Réécriture de contes à la Ghost Whisperer

Chapitre 5 : Les deux frères Clancy

13869 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 22 jours



Voici la référence du conte : « Les deux frères », dans Jacob et Wilhelm Grimm, Les contes – Kinder – und Hausmärchen, tome I, texte français de présentation par Armel Guerne, Paris, Éditions Flammarion, 1986 [© 1967], d’après l’édition de 1812, p. 354 à 382.






Il y avait une fois deux frères : un riche et un pauvre. Le riche, Andrew Clancy, qui était orfèvre, avait la méchanceté dans le cœur ; le pauvre, Aiden Clancy, qui gagnait sa vie en fabriquant des balais, était honnête et bon. Or, celui-là, le pauvre, avait deux fils qui étaient jumeaux et qui se ressemblaient comme deux gouttes d’eau ; leurs prénoms étaient Daniel et Jim. Il arrivait parfois aux deux frères d’aller chez leur oncle, où ils trouvaient à l’occasion quelque chose à manger des restes de sa table.


Un jour que le pauvre Aiden Clancy s’en était allé dans la forêt faire provision de genêt pour ses balais, voilà qu’il aperçut un oiseau tout en or et si beau, si beau qu’il n’avait jamais vu encore un oiseau pareil. Ramassant un caillou, il le lança et eut la chance de toucher l’oiseau ; mais il le toucha seulement et lui enleva une plume d’or, tandis que l’oiseau s’envolait au loin. Aiden Clancy ramassa la plume d’or et la porta à son frère, qui l’examina et dit : « C’est de l’or véritable ». Alors il la lui acheta et lui donna beaucoup d’argent contre la plume.


Le lendemain, comme il était monté dans un bouleau pour y couper de quoi faire des balais, Aiden aperçut de nouveau le bel oiseau d’or qui s’envolait ; il se mit à sa recherche et il trouva un nid, et dedans il y avait un œuf qui semblait en or. Il emporta cet œuf chez lui, puis le porta à son frère, qui lui dit à nouveau que c’était de l’or pur et qui le lui acheta à son bon prix.

— Ce que je voudrais, dit Andrew à la fin, c’est l’oiseau lui-même.

Aiden retourna une troisième fois dans la forêt et vit de nouveau l’oiseau sur son arbre ; il l’abattit d’un coup de pierre et le rapporta à son frère, qui le lui paya d’une bonne quantité de pièces d’or.

Me voilà tranquille pour l’avenir, pensa le pauvre Aiden, qui rentra tout heureux chez lui.


L’orfèvre était malin et plein de ruse, en réalité, car il savait très bien quelle sorte d’oiseau c’était là ; il appela sa femme, Diana(1), et lui dit : « Tu me feras rôtir l’oiseau d’or, mais attention, et que rien n’y manque surtout : je tiens à le manger en entier et tout seul ! » 

Ce n’était, en effet, pas un oiseau ordinaire, mais un oiseau d’une sorte tellement extraordinaire, que celui qui mangeait son cœur et son foie trouvait ensuite, chaque matin, une pièce d’or sous son oreiller. L’épouse prépara donc l’oiseau pour le mettre à rôtir, le plaça sur la broche et le laissa cuire. Elle était occupée à quelque autre travail quand Daniel et Jim, tout à fait par hasard, arrivèrent en courant de chez leur père, et entrèrent dans la cuisine où ils vinrent devant l’âtre et donnèrent pour s’amuser, quelques tours à la broche. En la tournant ainsi, ils avaient fait tomber deux petits morceaux de l’intérieur de l’oiseau dans le lèchefrite.

Daniel suggéra : « Ces deux petits bouts, nous allons les manger : personne ne le remarquera et j’ai tellement faim ! »

Ils avancèrent leurs doigts élégants dans le lèchefrite et se partagèrent les deux morceaux, qu’ils mangèrent entièrement.

— Qu’avez-vous mangé ? leur demanda la femme qui revenait dans la cuisine à ce moment-là, et qui les avait vus avaler la dernière bouchée.

— Quelques petites bribes qui étaient tombées de l’oiseau, répondit Jim.

— Mon Dieu, ce ne peut être que le foie et le cœur ! s’exclama la femme tout effrayée.

Elle courut dans la basse-cours, où elle tua un chapon. Elle revint à la cuisine avec son cœur et son foie pour les mettre à l’intérieur de l’oiseau, de façon que son mari ne pût se douter de rien et ne se fâchât point. Jim et Daniel, eux, sortirent de la cuisine sans mot dire.

Quand l’oiseau fut rôti et bien à point, Diana le servit à son mari, qui le mangea à lui tout seul et ne laissa rien dans le plat. 


Mais le lendemain à son réveil, quand Andrew Clancy fouilla de la main sous son oreiller pour y chercher la pièce d’or, il n’en trouva pas plus ce jour-là que la veille ni les autres jours.

Les deux jumeaux, de leur côté, ignoraient tout du bonheur qui leur était échu ; mais quand ils se levèrent, le lendemain matin, ils entendirent tous les deux quelque chose qui tombait en tintant par terre. Ils le ramassèrent, et c’étaient deux pièces d’or : chacun la sienne. Ils allèrent les montrer à leur père qui s’en étonna et leur demanda comment pareille chose était possible. Mais comme ils trouvèrent encore deux pièces d’or le lendemain matin, et de même chaque jour l’un après l’autre, Aiden alla trouver son frère et lui raconta cette histoire étrange. L’orfèvre, lui, comprit tout de suite comment c’était arrivé, et que ses neveux avaient mangé le cœur et le foie de l’oiseau merveilleux ; aussi voulut-il se venger d’eux par jalousie et par méchanceté de cœur.

— Tes fils ont un pacte avec le Mauvais, dit Andrew à son frère. Ne touche pas à cet or maudit et ne garde pas plus longtemps les enfants dans ta maison : le Démon les tient en son pouvoir et peut te perdre toi-même aussi bien !

Dans la crainte qu’il avait du Diable, le pauvre père, malgré toute la peine que cela lui faisait, emmena Daniel et Jim très loin dans la forêt et les y abandonna, le cœur navré, écrasé de tristesse.

Les deux garçons perdus coururent çà et là dans la forêt et cherchèrent le chemin de la maison, mais loin de le trouver, ils ne firent que s’égarer encore plus. À la fin, pourtant, ils rencontrèrent un chasseur qui leur demanda qui ils étaient.

L’aîné répondit : 

— Nous sommes Daniel et Jim Clancy, les enfants du pauvre fabricant de balais, Aiden Clancy…

Le benjamin continua : 

— Notre père ne voulait pas nous garder plus longtemps dans sa maison parce que tous les matins, il y avait une pièce d’or sous nos oreillers.

— Ma foi, dit le chasseur, il y a pis que cela, si vous restez bien honnêtes et si vous ne tombez pas dans la paresse à cause de cet or.

Les enfants étaient sympathiques à ce brave homme qui n’en avait pas lui-même, et il les ramena chez lui.

— Je serai votre père, leur dit-il, et je vous élèverai.


Tout en leur apprenant le métier de chasseur, il leur mit de côté pour l’avenir les pièces d’or qu’ils trouvaient l’un et l’autre chaque matin, quand ils se levaient. Lorsqu’ils furent de vrais jeunes gens, en âge de se marier, leur père adoptif les emmena un jour dans la forêt et leur dit : « Daniel et Jim, mes enfants, vous allez aujourd’hui passer votre épreuve de tireurs, que je puisse vous déclarer au terme de votre apprentissage et vous inclure dans la corporation des chasseurs. » 

Ils se mirent donc à l’affût et attendirent très longtemps sans que se présentât le moindre gibier ; mais pour finir le chasseur fit venir au-dessus de leur tête un vol d’oies sauvages en forme de triangle, et il dit à Daniel de tirer la dernière de chaque ligne. Le jeune homme le fit, et réussit ainsi son épreuve. Peu après, un second vol arriva, qui avait cette fois la forme du chiffre deux ; et le chasseur commanda à Jim de tirer la première et la dernière oie de la figure. Il le fit, et réussit aussi son épreuve.

Alors leur père adoptif prononça :

— Je vous déclare libres de mon enseignement et francs-chasseurs désormais.

Les deux frères quittèrent le poste d’affût, après cela, et s’enfoncèrent ensemble dans la forêt pour se consulter et discuter de ce qu’ils allaient faire. Ils se mirent d’accord et le soir, quand ils revinrent à la maison pour le dîner, ils s’adressèrent solennellement à leur père adoptif.

Daniel lui dit : 

— Nous ne voulons toucher à rien de ce qu’il y a sur la table, ni manger la moindre bouchée de nourriture avant que vous n’ayez répondu à notre demande.

— Et quelle est cette requête ? demanda-t-il, les sourcils levés d’étonnement.

Jim répondit d’un ton assuré : 

— À présent que nous sommes instruits, il nous faut aussi terminer notre compagnonnage en parcourant le vaste monde.

Daniel ajouta : 

— Nous vous demandons donc la permission de partir pour accomplir notre voyage.

— Vous parlez là en véritables et hardis chasseurs, leur dit-il : votre vœu correspond à mon plus cher désir. Partez donc et voyez du pays, vous ne vous en trouverez que mieux !

La joie illuminait le visage du vieux chasseur et ils firent un heureux repas tous les trois en trinquant gaiement ensemble.


Le jour venu, le père adoptif fit à Daniel et à Jim cadeau d’un excellent fusil et d’un bon chien, les laissa prendre ce qu’ils voulaient dans leur réserve d’or, puis leur fit un bout de conduite. Au moment des adieux, il leur donna encore un couteau neuf et tout brillant.

