Le Temps de la Nuit
Chapitre 6 : "Nothing more contagious than laughter"
4848 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 10/11/2016 09:08
Jérôme empoigna une énorme mèche de cheveux d'Annie et tira sa tête en arrière, pointant son arme sur elle.
- Quelle jolie petite gorge nous avons là... prête à être étouffée... ou prête à éclater de rire !
- Tire espèce de taré, répondit-elle difficilement, en essayant de se placer de sorte à moins sentir la pression douloureuse sur son crâne.
Jérôme rit à gorge déployée comme un fou rigolerait en voyant sa propre blessure.
- Elle n'a pas peur ! S'écria-t-il. Intéressant...
Il tira un peu plus ses cheveux en arrière et se colla à elle intimement, comme deux amants le feraient avant l'amour.
- De quoi as-tu peur alors, Beauté ? Des araignées ? Des souris, peut-être ?
Il approcha ses lèvres de sa peau chaude, et souffla dessus :
- Non, laisse moi deviner... tu as peur des hommes ?
- J'ai peur de rien, espèce de salop.
- Ah non, ne m'insulte pas ! C'est toujours pareil avec les filles ! Se plaignit-il en se détachant soudainement d'elle. On les bouge un peu, et elles nous insultent ! Mais qu'elles rient ou qu'elles pleurent, elles finissent toujours au même endroit, de leur plein gré ou de force. Tu sais où elles finissent, les filles ? Demanda-t-il à Annie.
Du sang coulant sur le coin de sa bouche, la poitrine tambourinante, les cheveux en bataille et les jambes tremblantes sous le poids de la peur, elle n'avait pas la force de répondre.
- Elles finissent à la morgue ! Dit-il en criant presque, dans un élan de folie et de rire qui ne semblait jamais le quitter. Mais je ne peux pas te tuer pour l'instant, tu sais, tu es la seule chose pour laquelle les flics dehors ne nous ont pas encore fait exploser.
Il se détourna et claqua son dos contre le mur en se laissant glisser sur le sol. Les mains entre les genoux, on aurait pu croire que c'était un enfant, s'il ne tenait pas l'arme, et qu'il n'avait pas eu ce rictus angoissant.
- Assieds-toi, dit-il.
Annie ne bougea pas. Il leva l'arme vers elle :
- Assieds-toi.
Elle ferma ses yeux furtivement et se laissa tomber sur le sol rugueux. Elle avait eu de la chance, durant tout son séjour dans la rue. Elle avait volé, s'était même battue, rien ne lui était arrivé. Elle pensa à Cat quelques secondes, et regarda discrètement autour d'elle pour essayer de dénicher son ombre, mais il n'y avait rien.
- Tu trouves pas ça bizarre la vie, toi ? Dit Jérôme en coupant le fil de ses pensées.
Elle ne répondit pas.
- La vie est bizarre. Il y a toi, y a moi. Toi, t'as rien demandé, et pourtant t'es là. Moi, je suis là, en train de te demander ce que tu penses de la vie, et tu ne peux pas y penser, parce que tu penses seulement à ta survie. Voire à ta mort. Je te fais peur, hein ? Apparemment, je suis un psychopathe ou un schizophrène, sans empathie. Mais ils ne sont pas trop surs. T'en pense quoi, toi ?
- Tu es peut-être les deux, osa-t-elle répondre.
Jérôme rigola maladivement, posa sa tête contre le mur et la tourna vers elle.
- T'as vraiment peur de rien, toi ! Tu me plais ! J'hésiterais presque à te tuer, dit-il en montant négligemment son arme vers elle.
Le silence se fit alors. Annie sentait son cœur palpiter dans sa poitrine, et l'adrénaline commençait à se dissiper. Les larmes étaient sur le point de s'écouler des yeux rougis de la jeune femme. Elle renifla une fois, sans pouvoir se retenir.
- Oh non, ne me dit pas que tu pleures ! Il se tourna vers elle et caressa son visage avec le bout du canon. Tout va bien se passer, tu verras !
- Comment ?! Toi et ta bande de psychopathes, vous m'avez littéralement enlevée !
