Ineffablement nous

Chapitre 5 : Les démons du démon

1123 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 2 mois

Aziraphale avait l’impression de devenir fou tellement que l’inquiétude le rongeait. Il voulait... il avait besoin de parler à Crowley, il fallait le contacter, quitte à lui parler en face à face... mais pas tout à fait, il risquait trop gros s’il descendait en personne sur Terre, il avait encore trop peur des conséquences. Il éplucha encore d’autres ouvrages, et tomba sur un article qui détaillait comment pénétrer dans les rêves de quelqu’un... normalement, c’était réservé aux humains, car leur cerveau est bien plus perméable... Est-ce que ça marcherait avec un démon ? Aziraphale hésita... il ne savait pas si pénétrer dans l’intimité des pensées de Crowley était une bonne idée. Mais il n’avait pas beaucoup d’autres choix qui s’offraient à lui. Il lança alors l’incantation, un épais brouillard l’enveloppa et il se sentit comme happé.

Aziraphale apparut sur le siège passager de la Bentley de Crowley. Etait-ce vraiment un rêve ou la réalité ? Il regarda par la fenêtre... Il vit des canards qui dansaient la gavotte sur une rivière de Whiskey. Pas de doute, c’était bien un rêve. Puis il regarda à côté de lui et sursauta : Crowley conduisait le bolide, imperturbable. Il avait le regard perdu dans le vide, il ne semblait pas le voir du tout. La radio jouait une chanson de Queen, ‘’Somebody to Love’’, une de celles que Crowley affectionnait particulièrement. Crowley avait l’air paisible, perdu dans ses pensées, comme si, pour une fois, tout allait bien. Aziraphale tenta de toucher le bras du démon. Celui-ci sursauta et regarda autour de lui, mais ne vit rien. Il y eut comme une fissure imperceptible dans l’air, une distorsion légère dans le reflet du rétroviseur. Crowley serra le volant.

« Non... c’est un rêve. Juste mon rêve. »

Mais quelque chose clochait. Le rêveur avait l’air de le sentir et paraissait un peu moins apaisé. Aziraphale eut le cœur serré. Il ne put résister :

« Crowley... » souffla l’ange.

La voiture dérapa brutalement et tomba dans le vide. Le décor changea brusquement. La Bentley s’évapora comme de la fumée. Aziraphale, assista, impuissant, et toujours invisible, à la scène. Crowley était enveloppé d’une tunique céleste, comme celles que les anges portaient au Commencement. Il avait de grandes ailes blanches magnifiques, ses cheveux étaient bouclés et ses yeux d’un brun profond brillaient comme les étoiles dans le ciel. Aziraphale fit un pas vers lui, puis soudain, une fissure apparut sous ses pieds, accompagnée d’un bruit sourd, semblable à un battement de cœur gigantesque. Tout devint noir à nouveau pendant un instant, puis Aziraphale vit Crowley tomber du ciel et atterrir lourdement au sol. Il avait à présent des ailes noires, des écailles de serpent et ses yeux jaunes caractéristiques. Il était recroquevillé sur lui-même. Aziraphale entendit des voix graves résonner et des cris :

« Tu n’es plus des nôtres.

_ Traître !

_ Tu ramperas pour l’Eternité dans la souillure.

_ Démon !

_ Tu n’as jamais été à ta place.

_ Serpent !

_ Tu ne seras jamais pardonné. »

Le décor se fissura, un battement de cœur sourd résonna à nouveau dans l’air. Puis une autre scène. Un autre Aziraphale apparût, celui des souvenirs de Crowley, au fil des siècles. Aziraphale voyait Crowley se rapprocher de cet autre lui, mais il entendit à nouveau ses propres paroles résonner dans l’air. Des paroles qu’il pensait pourtant sans conséquence... il entendit alors à nouveau les instants lors desquels il avait pu parler à Crowley de manière condescendante ou bien le renvoyait à sa nature de démon :

« Tu es un démon, c’est dans ta nature. »

Craquement. Une nouvelle fissure. Le battement de cœur s’accéléra.

« Moi je suis un ange, toi tu es un démon, nous sommes des ennemis héréditaires. Retire-toi, vil démon infernal, créature des abysses ! »

La fissure s’agrandit et le battement de cœur devint frénétique.

« Tu sais les problèmes que j’aurais là-haut si on apprend qu’on fraternise ? »

Le sol se fissura de toute part. Le bruit du battement était assourdissant.

« Amis ? Mais on n’est pas amis, Je suis un ange, toi, tu es un démon. Nous n’avons absolument rien en commun, je ne t’apprécie même pas. On n’est pas dans le même camp. »

Tout semblait sur le point de s’effondrer.

« Mais enfin Crowley, rien ne dure éternellement... »

L’univers se brisa en morceaux, comme un miroir qu’on brise sous la pression. Crowley tomba à genoux, secoué par une rage sourde, par une douleur qu’il pensait avoir enfouie depuis longtemps. Il se tourna vers Aziraphale et cette fois, il le vit, pour de vrai.

« Pourquoi... Pourquoi tu es là Aziraphale ? », dit soudain Crowley, d’une voix rauque, brisée.

Aziraphale était horrifié par ce qu’il venait de voir. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit.

« BORDEL DEGAGE, SORS DE MA TÊTE !!! » rugit Crowley.

Un vent violent souffla autour d’eux, un hurlement déchirant emporta les fragments du rêve, et soudain, tout s’effondra dans le néant.

Aziraphale se retrouva projeté à nouveau dans son bureau, au Paradis. Il réalisa qu’il était allé trop loin, mais aussi qu’il ne pourrait pas tout réparer en un seul geste. Il ne pouvait pas murmurer des excuses et espérer que tout s’efface. Il avait vu toute la vulnérabilité de Crowley. Il avait vu aussi à quel point il était responsable du mal-être de ce dernier. Il ressentit une culpabilité et une douleur extrême mais aussi... de l’amour. Il le savait maintenant. Il mettait enfin des mots sur tout ce qu’il ressentait pour Crowley, ce n’était pas juste de l’amitié, non. Il se rendit compte à quel point il l’aimait, et à quel point il souffrait par sa faute. Et il n’avait fait qu’aggraver les choses, en voulant le contacter tout en restant en sécurité au Paradis, de peu de perdre son poste. Maintenant il savait. Il ne pouvait plus rester au Paradis. C’était fini. Peu importe les conséquences, il allait trouver un moyen de retrouver Crowley, en personne. 


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