— Ce couteau, leur dit-il, gardez-le précieusement aussi longtemps que vous serez ensemble ; mais si un jour vous vous séparez, plantez-le dans un arbre à l’endroit de votre séparation ; en y revenant, l’un de vous deux pourra toujours savoir ce qu’il est advenu à l’autre, car s’il meurt, le côté de la lame tourné dans la direction qu’il aura prise se rouillera, et s’il vit, la lame restera toujours brillante de son côté.


Les deux frères Clancy s’éloignèrent ensemble et poursuivirent leur route plus loin, toujours plus loin, arrivant pour finir dans une forêt si vaste qu’ils ne purent pas en sortir après toute une journée de marche. Ils s’y installèrent donc pour la nuit et mangèrent ce qu’ils avaient dans leurs sacs. Mais le lendemain, quand ils eurent marché toute la journée, ils n’en étaient toujours pas sortis ; et comme ils n’avaient plus rien à manger, Daniel dit à Jim avant la nuit : « Il faut que nous tirions quelques gibier, sinon nous allons périr de faim ».

Il arma son fusil et se mit aux aguets. Voyant déboucher un gros lièvre déjà âgé, il épaula, prêt à tirer ; mais le lièvre lui cria :

« Brave chasseur, laisse-moi sauf et je te donne deux levrauts. »

D’un bond, il fut dans le fourré et revint avec deux petits lièvres, si gentils et si joueurs que les deux chasseurs n’eurent pas le cœur de les tuer. Ils les gardèrent avec eux, et les deux levrauts les suivirent sans quitter leurs talons. Un peu plus loin, la silhouette fuyante d’un renard se glissa devant eux, et les deux frères allaient tirer quand le renard leur cria :

« Braves chasseurs, laissez-moi sauf ! Je vous donne deux renardeaux. »

Et il leur ramena deux adorable renardeaux, que les chasseurs furent tout aussi incapables de tuer, tant ils étaient mignons. Ils tinrent compagnie aux petits lièvres et suivirent avec eux. Peu après, ce fut un loup qui sortit de l’épaisseur du hallier. Ils l’avaient déjà mis en joue quand le loup leur cria :

« Braves chasseurs, laissez-moi sauf ! Et vous aurez deux louveteaux ! »

Les deux jeunes loups allèrent rejoindre les autres et suivirent les chasseurs avec eux. Presque aussitôt, ce fut un ours qu’ils eurent dans leur mire, mais comme il avait encore envie de rester sur ses pattes et de trotter à sa guise, il leur cria :

« Braves chasseurs, laissez-moi saufs ! Deux oursons seront votre cadeau ! »

Les deux oursons allèrent rejoindre le reste de la compagnie, ce qui fit qu’ils étaient huit. Mais qui surgit pour finir ? Ce fut un lion, qui apparut en secouant sa crinière. Daniel et Jim, pourtant, ne se laissèrent pas effrayer et visèrent le lion, qui leur cria bien vite :

« Braves chasseurs, laissez-moi sauf ! Et vous aurez deux lionceaux ! »

Et il revint, lui aussi, avec ses deux petits ; ce qui fait que les deux chasseurs avaient maintenant deux lions, deux ours, deux loups, deux renards et deux lièvres qui les suivaient et qui étaient à leur service. 

Jim dit à son frère d’un air exaspéré : « Dan, bien beau d’avoir une telle compagnie, mais tout cela ne va pas calmer notre faim, bien au contraire ! »

Daniel parla aux renards : 

— Dites donc, vous autres, les maîtres tapinois, attrapez-nous quelque chose à manger, vous avez ce qu’il faut en ruse et en astuce !

Les renards se consultèrent et l’un d’eux répondit : 

— Il y a un bourg, pas loin d’ici, qui nous a déjà procuré plus d’un poulet…

L’autre ajouta d’une voix douce : 

— Nous vous montrerons le chemin avec plaisir.

Le deux renards menèrent le petit groupe devant un village. Là, Daniel et Jim achetèrent à manger pour eux et pour leur troupe ; puis ils continuèrent le voyage. Le soir, les deux frères discutèrent de tout et de rien, question de passer le temps. Ils songèrent ainsi peut-être à devenir ambulanciers, étant donné qu’ils avaient sauvé autant d’animaux. Ils se trouvaient vraiment être de piètres chasseurs, d’où l’idée du changement de métier.

« Seulement », précisa Jim, « il faut se rendre dans une ville… »

Daniel souria gentiment et termina sa phrase : « Dans un village, il y a peu de chance de rencontrer un ambulancier… »

Il confirma silencieusement ses propos.

Ils avaient hâte de passer le village et d'arriver près d’une ville. Heureusement pour eux, les renards, qui connaissaient admirablement le coin et ses ressources, n’ignorant rien des basses-cours qui s’y trouvaient, et ils surent renseigner les chasseurs à la croisée de tous les chemins et des sentiers de la région.


Ils se rendirent près d’une petite ville, après le village. Là, ils virent des ambulanciers occupés à intervenir auprès d’une personne dans un parc(2). Intrigués, Daniel et Jim les saluèrent et leur firent savoir leur intérêt à apprendre leur métier. Tous les regardèrent de travers et avec méfiance. Seul Timothy Flaherty, un ambulancier vers la mi-trentaine, accepta de leur apprendre les principes de base du secourisme(3). Les deux frères, contents de son altruisme, restaient auprès de lui quelques années, afin d’apprendre tous les secrets du métier. Le trio se réunissait dans le salon du personnel du petit hôpital de la ville, nommé Miséricorde(4). Une fois leur apprentissage terminé, Timothy leur dit :

« Mes chers élèves, je vous propose, pour certifier votre formation, de faire votre première intervention dans la ville. Allez-y ! Je vous suivrai pour confirmer que vous maîtrisez bien les techniques d’intervention paramédicales. Et ainsi, je vous reconnaîtrai comme un égal. »

Daniel et Jim partirent chacun de son côté dans la ville, avec leur trousse d’ambulancier à la main. Le trentenaire suivit l’aîné. Ce dernier remarqua une personne allongée sur le banc d’un parc. C’était un homme d’âge mûr, qui respirait bruyamment. Daniel s’approcha de lui, s’assura qu’il était allongé de manière sécuritaire, évalua rapidement l’intervention à faire, sortit les objets de sa trousse et le sauva. Timothy félicita son élève en ces termes : « Très bien ! Je vous reconnais, Daniel Clancy, comme un ambulancier ! »

Ils se donnèrent une accolade amicale et masculine. Puis les deux hommes se promenaient dans la ville, pour retrouver Jim. Ce dernier était dans une boutique, près d’une jeune femme allongée sur le sol. Des clients formaient un cercle autour d’eux. Timothy et Daniel entrèrent et éloignèrent les curieux. Puis ils regardèrent l’intervention de Jim. La femme se leva en s’appuyant sur le jeune ambulancier. Le trentenaire félicita ce dernier. Puis, il dit : « Voilà, je certifie que Daniel et Jim Clancy, vous êtes des ambulanciers très avertis ! Sachez que ce fut un plaisir d’enseigner à des étudiants comme vous. Sur ce, bonne chance pour votre recherche d’emploi ! »

Les deux jeunes répliquèrent à l’unisson : « Merci à vous, Monsieur Flaherty ! »

Le trio sortit de la boutique. Timothy, Daniel et Jim firent leurs adieux ; le premier se rendit à l’hôpital, les deux frères dans leur petit appartement pour se reposer de leur journée avec leurs animaux. Ils étaient très content d’eux-mêmes : étant des chasseurs et des ambulanciers hors-pair, ils avaient l’impression d’être utiles au reste du monde. 

« Au moins », commenta Jim, « si nous n’avons pas le cœur d’achever des pauvres créatures, nous pouvons les sauver… Ainsi, nous serions moins impuissants devant des blessés, surtout que nous ne savons pas où nous irons après cette ville… »


Et les jumeaux espéraient bien trouver un emploi dans la petite ville. Au cours des semaines suivantes, chacun de son côté postula aux différentes offres qu’il voyait sur les sites Internet et dans les journaux locaux. Comme ils n’y trouvaient point d’emploi où ils pussent rester tous ensemble, ils décidèrent de se séparer dans la forêt à côté de la ville. Daniel et Jim se partagèrent donc leur troupe d’animaux et chacun des deux frères eut son lion, son ours, son loup, son renard et son lièvre. Ils se firent leurs adieux en se jurant fidélité jusqu’à la mort, dans leur amour fraternel, plantèrent dans un arbre le couteau que leur avait donné leur père adoptif et partirent chacun dans sa direction, l’un vers le couchant, l’autre vers le levant.


Jim Clancy arriva, suivi de ses animaux, dans une ville qui était toute tendue de crêpe noir. Il entra dans une auberge et demanda à l’aubergiste, un certain Gabriel Lawrence(5), s’il pouvait loger ses bêtes et faire en sorte qu’elles aient à manger. 

« Oui, dit l’aubergiste, ces animaux peuvent être sans problème dans l’étable à côté de l’auberge. »

Et l’homme les mit dans l’étable en question. Cette étable avait un trou dans un mur ; et le lièvre passa par le trou pour aller se chercher un chou, qu’il mangea ; le renard lui aussi passa par le trou, se procura une poule qu’il mangea, et après la poule, mangea encore le coq. Mais ni le loup, ni l’ours, ni le lion, qui étaient bien trop gros, ne pouvaient se glisser par le trou et sortir ; alors l’aubergiste les fit mener dans un champ où dormait une vache, dont ils purent se régaler jusqu’à ce qu’ils eussent oublié leur faim. 

