Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ

Chapitre 6 : 89 secondes avant Minuit - L'Avarice

3846 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Avant-propos : cette fanfiction est une tentative de réponse au challenge "7 Sins : les sept péchés capitaux" qui se déroule actuellement sur le forum de FFR. Bonne lecture ;)


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Bénis soient les marchands du temple ! Ils guerroyèrent pour quelques pièces, apposèrent leur nom sur des merveilles, revendiquèrent le ciel, vendirent la mer, détruisirent la terre, puis s’envolèrent, avides d’aller polluer l’espace. Quand il ne resta de l’univers que quelques poussières, l’humanité affamée s’agenouilla devant des montagnes de richesses ensanglantées.

Évangile du Capitalisme 2.0 – Chapitre unique, verset cynique.


Cela se rapprochait : il avait tout vu, l’avait bien senti, mais n’avait rien dit.


Le Saint-Esprit flottait encore, quelque part entre les colonnes de l’ancien monde, errant au milieu des lignes calcinées du Livre incendié des Nouvelles Belles et Bonnes Prophéties d’Agnès. De ces dernières, on ne pouvait plus trouver qu’un amas de cendres dispersées aux quatre vents. Il n’était ni chair, ni verbe. Pas vraiment silence non plus. Il était fait de ce souffle qu’on n’écoutait jamais : un maigre scrupule ou une dernière intuition de la onzième heure que personne ne suivait. Dans un petit coin d’ombre de l’Univers, silencieusement perché et attentif, il observait. Et attendait.


Il avait intimement connu les guerres, pas nobles, pas grandes ou héroïques — celles-là n’existaient que dans les récits des vainqueurs. Non, lui, avait vu la Guerre, la vraie, toute de rouge vêtue, pleine de hargne et d’arrogance. Celle qu’on entretenait depuis l’aube des temps : son vieux moteur implacable ronronnant toujours en arrière-fond, peu importe que les supposés conflits eussent pour motifs annoncés des problèmes territoriaux, de discrimination ou même – Enfer ! – la religion.


Oh, bien sûr, elle avait connu moult évolutions au fil des saisons. Maintenant, elle était bien plus propre et calibrée : des drones arpentaient l’espace aérien frappant des cibles avec une précision chirurgicale, des téléphones piégés explosaient pour nettoyer sans heurts les lignes ennemies et, dans certains coins, on utilisait – plus ou moins discrètement et avec parcimonie – des armes chimiques ou bactériologiques, supposément illicites. Évidemment, le bilan se révélait toujours sanglant mais, avec le progrès technique, on s’était assuré que cela devienne progressivement moins salissant : moins d’étendards dans la poussière malgré le sinistre décompte des dommages collatéraux dans les décombres. Un tas de chiffres pour égrainer le bilan de morts sans noms.


Au-delà d’un certain stade, les monceaux de cadavres relevaient moins de la tragédie que de la statistique : bagatelle pour un massacre dont les financiers ne s’attristaient que peu. Quand les conflits armés engendraient leur lot de dividendes et de profits, il était facile de faire la sourde oreille : les cris ne perçaient pas sur l’écran des radars thermiques. Et si, par mégarde, un hôpital explosait, c’était souvent loin de chez soi… Quand on ne connaît pas les victimes, c’est plus aisé de les oublier. Plus aisé de faire reposer la responsabilité sur de malheureuses erreurs balistiques.


L’Amour incarné du Père et du Fils avait également pu observer de près le Grand Ordonnateur de la disette. Famine n’avait besoin de frapper fort pour faire des ravages. Ce cavalier se propageait lentement, mais avec une gloutonnerie gourmande. Pas de hurlements, de cohues ni de bruits de poudre. Juste des corps fatigués qui s’amincissent au fil du temps : des ventres qui se gonflent de vide dans certains lieux, tandis que dans d’autres, on festoie et se gave. Pas de grand spectacle de ce côté-là : juste une absence de denrées orchestrée avec talent.


Ce n’était pas une fatalité ou une punition divine, mais un business model élaboré. On organisait la rareté avec une savante méthodologie : via la complicité des gouvernements, des quotas et de beaucoup de publicité. On jetait le blé, brûlait le maïs et rendait les sols impropres. On exportait la misère dans des containers, scellés au nom du profit. Certains avalaient des galettes de terre et suppliaient pour quelques grains de riz, pendant que d’autres aromatisaient leurs boissons avec de l’air et se nourrissaient d’aliments sans la moindre qualité nutritive ou entamaient des régimes onéreux. Les humains, constante source d’émerveillement pour le Maître des fringales, alimentaient même leurs voitures de sucres transformés.


