Histoires entre vivants et esprits
Chapitre 17 : « Je suis nouvelle dans le métier ! »
1757 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 08/11/2023 22:10
1er septembre 2009, École secondaire de Grandview, 8h15.
Rebecca Cahill, une adolescente de 15 ans, assise sur un banc d'école, son crayon entre ses doigts de la main droite, écoute l'enseignante de français, Madame Nathalie Gagnon. À sa droite se trouve Maria Neely, du même âge qu'elle. Rebecca remarque du coin de l'œil une femme à la droite de Maria, visiblement sa mère. Une élégante Syrienne vers la trentaine, vêtue d'un pull vert et d'un pantalon jogging vert forêt. L'esprit regarde sa fille, le sourire aux lèvres. Rebecca, est étonnée qu'un parent soit présent dans la classe...
La cloche sonne. Les élèves sortent rapidement de la classe. En déambulant dans le corridor, Rebecca suit de loin Maria Neely, qui est suivie par sa mère. Maria salue sa sœur cadette, Sara. Les deux discutent entre elles, sauf que Rebecca comprend qu'elles parlent avec leur mère. Elle s'approche du petit groupe.
Hana Nasan-Neely dit à ses filles : « Cette demoiselle m'a remarqué... En regardant par-dessus son épaule, elle semble être une bonne élève... Que pensez-vous qu'elle soit votre amie ? » Elle embrasse maternellement Maria et Sara puis disparaît de leur vue.
Rebecca, un peu gênée, dit à voix basse : – Maria, peux-tu me dire ce que je vois ? Ta mère me paraît aussi réelle que toi... Je remarque bien que nous sommes les seules à la remarquer... Et ce n'est pas la première fois que je vois ainsi des gens d'âge très variés... Mes parents se moquent beaucoup de moi et me disent que se ne sont que des amis imaginaires, ce que je trouve très vexant, car pour moi ils sont aussi réels que toi et moi...
Un sourire énigmatique aux lèvres, Maria et Sara s'entr'observent avec un air complice. Sara s'éclipse pour aller prendre son matériel pour son cours d'arts plastiques. Maria et Rebecca marchent lentement jusqu'à leurs casiers, qui sont, par ailleurs, voisins. Maria Neely, une fois rendue devant son casier, se retourne vers Rebecca, regarde autour d'elle puis dit à voix basse : « Les entités que tu vois, ce sont des âmes errantes, c'est-à-dire des âmes qui ont encore des affaires à régler avec les vivants... »
Rebecca : – Et qu'est-ce que nous devons faire avec elles ? Et pourquoi les autres camarades de classe ne les voient pas aussi ?
Maria sourit pour toute réponse et se dépêche d'ouvrir le cadenas de son casier pour prendre son matériel pour leur cours d'anglais. Rebecca fait de même. En route vers le local de classe, Maria lui explique que tous leurs camarades de classe ne peuvent pas voir les esprits errants; la plupart des cas, pour pouvoir les voir, c'est soit un don particulier, soit un héritage de l'un des parents. Elles rentrent dans la classe en changeant le sujet de leur conversation : le devoir pour la séance de cours d'aujourd'hui. La cloche sonne. Tous les élèves sont silencieux le temps que l'enseignante d'anglais, Madame Julie Wheeler, prend les présences. Ensuite, elle débute la leçon sur les verbes irréguliers.
À la fin du cours, la cloche sonne. C'est le midi !
La foule d'élèves dévalent les marches des étages – on dirait un troupeau, pense la surveillante qui veille à la sécurité des enfants sur l'heure du midi – pour se rendre à la cafétéria après avoir rangés leurs effets et pris leur boîte à lunch. Maria Neely, Sara Neely, Rebecca Cahill et Ruth Cahill sont assises à la même table. Après avoir mangé, Maria continue la conversation avec Rebecca. Elle lui explique que leur rôle de passeuse d'âmes consiste à rassurer les âmes errantes, d'accomplir leur dernière volonté et de les aider à faire la transition vers l'Au-delà, vers la Lumière. Par contre, ceci comprend beaucoup de dangers, car les esprits errants influencent les vivants et inversement, sans oublier que ce ne sont pas toutes les âmes qui veulent partir définitivement.
La cloche annonçant la fin du midi sonne. Tous les élèves se rendent à leur casier pour y laisser leur boîte à lunch et pour récupérer leurs effets pour le cours de l'après-midi.
À la fin de la journée, après la quatrième période de cours, Rebecca Cahill et sa sœur saluent Maria et Sara Neely. Elles reviennent dans la maison paternelle, où leur mère, Joan Sommerstein-Cahill, les accueille à la porte. Elle leur demande comment a été leur journée à l'école. Rebecca dit qu'elles ont deux nouvelles amies, Maria et Sara. Elle ajoute, un peu hésitante : « De plus, ma nouvelle amie Maria m'a rassuré au sujet de mes soi-disant amis imaginaires... »
Joan un sourire éclatant aux lèvres : – Ils n'existent pas...
– Non, au contraire, ils ne sont pas imaginaires, mais réels...
Le sourire s'efface du visage de sa mère, dont l'expression devient exaspérée.