Tranquillisé au sujet de ses bêtes, Jim Clancy demanda alors à Gabriel Lawrence : 

— Mon bon Monsieur, pouvez-vous me dire pourquoi la ville est ainsi tendue de crêpe noir ?

— Parce que demain doit mourir la fille unique de notre roi, répondit l’aubergiste.

— Comment s’appellent votre roi et sa fille ?

— Notre roi est Sa Majesté Thomas Gordon ; sa fille est Madame Melinda Gordon(6).

— Elle est donc si malade ? demanda Jim.

— Non pas, dit l’aubergiste, elle est en excellente santé et dans toute sa jeune fraîcheur, mais elle doit quand même mourir.

— Comment  cela se fait-il ?

— Au-dessus de la ville se dresse une montagne où vit un dragon, expliqua l’aubergiste en pointant du doigt une montagne qui se voyait depuis l’une des fenêtres, chaque année, il lui faut une jeune vierge à dévorer, sinon il dévasterait tout. Mais à présent que toutes nos vierges y ont passé, il ne reste plus que la seule fille du roi Sa Majesté Thomas Gordon, pour laquelle il n’y a plus de grâce possible : elle doit être livrée au dragon demain.

— Mais pourquoi n’a-t-on pas tué le dragon ? s’étonna Jim Clancy.

— Hélas ! Tant de chevaliers l’ont tenté déjà ! Mais tous, sans exception, y ont laissé la vie. Le roi a même promis sa fille à celui qui vaincra le dragon, répondit l’aubergiste d’un air désespéré, et aussi que le vainqueur lui succéderait sur le trône à sa mort.

Il fit une courte pause puis ajouta d’un air sérieux : 

— Monsieur, vous devez savoir quelque chose au sujet de la princesse… Madame Melinda Gordon a un don bien particulier, à savoir celui de voir les esprits errants… Il semblerait, selon les rumeurs qui courent, qu’elle ait hérité ce don de sa grand-mère maternelle, Sa Majesté Mary-Ann Patterson et de sa mère, Sa Majesté Elizabeth Gordon(7). Je le sais, car moi-même je vois de telles entités…

Jim ne dit rien et prit congé de l’aubergiste.



Le lendemain, à l’aube, le jeune chasseur-ambulancier emmena ses animaux et gravit avec eux la montagne du dragon. Il y avait une petite chapelle tout en haut, et sur l’autel de cette chapelle trois coupes pleines étaient posées, avec cette inscription au-dessus : « Celui qui vide les coupes sera l’homme le plus fort de la terre et pourra se servir de l’épée enfouie sous le seuil ».

Jim ne vida pourtant pas les coupes, non, pas à ce moment-là : il revint sur le seuil, creusa et découvrit l’épée, mais fut incapable de la faire bouger ; alors il rentra dans la chapelle et but les trois coupes, qui le rendirent tellement fort, que non seulement il put enlever l’épée, mais encore il la maniait comme si elle ne pesait rien.


Quand ce fut l’heure et le moment que la vierge princesse Melinda Gordon devait être offerte au dragon, le roi, la reine, le maréchal et toute la cour la suivirent en cortège hors de la ville. Tous étaient très affligés du sort qui attendait la princesse. En voyant de loin Jim Clancy au sommet de la montagne, elle crut que c’était le dragon qui l’attendait là-haut et s’arrêta, ne voulant pas y aller. Non, elle ne voulait pas monter, la pauvre ! Mais pour finir, il lui fallut bien reprendre sa marche douloureuse et terrible, puisque si elle n’y allait pas, la ville entière serait  anéantie. Et tandis qu'elle gravissait la pente, Thomas Gordon, Elizabeth Gordon et les courtisans firent demi tour, dans la pire affliction, et rentrèrent au palais. Le maréchal du roi, Kevin McCall(8), par contre, resta sur place, car il devait et voulait observer tout de loin.


Parvenue au sommet de la montagne, la princesse y trouva, non pas le dragon, mais le jeune Jim Clancy qui s’efforça de la rassurer et lui dit qu’il voulait la sauver. Elle remarqua aussi les esprits errants des jeunes hommes qui avaient trouvé la mort en affrontant le redoutable dragon. Ils étaient tous des preux chevaliers qui avaient connu une fin cruelle, écrasés entre les pattes du monstre, ou encore brûlés par son feu. La princesse extraordinaire les salua d’un signe de tête. L’un d’eux s’avança vers elle. Melinda le détailla : un grand et jeune homme musclé aux cheveux châtains et aux yeux bleus, qui était vêtu d’une armure de fer calcinée.

L’esprit s’inclina devant elle puis s’exclama d’une voix forte : 

— Madame Melinda Gordon, nous vous promettons que le nouveau courageux qui est maintenant arrivé pour affronter ce redoutable dragon le vaincra ! Parole de chevalier !

Il leva son index droit et s’exclama : 

— Et que le Seigneur entend notre prière !

Il se retourna vers les autres et hurla : 

— Camarades, au garde-à-vous !

Aussitôt, tous les esprits se positionnèrent, droits comme des piquets.

La princesse souria brièvement à la vue d’une telle armée de défunts, bien que désolante à voir. Elle détourna son attention de ces militaires. Melinda pensa en regardant amoureusement le chasseur-ambulancier : En espérant qu’il parviendra là où les autres n’ont pas réussi… 

Elle soupira.

Malheureusement, je n’en suis pas certaine… Dommage ! Il est tellement charmant !

Jim était séduit par la grâce et la finesse de Melinda. 

J’espère bien parvenir à la délivrer afin de la marier(9) !

Il s’éclaircit la gorge pour revenir au moment présent. 

Il lui dit d’une voix chaleureuse :

— Madame Melinda Gordon, je suis venu vous sauver du dragon…

Elle murmura en baissant les yeux, les joues légèrement rouges : 

— Merci, Monsieur Jim Clancy…

Un vrai prince charmant !

Il continua de sa belle voix harmonieuse et masculine : 

— Je vous propose de vous mettre à l’abri dans la chapelle…

Une moue déforma son visage fin, la princesse murmura : 

— Êtes-vous certain que le dragon ne me trouvera pas facilement ?

Petit sourire aux lèvres, il répliqua : 

— Pas si la chapelle est fermée…

Elle lui souria gentiment, le cœur battant la chamade, elle entra dans la chapelle, que Jim verrouilla à double tours(10).

Presque aussitôt survint, avec un bruit énorme, le dragon à sept têtes, qui se trouva fort surpris de voir le jeune chasseur et qui lui demanda :

— Que venez-vous donc chercher, ici, sur cette montagne ?

— Je suis venu pour vous combattre, répondit Jim sans sourciller.

— Après tant de chevaliers qui ont laissé la vie, j’en aurai vite fini avec toi ! annonça le dragon, qui se mit immédiatement à vomir des flammes par les sept gueules de ses sept têtes.

Les esprits apparurent devant les animaux, qui les suivirent, ressentant que leur maître était en danger. Le feu aurait dû se propager dans l’herbe sèche et le chasseur y succomber, suffoqué par la fumée et brûlé par le brasier ; mais ses animaux accoururent pour piétiner le feu et l’étouffer à mesure.

Melinda, elle, depuis la chapelle, regardait, interdite et tremblante, ce qui se passait à l’extérieur.

Le dragon se jeta en avant pour en finir avec Jim, mais l’esprit de l’un des chevaliers s’avança vers le vivant et l’influença mentalement afin qu’il sortit son épée. L’épée siffla dans l’air et trancha trois des têtes. Fou de fureur, le dragon se dressa de toute sa hauteur, cracha des flammes sur le chasseur et se rua à l’assaut pour l’écraser. Les esprits, en un clin d’œil, apparurent devant Jim, afin de former un bouclier pour détourner les flammes du monstre(11). Encore plus furieux, il cracha de plus belle, mais sans succès. Lorsqu’il fut proche de Jim, ce dernier brandit son épée et lui trancha encore trois têtes. Le monstre s’affaissa perdant ses forces et son sang ; mais dans un dernier sursaut, il s’élança encore sur le chasseur, qui rassembla toutes ses forces pour frapper — encouragé par les esprits qui l’entouraient — et réussit à lui trancher la queue avant de retomber, lui aussi exténué, incapable d’achever le vaincu. Alors il appela ses fidèles animaux qui déchiquetèrent le dragon et le mirent en pièces. Le combat ayant pris fin, Jim Clancy se traîna jusqu’à la chapelle et l’ouvrit, pour trouver la princesse étendue sur le sol : l’épouvante et l’angoisse avaient été trop fortes pendant le terrible duel, et elle s’était évanouie vers la fin du combat. Il la porta dehors, et lorsqu’elle fut revenue à elle et eut ouvert les yeux, il lui montra le corps déchiré du dragon en lui  disant qu’elle était sauvée et qu’elle n’avait plus rien à craindre. Ses animaux formaient un cercle autour du couple.

— Et, Monsieur Jim Clancy, vous serez mon époux bien-aimé, lui dit Melinda toute heureuse, en lui sautant au cou, car mon père m’a promise à celui qui tuerait le dragon !

Retirant alors son collier de corail, elle le divisa pour le passer en collier à chacun des animaux fidèles comme un signe de sa reconnaissance, et le lion reçut pour sa part le petit fermoir d’or. Au chasseur, elle fit présent de son fin mouchoir qui était brodé à son nom ; et Jim, l’ayant reçu, alla couper les sept langues dans les gueules du dragon, et les noua dans le mouchoir pour les garder précieusement.

