Histoires entre vivants et esprits
« Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il vient à perdre son âme ? » (Maître Eckhart)
10 décembre 1999, Grandview, appartement des Neely, 12h15.
Hana Nasan-Neely s'occupe du repas du midi. Carl revient du travail. Il réfléchit à son enquête sur Gabriel Lawrence. Avantage de la proximité de son lieu de travail : le policier peut passer sa pause du midi avec les siens. La famille s'attable. Au menu: le kébbé bi-s-sinniyyé (kébbé cuit au four) accompagné de yaourt, suivi d'un bon café turc au cardamone. Après le repas, il embrasse son épouse sur les lèvres et revient tranquillement à la station de police.
Les autres journées sont aussi tranquilles. Seules ses nuits sont très agitées par des cauchemars, laissant le jeune policier assez fatigué le lendemain (sauf qu'il ne laisse rien paraître). Carl ne partage ses rêves qu'avec sa femme, qui le rassure du mieux qu'elle peut.
15 décembre 1999, Grandview, Département de police, bureau de Carl Neely, 14h25.
Le policier détective Carl Neely est penché sur les photocopies des documents relatifs à Gabriel Lawrence. Tout à coup, son père se manifeste devant lui (il le reconnaît à son odeur) et dit en bulgare : « Fiston, dépêche-toi de revenir, si tu ne veux pas que ton épouse meure ! » De peur, il lâche le stylo qu'il tient de sa main droite. Et il court jusqu'à son appartement aussi vite que le pouvaient ses jambes. La présence de ses parents l'encourage.
Carl Neely remarque que la porte est défoncée, car forcée. Un coup de feu s'entend dans la cuisine. Des cris de leurs enfants. Silence. Et une odeur familière de fleurs des champs avec un soupçon d'agrumes. Il pense : « Ma Hana, reviens, s'il te plaît ! » Il rentre à pas de loup. Le policier parcourt rapidement le salon puis regarde depuis le cadre de la porte de la cuisine; par prudence, il sort discrètement son arme de fonction. Horreur ! Il voit quatre hommes masqués en noir dans la cuisine. Entre eux, le corps de sa femme gît, inanimé.
David Neely commente d'un air triste en bulgare : « Désolé, fiston... Les méchants esprits nous ont repéré... »
Le policier, malgré son sang-froid, ne pouvait pas empêcher les larmes venir à ses yeux, lui brouillant la vue. Mais il lève son arme vers l'un des quatre hommes. Il avait envie de les tuer, mais il fait beaucoup d'efforts pour se maîtriser. Les hommes masqués pointent à leur tour leurs armes vers lui. La tension monte. Silence lourd. Le pauvre policier demande à sa femme de regagner immédiatement son corps, mais elle lui réplique qu'elle ne veut pas et qu'elle ne peut pas revenir dans un corps si malmené, puisque ce retour signerait une invalidité, ce qu'elle refuse. Carl remarque que leurs trois enfants se sont cachés sous la table de la cuisine, visiblement terrorisés. Cette scène lui brise le cœur. Il pense tristement : « Mes enfants chéris, pauvres vous, vous qui aviez vu la mort de votre mère. Ah! Quelle enfance! Je suis... désolé... » Il tire froidement aux pieds des tueurs, qui sursautent. L'âme d'Hana lui indique le meurtrier qui lui a donné le coup fatal. Carl Neely lui jette un regard noir : si son regard pouvait le tuer, il l'aurait fait, sauf qu'il ne veut pas l'avoir sur la conscience. Il ne veut pas salir ses mains de son sang impur.
Le policier, après quelques minutes de silence au cours desquelles il se ressaisit, s'adresse à eux : « Messieurs, que faites-vous ici ? Haut les mains ! »
Les quatre hommes ne se laissent pas intimider par le policier; ils l'encadrent, poussés par Romano et Baldini. Le mélange d'odeurs nauséabondes lui occasionne un mal de tête, mais il garde son sérieux en séchant rapidement ses larmes. Il remarque les différents coups sur le corps de sa chère épouse, ce qui l'enrage : une colère et une tristesse sans nom montent dans sa poitrine. Il prend de grandes inspirations pour garder son calme.