Rebecca sourit et continue d'un ton joyeux : – Seulement, ce n'est pas tout le monde qui peut les voir... Ce sont des âmes errantes, c'est-à-dire des âmes qui sont encore attachées au monde des vivants pour une raison ou une autre. Et dans ce cas-là, les individus qui peuvent les voir doivent les aider à partir dans l'Au-delà. À ma connaissance, à l'école, nous ne sommes que trois à les voir: mes deux nouvelles amies et moi. Maria m'a même proposé au cours des journées suivantes, de m'initier à mon rôle de passeuse d'âmes...
Joan soupire et pense : « J'avais pendant une fraction de seconde l'espoir que Rebecca et Ruth pouvaient être des enfants normaux comme les autres, sans rien de voir de plus... Ça les embêterait moins... Je devrais peut-être en discuter avec elles et Tony... » Elle dit : – Ça va, j'ai compris que tu t'es trouvé une amie dans ta classe qui t'encourage dans ton imagination folle...
Ruth intervient : – Par ailleurs, je peux te confirmer que j'ai vu dans une vision sa nouvelle amie Maria... Elle est destinée à être son enseignante pour développer le potentiel de son don. Elle est très enthousiaste et est une bonne camarade de classe.
Rebecca : – Ce n'est pas mon problème si, mère, avec tous les respects que j'ai pour toi, je vois des entités que tu ne vois pas, tandis que Ruth voit des événements du futur... Pourtant, tu as eu assez de preuves de la vérité de ses visions...
Rebecca et Ruth à l'unisson : – Pour l'instant, maman, laisse-nous faire nos devoirs !
Et les deux adolescentes filent dans leur chambre pour faire leurs devoirs pour demain. Joan soupire et s'assied sur une chaise dans la cuisine. Elle est vraiment perplexe de cette révélation... Elle se demande si elle devra convaincre ses filles de consulter un psychiatre, car elle les trouve un peu ennuyantes avec leurs amis imaginaires et leurs visions des événements futurs...
Rebecca et Ruth font leur devoir de géographie. Tout à coup, un esprit se manifeste: leur grand-père paternel, Steven Cahill, décédé il y a cinq ans. Il salue ses petites-filles et leur recommande prudence, car leur mère pense les amener chez un psychiatre... Puis, l'esprit errant disparaît. Rebecca rapporte les propos à sa sœur. Si toutes les deux n'ont encore visité un psychiatre, ce n'est certainement pas parce que leurs parents n'avaient pas essayé de les convaincre et de les amener de force, mais c'est grâce à l'aide des esprits errants que sont leurs grands-parents maternels et paternels. Ces esprits les avaient toujours aidé soit pour faire changer d'idée Joan et Tony, soit pour permettre à leurs petites-filles de leur échapper en se cachant en des endroits inattendus de la maison... L'important, c'est de ne pas subir une torture psychologique médicamentée et de ne pas perdre définitivement son don particulier...
Aux cours des mois suivants, Maria Neely et Rebecca Cahill profitent de leur heure de midi pour faire une introduction au travail de passeuse d'âmes. Maria, nous pouvons bien nous en douter, qu'elle a appris quelques techniques de son père, Carl Neely... Sa fille se rappelle des conseils que son père lui avait donné. Ceci la rend très nostalgique, car les parents adoptifs ne peuvent jamais remplacer ses vrais parents... Avec son amie, Maria ajoute son grain de sel pour l'enseignement... De sorte que Rebecca trouve cet enseignement improvisé très intéressant. Heureusement, au milieu du tumulte des autres élèves, ces leçons informelles passent presqu'inaperçues. Seules les caméras de surveillance postées un peu partout dans la grande cafétéria ont enregistrée les va-et-vient des élèves. Les leçons introductrices de Maria Neely et de Rebecca Cahill n'attirent point l'attention de l'agent de sécurité qui regarde discrètement les différentes vidéos en temps réel des caméras. Évidemment, la nouvelle passeuse d'âmes garde le silence à ce sujet lorsque sa mère lui demande si elle a enfin terminé d'affabuler des amis esprits.
À la fin de l'année scolaire, en juin 2010, trois jours après que l'âme errante qu'était devenu Carl Neely est apparu à ses enfants, Maria prépare des questions à son amie. Lorsqu'elles ont terminé leurs derniers examens de l'année, Maria Neely propose à Rebecca Cahill de répondre à ses questions pour savoir si elle a bien retenu ce qu'elle lui avait enseigné en ce concerne le contact avec les âmes errantes. Comme elle réussit très bien cet examen informel, Rebecca est davantage rassurée dans son don. De sorte qu'elle ne sera plus hésitante lorsque qu'elle rencontrera une âme errante; montrant plus d'assurance, Rebecca voit son estime de soi augmentée; de même pour sa sœur, qui conclut que son propre don n'est pas une illusion. Voilà les deux sœurs Cahill qui ne se laissent pas intimider par les propos exaspérés de leurs parents, qui, à force d'arguments, se rendent à leur avis: ils doivent accepter que leurs filles ont des capacités surnaturelles qu'ils n'ont pas.
Maria Neely, à la fin de l'apprentissage des principes des passeurs d'âmes à Rebecca, a une idée : plus tard, elle sera enseignante au secondaire ou au collégial, puisqu'elle sait bien expliquer quelque chose d'aussi compliqué que le contact avec des âmes errantes...