Les esprits apparurent devant Melinda, en garde-à-vous, formant une haie d’honneur, leur chef devant eux. Elle leur demanda d’une voix claire : 

— Messieurs, merci beaucoup de votre aide…

Le chevalier aux yeux bleus lui souria, s’inclina puis répliqua : 

— Sergent Matthew Murphy(12) ! Madame Melinda Gordon, nous n’avons fait que ce qui était possible de faire. Nous avons aidé ce jeune homme. Ainsi, la ville est enfin délivrée de ce mal !

Jim la rejoignit et regarda alternativement la princesse et la direction vers laquelle celle-ci regardait.

Heureusement que l’aubergiste m’avait averti au sujet du don de Madame Melinda Gordon… Sans doute qu’elle parle avec un esprit… pensa le chasseur.

Il lui fit un baise-main puis lui demanda : 

— Madame Melinda Gordon, est-ce que vous parliez avec un esprit ?

Elle répondit :

 — Oui… 

En parcourant du regard les esprits devant eux, elle ajouta : 

— Il y en a même plusieurs qui hantent cette montagne…

Elle termina d’une voix attristée : 

— Tous des jeunes hommes qui sont morts en voulant délivrer la ville du dragon…

Jim murmura d’une voix chaleureuse : 

— L’important n’est-il pas que le dragon soit mort ?

Elle confirma ses propos.

Les esprits s’exclamèrent d’une seule voix : 

— Longue vie à vous deux ! Que le Seigneur vous bénisse ! Nous, nous sommes enfin prêts à quitter ce monde !

Leur chef ajouta d’une voix forte : 

— Camarades ! Il n’est jamais tard pour réparer notre erreur !

Les autres esprits répliquèrent : — Oui !

Melinda, émue, les larmes aux yeux, balbutia : 

— Monsieur Jim Clancy, voilà les esprits prêts à partir dans la Lumière, dans l’Au-delà…

Elle s’adressa en ces termes aux esprits : 

— Merci encore une fois, Messieurs ! En espérant que vous partirez en paix ! Si vous voyez une lumière, allez-y sans crainte…

Tous les esprits se retournèrent vers leur droite, ayant remarqué une lumière blanche et pure. Ils murmurèrent comme un seul homme : 

— Quelle belle lumière ! Tellement chaleureuse, accueillante et divine !

La princesse extraordinaire nota leur apparence plus présentable, sans aucune trace de brûlure ou de sang sur leurs cottes de mailles et leurs armures(13).

Petit sourire aux lèvres, elle dit d’une voix mélodieuse : 

— Cette lumière est pour vous… Bon voyage, chevaliers courageux !

Les esprits, expression de joie irréelle au visage, s’inclinèrent une dernière fois devant le couple puis marchèrent en pas cadencé en deux rangées vers leur droite, jusqu’à ce qu’ils disparurent de la vue de Melinda, accueillis par la lumière blanche.

La princesse suivait du regard le départ de ces jeunes hommes. Elle fut émue et ne put s’empêcher une larme de joie. 

Jim, d’une voix qui se voulait chaleureuse malgré sa fatigue, demanda : 

— Que vient-il de se passer, Madame Melinda Gordon ?

— Les esprits des anciens… chevaliers qui avaient combattu le dragon… Ils viennent de partir dans la Lumière… Répondit-elle.

Elle parcourut du regard l’endroit, pour en effet remarquer qu’aucun esprit n’était resté, sauf celui qui était le chef de cette petite armée.

Melinda termina sa phrase : 

— Sauf un…

L’esprit fit un salut militaire puis dit d’une voix assurée : 

— Madame Melinda Gordon, je ne partira pas tant que vous n’êtes pas mariée à votre valeureux chasseur…

Elle se retourna vers Jim et murmura : 

— Le Sergent Matthew Murphy… Cet esprit me dit qu’il ne partira pas tant que nous ne nous marions pas…

Le chasseur manifesta sa compréhension par un faible sourire.

L’entité disparut de la vue de Melinda.


Épuisé comme Jim l’était par la bataille et par le feu, réellement à bout de forces, il dit alors d’une voix éteinte : « Nous allons dormir un peu maintenant, puisque nous sommes tous les deux si exténués et si las. »  

Melinda approuva et ils s’étendirent côte à côte sur le sol, puis le chasseur dit à son lion : « Mon cher lion, tu veilleras sur nous et tu monteras la garde, afin que nul ne nous surprenne pendant notre sommeil ! »


La princesse et le chasseur tombèrent dans le sommeil tout aussitôt, et le lion resta assis là, veillant sur eux ; mais lui aussi était fatigué par le combat, et à son tour il appela l’ours et lui dit : « Il faut que je dorme un petit peu, alors tiens-toi près de moi et s’il arrive quelque chose, réveille-moi ! » L’ours se tint à côté du lion ; mais comme il était fatigué, il appela le loup et lui dit : « Il faut que je dorme un petit peu, alors tiens-toi près de moi et s’il arrive quelque chose, réveille-moi ! » Le Loup prit la garde à son tour, mais il était fatigué semblablement, et il appela le renard pour lui dire : « Il faut que je dorme un petit peu, alors tiens-toi près de moi et s’il arrive quelque chose, réveille-moi ! » Le renard se mit près du loup ; mais lui aussi se sentait fatigué, et il appela le lièvre, auquel il dit : « Il faut que je dorme un petit peu, alors tiens-toi auprès de moi et s’il arrive quelque chose, réveille-moi ! » Le lièvre se mit à côté du renard ; le Sergent Matthew Murphy apparut devant lui, en garde-à-vous. 

Le lièvre lui dit : « Il faut que dorme un peu… »

L’esprit termina sa phrase : 

— Vous êtes fatigué, je compatisse… Moi, au contraire, depuis longtemps, je n’éprouve plus la faim, la soif et l’envie de dormir(14) ! Je vous avertirai s’il arrive quelque chose ! Bonne nuit, camarades !

Et le lièvre, rassuré, s’endormit. L’entité fit le tour de la montagne. Il épia le maréchal, qui, le cou étiré, essayait de voir ce qui se passait en haut de la montagne. Kevin McCall, quand il vit que le dragon n’avait pas emporté la princesse et que tout était tranquille sur la montagne, se demanda ce qui avait bien pu se passer.

Qu’est-ce qui avait pu se passer là-haut ?, pensa-t-il, vert de jalousie. Je n’oserais quand même pas croire que ce chasseur soit parvenu à le tuer… C’est impossible ! Des chevaliers plus exercés que lui n’avaient pas réussi à en venir à bout du dragon… Et même si c’était le cas, je n’aurai qu’à le tuer… Mais comment ?... Un coup d’épée dans la poitrine ? Hmm… S’il a une armure sur lui, ça sera difficile… Le plus simple serait de le décapiter… D’ailleurs, même s’il a un casque, le cou reste vulnérable…

Kevin soupira de joie, en tâtant de sa main droite la manche de son épée, qui était dans son fourreau.

Après, il ne me restera qu’à dire à Thomas que c’est moi qui a tué le dragon et qui a délivré sa fille et le royaume… Et me voilà assuré de succéder au roi ! Un chasseur ne pourra jamais devenir un roi ! Une princesse comme Melinda mérite un meilleur mari ! Je suis le meilleur époux qu’elle puisse avoir ! Et pour acheter son silence, je n’aurai qu’à la menacer de la faire mourir ! Elle est tellement facile à effrayer qu’il me sera simple de la convaincre de dire que c’est moi qui l’a délivré du dragon…

Le maréchal, content de son idée, fortifia ainsi son courage et monta à son tour. Le Sergent, furieux que l’homme sans cœur et sans foi qu’était Kevin McCall ait de telles pensées, décida de déplacer des pierres de la montagne. L’homme, surpris, mourut écrasé par les pierres. Devenu esprit errant, il se rendit rapidement au sommet de la montagne(15)

Jim et Melinda se réveillèrent en raison du bruit. Les animaux aussi. Encore embrumés par le sommeil, ils scrutèrent autour d’eux. Comme ils ne notèrent rien de dangereux, ils s’endormirent à nouveau. 

Voyant le couple et les animaux, le maréchal pâlit de jalousie. 

Le Sergent apparut devant lui et dit d’un ton sévère : « Monsieur le Maréchal Kevin McCall… »

Étonné, les yeux grands comme des soucoupes, l’interpellé balbutia : 

— Qui êtes-vous ?

— Le Sergent Matthew Murphy ! Je suis un chevalier, mort brûlé par le feu du dragon que le chasseur Jim Clancy a tué.

L’esprit militaire fit une courte pause puis continua : 

— Un conseil : tenez-vous loin de ce couple, sinon vous aurez affaire à moi. Et je suis sérieux !

Le maréchal, d’un ton ironique, répliqua : 

— Ah bon ! Que pouvez-vous faire ?

Pour toute réponse, Matthew le maîtrisa.

Kevin le supplia d’une voix plaintive : 

— S’il vous plaît, lâchez-moi… Vous me faites mal…

— Menteur !, s’exclama l’autre esprit. Vous ne pouvez pas ressentir de douleur puisque vous êtes sorti de votre corps !

Il saisit le maréchal par les poignets, l’entraînant loin du couple. Une fois rendus au pied de la montagne, le chevalier le lâcha et le frappa d’un coup de poing dans la figure et cria : 

— La prochaine fois que je vous vois, Monsieur le Maréchal, c’est un duel, compris ?