- Calme toi, voyons ! Ce ne sont pas tous des psychopathes ! Tiens, prends Arnold, par exemple, lui c'est un violeur en série. Greenwood, lui, c'est un meurtrier et un cannibale.
- Mais pourquoi moi ?!
- T'étais la seule à traîner dans cette rue ! Fallait bien qu'on ait un otage ! C'est quoi ton p'tit nom ?
Il posa son visage sur ses mains et regarda la jeune fille avec des yeux enfantins, recouverts par un voile de folie qui les rendaient plus effrayant.
- Annie, répondit-elle à mi-voix. Mais tout le monde m'appelle Ann.
- Tu as une telle confiance en toi, Ann ! Ça me rend tout feu tout flamme, dit-il avec une ironie mal placée, en appuyant sur les sons f. Il rit aux éclats. Tu as compris, Annie ? Tout FEU tout FLAMME !
Il posa le pistolet tout du long sur sa propre joue, pour illustrer ses propos délirants, un sourire maladif agrippé à ses lèvres douces.
- J'avais compris ! Cria-t-elle à moitié, pour qu'il se taise.
- Tu veux pas savoir mon nom, à moi ?
Elle prit le temps d'avaler sa salive, de respirer, et demanda avec un grand effort :
- Comment tu t'appelles ?...
- Je me présente ! Dit-il en élevant la voix et en se levant d'un bond, faisant sursauter Annie. Je suis Jérôme le magicien ! Je peux faire apparaître des cartes, dit-il en en laçant une volée sur son otage. Je peux faire voler des oiseaux depuis l'intérieur de ma veste ! Et voler des banques aussi, à l'occasion. Disponible pour les fêtes d'anniversaires, les baptêmes, les diplômes, tous les jours, sauf le dimanche !
Il ricana machinalement, sûrement fier de sa prestation.
- Tu aimes le cirque ? demanda-t-il à Annie, la voix plus posée.
- Je n'y suis jamais allée.
- Quoi ! Mais tous les parents amènent leurs enfants au cirque, Ann !
Au nom de « Parents », Annie tressaillit involontairement, et ne pu réprimer un mouvement mécanique de sa tête. D'abord, elle voyait sa mère, dont elle avait évité le souvenir au maximum. Puis elle voyait son père. À vrai dire, elle l'imaginait plus qu'autre chose, puisqu'elle avait toujours fait en sorte à ne pas le voir. Jérôme du remarquer son malaise, car un sourire rouge et narquois se dessina lentement sur son visage lisse.
- Tes parents ne t'ont pas amenée au cirque, Ann ?
- Ne parle pas de mes parents, siffla-t-elle entre ses dents.
- Quelque chose ne va pas ? Fit-il semblant de s'inquiéter.
- Laisse-moi tranquille, dit-elle en tournant sa tête pour se cacher derrière ses cheveux. Elle n'avait plus rien à perdre, après tout.
Jérôme savait très bien ce qu'il faisait, et Annie savait ce que faisait Jérôme. Mais elle ne savait pas pourquoi. Il semblait pourtant vouloir insister, elle sentait son regard sur elle, un regard incroyablement perturbant, qu'on ne pouvait pas regarder bien longtemps. Sauf si la mort n'effraie pas.
- Eh bien, Beauté, tes parents ne t'ont pas amenée au cirque ?
- Je ne suis pas une « Beauté », cracha-t-elle.
- Ma mère, à moi, c'était une traînée, tu vois, une garce. Elle me battait, avec le quelconque conjoint qui partageait son lit. Une vraie pétasse. Je l'ai tuée, pour devenir un homme libre. Il y avait tellement de sang, que j'aurais pu repeindre les murs avec, et même le chapiteau. C'était un beau spectacle, tu aurais aimé.
La nausée monta à la gorge d'Annie.
- Comment peux-tu en être si sur ?
- Tu détestes tes parents, Beauté. Tu aurais aimé les punir, les envoyer au fond d'un trou.
Il s'approcha de son oreille, avec une sensualité qui abrite parfois les hommes les plus fous et qui se définit par une passion mordante qui tue tout ce qui s'y risque.
