Double boucle temporelle

Chapitre 1 : La boucle de Jim Clancy

1983 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 7 jours



Résumé des événements de l’épisode : Jim Clancy et Melinda Gordon, mariés depuis quelques années, sont invités au mariage de Tricia, une amie d’enfance de l’ambulancier. Celle-ci se remarie avec Hunter Clayton. Un esprit errant, Owen Grace, un gamin mort dans le chalet dans lequel est organisé le mariage, a averti la fiancée que son futur mari est un menteur (liar) en lui donnant les indices suivants : une pomme (apple), un pic à glace (ice pick), une corde (rope), des sangsues (leeches), un médaillon sur lequel il est gravé les lettres RL, en plus de faire apparaître les lettres « bob » dans le reflet de l’eau où se trouvent les sangsues. Avec l’aide de Jim et de Melinda, Tricia se rend à l’évidence du mensonge de son fiancé. D’autant plus que ce dernier prétend posséder un restaurant, l’Axiom Steakhouse, avec un associé, un certain Christopher Murray, un ami du temps de leurs études en économie. Jim a soumis une enquête sur ce restaurant à son ami le détective Carl Neely, qui lui revient rapidement à ce sujet, simplement parce que l’Axiom Steakhouse n’existe pas et que ni Hunter Clayton, ni Christopher Murray ne sont diplômés en économie comme ils l’ont prétendu. Avec autant d’évidences, Tricia annule son mariage. Melinda et Jim s’affairent alors à ramener les chaises et autres meubles loués pour l’occasion dans la boutique d’antiquités de Melinda The Same At It Never Was Antique.



120, près du lac Morton, dans les environs de Grandview, États-Unis d’Amérique, 7 novembre 2008, 19 h 15.


Jim Clancy, un homme vers la trentaine, yeux bleus brillant de joie à l’idée d'éviter à son amie d’enfance un mariage avec un escroc, range les chaises pliantes louées pour l’occasion. Il est simplement vêtu d’une chemise bleue à carreaux – dont il a retroussé les manches longues par le réchauffement des muscles de ses bras sous l’effet de la même action machinale de plier les pattes des chaises pour ensuite en apporter plusieurs dans le coffre de sa voiture – et d’un pantalon jeans. Il arrête son geste lorsqu’il aperçoit du coin de l’œil une petite lumière dans la petite cabine en bois à quelques mètres de lui. Jim fronce des sourcils, intrigué.

Qui a bien pu se cacher dans cette cabine à une heure si tardive ? Il me semble que tout le monde a quitté le chalet…

L’ambulancier s’approche à pas de loup de la petite cabine. Il voit en effet une silhouette humaine, qui tient visiblement quelque chose, entre ses mains, un objet oblong.

S’il tient un fusil, je dois faire preuve de prudence…

Pense Jim, la main sur la poignée de la cabine. Il s’exclame d’une voix forte : – Est-ce qu’il y a quelqu’un ?

Une voix avinée répond : – Oui…

L’ambulancier fronce des sourcils, perplexe.

On dirait Hunter Clayton, ou plutôt devrais-je dire Robert Langowski… Que fait-il ici au juste ?

Jim ouvre d’un geste sûr la porte, qu’il referma derrière lui. Il remarque aussitôt que le fiancé, un trentenaire déçu, encore vêtu de sa chemise blanche et de son pantalon de complet bleu marine pour le mariage, tient une bouteille d’alcool dans sa main gauche et un fusil de chasse dans son autre main. L’ambulancier ravale sa salive, les yeux écarquillés pendant une fraction de seconde par la peur, mais il garde son calme.

Pas de panique ! Il faut simplement lui ôter l’arme des mains pour être sûr qu’il ne blesse personne… Arh ! Si au juste j’avais appris quelques techniques policières de maîtrise ! Elles auraient pu être maintenant utiles…

Il s’éclaircit la voix pour chasser ses pensées puis demande d’un air sérieux : – Hunter ou plutôt… Robert, qui attends-tu ? Ça ne sert à rien d’attendre après Tricia. Elle ne reviendra pas sur sa décision. Peux-tu comprendre cela ?

Hunter dépose la bouteille d’alcool sous la chaise et se lève. Il grommelle d’une voix avinée : – Mais pourquoi a-t-elle annulé notre mariage…

Il hurle d’un ton courroucé en serrant le poing gauche jusqu’à faire pâlir ses jointures : – Pour un rien ! ?

Jim recule de quelques pas. Des sueurs froides apparaissent dans son dos lorsque le fiancé déçu saisit à deux mains son fusil de chasse. L'ambulancier s’éclaircit à nouveau la gorge pour se ressaisir puis réplique d’un air neutre : – Je te corrige… Ce n’est pas pour un rien que Tricia a annulé votre mariage, mais parce qu’un esprit, nommé Owen Grace…

Hunter lui coupe d’un ton courroucé la parole : – Mais un esprit, ça n’existe pas ! Owen est mort depuis des décennies !

L’ambulancier pense qu'il est vrai que la plupart des gens ne voient pas les esprits, mais ma Melinda si… Et ça ne veut pas dire qu’ils n’existent pas parce qu’ils sont invisibles…

Jim répond : – Il a seulement une autre forme d’existence… Qu’il ne faut pas négliger…

De rage, l’ex-fiancé agite le fusil devant lui, vise sur la fenêtre derrière l’ambulancier, qui se penche pour être certain de ne pas recevoir la balle. Il s’approche de lui pour saisir le fusil et tente de le renverser pour lui prendre l’arme des mains. Les deux hommes se déplacent ainsi le long de la pièce, en renversant un cadre en passant près d’un mur ou en cassant une lampe pour être passé trop près d’une table de chevet en bois de noyer laqué. Tantôt Jim tente de prendre l’arme, tantôt Hunter veut l’arme pour lui. Ils se rendent ainsi près d’une fenêtre. Ils ne se laissent pas déconcentrer par le bruit des voitures à l’extérieur. Tout à coup, sans aucun avertissement, alors que Jim est le plus proche de la fenêtre, la vitre se casse et une balle se plante traîtreusement dans son épaule droite.