On croyait encore que la Famine appartenait aux temps anciens, liée à la sécheresse, aux tensions géopolitiques et au manque de ressources naturelles. À la malchance, en gros… Que nenni ! Famine étant un homme malin et travailleur, jamais, il n’aurait risqué de voir son œuvre détruite : via d’habiles procédés, on pouvait s’assurer que la Faim reste ad vitam æternam un problème mondial ; une pointe d’évolution, un brin de modernisation et le tour était joué. Le roublard avait enfilé son plus beau costume et appris à lire les bilans comptables : maniant les algorithmes et faisant et défaisant les cours du blé, il spéculait sur les pénuries. Toujours prêt à s’installer à la table des négociations, bien en place au sein des conseils d’administration.


Les stocks mondiaux auraient beau être pleins que les assiettes resteraient vides. Pas à cause d’un manque mais par la grâce des marges et des seuils de rentabilité. Tout un tas de décisions dépassionnées prises au sommet de grandes tours vitrées : des champs entiers incendiés, des tonnes de nourriture gaspillées, des dictateurs faisant main basse sur les dons des ONG, des vivres consommables javellisées par les grandes surfaces plutôt qu’offertes, etc. Tout pour éviter une potentielle chute des prix ; la seule importance étant que la valeur ne s’effondre pas. La vérité à ce propos, c'est qu’il y avait assez de nourriture pour tous mais aucune volonté de la partager.


Dans les pays favorisés, on s’inventait des régimes abracadabrants. On payait cher pour apprendre à manger « moins ». On comptait les calories comme on comptait les likes. Famine n’en riait pas mais s’en rassasiait : il observait les mains de ceux prônant la modération, signer des accords qui affamaient de pauvres hères à l’autre bout du globe. Et pendant que certains s’amuser à jeûner par confort, d’autres n’avaient jamais profité d’un repas complet.


Le Consolateur s’en désolait, mais que pouvait-il faire face à des bouches avides, lui qui n’était que vide ?


De même que s’il déplorait la Pollution, il demeurait bien impuissant à l’endiguer. Cellui – Ciel ! – n’avait rien à envier à ses confrères en termes de sinistres : ayant pris la relève de Pestilence après l’essor de l’asepsie, elle s’était étendue de manière insidieuse envahissant chaque territoire. D’abord discrète, puis avançant à visage découvert, elle avait su planter ses crochets partout à travers le monde. Empoisonnant les sols, contaminant les cours d’eau et viciant l’air. Au nom du progrès, la belle dame remplissait son office macabre, réchauffant doucement l’atmosphère à coups de carburants toxiques et de – toujours plus nombreux – gadgets jetables en plastique. Maintenant que son règne prospérait, le dernier cavalier ne se cachait plus : nombreux le voyait pour ce qu’il était, mais qui au juste aurait eu le pouvoir et la volonté de l’arrêter ?


Les déshérités d’hier voulaient accéder aux mêmes ressources que celles des argentés d’aujourd’hui et d’ailleurs. Qui pouvait le leur reprocher ?


Rien que de plus anodin que de désirer améliorer ses conditions de vie, plutôt que d’accepter de stagner à jamais tels des bergers d’Acadie : l’humanité, en constante expansion et en perpétuelle recherche d’une ascension sociale, souhaitait une augmentation sans fin – ni frein – de ses ressources. Tout un chacun voulait sa part du gâteau : Pollution, en grand fan du matérialisme, comprenait mieux que personne leurs désidératas ; il y accédait, en offrant la réalisation à bas prix. Pétrodollars, vols low cost, emballages jetables et puff électroniques : dès que l’une de ses créations devenait interdite, elle en produisait une autre… plus vicieuse et dangereuse que la précédente. À chaque décennie, le malicieux Monsieur Crayeux aux mille visages trouvait des innovations à même de satisfaire au mieux sa clientèle ; tout le green washing du monde ne la faisait pas reculer d’un iota. Ce n’est pas en se payant un brin de bonne conscience en replantant quelques centaines d’arbres – après avoir détruit des milliers d’hectares – que les grands de ce monde enrayeraient le phénomène. Ils le savaient et elle aussi : tous s’en moquaient, mais un jour, il faudrait bien collectivement régler la facture.


Tic-Tac. Le compte-à-rebours ne cessait de tourner, la trotteuse des secondes voulant sonner le glas.


