquiète, dit-elle doucement, se voulant rassurante.
Annie se leva du lit pour lui tourner le dos, afin de ne plus voir son visage.
- On l'a fait, murmura-t-elle comme si elle n'avait plus de souffle.
Barbara laissa un son aigu de sa bouche en tapant dans ses mains sans bruit.
- T'es contente ?
- Ne sois pas si agressive, dit Barbara avec supériorité.
- Tu peux me laisser, s'il te plaît ?
- Tu veux pas me raconter ?
- Je préfère pas, souffla-t-elle.
Barbara vit le visage défait de la jeune femme, et n'insista pas. Elle était une tueuse, mais elle gardait son instinct maternel malgré tout. Elle laissa Annie dans la chambre, et sortit sans un mot. Annie avait besoin d'être seule, de se retrouver pour mieux oublier. Et se souvenir plus tard, mais pas tout de suite. Elle remerciait les plans de Galavan, qui la laisseraient seule le soir même. Tabitha, Galavan, Barbara et Jérôme avait rendez-vous avec Gotham.
Nous y voilà ! Ce fut long et fastidieux de les mener jusque-là xD Bon, ce chapitre m'a franchement fait galérer, surtout pour la description de la scène qu'on peut qualifier d'érotique, je pense. Je voulais pas faire quelque chose de vulgaire ou je sais pas quoi, donc j'espère que ça plaira quand même ! Ce n'est pas mon but premier finalement, c'est bien joli les scènes de sexe, mais je suis surtout portée sur la relation entre Annie et Jérôme, et surtout sur la construction du personnage d'Annie. Voilà voilà n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé ! :3