Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer
4 mai 2006, 6 h 10.
Je suis réveillée par un bruit, comme si quelqu’un ou quelque chose venait frapper la vitre de notre chambre. Je sors du lit en pensant : « Qu’est-ce qui passe ? » Je revêts en vitesse un manteau par-dessus ma robe de nuit et je sors à l’extérieur pour me rendre près de la fenêtre de notre chambre. Je remarque qu’une colombe est allongée au sol. « Comment a-t-elle pu arriver ici ? » pensé-je, perplexe. « Est-elle vivante ? En tout cas, elle ne bouge pas… »
Je soupire et je rapproche mes mains pour saisir le pauvre oiseau, qui semble dormir, immobile, les plumes hérissées, les pupilles dilatées. « À moins qu’il ne soit que sous le choc… Il s’est quand même cogné contre une vitre… Je demanderai à Jim s’il peut faire quelque chose pour le sauver… Il n’est pas ambulancier pour rien ! » Je prends l’animal sur mes bras, comme s’il était un bébé, et je rentre à l’intérieur, où mon époux m’attend. Il me questionne :
– Qu’est-ce qui se passe, Mel ?
En tendant l’oiseau vers lui, je réponds d’une voix émue :
– Jim, j’ai trouvé cette colombe… Elle ne bouge pas du tout… Elle s’est sans doute cogné contre la vitre de la fenêtre…
Il murmure :
– Fais voir…
Mon mari place sa main sur le cou de l’animal. Il murmure :
– Son pouls est faible… Mais nous pouvons toujours essayer de la réanimer en la réchauffant…
Il se déplace dans une pièce, pour trouver sa trousse de premiers soins et sort une petite couverture beige dans laquelle il enroule la colombe puis la dépose dans le jardin arrière, sur la terrasse. Moi, je réveille Christopher et Jack et je prépare le petit-déjeuner.
Après le petit-déjeuner, Jim et moi, assis sur un canapé, regardons discrètement nos fils jouer avec leurs petites voitures. Il murmure d’un ton chaleureux :
– Mel, j’espère que la colombe se rétablira d’ici la fin de la journée…
Je réplique :
– J'espère aussi… Que le Christ ait pitié de cette pauvre créature !
Mon époux me serre la main gauche de sa main droite en signe d’encouragement.
En regardant Jack et Christopher jouer, je ne cesse de prier pour le pauvre oiseau, émue du malheur qui lui est arrivé. Je suis sortie de mes pensées par l’apparition de l’Observateur français devant moi, de l’autre côté de la table basse, ce qui me cache mes fils. Étonnée, je le fixe, attendant qu’il dise quelque chose. Il sort une feuille de papier de la poche de son vêtement et la dépose sur la table basse puis s’exclame d’un ton sévère :
« La colombe est morte ! Malheur à ceux qui sont responsables de sa mort ! »
Je tremble malgré moi. Le Français disparaît quelques secondes plus tard.
Jim murmure :
– Qu’est-ce qui se passe ?
Je réponds d’une voix tremblante, en fixant la direction vers laquelle l’esprit s’y trouvait auparavant :
– L’Observateur vient de laisser un message… Il a dit que la colombe… est morte… et malheur… à ceux… qui sont responsables… de sa… mort…
D’un ton chaleureux, mon époux murmure :
– Ne t’inquiète pas, ma chérie… On dirait un message sérieux… Avant de paniquer, il faut s’assurer de comprendre le sens de ces paroles… Et, d’ailleurs, quel est ce message ? Si nous ne parvenons pas à y trouver un sens, tu peux toujours demander à Richard Payne…
Touchée par son soutien indéfectible, je murmure :
– Tu as raison…
Je ramasse la feuille que l’esprit a laissé sur la table : « Le Boheme faict preuve de baras. »
Je soupire en la montrant à Jim.