L'un des hommes dit en anglais avec un accent britannique dans un émetteur-récepteur portatif : « Il est là ! » Le policier tire près des pieds de l'un qui lui barre le chemin jusqu'au téléphone, le faisant reculer. Vite comme l'éclair, Carl, encouragé par son père, appelle rapidement des collègues. Et il somme aux autres vivants de ne pas bouger. Les quatre hommes tirent sur lui; heureusement, les balles ne transpercent point son gilet pare-balles. et sortent de l'appartement, sauf qu'ils tombent nez-à-nez avec sept policiers qui les maîtrisent sans difficulté. Romano et Baldini disparaissent aussitôt.
Carl Neely, lui, est dans la cuisine, penché au-dessus du corps sans vie de sa chère Hana. Son âme lui dit : « Comme quoi les menaces étaient sérieuses... Ah, pauvres Maria, Sara et Samuel ! À entendre ces salauds me torturer ! Je suis désolée, mon amour, je ne voulais pas te blesser... » Le jeune policier est simplement resté sans voix lorsqu'il remarque les différentes blessures sur le corps de sa femme. Il comprend pourquoi son âme ne souhaite pas revenir : une invalidité serait inévitable. Il ne peut pas croire de ses yeux, mais il se rend à l'évidence : il est veuf. Cette pensée l'attriste. Il se retourne vers les enfants, pour les éloigner de la scène de crime.
Sara dit : « Papa, pourquoi tu es habillé en bleu ? Tu es trop sérieux ! Pourquoi es-tu triste ? Pourquoi maman ne bouge pas ? Mais pourquoi elle est aussi derrière toi ? Qui sont ces quatre intrus ? »
Carl Neely répond d'un air froid pour cacher sa peine : « Ce n'est rien, ma chouette, je vous l'expliquerais plus tard. Pour l'instant, allez dans votre chambre. » L'âme d'Hana Nasan-Neely, derrière Carl, regarde son époux puis leurs enfants, un faible sourire aux lèvres qui semble dire « Je suis sincèrement désolée ».
Carl Neely revient dans la cuisine, où un collègue l'attend. Et il lui explique ce qu'il a vu (en omettant, bien sûr, la présence des esprits errants); son collègue prend des notes, le remercie de sa collaboration. Le policier, un certain Christopher Smith, prend quelques photographies du corps, puis rédige un rapport en conséquence. Il appelle les ambulanciers qui amènent le corps à la morgue. Christopher Smith ajoute en anglais : « Monsieur Neely, toutes mes condoléances. Mais ces quatre hommes seront jugés pour homicide planifié. » Carl Neely dit d'un air froid dans la même langue : « Merci à vous, Monsieur Smith ». Une fois le policier sorti, Carl ôte son uniforme et s'assied à la table de la cuisine, la tête entre ses mains. Il est complètement démoralisé et désemparé. Il a l'impression d'un grand vide. Il est simplement perdu. L'âme de son épouse essaie de le rassurer du mieux qu'elle peut, mais elle sait que son contact et sa voix lui manquent. D'outre-tombe, c'est très différent... Le pauvre policier est inconsolable. Il passe la nuit sans dormir, hanté par l'image du corps mutilé de sa femme.
Le lendemain, Carl Neely téléphone à son collègue Paul Eastman puis à son supérieur immédiat James Chisholm, pour leur dire qu'il devra s'absenter pour cause de décès de son épouse. Son supérieur lui accorde cinq jours d'absence. Pendant ces cinq journées de congé, Carl Neely ne dort pas beaucoup, hanté par l'idée de ne pas avoir sauvé son épouse. Hana, en tant qu'âme errante, tente de le rassurer et de l'encourager comme si elle est encore vivante. Ceci accentue sa peine. Lorsque les enfants dorment le soir dans leur lit respectif, le policier pleure à chaudes larmes. Il a l'impression d'avoir failli à sa promesse de ne pas laisser ses enfants orphelins. Il est déçu de lui-même. Ses parents et son grand-père, aussi attristés que lui, tentent de lui dire des mots d'encouragement; Hana ajoute des jolis moments passés ensemble en famille. Ces souvenirs arrachent à Carl Neely un faible sourire. Il ne cesse de penser aux vers du poète bédouin Majnoun : « Ton nom est sur mes lèvres, / ton image est dans mes yeux, / ton souvenir est dans mon cœur : / A qui donc écrirai-je ? » Puis, il éclate en sanglots.