Aussi bien les anges que les démons se moquaient que les humains s’écharpent, s’affament ou encore détruisent leur planète à petit feu. C’était le jeu et, même si d’aucuns ne comprenaient le dessein de La Toute Puissante, il suffisait d’invoquer le Grand Plan pour se laver les mains et refuser de s’émouvoir face à une débâcle générale annoncée. L’Apocalypse était depuis la création programmée, il n’était que bien naturel de laisser les cavaliers en poser les jalons. À la fin, la seule chose comptant pour au paradis comme en enfer, c’était de faire tourner la machine et de garder l’équilibre des âmes engrangées : l’un dans l’autre, avec en balance les adeptes du carnage et les innocents fauchés, tout le monde finissait par s’y retrouver.


Et le Saint-Esprit, impuissant, en prenait bonne note. En faisant le simple constat, ne pouvant que se lamenter en silence : il n’avait pas de main pour se débattre ou porter secours et pas de bouche pour parler. Moins immanent qu’un frisson dans le vent, ses regrets ne servaient à rien.


Pourtant, campé dans un coin alors que les cavaliers se réunissaient, il retint son souffle et pria.


Diable savait qui ayant filé rencard à la macabre trinité dans une venelle donnant sur un parking désert. Quelque part entre un fast-food décrépi et une enseigne de bricolage géante illuminée comme une cathédrale de néons, les apôtres de La Faucheuse garèrent leurs montures à l’entrée de la ruelle. Le ciel était si bas qu’il semblait prêt à s’effondrer, un vent épais soufflait paresseusement.


Guerre, toujours pressée d’en découdre – évidemment – fut la première à sauter de sa moto rutilante pour lancer l’algarade.


— On dirait que l’humanité a recommencé, s’exclama-t-elle en applaudissant avec un sourire extatique. L’Ukraine, Gaza, la Somalie, Taïwan… Le Groenland bientôt, je ne sais même plus où donner de la tête ! Chaotique à souhait : un monde selon mon cœur.


Dans la lueur des néons clignotants, son blouson rouge pétant se reflétait dans la carrosserie écarlate de son destrier des temps modernes. L’épée flamboyante – volée par la gamine agressive, ayant hurlé au pacifisme avant de l’insulter – lui manquait, mais elle avait eu tôt fait de lui trouver un agréable substitut. Pendu à sa taille pendait un Beretta, cela ferait parfaitement l’affaire : la Championne des armées le caressa machinalement.


Famine, aussi élégant dans sa combinaison cintrée de cuir que dans ses habituels costumes, hors de prix et taillés sur mesure, lui adressa l’un des sourires de requin dont il avait le secret : ses joues se creusèrent tandis que ses dents effilées se dévoilaient dans un rictus réjoui.


— Même constat chère sœur : en mon absence, les humains ont continué à gaspiller les vivres et à sciemment s’affamer. Le Nord brûle des tonnes de denrées, tandis que le Sud supplie pour des miettes. Et des foules d’excentriques toujours plus nombreuses pour tester les joies de la privation volontaire : jeûnes healthy life, aliments synthétiques, édulcorants et coupe-faim aromatisés. Miam.


L’homme sortit de sa poche le prototype d’une fausse barre protéinée. Il la déballa et commença à la mâchonner avec gourmandise : la retirant de sa bouche remplie de menaçantes canines, il la tendit avec fierté en direction du troisième larron qui attendait à l’ombre de son étrange véhicule.


— Un délice avec les mêmes propriétés que le ténia : un futur atout indéniable pour un régime express ! Toi qui aimes les innovations, je suis certain que tu apprécies ma trouvaille à sa juste valeur.


Pollution déjà accroupie dans la crasse, installée au milieu des détritus comme au sommet d’un trône, lui adressa un vague signe d’approbation assorti d’un regard lumineux. Ses yeux argentés brillaient de manière malsaine : flaques iridescentes à la substance trouble d’agents chimiques corrosifs.


— Oh ! Tant qu’elles sont livrées dans un tas de petits sachets individuels et qu’elles font tourner l’industrie à plein régime, je trouve toutes tes créations ex… exquises…


Sa voix chantante aux intonations rêveuses trembla d’émotions, se mêlant au ronronnement cahoteux de sa bécane dont il avait consciencieusement laissé le moteur tourner. L’engin était improbable : une sorte d’hybride de Tesla trafiquée pour abriter un réservoir diesel, le véhicule – qui paraissait pourtant dernier cri – lâcha une épaisse trainée huileuse sur les pavés.


— De mon côté aussi tout semble positivement suivre son cours. Tellement… tellement de plastique, c’est fantastique !


— C’est charmant cette petite sauterie, mais que fait-on là et qui nous a convoqués ? gronda Guerre en fronçant les sourcils.


