Au delà des apparences!
(suivez-moi sur mon blog: unedidobelle. be)
Il n’y a pas de mots pour décrire ce que je ressens exactement. Non, il n’y en a pas. Exprimer un sentiment quel qu’il soit n’est pas évident. Exprimer la souffrance que je traverse en ce moment est impensable.
Je suis couchée sur mon lit, les yeux écarquillés fixant le plafond, des perles coulent sur mes tempes, je ne dis plus un mot depuis que la nouvelle est tombée.
Il m’avait envoyé un message pour me prévenir qu’il partait et espérait encore que je finisse par lui répondre, et je n’en ai rien fait. Je me remémore sans cesse les derniers mots que je lui ai dits. Des mots cinglants, tranchants, je ne voulais plus rien avoir affaire avec lui.
Que pouvais-je attendre d’un homme infidèle ? Rien ! Mais je l’aimais, je l’aime encore malgré tout, c’est insensé, oui, c’est vrai. Un homme qui m’a traité comme il l’a fait ne mérite pas mon amour et pourtant, il était tout pour moi. Son visage, sa voix, sa peau me hante et me hanteront pour l’éternité. C’était un amour fort, indescriptible, incompréhensible tant qu’on ne l’a pas vécu soi-même.
Comme un robot, je continue ma vie machinalement, comme un robot programmé pour avancer parce que je n’ai pas d’autres choix. Je vois les jours défiler, ma peine devient de plus en plus intense. La nuit, je rêve de lui, je me jette dans ses bras, je lui dis que je l’aime. Dans d’autres rêves, je le tue de mes propres mains. Je ne dors presque plus.
Je deviens folle, je le sens. Ma mère sent qu’il se passe quelque chose. Je ne lui ai pas dit toute la vérité, juste que Matthieu et moi, c’est terminé. Elle remet mon comportement sur une peine de cœur qu’elle considère comme passagère, je me trouverai quelqu’un d’autre, il n’était pas le bon, ça passera. Elle a raison, je sais qu’elle a raison, il n’était pas le bon mais je ne sais pas si ce que je ressens passera un jour…
J’essaie de me concentrer sur mes cours mais je n’y arrive pas et pourtant, il le faut.
Je me connecte sur Facebook pour poser une question sur l’un de mes cours justement et l’image sur laquelle je tombe en ouvrant le site me déchire le cœur à un point inimaginable.
Evidemment, lorsque le corps a été rapatrié, j’ai été invitée aux funérailles mais je savais que je n’aurais pas la force d’y aller. De fait, quand je vois cette photo, je fonds en larme…Tous ses amis étaient sur leur 31, ils avaient une bouteille de champagne à la main, ils posaient devant sa tombe. Son meilleur ami, les yeux rougis par la peine levait un ultime verre en son honneur.
Ils avaient tous respectés son souhait. Personne n’était en noir. Si on ne savait pas que c’était un enterrement, on pourrait presque croire que c’était une fête… Son meilleur ami devait être au courant de ce qu’il souhaitait s’il venait à mourir. Evidemment, j’imaginais que ce serait pour nos vieux jours lorsqu’il me l’a dit.
Cela m’aurait été insupportable d’assister à ça…Je décide de faire une pause, de mettre mes vêtements de sport, de prendre mes écouteurs et mon Iphone et d’aller courir pour m’aérer l’esprit.
Il fait sombre, il est tard déjà mais je m’en moque, j’ai besoin de sortir.
Lorsque je fais mon jogging, je passe devant le banc où on s’était assis, je détourne mes yeux pour ne pas y penser et je continue de courir. Un peu plus loin, je vois un jeune homme de dos portant une veste en cuir et un jean délavé, si je ne savais pas que c’était impossible, je pourrais penser que c’est lui. Je le dépasse et me retourne pour regarder son visage, il ne lui ressemblait pas du tout de face.