- Tu aurais voulu tuer tes parents, Beauté, tu le sais tout autant que moi.
- Tais-toi ! Tu n'a pas le droit ! Tais-toi !
Elle posa ses mains sur ses oreilles, et ferma les yeux.
- Tu veux savoir comment je le sais ? Insista-t-il.
Il lui attrapa son épaule pour la tourner vers lui, avec brutalité. Ses cheveux blonds frôlèrent son visage cadavérique.
- Tu as les mêmes yeux que moi. Ils sont fous d'un feu vengeur, qui consomme ton corps jusqu'aux recoins les plus intimes.
Annie retenait une force qui lui criait de se jeter sur Jérôme pour lui arracher la langue. Mais il avait raison.
- Alors maintenant, dis-moi Ann, tes parents t'ont-ils amenée au cirque ?
Il attrapa le dessous du visage aux yeux rougis et le ramena légèrement vers lui. Elle observa les traits de cet agresseur aux yeux sombres. Une mèche tombait négligemment sur son front court, pour lui chatouiller le dessus du sourcil. Ses cheveux roux étaient dressés sur sa tête. Annie ne pu s'empêcher de remarquer l'idéal de folie qu'il était. S'il jouait un rôle, il le jouait à la perfection. S'il n'en jouait pas un, il était parfait pour être l'incarnation de ce qui était communément appelé le « Mal ». Elle sentait son souffle s'étaler sur sa peau, ce qui était loin d'être agréable. Il avait une odeur étrange, presque appréciable, mais trop piquante.
- Jamais. Je ne suis jamais sortie de chez moi. Mon père était alcoolique, il me battait, moi et ma mère. J'étais enfermée dans une chambre, nourrie une fois par jour et je pissais dans une bassine. Une fois, il a essayé de me violer, j'ai attrapé un morceau de verre et je lui ai ouvert la peau. Il est sortit et il a oublié de fermer la porte à clef. Je suis sortie, ma mère n'était plus là. Je me suis enfuie. Tu vois Jérôme, des tarés, y en a partout, ajouta-t-elle, cinglante.
Jérôme sourit tranquillement.
- C'était pas compliqué, Beauté, dit-il en lâchant son visage avec brusquerie. T'es comme moi.
- Je ne te ressemble pas !
- Vraiment ? Moi je trouve qu'on se ressemble beaucoup, toi et moi. Dis moi que tu n'allais pas tuer ton père, que tu l'aurais laissé faire ? Non, dit-il après une courte pause, tu l'aurais tué. Tu l'aurais terminé. Tu l'aurais mis au fond du trou...
Il n'eut pas le temps de finir qu'Annie se jeta sur lui, en le frappant, prise d'une rage soudaine qui lui brûlait les veines comme un acide.
- Tais-toi ! Je ne suis pas une meurtrière ! Tais-toi ! Tais-toi !
Greenwood et Aaron voulurent les séparer, mais Jérôme éleva la voix :
- Laissez ! Ne vous en occupez pas !
Ils se reculèrent alors. Jérôme attrapa les poignets d'Annie en essayant de la calmer. Il riait malgré lui, et Annie n'en pouvait plus de l'entendre rire, il fallait qu'il se taise, qu'il ne rigole plus, qu'il ne la regarde plus. Elle n'était pas comme lui, c'était faux, il mentait. Il voulait simplement la faire craquer, et il avait réussi. Il finirait par la tuer, de toute façon. Mais en même temps... il y avait beaucoup de sang. Annie se revoyait couverte d'un sang qui ne lui appartenait pas, qui lui poissait entre les doigts et collait ses cheveux. Peut-être qu'il était mort, après tout, peut-être qu'elle l'avait tué, « envoyé au fond du trou », comme disait Jérôme. Ce dernier la sortit de sa torpeur en basculant son corps alors qu'Annie se retrouvait sur le dos. Il la bloqua sous lui.
- Je ne suis pas comme toi ! Persista-t-elle en criant et en tapant sa tête contre le sol, sentant la folie de ceux qui l'entouraient s'abattre sur elle.
