Rencontres entre Dieux, esprits et mortels

Décembre 2003, Akrata, appartement de Sam Blair.

La nuit a été terrible pour la policière. Elle se trouve, en rêve, dans un coin très sombre de la forêt. Face à elle, deux femmes très terrifiantes avec des serpents sifflants qui tiennent de cheveux, qui cherchent à la pétrifier. Elle fuit. Fin du rêve lorsqu'elle voit au loin la forteresse d'Eleonas. Le lendemain, Sam Blair communique par voie téléphonique son cauchemar à Richard Payne et à Élie James. Tous deux la remercient de son dévouement envers le village.

Eleonas, maison de Richard Payne, quelques minutes après l'appel de Sam Blair.

Les professeurs discutent comment vaincre des Gorgones. Payne propose d'utiliser les boucliers comme miroirs pour les encercler puis les mettre en fuite. James propose d'essayer de les viser de loin, avec arcs et arbalètes, afin d'éviter au maximum le risque aux villageois de croiser le redoutable regard des monstres. À ce moment, Athéna apparaît devant eux, sous l'apparence d'une femme d'âge mûr, vêtue d'une longue robe verte jusqu'aux chevilles. Les deux mortels et leurs Génies s'inclinent avec respect devant la Déesse. Elle dit de sa voix éthérée : « J'approuve vos propositions... Seulement, il faut en premier tirer de loin pour pouvoir venir de plus près. Et, s'il vous plaît, évitez d'utiliser des iphones et autres gadgets électroniques de la sorte comme miroirs... Soyez plus originaux que dans les films... » Après ces paroles, Athéna disparaît en sortant par la fenêtre de la pièce où ses protégés se trouvent sous l'aspect d'un chat-huant.

Élie James commente : « Qu'Athéna ne s'inquiète pas pour nous... Il me semble que personne dans le village ne possède un iphone... Pour nous, le téléphone et l'électricité sont deux découvertes révolutionnaires ! Un agriculteur n'a pas besoin de Google pour savoir quand planter son chou... Il le sait, point c'est tout ! À l'ancienne, de père en fils ! Si oubli il y a, et bien, les Nymphes nous le rappellent gentiment. »

Son collègue sourit à ses propos, avec lesquels il est tout à fait d'accord. Le professeur de théologie ajoute avec un peu d'humour : « Et si nous voulons être modernes, nous sommes au moins... six à utiliser occasionnellement un ordinateur : nous deux, le recteur Joshua Bedford, Messieurs Paul Eastman et Carl Neely et Madame Sam Blair. En raison du travail... Mais les autres, ils en n'ont point de besoin... » Élie James hoche de la tête pour faire comprendre qu'il apprécie sa blague réaliste. Après leur entretien, ils se saluent, et le professeur de psychologie et de philosophie revient chez lui, où sa femme est occupée à faire la vaisselle.

Richard Payne avertit les autres villageois que le danger des Gorgones Euryale et Sthéno, les deux sœurs immortelles de Méduse.

10 décembre 2003, la forteresse d'Eleonas.

L'une des sentinelles voit, avec l'aide de sa longue-vue, deux Gorgones. Le vieillard crie immédiatement dans émetteur-récepteur portatif « deux CIG », ce qui signifie « deux Créatures identifiées, à savoir des Gorgones ». Immédiatement, tous les autres villageois arrivent devant la porte de la forteresse. Richard Payne et Élie James expliquent le plan : que les femmes visent de loin les monstres, afin que les cavaliers puissent les approcher.

Aussitôt, Elizabeth Hewitt-Eastman (qui n'oublie pas de mettre son foulard d'invisibilité autour du cou), avec son arbalète et son arc; Mélinda Irène Eastman-Clancy (son foulard d'invisibilité autour du cou), armée de son arbalète ; Faith O'Carroll-Clancy avec son arc ; Bruna Fileni avec son arbalète; Gabriel Gordon avec l'arc de sa défunte épouse et sa chemise d'invisibilité sur le dos ; Basilikḗ Giánnaris-Gordon avec son arbalète à la main, mais en ayant son arc sur l'épaule; Geneviève Plátonos-Gordon avec son arc; et toutes les autres archères se positionnent, les armes pointées vers les deux Gorgones. Seule Ivy Mary Eastman-Grafton, qui vient d'accoucher d'André-Samuel, n'assiste pas au combat. Les hommes, eux, attendent un signal pour s'élancer sur les monstres. Élie James tient dans le creux de son bouclier sa veste d'invisibilité, afin de l'avoir proche de lui pour pouvoir la revêtir en cas de nécessité.