C’est quelque chose qui m’arrive également depuis qu’il est mort, l’impression de le voir partout. Il me poursuit, il me dit encore qu’il m’aime, il m’appelle dans mon sommeil, il est près de moi,…
J’accélère la cadence jusqu’à m’emballer dans une course folle. Je ferme les yeux et hurle ma douleur, ma détresse, hurle son nom, hurle pour qu’il revienne… Je finis par trébucher et je tombe sur de l’herbe.
Je me suis fait mal mais la douleur physique est loin de dépasser la douleur morale. Je me retourne pour m’allonger sur le dos et regarder les étoiles. Je remets mes écouteurs en place et comme une étrange coïncidence, c’est la chanson de Bruno Mars, « Talking to the moon » qui passe. Il parle de sa petite amie décédée avec qui il essaye de communiquer même si on le prend pour un fou.
Je n’en reviens pas que je ne reverrai plus jamais Matthieu Wengler, que jamais plus je n’entendrai le son de sa voix…
- Matthieu, où es-tu ?
-
Tout à coup, une étoile semble briller plus que toutes les autres. Je pleure toutes les larmes de mon corps. Pourquoi ne lui ai-je pas dit que je l’aimais encore ? Pourquoi ne lui ai-je pas juste dit…Au revoir ? Il me manque si fort…C’est comme si une partie de mon être était mort avec lui.
Après un certain temps, je finis par rentrer à la maison. Ma mère n’est pas là, elle est à une soirée et n’est pas prête de revenir. Je vais chercher une bouteille de vin rouge, je l’ouvre et boit une énorme gorgée.Je remarque que Sissi est sortie de ma chambre. J’ai dû oublier de fermer la porte. Elle se promène dans le reste de la maison, intriguée. Je continue de boire la bouteille. Je suis complètement ivre…ivre de douleur.
- Salut, Sissiiii ! Alors, on se balade ?
- Miou… ?
-
Je bois, je bois, je bois pour oublier. Je titube jusque dans la salle de bain parce que j’ai l’impression que je vais tout rendre. La porte de l’armoire à pharmacie est restée ouverte…Je regarde dedans et vois les somnifères de ma mère. Mon chagrin me dévore, je me sens si seule… J’ouvre le flacon et avale une bonne partie des pilules. J’engloutis une énorme gorgée pour faire passer les médicaments et…je m’écroule… J’entends le chat miauler près de moi, il semble appeler à l’aide, on dirait. Il tourne autour de moi complètement agité et perdu…
Il fait tout noir, je suis allongée sur le sol, j’entends des bruits de pas qui s’approchent de moi. C’est lui, j’en suis sûre, c’est lui…Il s’accroupit près de moi et me sourit.
- Tu viens me chercher ?
Il secoue la tête pour me dire que non.
- Je t’aime, Matthieu, pleuré-je, je t’aimerais toujours
Il pose un doux baiser sur mes lèvres, se relève et s’en va.
J’ouvre les yeux, tout est blanc, je pense que je suis au paradis mais je comprends vite qu’il n’en est rien. Je suis couchée sur un lit d’hôpital. J’ai une aiguille qui me rendre dans le bras gauche et un tensiomètre relié à une machine à mon bras droit.
Je tourne la tête et je vois ma mère assise à mon chevet me regardant l’air triste et inquiète.
- Tu te réveilles, enfin ! Comment tu te sens ? Tu as mal ?
- J’ai…tournis…
- Ton père va arriver…Repose-toi, ma petite chérie…
Une infirmière arrive et me demande combien de cachets j’ai pris, ce que c’était comme médicament… J’essaie de répondre mais j’ai du mal. Ma mère m’aide à compléter les trous. Elle finit par m’avertir qu’un psychiatre va venir me voir. Maman reste à mes côtés en attendant. Elle est agitée, elle me demande si j’ai besoin de quelque chose.
Le psychiatre finit par entrer dans la chambre et demande à ma mère de nous laisser seuls.