- Calme-toi, Ann ! C'est trop tard, Beauté, t'es déjà comme nous, depuis que tu es dans ta foutue chambre, tu es comme moi. C'est ta nature, tu n'y peux rien !
- Arrête de rire, supplia-t-elle en retenant un sanglot.
- Ne pleure pas voyons, rire c'est beau, rire c'est vivre ! Rire, c'est moi !
- Ne me fait pas de mal ! Me fait rien...
Annie ne savait plus ce qu'elle disait réellement. Elle avait contenu toutes ces émotions depuis qu'il l'avait attrapée dans cette ruelle. Non, elle se retenait depuis qu'elle était sortie de sa chambre. Elle s'était refusé de pleurer, de crier, de supplier. Et les émotions inondaient tout son corps, elles avaient atteint le point culminant de leur progression, et venaient d'exploser dans sa tête, se déversant par sa bouche et ses yeux.
- Pourquoi je te ferais du mal ? Je n'ai pas l'impression que c'est dans mes projets... et toi ?
Elle ne répondit pas, et laissa sa nuque se relâcher. Ses cheveux s'étalaient sur le sol, comme un soleil levant, ils étendaient leurs rayons lumineux tout autour de son visage fatigué. Attiré par cette vision, Jérôme passa une main dans ces cheveux magiques.
- Je veux pas te faire de mal, Annie, mais il va falloir que tu m'aide à m'en persuader.
Elle fronça les sourcils, et fit semblant de ne pas sentir la main qui se baladait dans ses cheveux.
- Quoi ? Demanda-t-elle.
- Je veux que tu sois sure d'être toi.
Elle observa le visage blanchâtre de Jérôme qui se détachait du sombre plafond.
- Comment … ?
- Tu vas voir, c'est incroyable. Prends ça.
Il lui tendit son arme en se levant. Elle suivit son mouvement, en prenant l'arme entre ses doigts hésitants. Que faisait-il ? Elle regarda l'arme avec un effroi contrôlé, et ne pu s'empêcher de la trouver fascinante. Avec ça, elle pouvait avoir la vie et la mort. C'était incroyable la puissance qu'elle émanait, s’immisçant dans le corps d'Annie comme une eau froide. Ce n'était pas comme la première fois qu'elle avait prit une arme dans ses mains, dans la ruelle. Cette arme avait quelque chose de différent : le propriétaire. Elle eut du mal à avaler sa salive, parce qu'elle en avait quand même peur, surtout de ce qu'elle pouvait provoquer. De ce qu'elle pouvait provoquer alors qu'elle était entre ses mains à elle, et non pas entre les mains de quelqu'un d'autre. Pas dans celles de Jérôme.
- Arnold, vient là s'il te plaît, demanda avec une fausse gentillesse Jérôme.
Perturbé, Arnold s'avança sans grand conviction, le regard craintif et farouche.
- Mets-toi contre le mur, là. Voilà, merci. Attends trente secondes, s'il te plaît.
Jérôme revint vers Annie, avec ce sourire glacé. Elle le regardait du coin de l’œil se faufiler derrière elle. Il posa ses mains sur ses épaules, et elle essaya de réprimer un frisson en sentant le contact de sa peau gelée contre la sienne, plus chaude. Il la positionna face à Arnold, il posa sa tête sur son épaule gauche et enfouit son nez dans ses cheveux. Annie se tenait droite, et n'émit aucun mouvement, parce que la proximité qu'avait provoquée Jérôme était perturbante, malsaine, et trop intime. La douceur de son souffle roula sur sa peau.
- Ann, tu vas pointer ton arme et tu vas tirer sur lui, d'accord ?
Le visage d'Annie devint blême. Tout son corps parut être prit par une angoisse qui trouvait ses origines au fond de sa gorge. Plus rien ne semblait fonctionner, ni sa respiration, ni son cerveau, et pire que tout, pas même son cœur. Il lui fallait pourtant l'entendre battre, que faisait-il, il fallait qu'il reste à sa place. Le bouleversement s'éloignant peu à peu, elle sentit des coups contre sa cage thoracique, comme si son cœur se réveillait d'une pause trop longue en se rendant compte de ce qu'on venait de demander à son cerveau.