Les femmes tirent sur les deux Gorgones, mais les monstres prennent leur envol; les archères tentent de viser, et c'est Sam Blair, après une courte prière à sa protectrice, qui parvient à immobiliser Euryale et Sthéno en appuyant plusieurs fois sur la gâchette de son pistolet semi-automatique. Badb apparaît devant elle sous l'apparence d'une jeune guerrière vêtue de rouge. La Déesse dit : « Je vous averti que les Gorgones ne seront plus immobiles au bout d'une heure, car cette arme ne fonctionne que sur des mortels... Sur des êtres immortels, l'effet est temporaire... » Ainsi parle-t-elle puis elle disparaît sous l'aspect d'une corneille; elle s'envole vers les cieux. La policière appelle aussitôt le renfort masculin; une dizaine d'hommes accourent aussitôt, sur leurs chevaux. Ayden Clancy, sa faux à la main droite, s'élance sur l'un des monstres. Il commet l'erreur, trop emporté par la situation, de lever les yeux sur Sthéno; leurs yeux se croisent. Tout son corps s'immobilise, même ses yeux. Il remarque, dans le dernier moment où il est encore conscient, que son Génie a disparu. Il sait qu'il est mort pétrifié. Son âme est sortie de son corps. Elle est une âme errante qui encourage d'outre-tombe sa femme et son fils benjamin.

Carl Neely, sur Pégase, sa lance à la main, s'élance sur Sthéno, en utilisant son bouclier comme miroir. Il s'approche du monstre, pour lui asséner un coup sur sa chevelure ophidienne, sauf qu'il ne prévoit point que l'immobilisation cessera à ce moment, de sorte que le voilà attaqué par la Gorgone. Il ne faut pas oublier qu'elle a des griffes de bronze... Il tient bravement le choc et Pégase lui donne un coup de sabot bien solide au visage. Mes les serpents le mordent aux pattes. Le cheval parvient, après plusieurs tentatives, de prendre son envol, mais le voilà poursuivi par Sthéno. Carl donne des coups de lance à gauche et à droite, pour éloigner de lui la Gorgone. Le pauvre policier, malgré son héroïsme, se trouve blessé au bas-ventre. Il appuie en vain sur le bouton pour appeler les renforts, mais personne ne vient... Car Arès, jaloux que Carl a connu sa Aphrodite, demanda à son frère de saboter le bouton vert qui permet d'appeler les renforts policiers. De plus, le Dieu de la Guerre, du haut de l'Olympe, regarde d'un air amusé la scène. Il parle de tout et de rien avec son beau-frère Héraklès, pour être sûr que ce dernier n'aide pas le policier en détresse, qui gît, inconscient, sur sa monture. Au cours de la bataille, il a perdu son casque, de sorte que Sthéno en profite bien pour l'assommer. Heureusement pour Carl, Pégase revient très rapidement au village, car Mélinda Irène Eastman-Clancy invisible grâce à son foulard, fait une attaque surprise au monstre avec son arbalète. Voilà Sthéno et Euryale encerclées, en quelques minutes, par des cavaliers montés sur des chevaux ailés, parmi lesquels se trouvent Elizabeth Hewitt-Eastman, son époux, Gabriel Gordon et Mélinda Irène Eastman-Clancy (invisibles grâce à leur foulard, montre et chemise respectifs). À eux se joignent d'autres villageois. Les monstres, intimidés par autant de flèches pointées vers eux, tentent de briser le cercle d'archers. En vain. Ils tirent sur les Gorgones pour les dissuader de s'approcher d'eux. Comme elles sont immortelles, elles ne peuvent pas mourir. Tout à coup, sans avertir, Athéna chevauchant Pégase apparaît derrière le cercle d'archers. Comprenant que les habitants du village ont plus d'un tour dans leurs poches, Euryale et Sthéno, effrayées à la vue de la Déesse armée de son Gorgonéion, prennent la fuite. Les villageois remercient Athéna de son intervention. Et ils reviennent au village pour soigner les blessés.