Kevin, en tremblant, confirma sa compréhension et disparut aussitôt de sa vue. Il arriva au palais, car une idée lui était venue en son esprit fourbe.



Le lendemain matin, le lièvre, le renard, le loup, l’ours, le lion, Jim Clancy et Melinda Gordon se réveillèrent. Le Sergent fit un salut militaire et dit :

 — Madame Melinda Gordon, vous pouvez revenir sans crainte auprès de votre père.

Puis il lui rapporta sa confrontation avec le Maréchal. La princesse extraordinaire résuma ses propos au chasseur. Ce dernier l’aida à descendre la montagne et la mena devant le roi, qui ne put cacher sa joie de revoir vivante son enfant chérie.

Thomas demanda : 

— Je suis heureux de vous voir devant moi ! Puis-je savoir votre titre et vos noms ? 

Il s’inclina puis se présenta : 

— Votre Majesté, je ne suis qu’un simple chasseur et ambulancier… Jim Clancy. Comme j’ai tué le dragon, m’accordez-vous la main de votre fille, Madame Melinda Gordon, conformément à votre promesse ?

Le roi se tourna vers sa fille et lui demanda : 

— Dit-il la vérité ?

— Oh oui ! C’est Jim Clancy qui a tué le dragon, aidé par ses animaux et par des esprits errants… Et je puis l'attester ! J’ai tout vu depuis la chapelle où j’étais cachée.

À ce moment-là, un esprit apparut à la droite de Jim : le Sergent Matthew Murphy. À la gauche de Melinda, le Maréchal Kevin McCall.

Elizabeth scruta l’un puis l’autre, et dit à son mari : 

— Votre Majesté, inutile de poser la question au sujet du Maréchal…

Thomas, les sourcils levés, demanda : 

— Pourquoi ?

— Parce qu’il est un esprit errant… Il vient d’apparaître à la gauche de notre fille…

— Merci de l’information, murmura le roi.

Kevin serra ses mains en poing et hurla d’un ton courroucé : 

— Ce chasseur est un imposteur ! J’ai…

Matthew lui coupa sèchement la parole : 

— Menteur !

Elizabeth commenta : 

— Voilà deux esprits qui discutent… ou plutôt, se disputent…

Melinda précisa : 

— Il s’agit du Maréchal Kevin McCall et du Sergent Matthew Murphy… 

Elle parcourut du regard la cour, réunie autour d’eux et ajouta, avec son plus beau sourire : 

— Ne vous inquiétez pas, nous vous rapporterons en résumé leur conversation…

La reine et la princesse regardèrent, interdites, l’interaction entre les deux esprits, qui étaient maintenant face à face. Les autres vivants présents dans la salle attendirent avec impatience que l’une d’elles disait quelque chose.

Le maréchal toussota puis dit, en se retournant vers Matthew : 

— De quoi vous vous mêlez, Monsieur le Sergent !

— J’ai tout vu, car je montais la garde. De sorte que j’ai surpris vos pensées meurtrières. Pour être certain que vous ne passez pas à l’action, j’ai provoqué l’éboulement d’une petite partie de la montagne… De sorte que bienvenue parmi nous, les esprits errants !

Moue renfrognée au visage, son interlocuteur répliqua, en se tournant vers la reine : 

— Votre Majesté Elizabeth Gordon, ne croyez pas aux propos de ce menteur… 

La reine, les sourcils levés, questionna : 

— Monsieur le Maréchal…

Melinda intervint, contenant à peine sa colère : 

— Mère ! Le Maréchal n’a jamais été sur la montagne ! Sinon, je l’aurai vu ! Ce ne peut pas être lui qui a tué le dragon !

Elizabeth, dont le regard se promena de sa fille à l’esprit-maréchal, balbutia : 

— Qui a vraiment tué le dragon ?... Monsieur Jim Clancy ou Monsieur le Maréchal Kevin McCall ? 

Le chasseur répondit sans hésiter : 

— Votre Majesté, comme je vous l’ai dit, c’est moi qui a tué le dragon…

En faisant un geste de main vers la princesse, il termina sa phrase : 

— … ce que votre fille, Madame Melinda Gordon, peut confirmer… Quant à votre maréchal, nous ne l’avons point vu…

La princesse approuva ses propos.

— D’ailleurs, continua Jim, en regardant sans sourciller le roi, n’est pas une preuve suffisante les sept langues du dragon…

Kevin intervint : 

— Pourtant, les dragons n’ont point de langue.

Matthew répliqua : 

— Les menteurs devraient, eux, n’en point avoir ! Mais les dragons en ont, et les langues sont le témoignage et la preuve du vrai vainqueur(16) !

Elizabeth Gordon toussota et dit d’un ton sérieux, en faisant un geste de la main vers le chasseur : 

— Monsieur Jim Clancy, pouvez-vous me montrer les langues du dragon ?

L’interpellé répondit par un geste affirmatif puis dénoua le mouchoir, il l’ouvrit alors, et les sept langues étaient là.

Tous les vivants regardèrent les langues avec crainte, en essayant d’imaginer la taille du dragon. Après plusieurs minutes à montrer à la ronde les langues du monstre, Jim les enroula dans le mouchoir, en s’assurant de laisser le nom de la princesse visible à l’extérieur.

Kevin, vert de jalousie, éructa, en s’approchant du chasseur : 

— Ce sont des langues de vaches et de bœufs qu’il fait passer pour…

La moutarde montait au nez du sergent, qui le maîtrisa pour l’entraîner loin de Jim, vers l’entrée. 

La reine se leva de son trône pour voir de plus près ce qui se passait entre les esprits. Melinda se retourna aussi vers leur direction. 

Elle commenta, en parcourant du regard l’assistance : 

— Le Sergent Matthew Murphy, apparemment en colère, vient d’entraîner le Maréchal Kevin McCall ici, près de la porte d’entrée de la salle du trône… 


Le sergent hurla d’un ton courroucé : 

— Alors, Monsieur le Maréchal Kevin McCall a fini de débiter des mensonges ? De toute façon, rendez-vous à l’évidence : Madame Melinda Gordon ne pourra jamais être la vôtre… Vous n’êtes plus dans votre corps…

L’interpellé répliqua : 

— Je le sais ! Mais, termina-t-il avec un sourire malin, elle peut toujours me rejoindre…

— Il n’en est pas question ! Si vous osez toucher à ce joli couple, vous aurez affaire à moi ! 

Matthew jeta au sol Kevin qui se releva aussitôt, puis dit : 

— Monsieur le maréchal, je n’ai pas oublié le duel… Eh bien, c’est maintenant !

Le sergent sortit son épée de son fourreau ; le maréchal fit de même. 

Melinda serra la main de Jim, inquiète de la suite.

Le roi en regardant sa femme et sa fille, s’éclaircit la gorge et demanda : 

— Pouvez-vous me dire ce qui vient de se passer ?

Elizabeth répondit : 

— Sans problème… Le début d’un duel entre eux… Leurs épées sont sorties de leur fourreau…

Voilà qu’un silence lourd régnait dans la pièce le temps du duel. Les deux esprits étaient bien décidés d’en découdre. Seules la reine et la princesse suivaient avec inquiétude, le front plissé, le mouvement de deux combattants. Tantôt l’un qui donna un coup d’épée, tantôt l’autre, puis, au bout d’un certain temps, ils lâchèrent leur arme respective pour en venir à un corps-à-corps. Le sergent parvint ainsi à maîtriser le maréchal, qui le supplia d’une voix mielleuse : 

— Monsieur le Sergent Matthew Murphy, laissez-moi partir…

— Non ! Pas tant que je ne suis pas certain que Madame Melinda Gordon ne sera pas en sécurité ! Vous me promettez de vous tenir loin d’elle, oui ?

Il lui tordit les poignets, le faisant grimacer, comme s’il ressentait la douleur. Le maréchal hocha la tête. Matthew lâcha Kevin, qui disparut aussitôt en passant au travers la porte de la salle du trône. Le sergent, lui, se rendit en un clin d’œil près de Melinda.

L’épouse du roi revint sur son trône et dit : 

— Le sergent a vaincu le maréchal. Je précise que ce dernier a disparu de la salle en passant au travers la porte.

Un silence suivit une telle remarque.

Jim regarda le roi et dit d’une voix claire : 

— Votre Majesté, si vous ne croyez pas que j’ai vraiment tué le dragon, voici deux preuves supplémentaires…

Il montra bien haut le mouchoir et s’exclama : 

— Ce mouchoir dans lequel sont enroulées les langues est celui que votre fille m’a donné… Son nom y est inscrit…

Il se retourna vers Melinda, qui confirma.

— Aussi, repris le chasseur, son collier de perles a été distribué entre mes fidèles animaux…

Melinda ajouta : 

— C’était en signe de remerciement, parce qu’ils l’ont aidé.

Elizabeth dit d’un ton assuré : 

— Je vous crois bien… Mais dans ce cas, pourquoi le maréchal Kevin McCall affirme que c’est lui ? Qu’en pensez-vous ?

Sa fille répondit : 

— Parce qu’il est malintentionné…

Une pause suivit de propos aussi lourds. Personne n’osa rien dire.


Thomas Gordon, après plusieurs minutes, demanda d’une voix inquiète : 

— Alors, est-ce que quelqu’un peut bien m’expliquer pourquoi le Maréchal Kevin McCall n’est pas revenu ? Comment est-il mort ?

L’esprit maréchal apparut soudainement dans la salle et répondit d’un air courroucé, en désignant du doigt Jim :

 — C’est lui qui m’a poussé en bas de la montagne ! Pour s’approprier de ma victoire ! Pour marier Madame Melinda Gordon !