- Je ne peux pas... murmura-t-elle, en arrachant les mots de sa bouche.
Il attrapa sa taille, comme s'il allait l'emporter dans une danse, et se rapprocha d'elle encore.
- Oh si tu peux, c'est un violeur et un meurtrier. Si tu le tue, tu débarrasses le monde de lui. Imagine que c'est celui que tu crains le plus. Imagine que c'est lui qui voulait te faire du mal.
Jérôme attrapa les mains d'Annie qui tenaient l'arme, et les monta au niveau de son buste.
- Vises entre les deux yeux. Respire bien. Il murmura la suite. Tu vas aimer, tu vas vouloir recommencer.
- Ne m'oblige pas à faire une chose pareille.
Elle se rendit compte qu'elle lui parlait comme si elle le connaissait. Pire encore, elle lui parlait comme si elle envisageait de tuer cet homme.
- Mais tu l'as déjà fait. Et puis... il inspira, comme si quelque chose de faussement triste allait se produire, je risque de demander à Arnold de te mettre une balle dans la tête. Tu verras, le plaisir ne sera pas le même. Alors, Beauté, qu'est ce que tu comptes faire ?
- Je ne veux tuer personne, essaya-t-elle de se persuader.
- Mais ! Quelle est cette petite voix lointaine que j'entends ? Il releva la tête, pour essayer d'entendre ces paroles imaginaires. Vous voulez le tuer ? Parce que vous ne voulez pas mourir ?
- Mais qu'est-ce que je ferai après ? Les assassins n'ont pas leur place dans la société.
- On va t'en faire une, ne t'en fait pas Beauté.
- Je ne sais pas si je peux te faire confiance.
- Tu sais que je ne te mentirai pas, parce que toi et moi on est de la même race. Alors maintenant : tue-le, dit-il en perdant patience.
Le dernier ordre avait été clair, et avait résonné dans la tête d'Annie comme une évidence. Après tout, c'était un violeur, un malfrat, et il devait mériter la mort. Parce que sinon, personne ne l'arrêterait. Jérôme avait raison, ils se ressemblaient. Mais peut-être pas comme lui l'entendait. Jérôme était un malade, elle, elle savait ce qu'elle faisait. Enfin, jusqu'à maintenant. Peut-être y a-t-il un moment dans la vie d'une personne ou elle choisit ce qu'elle veut être. Et cela doit dépendre de ce que lui propose la vie, et en ce moment la vie proposait à Annie qu'une seule voie. Il y avait Jérôme, là, derrière elle, plus rassurant que tout ce qui l'avait touché au par avant. Il y avait Arnold, devant, dégoûtant. Et il y avait elle, au milieu de ce triangle à la forme trop ambiguë, impossible, et pourtant qui sonnait avec tant de fermeté.
Le coup partit, dans un bruit cassant, assourdissant, qu'on n'était pas sur d'avoir entendu, tordant les poignets d'Annie. La poudre s'éleva dans l'air, invisible, chatouilla le ne visage d'Annie et redescendit doucement sur le sol, alors que personne n'y prenait garde. Ses yeux se fermèrent par instinct, et elle attendit de retrouver le contrôle de son ouïe pour les ré-ouvrir. Rien n'avait bougé. Le corps de Jérôme était toujours là, rieur et fou. Le plafond était resté à sa place, et le sol ne s'était pas écroulé. Il lui fallut plus de temps pour entendre les cris plaintifs d'Arnold, gémissant sur le sol, comme un chien battu. Comme elle battu. Comme Jérôme battu, alors qu'il avait huit ans, alors qu'il était encore récupérable, avant qu'il ne sème son élan meurtrier sur Gotham, avant qu'il ne l'emporte dans son cercle fou, aux sons de ses rires monstrueux.
- Tu l'as fait ! Riait Jérôme. Tu l'as fait ! Alors ?! C'est comment ? Comment tu te sens ?! Dis-moi !
