Between the Sheets

J24 Collecting seashell 🐚

— C’est marée-basse, Aziraphale ! prévint le démon, en refermant la porte du cottage derrière lui.

Il était parti nettoyer la Bentley, à qui l’air marin ne réussissait pas trop à la carrosserie, selon Crowley. La peinture de la voiture était, en réalité, protégée par une cire de finition qu’ils avaient miraculée ensemble, à sa demande. Elle ne craignait donc, ni le sable, ni l’iode, mais ce prétexte était utilisé par le démon pour passer du temps avec sa voiture et Aziraphale ne lui en tenait pas rigueur. En principe, il en profitait pour lire, soit dans le hamac du jardin, soit sur le banc en fer forgé installé devant la maison. Aujourd’hui, il s’était simplement servi un thé, qu’il était en train de boire tiède, assis autour de l’îlot central de la cuisine. 

Se tournant vers Crowley, il haussa un sourcil : 

— Eh bien… Tant mieux pour elle… 

— T’avais pas dit que tu voulais ramasser des coquillages pour ramener à la librairie ? 

Aziraphale l’observa, un peu interdit. Il avait dit ça entre la poire et le fromage et ne pensait sincèrement pas que Crowley l’avait écouté…

— Oh, euh… Oui, bien sûr ! Tu m’accompagnes ? 

— J’attrape un panier…

Une fois sur la plage, ils s’aperçurent vite qu’ils n’étaient pas les seuls à écumer le sable humide dégagé par le retrait de la mer. Crowley tenait nonchalamment le panier en osier en fredonnant “A kind of magic” de Queen, tout en regardant le postérieur charnu d’Aziraphale, penché à la recherche de coquillages intacts. Brusquement, l’ange se redressa et se retourna pour tendre sa trouvaille à Crowley : 

— Qu’est-ce que c’est d’après toi ? Ça ne ressemble pas à un coquillage… 

Le démon observa un court instant l’appendice rose recouvert de sable, avant de conclure : 

— C’est une oreille ça, mon ange ! 

— Nom de D… jura le libraire, en jetant sa trouvaille au sol pour s’essuyer les doigts sur son bermuda beige. 

— Das ist meins ! (1) 

Un homme interpella Aziraphale, avant de se pencher à son tour pour ramasser le pavillon de son oreille, qu’il tenta de fixer sur le côté de son crâne. Devant la grimace de l’ange, l’homme, qui portait un vieil appareil photo autour du cou, fut rejoint par deux compères. Tous trois étaient grimés sous d’amples paréos et de larges chapeaux de paille, mais aucun vêtement n’arrivait à masquer l’odeur de putréfaction qu’ils dégageaient. 

— Herr Glozier, Herr Harmony et cette chère Greta Kleinschmidt ! Ça faisait quoi… Ngk… Quatre-vingt-trois ans ? 

— Mais c’est pas vrai, c’est un vrai hall de gare ces South Downs, se lamenta l’ange, en se rapprochant de Crowley avec un regard désespéré. 

— Ah, je dois dire que pour des vacances… 

— C’est un peu plus que des vacances, Crowley, je te rappelle qu’on l’a acheté ce cottage ! Ça ne va pas être ça à chaque fois qu’on vient ? Si ? 

— Ben… Qu’est-ce que vous foutez là, les trois p’tits nazillons ?   

— Herr Furfur nous a dit de venir vous saluer, répondit Greta, en chassant un asticot de la commissure de sa lèvre. 

— Nous… Nous saluer ? s’étonna Aziraphale. 

— Nicht du ! (2) Le saluer, lui ! précisa Glozier, en pointant Crowley.

L’ange mit ses mains sur ses hanches en se tournant vers le démon : 

— Tu m’expliques ?

— Mais y a rien à expliquer à la fin ! répondit Crowley, sur la défensive. 

— Herr Furfur dit que il manque le bon vieux temps de où il grimpait sur toi pour te sucer la bielle, poursuivit Glozier en déchiffrant un post-it, qui venait de se matérialiser dans sa main.  

— PARDON ? s’emporta Aziraphale, qui avait pris une teinte de homard bien cuit. 

— Mais… Mais… Il ne m’a jamais… bafouilla Crowley, en levant ses mains.

— Attends, Entschuldigung (3) ! C’est pas écrit ça, c’est écrit “le temps où je te grimpais”, ajouta le zombie, le nez collé au post-it. 

Aziraphale, au bord de l’AVA (Accident Vasculaire Auréolaire), attrapa rageusement le petit carré de papier vert foncé, portant un cerf argenté en filigrane et lut : 

— “Mon tendre ami”...

Il leva un regard assassin sur Crowley, avant de poursuivre : 

— “Si tu savais à quel point les moments passés grimpés sur ton dos à te susurrer des blagues à l’oreille dans les Plaines du Paradis…”  

— Ach ya ! C’est ça qui est écrit, ya… s’exclama le zombinazi, tout sourire. 

— Ah vraiment ? Il te susurrait des blagues à l’oreille pendant qu’il était sur ton dos ? Vraiment ? s’indigna l’ange. 

— C’est-à-dire que… Il me racontait des blagues sur Gabriel à l’époque et… s’embourbait Crowley, en se grattant l’arrière du crâne. 

— Je vais t’en susurrer moi, des trucs à l’oreille ! Herr Glozier, une photo s’il vous plaît, ordonna l’ange, en claquant des doigts. 

— Ya, Herr Engel, ya, répondit l’allemand, en préparant l’appareil.

Aziraphale saisit le démon par sa fine écharpe et l'entraîna derrière lui, afin de se reculer un peu pour prendre la pose. Il se plaqua ensuite contre lui et l’embrassa rageusement à pleine bouche, tout en enfouissant ses mains dans sa chevelure auburn. 

Une fois la Polaroid miraculée à Furfur via ChronoPandémonium, et les zombies repartis de la plage, Aziraphale susurra, en effet, quelque chose à l’oreille de Crowley.

— Ngk… J’en conclu qu’on remet la chasse aux coquillages à plus tard ? demanda le démon, d’une voix étranglée.   

Pour toute réponse, l’ange le saisit à nouveau par son écharpe pour l’entraîner dans son sillage… 

1. C’est à moi
2. Pas toi
3. Pardon