La princesse hurla en pleurant : 

— C’est faux !

Matthew Murphy explosa : 

— Homme sans foi, allez-vous en immédiatement !

Le roi Thomas Gordon intervint d’un ton sévère : 

— Melinda ! Calmez-vous !

Il fit une courte pause, s’éclaircit la gorge puis dit d’une voix douce : 

— Mon enfant chérie, peux-tu m’expliquer ce qui s’était passé ?

Elizabeth intervint : 

— Je vais répondre à sa place… L’esprit du maréchal a dit que Monsieur Jim Clancy l’a poussé en bas de la montagne pour s’attribuer sa victoire… Et pour marier notre fille…

La princesse éclata en sanglots ; le chasseur l’enlaça par les épaules en un geste protecteur, gêné du malaise qu’elle ressentait. Un lourd silence régnait dans la salle le temps que Melinda se ressaisisse.

Elle regarda son père et répondit sans détours : 

— Le maréchal n’a jamais été sur la montagne. Je ne l’ai pas vu ! Combien de fois vais-je vous le dire ?

Matthew confirma les propos et ajouta : 

— Il était en effet resté en bas de la montagne. Il n’avait osé monter que lorsque tout était calme.

— D’ailleurs, Monsieur le Sergent Matthew Murphy approuve ce que je viens de dire… Il précise que le maréchal était resté en bas de la montagne et qu’il n’avait osé monter que lorsque tout était calme… Il m’a dit, hier soir, que le maréchal était animé de mauvaises intentions à notre égard…


Tout à coup, un esprit apparut à la droite de l’esprit-Sergent. Un vieil homme aux cheveux blancs, mine sévère, vêtu d’un complet beige cravate avec une chemise blanche.

Intriguées, Elizabeth et Melinda tournèrent leur regard vers lui. De même pour les deux autres esprits présents.

Il toussota, s’inclina devant le couple royal et la princesse puis se présenta d’un ton sérieux : — Carl l’Observateur(17), pour vous dire la vérité.

Elizabeth soupira et dit d’un air exaspéré : 

— Voilà maintenant qu’un Observateur, prénommé Carl, vient d’apparaître !

Melinda demanda d’une voix douce : 

— Monsieur Carl l’Observateur, quelle est la raison de votre visite ?

L’interpellé répondit invariablement : 

— Pour dire la vérité…

Il regarda alternativement Matthew et Kevin puis dit d’une voix calme : 

— Chacun de vous a une version des faits… Mais il n’y en a qu’une qui est la vraie… Et j’atteste que Monsieur Jim Clancy, dit-il en désignant d’un geste de bras le chasseur, est le valeureux homme qui a tué le dragon, aidé par ses fidèles animaux et par Monsieur le Sergent Matthew Murphy et les hommes qui étaient sous ses ordres… Je précise que le sergent et ses hommes sont des esprits courageux. Félicitations !

Le maréchal grinça furieusement des dents puis disparut, comme absorbé par le sol.

Carl l’Observateur commenta : 

— Je précise que Monsieur le Maréchal Kevin McCall est un homme sans foi ni loi qui voulait avoir le trône à la mort de Sa Majesté Thomas Gordon. C’est pourquoi il a pensé tuer Jim Clancy, en le décapitant, puis forcer Madame Melinda Gordon à le marier, mais heureusement que le sergent a rapidement réagi. Il a provoqué un éboulement de pierres, de sorte qu’il n’est plus parmi les vivants… Mais même en tant qu’esprit errant, le maréchal est toujours aussi méchant. Et je vous assure que je vous dis la vérité. Dieu m’en est témoin ! Parole véridique d’Observateur !

Elizabeth balbutia, étonnée : 

— Comment pouvez-vous en être si certain ?

— Parce que nous, les Observateurs, sommes une catégorie particulière d’esprits…

Melinda intervint : 

— En quel sens ?

— Nous voyons tout ce qui se passe dans le monde des vivants. Rien ne nous échappe. Nous ne pouvons pas, à vrai dire, le quitter, car nous devons observer les actions et les pensées des hommes. De sorte que lorsque l’un de nous dit quelque chose, vous pouvez être assuré que c’est la vérité. Aussi, nous sommes des incorruptibles serviteurs de notre Seigneur(18).

— Merci du détail, Monsieur ! répliquèrent à l’unisson les deux passeuses d’âmes.


Le roi, le regard brillant de curiosité, tout comme le reste de la cour, demanda : 

— Alors, est-ce que l’une d’entre vous peut bien nous dire ce qui vient de se passer ? Nous avons l’impression d’avoir manqué des informations importantes…

Elizabeth toussota et répondit d’une voix claire : 

— Sans problème… Carl l’Observateur a dit que le chasseur Jim Clancy a tué le dragon, aidé de ses animaux et des esprits qui hantaient probablement la montagne…

Melinda approuva puis la corrigea : 

— Mère, ces esprits ont été des valeureux guerriers qui sont morts en voulant délivrer notre ville du terrible monstre… Ils ont été sous le commandement du sergent Matthew Murphy…

— Merci du détail, murmura la reine.

Elle reprit : 

— Le maréchal, lui, n’est jamais monté sur la montagne… Sauf quand c’était plus tranquille, il a osé monté, sauf que le sergent a provoqué un éboulement de terrain… Et le voilà esprit errant… Aussi, l’Observateur ajoute que Kevin McCall est un homme sans foi ni loi qui voulait accéder au trône en mariant notre fille… Et qui a pensé décapiter Jim Clancy… Et forcer notre fille à le marier…

Melinda intervint : 

— Exactement… Par ailleurs, le maréchal a disparu, comme s’il est aspiré par le sol.

Le roi les remercia d’un signe de tête puis s’exclama d’un air joyeux, en regardant le jeune couple : 

— Monsieur Jim Clancy, je vous accorde la main de ma fille, puisque vous avez délivré notre ville de la terreur du dragon.

Un applaudissement bruyant éclata comme un tonnerre dans la salle. Jim serra Melinda contre lui. Elle pleura de joie.

Thomas Gordon réclama d’une voix forte le silence. Une fois le calme revenu, il s’éclaircit la gorge puis dit d’une voix grave, en fixant le chasseur : 

— À partir d’aujourd’hui, je nomme Jim Clancy comme lieutenant général et gouverneur de tout le royaume. Je fais de lui mon successeur direct à ma mort ! Que ceci soit écrit dans les documents de notre royaume !

À nouveau, toute l’assistance applaudit bruyamment. Une fois le calme ramené, la salle se vida rapidement. Seuls Jim, Melinda, Thomas et Elizabeth y restèrent. Le roi expliqua à son futur gendre les tâches des postes qui l'attendaient.


Les noces furent célébrées dans la liesse générale, et Jim Clancy ne manqua pas d’y inviter son vrai père et son père adoptif, qu’il couvrit de richesses. Le lendemain de leur mariage, le sergent Matthew Murphy salua Melinda et partit dans la Lumière.


Le jeune marié n’avait pas non plus oublié l’aubergiste, auquel il dit, quand il arriva :

— Monsieur Gabriel Lawrence, me voilà marié à Madame Melinda Gordon ! 

L’interpellé s’exclama : 

— Félicitations ! Je vais sortir mes meilleurs vins !

Petit sourire aux lèvres, Jim répliqua : 

— C’est très gentil, mais gardez-les pour vos clients pendant ma semaine de lune de miel ! Moi, j’ai droit de puiser celui de la cave du roi !

— D’accord !

— De plus, dit le jeune prince en s’avançant vers le comptoir, voici un cadeau de ma part… Prenez-le !

Il déposa un sac sur le comptoir et sortit de l’auberge. Curieux, Gabriel le pesa puis l’ouvrit : il contenait mille pièces d’or(19). Heureux de la générosité de Jim Clancy, il rapporta le sac chez lui et le montra à sa femme. Ils vécurent dans l’abondance pendant un certain temps(20).


Tout le monde était content, mais le jeune roi et sa jeune reine étaient les plus heureux de tous et vivaient dans le complet bonheur. Souvent Jim Clancy allait à la chasse pour son plaisir, et ses animaux le suivaient fidèlement. 


Or, il y avait, dans les environs, une forêt assez peu rassurante et qui avait fâcheuse réputation : on disait que celui qui y pénétrait n’arrivait pas facilement à en sortir ; mais cela n’empêchait pas Jim Clancy d’avoir grande envie d’y aller chasser — si grande envie qu’il finit, à force d’insistance, par en arracher la permission au vieux roi. Il chevaucha donc entouré d’une suite nombreuse, et quand il arriva près de la forêt, voyant une belle biche d’une blancheur de neige s’y enfoncer, il dit à ses gens : « Attendez-moi ici, je vous rejoindrai : je veux donner la chasse à cette bête magnifique. »

Jim galopa et s’enfonça sous bois, suivi de ses seuls animaux fidèles. Les gens de sa suite s’étaient arrêtés et restèrent sur place à l’attendre jusqu’au soir ; mais à la nuit, comme il n’était toujours pas revenu, ils remontèrent à cheval et regagnèrent le château royal, où ils rapportèrent à Melinda Gordon qui son mari s’était jeté dans la forêt enchantée à la poursuite d’une biche blanche et n’avait pas réapparu. Ce qui la mit en grande inquiétude à son sujet.