Hana Nasan-Neely, attristée de voir ainsi son époux, l'encourage en lui disant « Mon Carl, n'abandonne pas la partie si facilement ! Pense à nos enfants ! » Mais le pauvre, il est très déprimé. Il a l'impression d'être seul (ou presque) ; heureusement, les enfants égayent un peu ses tristes pensées. Au cours de la journée, le policier ne peut pas éviter les questions de Maria, Sara et Samuel. Les pauvres, ils n'ont rien compris de la situation et demandent à leur père où est leur maman (lorsque son âme ne se manifeste pas). Parfois, lorsque l'âme d'Hana se manifeste, les enfants ne posent pas de questions à leur père. Ce dernier, lorsqu'ils l'interrogent au sujet de l'absence momentanée de leur mère, improvise une réponse du genre « Votre mère n'est pas à la maison, mais ne vous inquiétez pas, mes anges, puisque je suis là... » Et il pense ironiquement : « Pauvre con ! Tu oses ainsi mentir ! Pourtant, tu sais que tu es très triste, plus triste que mes anges... Mais au moins, je me rassure sur une chose : ils n'ont pas vu leur mère mourir sous leurs yeux. Ça fait un traumatisme de moins... »
Le soir, désemparé, Carl Neely prie devant son icône portative, dans l'espoir d'avoir une solution à sa situation.
Oswald Neely, l'oncle de notre policier, est aussi veuf de sa femme, Karen Blavatsky-Neely, depuis le 15 décembre 1999. Elle meurt mystérieusement d'une crise cardiaque le soir, un peu après le coucher du soleil. Voilà donc l'oncle et le neveu qui ont perdu la même journée leur épouse respective. Et elles sont toutes les deux des âmes errantes qui suivent Carl Neely.
21 décembre 1999.
Carl Neely revient au travail, déprimé, le regard distrait, le teint cireux, les cernes sous les yeux, résultats de ses nuits sans sommeil. Il traîne des pieds. Arrivé au bureau, des odeurs désagréables assaillent ses narines : Romano et Baldini. Le jeune policier soupire, sort son icône portative de la poche de ses pantalons puis dit d'un ton froid : « Que me voulez-vous, sombres esprits ? Dégagez de mon nez ! Votre puanteur m'est insupportable ! » Les deux esprits sourient, car ils ont compris que l'air froid que leur victime affiche n'est que façade. Ils l'encadrent. Romano dit : « Alors, maintenant, vous saviez que le fait que vous pouvez interagir avec nous ne fait pas de vous un surhomme... » Comme le policier ne sourcille pas, les deux esprits passent à travers lui, le laissant encore plus fatigué par leur contact. Étourdi, il s'assied (ou plutôt, se jette) sur la chaise de son bureau. Il se cale bien sur la chaise, les avant-bras appuyés sur les accoudoirs. Il attend quelques minutes le temps que le malaise passe. Puis, Carl saisit une feuille d'enquête locale. Un cas banal de vol par intrusion. Tout à coup, une odeur d'excréments et d'urine agace ses narines; il lève la tête, étonné. Il dit à l'adresse de l'esprit : « Qui êtes-vous et qu'attendez-vous de moi ? Je vous recommande d'aller voir mon collègue Paul Eastman. Je ne suis pas d'humeur de vous entendre... »
L'esprit fonce sur lui puis disparaît. Le jeune policier, étourdi, pense : « Quelle arrogance ! Celui-là, il n'est pas sympathique du tout... Que le Diable l'emporte, alors ! » Il se concentre sur son enquête locale, sauf qu'il est déconcentré par la présence olfactive de Baldini, de Romano et d'autres esprits à l'odeur nauséabonde. Carl Neely leur dit d'un ton sévère : « Re-bonjour, Messieurs. On dirait que vous m'amener de la compagnie... Gardez-la pour vous et laissez-moi en paix ! Vous n'êtes pas déjà contents d'avoir... tué ma Hana... » Des larmes silencieuses coulent sur ses joues. Romano s'approche de lui et réplique : « Oui, Monsieur Neely, on ne voulait pas que vous vous ennuyez seul dans votre bureau... Pour que vous sachiez que nous vous avons à l'œil... Et qu'il vous est impossible de nous échapper... Ah!Ah!Ah!Ah! » Carl s'empresse d'afficher un air froid. Et les méchants esprits s'amusent bien à accuser le pauvre policier de négligence et d'être un bon-à-rien, ce qui augmente sa peine et sa rage. Exaspéré de leurs moqueries, il sort son icône portative de Saint Michel, ce qui les fait disparaître immédiatement. Le policier soupire, fatigué. Il pense : « Pourquoi s'acharnent-ils ainsi contre moi ? Ah mon Dieu ! Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter un destin si malheureux ? »
Une odeur masculine familière se manifeste : Dragomir Vladikin, son grand-père maternel. Sa présence le fait sourire. Carl sèche rapidement ses larmes avec un mouchoir. Ému, le prêtre commence à lire un extrait de son Évangéliaire. Le petit-fils, encouragé en son âme pieuse, se recueille devant son icône pour se changer les idées. Son épouse, Hana Nasan-Neely, se manifeste, lui arrachant un doux sourire. Carl prie pour elle, pour que son âme trouve la paix. La Syrienne, touchée de la piété sincère de son mari, l'enlace tendrement ; ce contact le fait frémir. La sensation est tellement bizarre, lui qui pensait jamais savoir ce qu'est un contact avec un esprit errant. Mais au moins, le jeune veuf essaie de faire meilleure mine.