Même avec la famille, les politesses l’ennuyaient : elle trépignait d’en savoir plus et de se lancer à corps perdus – pas les siens de préférence – dans la bataille. Le revolver chauffait sous sa paume et la fureur de la revanche grondait dans ses entrailles.


Tuée par une mioche idéaliste biberonnée par une hippie… elle ! La petite sotte l’avait tancée sur le patriarcat avant de la tenir en joue de la pointe de son épée de feu ; si cela ne fleurait pas le renversement phallique, Guerre se ferait antimilitariste !


Bouillonnante, elle interrogea hargneusement ses frères :


— Pourtant, la mission a échoué. Nos services refusés par l’Antéchrist, puis déboutés par quelques marmots : une vraie disgrâce ! Qu’est-ce qui a tiré nos carcasses des limbes ?


— Le Grand Patron ne nous avait pas adressé un regard : alors, ce n’était pas un état permanent, après tout. Je suppose que les émissaires de la Fin des temps ne peuvent pas être définitivement mis hors d’état de nuire via quelques imprécations pleines de bonne volonté…


Famine étudiait à haute voix les possibilités, pensif mais écœuré maintenant qu’il y songeait. Sa rencontre avec Eux lui restait en travers de la gorge, laissant un goût amer sur sa langue.


Pollution fit rouler une canette rouillée du bout de son pied et haussa nonchalamment les épaules.


— Si nous sommes réunis, ça veut dire que quelqu’un a trouvé le moyen de relancer le projet et que nous allons entamer une nouvelle chevauchée.


Guerre et Famine approuvèrent de concert : leur récent échec ne suffisait pas à les décourager. Le but fixé il y a plus de 6 000 ans, n’attendait qu’un coup de pouce du destin pour advenir.


— Tu as raison, les détails importent peu, abonda dans ce sens Famine. Après tout, si on n’y comprend rien, c’est que ça doit faire partie de…


L’ineffable plan, déclamèrent-ils en chœur.


— On n’attend plus que Lui, il ne devrait pas tarder. Il n’est jamais loin… pronostiqua Guerre.


Le Saint-Esprit ne pouvait pas la contredire : l’homme n’avait en premier lieu jamais été absent. Plus ancien que lui, Dieu ou le temps, il annonça sa présence d’une voix de rocaille.


— BONSOIR. VOUS SEMBLEZ EN FORME.


Constat sentencieux et irréfutable. Drapé de noir, il ne bougeait pas ; son visage, comme toujours habilement dissimulé sous son capuchon – les yeux creux invisibles à tous avant le terme. Il semblait avoir émergé du néant plus qu’il n’était apparu : simplement comme s’il se tenait là depuis le commencement, mais était subitement devenu évident.


Ils s'écartèrent et le saluèrent avec empressement.


Les yeux de Pollution brillèrent, Guerre frappa sa poitrine de son poing et Famine laissa échapper des mots empreints d’un soulagement admiratif.


— Vous étiez ici Seigneur ! Est-ce l’heure ? Le Paradis et l’Enfer ont-ils un moyen pour que nous puissions accomplir notre œuvre ?


— IL SEMBLERAIT. LE RÔLE DE L’HUMANITÉ SERA CAPITAL POUR L’ABOUTISSEMENT DE CE NOUVEAU PLAN.


Il leva une main, poursuivant courtoisement ses explications face aux mines interrogatives de ses compagnons. Un petit dossier surgit de sous sa longue robe noire, puis fut ouvert d’un seul mouvement par un long doigt cadavérique. Les pages voletèrent de leur propre chef.


— WARLOCK DOWLING. VOUS VOUS RAPPELEZ ?


— Le gamin ? Le faux Antéchrist ? s’étonna Famine, toujours le plus au fait des détails, soucieux de comprendre les rouages.


— LUI-MÊME. IL A ÉTÉ DÉSIGNÉ.


— Désigné quoi ? demanda Pollution, fixant amoureusement le liquide rosâtre s’écoulant librement d’un bidon de lessive abandonné, jeté à même le sol plutôt que dans la benne à ordure adjacente.


— CHRIST 2.0. PAR LE SCRIBE ET LE NOUVEL ARCHANGE SUPRÊME. AVEC L’ACCORD DE SES PARENTS. CONTRE UNE SOMME CONSIDÉRABLE. MÉTATRON ÉTAIT À L’INITIATIVE DE CE QUI PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME UNE SIMPLE TRANSACTION COMMERCIALE.


Un silence tombant. Un vrai, plus tranchant qu’une faux.


— Ils ont acheté un Messie ? bredouilla Famine, lui-même ébaubi par tant de culot.