Mais lui, tout à l’ardeur de sa poursuite, il avait galopé derrière la biche blanche, croyant mille fois la rejoindre mais sans jamais y arriver : chaque fois qu’il l’avait à sa portée, elle lui échappait ; et pour finir il l’avait perdue tout à fait. Il se rendit compte alors qu’il s’était enfoncé très profondément au cœur de la forêt, qu’il ne connaissait pas ; il emboucha son cor et sonna son appel, mais nulle réponse ne lui parvint. Jim Clancy était bien trop loin pour que ses gens puissent l’entendre. Il était bien trop tard aussi pour qu’il pût revenir ce jour-là ; la nuit n’allait pas tarder à tomber. Alors il descendit de cheval, se fit un feu sous un arbre et se prépara à passer la nuit là. Le feu flambait, ses animaux s’étaient couchés près de lui, et il se reposait, quand il lui semblait tout à coup entendre une voix humaine qui appelait. Il regarda partout à la ronde, mais ne vit rien. Quelques instants plus tard, il entendit de nouveau comme un gémissement dans les branches de l’arbre au-dessus de lui : Jim leva la tête et aperçut une vieille femme dans l’arbre, une pauvre vieille qui gémissait sans fin :

— Oh ! que j’ai froid ! Ce que j’ai froid ! Oh, oh, oh ! je suis gelée !

— Descendez de là et venez vous chauffer, si vous avez si froid ! lui cria-t-il.

— Non, vos bêtes vont me mordre ! dit la vieille d’un air effrayé.

— Mais non, pas du tout, Madame, vous n’avez qu’à venir.

La vieille, qui était en réalité une sorcière, lui dit alors : 

— Je vais t’envoyer une badine de l’arbre, et si vous leur en donnez un petit coup sur le dos, les animaux ne me feront rien.

Elle lui jeta une baguette avec laquelle il toucha ses animaux, qui s’immobilisèrent instantanément et furent changés en pierre. N’ayant plus  rien à craindre des animaux, la sorcière dégringola de son arbre et toucha Jim de sa baguette ; et il fut aussitôt changé en pierre. Alors elle éclata d’un rire méchant et les tira tous, lui et ses animaux, dans une fosse où gisaient déjà quantité d’autres pierres de même sorte.


Au château, la jeune reine Melinda se tourmentait de plus en plus en voyant que son époux ne revenait toujours pas. Mais il se trouva que dans le même temps, son frère jumeau, Daniel, celui qui s’en était allé vers le levant, arriva à son tour dans le royaume.

Melinda aperçut alors devant elle un esprit. Elle reconnut Carl l’Observateur.

Elle l’aborda en ces termes : 

— Bonjour, Monsieur Carl l’Observateur ! Savez-vous où se trouve mon cher Jim ?

— Oui, répondit-il d’un air sérieux, le visage inexpressif. Madame Melinda Gordon, votre époux est dans la forêt enchantée. Voilà que son frère jumeau, Daniel Clancy, est à la porte de votre ville, avec ses animaux, pour aller le délivrer. 

— J’ignorais que Jim avait un frère…

— Eh bien, maintenant, vous le savez ! … Daniel était allé vers le levant, pour chercher un emploi, mais n’en avait pas trouvé, il s’était mis à voyager en faisant danser ses animaux, à savoir un ours, un loup, un renard, un lion et un lièvre, devant les gens. Il était revenu jusqu’à l’arbre où ils s’étaient séparés, lui et son frère. Sur un arbre, ils avaient laissé le couteau que leur avait donné leur père adoptif et qu’ils avaient planté avant de prendre sa direction, l’un vers le couchant, l’autre vers le levant. Ce couteau était bien spécial, puisqu’il permettait à l’un des deux de toujours savoir ce qu’il est advenu à l’autre, car s’il meurt, le côté de la lame tourné dans la direction qu’il aura prise se rouillera, et s’il vit, la lame restera toujours brillante de son côté. Quand Daniel Clancy y arriva, il vit que la lame, du côté de son frère, avait rouillé sur la moitié de sa longueur, l’autre moitié étant brillante et nette comme avant. Il en fut effrayé et se dit que sans doute qu’un grand malheur était arrivé à Jim et que peut-être qu’il pourrait le sauver puisque la moitié de la lame brille toujours. C’est avec cette idée qu’il est arrivé à la porte de votre ville(21).

Ainsi parla l’Observateur qui disparut en passant au travers du mur le plus proche de lui.

Melinda soupira, encore plus inquiète pour son mari, et ordonna à un serviteur de préparer une chambre d’invité. Ensuite, la princesse accourut devant la porte de la ville pour recevoir Daniel Clancy. Les gardes étaient déjà placés en une haie d’honneur, croyant que leur roi était de retour. Le chasseur, gêné d’être pris pour son frère, déclina son nom et sa fonction. Melinda était frappée par la ressemblance de Daniel avec Jim.

Heureusement que Carl l’Observateur m’a prévenu, sinon je l’aurai embrassé dans la joie des retrouvailles, pensa-t-elle.


Lorsque Daniel Clancy arriva au palais de son frère, Melinda Gordon, d’un air affable, lui montra la chambre d’invité qu’elle lui avait préparée. Il la remercia timidement. La nuit venue, il dormit dans cette chambre, entouré de ses animaux. Daniel Clancy ne s’attarda au château que quelques jours, tout en cherchant à s’informer le plus possible sur ce qui avait trait à la forêt enchantée, et pour finir, il déclara à Melinda, à Thomas et à Elizabeth Gordon  qu’il voulait aller dans la forêt à la chasse et délivrer son frère. Ils voulurent à tout prix l’en empêcher, mais il quitta le château avec une forte escorte. 


Lorsqu’il approcha de la fameuse forêt, il arriva exactement ce qui était arrivé à son frère : il aperçut une superbe biche blanche d’une blancheur immaculée et s’élança à sa poursuite en disant à ses gens de l’attendre. 

— Restez là jusqu’à mon retour : je poursuis cette bête magnifique en espérant qu’elle me conduira jusqu’à Jim et nous vous rejoindrons ici.

Daniel Clancy galopa et s’enfonça seul dans la forêt, suivi de ses animaux. La biche lui échappait chaque fois qu’il se voyait sur le point de la prendre, et ainsi il s’enfonça très avant dans l’épaisseur de la forêt, où il dut se résoudre à passer la nuit quand il eut perdu son gibier, car il était bien trop tard pour en sortir ce jour-là. Il se fit un feu, ses animaux se couchèrent, et il entendit un gémissement : « Ho, ho, ho ! comme j’ai froid ! » Il chercha d’où venait cette plainte et finit par découvrir la même sorcière dans son arbre.

— Descendez de là, Madame, et venez vous chauffer si vous avez si froid ! lui dit-il.

— Non, vos bêtes vont me mordre !

— Mais pas du tout ! Vous n’avez qu’à descendre.

— Je vais vous envoyer une badine, dit la vieille, et si vous touchez le dos de chaque bête, alors là, elles ne me feront rien.

Cette proposition éveilla les soupçons du chasseur : il ne se fiait pas du tout à cette vieille femme et lui répondit sèchement :

— Je ne toucherai certainement pas à mes animaux ! Descendez immédiatement ou je vais vous chercher !

— Qu’est-ce que vous vous imaginez ? lui cria-t-elle. Vous ne pouvez rien contre moi.

— Arrivez ici tout de suite, lui dit-il en levant son fusil, sinon je tire pour vous abattre.

— Tirez toujours, ricana la vieille sorcière, je n’ai rien à craindre de vos balles.

Daniel Clancy visa, tira, mais sans résultat aucun, si ce n’est l’éclat de rire strident de la sorcière qui savait qu’aucune balle de plomb ne pouvait l’atteindre et qui lui cria : « Ce n’est pas encore ce coup-ci que vous me toucherez ! »

Sachant bien de quoi il retournait, le chasseur arracha trois boutons d’argent de sa tunique et les plaça dans son arme comme projectiles, n’ignorant pas que les balles d’argent annulaient tous les sortilèges ; quand il fit feu, la sorcière dégringola avec un hurlement. Il la maintint au sol en l’écrasant sous son pied, et il lui dit : 

— Si vous ne m’apprenez pas immédiatement où est mon frère, vieille sorcière, je vous empoigne et je vous jette dans mon feu !

Dans la pire épouvante, elle le supplia de lui faire grâce en lui avouant : 

— Il est changé en pierre avec ses animaux, couché dans une fosse.

Menaçant, il l’obligea à se lever et à l’y conduire.

— Maudite guenon ! Vous allez rendre mon frère et toutes les créatures qui sont ici à vie, sinon c’est le feu pour vous ! lui dit-il quand ils furent devant la fosse.

Toute tremblante en raison de la menace, elle prit une baguette et en toucha les pierres, qui reprirent aussitôt leur première forme : son frère et ses animaux redevinrent vivants, et bien d’autres avec eux, des marchands, des artisans, des bergers, qui se levèrent tous, remercièrent le jeune chasseur de les avoir délivrés et s’en retournèrent chez eux.

Quant aux deux frères jumeaux, tout heureux de ces retrouvailles, ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre et s’embrassèrent de tout cœur. Ils empoignèrent ensuite la sorcière, lui attachèrent les bras et les jambes et la précipitèrent dans le feu, où elle brûla comme une torche ; et quand il n’en resta plus que des cendres, la forêt s’ouvrit toute seule et devint claire et lumineuse, si transparente qu’ils pouvaient voir le château royal, qui se trouvait pourtant à une distance de trois heures de route.