Mélinda Irène Eastman-Clancy, malgré qu'elle n'a vu que le reflet du regard d'Euryale et de Sthéno sur son bouclier, elle a l'impression d'être figée. Elle a l'impression de perdre une partie d'elle-même. L'aspect de son Génie ne la rassure guère : il a carrément tourné en une nuance de gris charbon. Elle en tremble un peu, mais elle sait que ça ne sert à rien de s'affoler. Zeus, lui, sourit, car il a compris que l'aspect Mélinda a pris le dessus... Il peut être certain de réussir, puisque l'aspect Irène est pétrifié par les Gorgones. Le Dieu se frotte les mains de joie... Héra n'est pas contente de ce changement. Elle pense : « Mon pauvre protégé ! Il devra rompre avec elle... Je devrai m'arranger pour qu'il se remarie avec une femme qui le mérite bien... J'espère que les Moires ne seront pas cruelles envers lui... »

Le Génie de Jim Clancy, lui, est très inquiet de ce changement d'attitude de sa femme. Il supplie celui de Mélinda Irène de ne pas oublier d'être Irène. Les deux mortels sont étonnés d'un tel discours. Par ailleurs, depuis le rude combat contre les Gorgones, Jim remarque qu'il est moins porté à enlacer sa femme, ce qu'il met sur le compte de la fatigue, entre les exercices militaires préventifs et son travail d'ambulancier. Il ne doute pas encore que sa chère épouse est devenue l'espion inconscient de Cronos.

Jim Clancy et Apollon s'occupent des chevaux et des hommes blessés. Les autres accueillent leurs guerriers, heureux qu'ils soient encore en vie. Seuls Faith et Jim Clancy sont tristes d'avoir perdu un époux et un père. Les funérailles sont organisées et son corps est enterré aux côtés de son fils aîné. Une fois la cérémonie terminée, Faith s'approche de Jim et lui dit d'être prudent, car elle ne voudrait pas perdre son dernier fils. Il lui promet d'être vigilant.

Le bilan : un décès et une dizaine de blessés. Heureusement, rien de grave, à l'exception de Carl Neely.

Carl Neely prendra du temps pour se remettre de ses blessures à la tête et au bas-ventre. Heureusement, Apollon a accéléré sa guérison, de sorte qu'il revient chez lui deux semaines plus tard. Seul Arès n'est pas content de se rétablissement. Rancunier comme il est, le terrible Dieu de la Guerre décide de provoquer le policier en duel alors que le mortel se trouve dans son bureau à Akrata. Carl Neely sait que c'est une folie qu'affronter un Dieu; il tente alors de le calmer, mais rien ne fait. Arès est très impressionnant dans son armure. Le pauvre policier revêt en vitesse son armure. Il se lève de sa chaise de bureau. Le mortel s'efforce de ne pas trembler devant Arès, mais son Génie, lui, tremble comme une feuille dans une tempête. Le Dieu sourit et lui dit de sa belle voix masculine dans laquelle se sent la colère : « Ainsi, Monsieur le policier prétend me défier ? Pourtant, vous savez que vous êtes impuissant ! Pauvre créature mortelle ! » Arès claque des doigts, déshabillant Carl Neely de son armure. Et le Dieu agite sa redoutable lance dans l'intention de la planter dans la poitrine du mortel, qui se jette en-dessous de son bureau pour éviter le coup. Tout à coup, Héraklès apparaît dans la pièce. Arès sursaute et rugit : « Bonjour, beau-frère ! Laisse-moi régler le cas de ce salaud ! »

Héraklès le désarme, le maîtrise puis dit : « Arès ! Fléau des hommes et destructeur des remparts, calme-toi ! Et ne touche pas à notre champion, nous avons encore besoin de lui... Ne le tue pas ! D'ailleurs, c'est plutôt à toi de t'occuper de ta femme pour ne pas qu'elle jette un œil sur un mortel... N'oublie pas que je pourrai te blesser une troisième fois si tu oses lever tes armes sur Monsieur Carl Neely... »

Penaud, le Dieu de la Guerre marmonne quelques jurons puis se métamorphose en un gros vautour fauve. Il s'envole par la fenêtre pour regagner les cieux. Carl sort de dessus de son bureau. Il s'assied sur la chaise de son bureau. Héraklès sourit à son protégé. Il commente : « Décidément, Monsieur, vous méritez très bien votre prénom : un vrai homme intrépide, même devant un Dieu en colère. Bon courage ! » Et le Héros-Dieu lui donne une accolade amicale et masculine et lui remet son armure. Héraklès disparaît ensuite de sa vue.