Il me pose des questions de routine. Je réponds brièvement. Il finit par me demander pourquoi j’ai fait ça. Pourquoi ? C’est une bonne question. Est-ce pour Matthieu ? Est-ce pour Charlotte ? Est-ce pour mon père ? Est-ce parce que mes études me submergent ? Peut-être que c’est un tout ou simplement cette solitude qui me ronge... J’ai eu soudainement la sensation que je n’avais personne.
Oui, j’ai une famille, j’ai des connaissances mais ceux que je prenais pour des amis, sont-ils là pour moi ou pour ce que je leur apporte ? Pour ce que j’ai ? Charlotte n’a peut-être pas tout à fait tort… Si je n’avais plus d’argent, seraient-ils encore mes amis ? En ce qui concerne ma famille, mon père…N’en parlons pas et ma mère, je me demande si elle me comprend parfois… Qu’est-ce que j’avais à l’esprit finalement ? Est-ce que je voulais rejoindre Matthieu ? Ou peut-être simplement ne plus souffrir…
- Je me sentais seule, je crois…
Le psychiatre me demande si je tiens à prolonger mon séjour dans un centre spécialisé. Je n’y tiens pas, je préfère rentrer à la maison le plus vite possible. Il me propose de commencer un suivi psychologique. J’accepte. Il finit par s’en aller me laissant seule. Je regarde le mur en face et je ferme les yeux…
- Anne-Sophie ?
Je reconnaitrais cette voix entre mille. J’ouvre les yeux instantanément. Je le vois, il est debout devant mon lit. La mine complètement défaite. Je ne l’avais jamais vu ainsi avant. Il semble toujours sûr de lui, froid, distant, comme si tout l’indifférait, comme si rien ne pouvait l’atteindre et là, il me paraît si petit et perdu… J’ai envie de lui dire quelque chose mais rien ne sort de ma bouche.
Il s’approche de moi et s’assoit sur le rebord de mon lit.
- Pourquoi tu as fait ça ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je ne comprends pas.
- Pourquoi tu n’es jamais là ?
- Pardon ?
- Tu as du temps pour tout le monde mais jamais pour moi !
- Je ne comprends pas…Je te donne tout ce que tu veux…Que veux-tu de plus ?
- Non, tu ne me donnes pas tout ce que je veux ! Ce n’est pas d’argent dont j’ai besoin, c’est de quelqu’un qui m’aime, quelqu’un qui sera toujours là quand j’en aurais besoin, quelqu’un qui me protégera. Si un jour tu meurs, j’aimerais avoir quelque chose de plus à dire que juste un trait physique sur ta personne comme ta couleur de peau car je ne saurais rien d’autre de toi…
- De quoi tu parles ?
- Ce que je veux dire c’est que tu me laisses tomber. J’aimerais apprendre à te connaître, passer du temps avec toi mais tu n’as jamais de temps pour moi, jamais… Si tu passais plus de temps avec moi, tu aurais su que j’ai eu un petit ami qui m’a trompée avec ma meilleure amie et dans le fond tout cela n’a plus d’importance puisqu’il est mort récemment. Que Charlotte ne peut plus me voir en peinture…Tu ne le sais pas parce que ma vie ne t’intéresse pas, tu ne m’aimes pas assez pour ça…
- Tu sais très bien que je suis très occupé et tu te trompes, je tiens beaucoup à toi…J’essaye de faire en sorte que tu ne manques de rien…
- Alors pourquoi, j’ai la sensation de manquer de tout ? Je me sens terriblement seule, voilà ce qu’il y a…
- Je ne m’en étais pas rendu compte, je pensais que …ce que je te donnais suffisait…Je ne me suis pas rendu compte que tu allais si mal et que j’étais la cause de ton mal être… Tu aurais dû m’en parler plus tôt…
- Je pensais que ça ne servirait à rien de te le dire…
- Je suis désolé…
-
Je lui prends la main et je la serre fort.
- Je sais que tu n’as pas beaucoup le temps mais…
- J’essayerai d’être plus présent, je te le promets…
-
Je le prends dans mes bras. Je vois ma mère appuyée contre l’encadrement dans la porte, elle sourit.