Ensemble, Daniel et Jim Clancy s’engagèrent sur le chemin du retour, tout en se racontant l’un à l’autre, en cours de route, la destinée qu’ils avaient eue. Jim dit à son frère, après la conversation : « Écoute, Dan, nous nous ressemblons comme deux gouttes d’eau ; voici des vêtements royaux, et nous avons l’un et l’autre nos animaux qui nous suivent. Nous allons entrer dans la ville chacun de notre côté par les portes opposées, et nous rendre en même temps chez le roi Thomas Gordon. » 

Ils se séparèrent pour se présenter en même temps aux deux entrées opposées de la ville ; et lorsque le roi apprit en même temps par l’une et l’autre sentinelle que son gendre revenait de la chasse, suivi par ses animaux, il se leva et s’écria : « Mais enfin, ce n’est pas possible, l’un d’entre eux doit être son frère Daniel ! »(22)

Venant de chaque direction, les deux frères entrèrent en même temps dans la cour du château et montèrent ensemble le grand escalier.

Thomas Gordon s’adressa à sa fille et lui dit :

— Regarde toi-même et dis-moi lequel est ton mari. Ils se ressemblent tellement que moi, je ne puis pas savoir.

En grand émoi, Melinda Gordon resta un moment sans pouvoir rien dire, car elle était incapable, elle aussi, de savoir lequel des deux était son mari ; mais à la fin, elle pensa au collier qu’elle avait donné aux animaux et quand elle vit briller le petit fermoir d’or au cou du lion, elle poussa un soupir et s’écria avec un grand bonheur :

— Le voici, mon véritable époux, mon cher Jim ! C’est celui qui a derrière lui ce lion-là !

— Oui, c’est vrai ! s’exclama le jeune roi en riant aux éclats.

Passant tous à table, ils mangèrent, burent et trinquèrent joyeusement, car ils étaient heureux. Et le soir, Jim Clancy et Melinda Gordon s’endormirent dans leur lit ; Daniel dans sa chambre d’invité(23).



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(1) Dans la série Ghost Whisperer, Daniel et Jim Clancy sont frères, mais pas jumeaux. Leurs parents sont Aiden et Faith. Cependant, rien n’est précisé concernant la famille élargie, de sorte que nous avons inventé un prénom pour leur oncle et son épouse.


(2) Ici, entorse par rapport au conte, car après le village, les jumeaux parcoururent un pays, mais sans trouver d’emploi. Ils se séparèrent alors et chacun partit de son côté.


(3) Dans la série Ghost Whisperer, Timothy Flaherty, surnommé Tim, est un ambulancier, collège de Jim Clancy. Seulement, dans cette réécriture, nous voulons respecter le conte, où un homme plus âgé apprend aux jumeaux les principes de son métier.


(4) Traduction littérale du nom de l’hôpital dans lequel Jim Clancy travaille dans Ghost Whisperer, le Mercy Hospital.


(5) Dans la série américaine, Gabriel Lawrence est un homme qui voit les esprits errants, qu’il retient prisonnier dans sa grande maison. Pour la cause du conte, il est out-of-character, et nous ne le considérons que comme un autre passeur d’âmes.


(6) Nous avons ajouté cette réplique pour mieux cadrer avec les personnages de Ghost Whisperer. Thomas Gordon n’est que le beau-père de Melinda, et il n’est qu’un juge. Seulement, dans cette version, nous considérons qu’il est son père.


(7) Nous avons ajouté cette description de Melinda de la série Ghost Whisperer. De même pour l’aspect héréditaire de son don.


(8) Dans la série Ghost Whisperer, Kevin McCall est le petit copain de Melinda Gordon du temps de ses études. Pour la cause du conte, nous considérons qu’il n’y a eu aucune relation entre eux.


(9) Nous avons ajouté ces pensées pour mieux cadrer avec l’amour de Jim et de Melinda dans la série.


(10) Nous avons modifié ce passage du conte pour le rendre sous forme de dialogue.


(11) Nous avons ajouté l’intervention des esprits des chevaliers qui avaient combattu le dragon. 


(12) Matthew Murphy, surnommé Matt dans Ghost Whisperer, est un ami de Jim Clancy. Il est un vétéran qui est revenu d’Irak et qui est amnésique. Il est suivi par trois esprits errants de ses compagnons d’armes, à savoir le Caporal Hector Sanchez, Steve Simmon et Derek, qui sont décédés en Irak. Pour la cause du conte, nous considérons que Matthew Murphy et Jim Clancy ne sont pas amis et que Matthew est un esprit errant qui commande aux autres.


(13) Dans Ghost Whisperer, les esprits errants que Melinda rencontre conservent leur dernière apparence au moment de quitter leur corps. Ainsi, s’ils ont connu une mort violente, elle les voit avec les égratignures et les traces de sang. Lorsqu’ils sont prêts à quitter définitivement le monde des vivants, ils présentent une apparence beaucoup plus présentable qu’initialement, sans égratignures, sans traces de sang, entre autres.


(14) Les esprits, dans Ghost Whisperer, outre d’être le double du corps, se caractérisent par l’absence des sensations de faim, de soif et de sommeil, puisqu’ils ne sont plus rattachés à leur corps.


(15) Petite entorse par rapport au conte : ce qui est ici rendu comme les pensées du maréchal sont ses actions. Remarquant le corps dépecé du dragon et le chasseur, la princesse et les animaux dormir, il profita de leur sommeil pour décapiter avec son épée le chasseur. La princesse se réveilla et il la prit avec lui, en la menaçant de la tuer si elle ne disait pas que c’était lui le vainqueur du dragon. Lorsque les animaux se réveillèrent, ils remarquèrent leur maître mort. Le lièvre courut aussitôt chercher une plante magique pour remettre la tête à sa place, ramenant le chasseur à la vie. Triste de ne pas trouver la princesse à ses côtés, le chasseur partit dans le vaste monde avec ses animaux et revint un an plus tard dans la même ville. Cette fois, elle était tendue de rouge, car la princesse se mariera bientôt. Le chasseur revient dans la même auberge, où il apprend la nouvelle de l’aubergiste. Il fit un pari qu’il sera lui-même invité au mariage et ses animaux lui ramenèrent un pain, un rôti, des légumes et des sucreries préparés par les cuisiniers du roi ainsi que le meilleur vin que le roi boit. Ainsi, le chasseur donna beaucoup de pièces d’or à l’aubergiste. Ce délai d’un an avait été imposé par la princesse afin que le chasseur puisse revenir. Et celui-ci se rendit à la cour et toute la supercherie du maréchal fut dévoilée, puisque le chasseur plaça les sept langues dans les gueules du dragon, la preuve du mouchoir de la princesse et le collier distribué aux animaux. Cependant, dans cette présente réécriture, nous avons supprimer ce passage, qui s’étend sur plusieurs pages, question de respecter le fait que Kevin McCall est un esprit errant présent au deuxième épisode de la deuxième saison (Love Still Won’t Die / L’amour ne meurt jamais). Aussi, nous considérons que les esprits peuvent déplacer des objets physiques — ce qui arrive très souvent dans la série — et lire les pensées des vivants — ce que nous ajoutons, compte tenu qu’ils sont des entités immatérielles ; ce qui n’est pas précisé dans la série.


(16) Cette réplique est celle du chasseur. C’est seulement pour la transposition avec l’intervention des deux esprits que nous avons modifié le locuteur.


(17) La description correspond à celle de l’Observateur Carl, qui apparaît au treizième épisode de la quatrième saison (Body of Water / Les Âmes du lac) et qui est présent tout au long de la cinquième saison de Ghost Whisperer, afin d’avertir Melinda.


(18) Petit ajout par rapport aux Observateurs tels que décrits dans la série. Ils ne sont pas clairement présentés comme des serviteurs incorruptibles de Dieu, mais plutôt comme des esprits errants, qui, au moment de partir dans la Lumière, ne le peuvent pas, et ont la possibilité de se racheter de leurs petites erreurs au cours de leur vie en devenant des Observateurs. Aussi, ils peuvent être influencés par les Ombres, qui sont des fragments d’âmes qui ne sont point parties dans la Lumière. Nous faisons cette petite entorse pour donner plus de poids aux propos de Carl l’Observateur.


(19) Nous avons changé ce dialogue, puisque notre chasseur n’est pas revenu à l’auberge pour parier qu’il viendra à la cour du roi. De sorte que nous avons fait des mille pièces d’or des différents paris un cadeau du futur prince à l’aubergiste.


(20) Nous avons ajouté cette phrase pour rendre compte de la suite avec l’aubergiste. De même, aucun statut marital n’est précisé pour Gabriel Lawrence dans Ghost Whisperer ; nous lui avons ajouté une épouse.


(21) Petit changement concernant ce qui était advenu au frère. Ce qui est ici mis dans la bouche de l’Observateur n’est qu’une petite partie de ce qui est écrit dans le conte, pour expliquer comment l’autre frère vola à son secours.


(22) Nous avons changé la réplique du roi, qui, dans le conte, ignore que son gendre à un frère, voire qu’il tient le frère pour son gendre. Il dit : « Mais enfin, ce n’est pas possible, il y a plus d’une heure de chemin d’une porte à l’autre ! »


(23) Changement considérable par rapport au conte, dans lequel le frère jumeau du jeune prince dormit dans son lit, en plaçant une épée à double tranchant entre la jeune reine et lui. Lorsqu’il su comment vaincre la sorcière de la forêt, il délivra son frère et ses animaux. Lorsqu’il lui dit qu’il avait pris sa place, de colère, il le décapita, mais le regretta aussitôt. Le lièvre courut chercher à nouveau la plante pour lui coller la tête puis ils reviennent ensemble au palais.


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