Évidemment, Carl Neely ne perd pas sa réputation de « coureur de jupons immortels ». Il reçoit la visite en décembre des Muses Erato, Euterpe, Polhymnie et Terpsichore. Les voisins remarquent les différentes femmes qui entrent dans sa maison. Et ils ne manquent pas de faire courir des rumeurs. Le policier tente en vain de convaincre l'une d'elles de le marier. Il sait qu'elles sont enceintes de ses œuvres. Erato devient la mère de Jacques-Henri (un virtuose de la lyre qui écrit des petits poèmes amoureux) ; Euterpe de Jean-Jacques (qui joue l'aulos, la double flûte, pour endormir ceux qui l'écoutent) ; Polhymnie, de Philip-Emmanuel (demi-dieu avec une très bonne mémoire et qui a la capacité de mimer); Terpsichore, de Jean-François (séducteur-né à la belle voix qui sait charmer les femmes qu'il rencontrent).

Une fois les blessés rétablis, les villageois fêtent cette nouvelle victoire. Cette fois, aucun abus d'alcool n'est toléré, car Athéna et Arès parviennent à faire croire aux sentinelles que Cronos peut envoyer n'importe quand une autre créature de ses laboratoires. Ce constat les dégrisent et les incitent à la modération. Les deux Dieux rient de la psychologie humaine : il faut les faire peur d'un danger possible pour qu'ils soient sérieux. Les sentinelles reviennent à leurs postes, en regardent avec inquiétude en direction de la forêt. Elles guettent la terre ferme avec des jumelles et des longues-vues, mais aussi le ciel avec les télescopes. De ce fait, il y a moins de rumeurs qui circulent dans le petit village.

Depuis la mi-décembre, Zeus revient sur sa tentative de séduction de la passeuse d'âmes sous les traits de son mari lorsque celui-ci est au travail. Zeus-Jim lui fait croire qu'il revient plus tôt du travail. Mélinda comprend qu'elle se trouve en la présence d'un Dieu. « C'est pourquoi Jim semble être encore plus séduisant », pense-t-elle. Mais elle ne se donnera à lui qu'à la fin du mois. À l'instar d'Alcmène, elle connait le Dieu et son mari en l'espace de quelques jours. C'est le pauvre Jim qui s'étonne de voir son alliance changer de couleur... Inutile de dire que le couple est un peu à froid. L'ambulancier n'exige qu'une seule chose pour lui pardonner son infidélité : ne pas concevoir un enfant de cette relation extra-conjugale. De cette union avec Zeus, Mélinda sera bien sûre enceinte (car les unions des Dieux sont toujours fertiles) d'un fils, né le 29 septembre 2004. Il sera prénommé Hector-Paul et a une vue d'aigle même la nuit. Jim Clancy, lorsque ce troisième fils, à peine âgé d'un mois, discerne mieux les formes aux loin que lui, doute de sa paternité. Il comprend qu'il se trouve en présence d'un demi-dieu. Et Jim et Mélinda divorcent le 7 novembre 2004. Leurs enfants, Aiden (trois ans) et Francis (deux ans), sont gardés par leur nourrice divine, Héra. Cette dernière, ayant compris que son mari lui a été infidèle, revient sur l'Olympe pour le sermonner et le menacer avec son rouleau à pâtisserie. Zeus passe un mauvais quart d'heure avec sa femme. Mélinda Eastman déménage dans une autre maison dans le petit village. Évidemment, les voisins (ceux qui ne sont pas sentinelles) font courir toutes sortes de rumeurs sur la raison du divorce du jeune couple.

Novembre 2004, bunker souterrain de Cronos.

Calvin Byrd et Romano sourient au Roi des Titans. Ils attendent le feu vert du Génie de Mélinda pour envoyer à la jeune femme des Ombres la posséder. Une nouvelle alliée inespérée... De même pour sa sœur Ivy... Par contre, ils sont déçus d'avoir perdu Gabriel Gordon.

Cronos, voyant que Euryale et Sthéno sont revenues aux Enfers, comprend que les villageois sont très malins. Il réunit ses frères, ses sœurs, Romano, Hadès et Perséphone pour discuter d'un prochain plan d'action.

À suivre.