Je commente d'un air exaspéré, en levant les bras en l’air :
– Encore un mystérieux message ! Pourquoi ne me le traduit-il pas en anglais ou en russe ! Pourtant, il sait que j’ignore le français…
Mon époux hausse les épaules pour toute réponse et m’embrasse sur les lèvres pour faire cesser les pleurs. Il murmure :
– Calme-toi, Mel… Il ne sert à rien de paniquer… Demeure réaliste… À moins que le message et la colombe ne soient reliés ? Ce n’est qu’une piste de réflexion…
Je confirme ma compréhension d’un mouvement de tête positif. Une fois mes larmes séchées, je réplique :
– Dans ce cas, j’appelle immédiatement notre ami Richard !
Mon époux lâche ma main qu’il tenait fermement dans la sienne, puis je téléphone au professeur, sauf que je tombe sur sa boîte vocale. « Sans doute qu’il donne un cours », pensé-je. J’y laisse un message et j’attends l’appel en retour.
Pour me changer les idées, je prépare des vareniki au chou blanc dans la cuisine, avec l’aide de Jim. Puis nous nous attablons pour manger. Lorsque Jim et moi faisons la vaisselle, le téléphone sonne. J’accours aussitôt : sur l’afficheur, le numéro de l’Université Rockland. Sans doute Richard Payne.
Je soulève le combiné :
– Bonjour, Melinda Gordon à l’appareil !
Mon interlocuteur réplique :
– Madame Gordon ! Content de vous entendre ! J’ai reçu votre message de ce matin… Désolé de ne pas avoir répondu plus tôt, car je donnais un cours…
– Ce n’est pas grave… Êtes-vous encore disponible ?
– Oui ! Vous savez que je suis toujours disponible pour vous ! Si vous voulez, vous pouvez venir cet après-midi à mon bureau…
– Oui, bien sûr ! Alors, dans quinze minutes ?
– D’accord ! Je vous attends !
– À tantôt et encore une fois, merci !
– À tantôt, Madame Gordon !
Je raccroche le téléphone et j’informe Jim que je vais consulter notre ami le professeur. Il manifeste sa compréhension par un mouvement de tête positif. Je m’habille de manière à être très présentable et je me rends aussitôt au bureau de Richard Payne. Je lui résume les événements survenus ce matin. Après avoir consulté plusieurs livres, il me propose l’analyse suivante : la colombe est le symbole de la pureté, de la simplicité, de l’harmonie, de l’âme, de la paix, de la liberté et de l’espoir. De plus, c’est le symbole de la fin du Déluge dans la Genèse. De sorte que voir une colombe morte signifie la mort d’un être cher. À moins qu’elle puisse aussi signifier la mort de la pureté en l’âme d’un homme, la mort de l’espoir et la mort de la paix. Je trouve son hypothèse intéressante bien que inquiétante. Quant au message, voici sa traduction : Le Bohémien fait preuve de fourberie.
Je soupire en pensant : « Rien de nouveau ! »
Je le remercie de son aide et je reviens chez moi, où je résume à Jim l’essentiel de la conversation, sans cacher mon inquiétude quant aux différentes interprétations… Pour moi, il s’agit clairement d’une menace qui peut concerner Jim, Chris ou Jack…
Mon mari me rassure en commentant d’une voix douce :
– D’une certaine façon, le message ne devra pas te surprendre… Nous savons déjà ce dont Carl Neely est capable…
Il poursuit d’un ton légèrement courroucé, ses yeux lançent des éclairs :
– … Qu’il est un hypocrite et un double joueur… Tu n’apprends rien de nouveau…
Je murmure d’une voix plaintive :
– C’est vrai… Tu as raison… Mais ça ne change pas… le fait que… cette menace à peine voilée me concerne…
Jim m’embrasse sur le front, les joues puis les lèvres pour me calmer.
Je commence même à pleurer en pensant : « Ah, mon Dieu ! Qu’ai-je fait pour que Carl Neely et ses semblables me menacent de la sorte ? Pourquoi me menacent-ils ? »
Je soupire, exaspérée et dépassée par la situation. J’éclate en sanglots.
Mon époux me berce doucement. Il murmure d’une voix rauque :
– Mel, s’il te plaît… Ne pleure pas… Tu as bien connu pire qu’une menace… Peut-être que le Destin nous sera clément… Il faut simplement demeurer confiant… Ne laisse pas de sombres pensées t’envahir !