— Mais pour quoi faire et quel rapport avec l’apocalypse ? réagit – comme toujours – à chaud Guerre.


— S’ILS DÉCIDENT DE LE SACRIFIER… CE SERA LA FIN. SANS RETOUR POSSIBLE : C’ÉTAIT ÉCRIT DANS L’UNE DES PROPHÉTIES PERDUES DU SECOND LIVRE D’AGNÈS BARGE.


La Mort attrapa un morceau de papier parcheminé dans les airs et le lança dans la direction des trois cavaliers ; ceux-ci s’étaient spontanément rapprochés durant l’exposé de leur leader, Famine empêcha Pollution de s’en emparer de justesse – pas besoin de que des souillures noires rendent le document illisible – et déchiffra à haute voix la prédiction qui allait tout bouleverser.


« La vie est menacée par l'amertume de l'Avarice qui se nourrit d'elle-même*.Quand des parents accepteront de vendre un enfant qui ne leur appartient pas, mais qu’ils ont élevé ; quand le Paradis paiera pour faire de lui le Messie, alors, les humains auront le choix à Minuit : s’ils crucifient le petit, tout sera fini. Les cavaliers se réuniront et rempliront leur office pour le Second Avènement ».


Les cavaliers de l’Avènement ? Cela sonnait curieusement mais si c’était le rôle qui leur était dévolu. Ainsi soit-il, ils chevaucheraient sous cette bannière.


— Et vous pensez qu’ils vont le crucifier ? s’enquit Guerre.


— J’AI PEU DE DOUTE QU’ILS LE FERONT.


— Je pense qu’il leur faudra moins de 89 secondes pour se décider à le clouer sur une croix, puis ils admireront le résultat sur Tiktok…


L’estimation venait de Pollution, grand spécialiste des réseaux sociaux. Famine approuva vivement, puis termina sa barre à base de ténia. Guerre pouffa en relevant son revolver.


La Mort approuva sobrement. Sans tambour ni trompette, il conclut d’un ton étrangement las.


— LES AFFAIRES REPRENNENT.



Quelque part, perdu dans un autre Plan et installé dans le bureau le plus luxueux du Paradis, l’Archange Suprême du moment menaçait de s’arracher les cheveux. Il observait avec panique les secondes s’égrainant au compteur de l’Horloge Céleste déterminant le moment précis du Second Avènement.


Aziraphale, se tordant compulsivement les mains, implorait – à presque égale mesure – dans sa tête pour avoir de l’aide de la Toute Puissante… quand il n’adressait pas de vaines prières à son meilleur... à son... à Crowley. Prières que le démon ne pouvait en aucune façon entendre. Dépassé par les événements, l’Ange bibliophile n’avait pas la moindre idée pour enrayer la mécanique sinistre.


Dieu, quel que soit son dessein restait cachée. Le Saint-Esprit, plein de compassion et de regrets, n’y tint plus ; il décida d’agir en son nom : les humains allaient peut-être échouer au test mais il fallait au moins tenter de sauver une partie de la Création. Au moins les enfants, le plancton et les baleines.


Lui qui ne pouvait en principe pas intercéder, mit toute sa foi dans un unique message qu’il espérait que l’archange comprendrait et saurait interpréter à temps.


Le reste n’était plus entre ses mains.


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Notes : je voulais écrire un truc sensiblement plus léger/drôle à l'origine, mais l'humour m'a pas mal échappé (notamment sur le démarrage du texte)... Je n'aimais pas beaucoup ce péché :') Voilà donc les cavaliers de l'Avarice, de l'Apocalypse V.2, de l'Avènement 2.0 en route... Dieu seule sait si la tentative d'intervention (qui consiste en quoi ? ;)) du Saint-Esprit pour aider Aziraphale a eu un effet :p


Pour le titre : nous sommes actuellement à 89 secondes de Minuit sur l'Horloge de l'Apocalypse.


*Détournement d'une phrase de l'incroyable texte "Notre besoin de consolation" de Stig Dagerman.

Il y a pêle-mêle des références à plusieurs romans : "Etendards dans la poussière" de Faulkner et (l'un des brûlots antisémite de Céline) Bagatelle pour un massacre. Il y a sans doute d'autres références mais je ne suis plus sûre desquelles ^^"


Bon, je reviendrai prochainement (enfin, tout est relatif me connaissant xD) avec un dernier OS pour compléter le recueil avec le péché d'Orgueil, qui sera plus au moins une pseudo suite (bon, après tous les OS peuvent être considérés reliés à un certain niveau) de celui-ci.


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