Le regard incompréhensif, perdu, peut-être même aveugle, elle observait le visage de Jérôme.
- Je ne sens... rien... dit-elle d'une voix presque neutre, si elle n'avait pas été accompagnée par une once de surprise.
Le sourire de Jérôme s'effaça. Il était devant elle et la regardait avec déception.
- Tu ne ressens rien ? Rien ? Répéta-t-il sans cacher sa théâtrale surprise.
Il prit l'arme, en pleine réflexion. Il fit quelques pas vers Arnold et lui tira une balle dans la tête, ce qui le fit taire immédiatement.
- Silence, quand je réfléchis. Alors comme ça, tu n'as rien ressenti ? Pas de soulagement ? Pas d'excitation ? Pas même des... remords ?
- Rien, dit-elle une nouvelle fois, les yeux vidés de toute conscience.
- Encore plus intéressant...
Annie regardait Jérôme avec une curiosité qui ne le concernait pas lui, mais elle-même. Elle le regardait comme si elle avait posé les yeux sur un miroir. Un miroir étrangement ambigu, et néfaste. Mais réel. Un miroir qui ne montrait pas l'apparence, mais qui montrait l'âme, dans sa plus grande peur, dans sa plus grande cruauté, dans sa plus grande monstruosité. Alors comme ça, elle entrait dans le côté des monstres. Ceux de la nuit, ceux du jour, ceux des grands, ceux des petits. Les véritables monstres.
- Pourquoi ? Murmura-t-elle.
Elle ne savait pas ce que signifiait cette question, à quoi elle était posée. Mais à qui elle était posée, c'était clair : Jérôme. Est-ce qu'elle la concernait elle ? Lui ? Arnold à terre ? L'arme entre ses mains ? Son meurtre ? L'absence de sentiment ? La sécurité qu'elle trouvait dans le monstre en face d'elle ?
- J'en sais rien, répondit ce dernier, t'as peut-être ça dans le sang, Beauté. On y va.
- Quoi ? Elle avait l'impression de se réveiller après un long et fastidieux cauchemar, un grésillement résonnant dans sa tête, comme une sauterelle animée qui sauterait de paroi en paroi.
- On s'en va. Toi, tu viens avec moi.
Annie n'avait alors pas le choix. Les monstres l'avaient elle choisi, ou avait-elle choisi les monstres ? Les questions qu'elle se posait ne semblaient plus avoir le moindre sens. Parce qu'elles concernaient Annie. Annie de la chambre, Annie battue, Annie séquestrée. Mais elle n'était plus cette Annie. La vengeance est une trop grande histoire pour le monde, et Annie en ferait désormais partie. Parce que la vengeance l'avait choisie. Jérôme lui passa devant, se dirigeant vers une probable sortie qu'il allait sûrement improviser. Annie le regardait se déplacer. Peut-être que c'était tout simplement lui qui l'avait choisi. Elle regarda par dessus son épaule, et ne vit qu'une pièce sombre s'étaler derrière elle, comme une bête difforme et crevante. Elle avait dû chercher quelque chose à ce moment là, une chose qu'elle ne retrouvait pas, et qu'elle n'avait peut-être même jamais possédé.
Salut chers lecteurs ! Quelques mots à propos de ce chapitre : bon déjà, oui Annie et Jérôme se rencontrent ENFIN, ça a mis longtemps, j'en conviens :') Mais il fallait poser les bases !
Ensuite, pour ceux qui l'ont lu, vous avez peut-être reconnu le tour premiers OS que j'avais publié ! et qui portait, d'ailleurs, le même titre que la fic ! J'avoue que j'ai longuement hésité avant de le "recycler" mais, l'inspiration est venue grâce à lui, donc je ne pouvais pas le laisser tout suel dans son coin ! L'OS à été modifité, bien entendu, pour entrer en cohérence avec les chapitres précédents et les chapitres suivants.
En parlant de chapitres suivants, je poste le prochain tout de suite après celui-ci, puisque ce chapitre est un potentiel "déjà vu".
Voilà, j'espère en tout cas que tout ça vous plait, et que vous prenez plaisir à lire :)