Très émue de son soutien, je m’appuie contre son épaule et je ferme les yeux, dans l’espoir de faire sécher mes larmes. Pour les faire cesser, je me remonte le moral par la pensée suivante : « Il s’agit d’une menace, mais peut-être qu’elle ne se réalisera pas… C’est vrai qu’il ne sert à rien de paniquer avant qu'un événement important et menaçant ne survienne… Jim, qu’est-ce que j’aime ton réalisme ! C’est pourquoi je t’ai marié ! »
Je me calme au bout de je ne sais combien de temps. L’important est que je cesse de pleurer.
Soudainement, l’Observateur français se manifeste devant moi. Je sursaute. Il affiche une mine très sévère. Il s’exclame d’un ton courroucé : « Le Bohémien a empoisonné la colombe ! Avec la complicité de son ami du Federal Bureau of Investigation ! Pour vous menacer ! Que Dieu vous protège de leur magie ! Sordide, sodomite et fourbe Bohémien ! »
Il parle ainsi puis il s’évapore jusqu’à disparaître complètement de ma vue. Je tremble comme une feuille sous le vent automnal. Jim m’enlace pour m’inciter à expliquer ce qui m’a mis dans un tel état. Je résume d’une voix tremblante les propos de l’Observateur. Il me rassure en me berçant doucement contre sa poitrine. J’apprécie beaucoup dans ces moments de panique sa grâce masculine, réconfortante et tellement virile…
Après la vaisselle, je demande à mon époux si la colombe s’est rétablie. Il hausse les épaules pour toute réponse et file dans la cour arrière pour ramener le pauvre animal enveloppé dans la petite couverture beige sur la table de la cuisine. Il soulève la couverture. Le plumage de l’animal est lisse et ses yeux sont fermés. Jim tâte le cou et secoue sa tête en un signe négatif en murmurant d’un air triste, presque les larmes aux yeux :
– Mel, la colombe est morte.
En effet, je remarque à côté du corps, posé sur la table, l’esprit de la colombe.
Je murmure d’une voix blanche, en regardant vers la direction de l’esprit :
– En effet, Jim, le pauvre oiseau est mort… Son âme est sur la table, à côté de son corps…
Je soupire en pensant : « Que Dieu ait son âme ! »
Je récite ensuite mentalement la prière de l'Office des Nocturnes pour les défunts. L’esprit de l’oiseau, comme s’il avait compris mes intentions, tourne soudainement sa tête vers sa droite, fixe pendant quelques secondes cette direction, puis disparaît en battant des ailes avec beaucoup de grâce. Émue, les larmes me montent aux yeux.
Jim s’approche de moi et m’enlace tendrement.
Il murmure d’une voix chaleureuse :
– Qu’est-ce qui se passe, Mel ?
Je réponds d’une voix larmoyante, en fixant le coin de la table sur lequel se trouvait auparavant l’âme de la colombe :
– L’oiseau vient… de partir dans la Lumière…
– Cela fait un esprit errant en moins… Déjà, nous avons un chien-esprit… En parlant d’Homer, tu ne m’as pas mentionné sa présence… Serait-il parti dans la Lumière, lui aussi ?
Je hausse les épaules pour toute réponse. Il m’embrasse sur les lèvres. Je lui rends son bisou puis je m’assieds sur le canapé pour me concentrer sur mon tricot, question de me changer les idées. J’entends distraitement mon époux faire du bruit, sans doute pour se débarrasser du pauvre oiseau mort. Une fois cette tâche ingrate faite, il s’assied à ma droite.
Heureusement, le soir est tranquille, sans qu’un cauchemar ne vienne me troubler. Cependant, je ne parviens pas à m’endormir, puisque je retourne les différentes hypothèses possibles : soit la mort de la colombe annonce celle de mon époux ou de l’un de mes fils, soit elle annonce la souillure de leur âme, soit elle annonce un conflit entre moi et eux… Inquiète, je récite mentalement une prière à la Vierge pour calmer la tension qui monte dans ma poitrine. J’espère seulement que cette menace, peu importe qui elle concerne, ne se réalisera pas…