Qui est-ce ?

Forcé par la douleur à l’épaule, il lâche l’arme et se retourne vers la fenêtre. À travers les stores à moitié ouverts, il aperçoit furtivement sa femme, sa chère Melinda, inquiète, près de sa voiture. Jim s’écroule sur le sol, vaincu par la douleur. Il regarde vers la direction de Hunter, qui saisit l’arme, en se demandant s’il a des chances de survivre. Tout à coup, la porte de la cabine s’ouvre brusquement. Comme l’ambulancier vient de perdre conscience, il ne sait pas ce qui se passe. Il est réveillé par la voix larmoyante de Melinda :

 – Jim, je suis désolée..

Il ouvre lentement ses yeux, pour remarquer que sa femme est penchée au-dessus de lui. Il saisit aussitôt qu’il est allongé sur une civière, à l’extérieur de la cabane. Ceci lui rappelle les pratiques de techniques ambulancières lorsqu’il était étudiant. Seulement, à cette époque-là, il n’avait pas mal à l’épaule droite.

Mel, ne te sens pas fautive pour un rien. L’important est que je sois encore vivant.

Jim murmure d’une voix qui se veut rassurante : – Mel, ne sois pas désolée… Je n’ai plus mal…

Il voit du coin de l’œil que Bobby Tooch et un autre collègue ambulancier, John, s’approchent de la civière sur laquelle il est allongé. Ils vérifient qu'il soit positionné de manière sécuritaire et le transportent dans une ambulance. Jim, secoué par le mouvement, ressent une douleur à l’épaule droite. Il proteste d’une voix faible : – Les gars, ça ne veut pas dire que je n’ai pas ressenti cette secousse !

Puis il ferme les yeux pour ne pas fixer le plafond du véhicule. Jim est aussitôt transporté dans l'hôpital Mercy, le seul de la ville de Grandview. C’est son lieu de travail, qu’il a toujours vu en tant qu’ambulancier. Le voir depuis la perspective d’un patient, Jim n’a jamais imaginé vivre ceci de sa vie. 

La dernière fois où j’étais ainsi allongé sur une civière, c’était au siècle passé, alors que j’étais étudiant au cours d’un exercice pratique imposé par le professeur… À la seule différence que mes camarades de classe n’allaient pas aussi vite que maintenant… Ah ! Et sans cette balle dans l’épaule ! Sans cette douleur, surtout ! 

Il fixe le plafond, qui défile vite sous ses yeux, en serrant les dents sous la douleur de son épaule droite. Il sait, selon la vitesse à laquelle ses collègues se dépêchent de faire avancer la civière, fixée sur des roulettes, qu’il est transporté dans la salle des urgences, pour subir une opération afin d’extraire la balle de son épaule qui lui fait très mal. Un fois sous anesthésie, il ne se souvient de rien. 

Jim Clancy se réveille, avec une sensation de légèreté. Il regarde autour de lui. Il comprend aussitôt que son corps est allongé dans le lit d’hôpital. L’homme regarde depuis le plafond en effet que son corps est là immobile à ses pieds. Il comprend alors qu’il est sorti de celui-ci. Il remarque qu’une infirmière et un docteur sont assis sur des chaises dans la chambre. Ils regardent vers la direction du corps de l’époux de Melinda. Le moniteur sonne. Jim regarde tendrement son épouse, endormie sur une chaise en bois près du lit, ses bras sous sa tête, laissant ses longs cheveux bruns retombés en cascade derrière son dos. Ignorant l’infirmière qui procède à la réanimation cardiaque, Jim s’assied sur le bord du lit près d’elle de manière à lui cacher son corps. Je ne voudrais pas l’attrister trop tôt, pense-t-il.

Melinda ouvre lentement ses yeux. Elle murmure : – Qu’est-ce qui se passe ?... Jim, tu es réveillé…

Son époux, un doux sourire aux lèvres, réplique : – Mel, s’il te plaît, regarde moi…


Il ne termine pas sa phrase, interrompu par une lumière surnaturelle qui envahit la pièce. Intriguée, l’âme de Jim regarde d’un air étonné vers la lumière blanche et jaune pâle. Dans cette lumière, Saint Luc apparaît, tenant dans sa main droite une pince de chirurgien et dans sa main gauche un livre. Le patron des médecins lui ordonne sèchement : « Monsieur Clancy, revenez immédiatement dans votre corps ! Vous pouvez éviter la mort ! Vous répéterez alors le même événement, en gardant le souvenir de ce que vous avez vécu maintenant ! » 


Jim n’ose pas dire non et il revient aussitôt dans son corps propre. Il ouvre lentement les yeux, sous le regard étonné de Melinda, qui ne semble pas comprendre ce qui se passe. L’infirmière et le docteur, debout face au lit, semblent visiblement rassurés. Jim sourit à sa femme, qui vient alors de comprendre qu’elle a vu l’âme de son époux. Elle pleure de joie. Son époux murmure : « Mel, ne pleure pas ! Tu vois bien que je suis vivant ! » La brunette l’enlace tendrement, heureuse qu’elle ne soit pas veuve.


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