Au cours des semaines suivantes, des rumeurs courent dans la petite station de police de Grandview. Tous les policiers savent que leur collègue Carl Neely est veuf. Celui-ci se terre alors dans son bureau qu'il tient fermé à double tour pour ne pas entendre leurs airs faux de condoléances. Carl préfère les éviter. Sauf Christopher Smith, qui s'occupe de l'enquête. Il est alors impossible de lui échapper; il sait qu'il doit répondre à ses questions et qu'il doit comparaître devant un juge. Carl ne s'imaginait jamais se retrouver dans une telle situation, lui qui n'a pas encore eu à porter un cas devant un tribunal et qui connaît seulement en théorie de ses cours au collège... Heureusement, ce n'est ni Thomas Gordon ni Oswald Neely qui s'occupe du cas. Évidemment, les quatre hommes, dont leur identité est révélée (Étienne Bilodeau, Marc-Olivier Riopel, Samuel Champagne et Jean-François Dubois), sont accusés d'homicide de premier degré et condamnés à sept ans de prison, soit du 10 janvier 2000 au 10 janvier 2007. Carl Neely se console qu'au moins, les tueurs à gages passeront quelques années en prison... Bon, il sait que ceci ne ramènera pas sa Hana, mais enfin... Il soupire. Il préfère ne pas y penser.
Pour éviter que les rumeurs fassent le tour de Grandview, le Fourth class constable (l'Agent de police de 4e classe) James Chisholm ramène à l'ordre les policiers de la petite ville lors d'une réunion extraordinaire, au cours de laquelle il rappelle sérieusement certains principes de la déontologie policière. Cette réunion a son effet : personne ne parle du veuvage de Carl Neely (car ses autres collègues, à l'exception de Paul Eastman, s'amusaient à deviner les différentes raisons possibles de sa triste situation, dont certaines sont même parvenues aux oreilles du veuf, qui feint n'avoir rien entendu).
Depuis mars 2000, les mauvais esprits que sont Lorenzo Romano, Giovani Baldini, Calvin Byrd, Andrew Lewis et François Janet rôdent autour du jeune veuf (qui ignore l'identité des trois docteurs, mais il trouve leurs odeurs très désagréables), dans l'espoir de le convaincre en sa culpabilité et de le fragiliser encore plus; sauf qu'ils n'ont pas prévu l'aide de David Neely, Milena Vladikin-Neely, Dragomir Vladikin et de Maurice Solms, qui les poursuivent. Si les trois psychiatres ne peuvent point être identifiés, c'est parce que même les esprits qui protègent le jeune policier ne savent point leur identité – ce n'est pas parce qu'ils sont des esprits qu'ils savent tout, car ils ont néanmoins des connaissances, peut-être un peu plus que de leur vivant, mais des connaissances limitées. Ils ne sont pas des esprits observateurs, qui, eux, regardent en silence tout ce qui se passe dans les moindres recoins de Grandview.
Les sombres esprits battent en retraite, en murmurant entre leurs dents : « Ce n'est pas encore terminé ! Et vous ne connaissez pas toutes les règles du jeu... Tant pis pour vous, Carl Neely ! » Et ils disparaissent, aspirés par le souterrain. Cependant, enhardis par Oswald Neely, Karen Blavatsky-Neely, Gabriel Lawrence et Thomas Gordon, les mauvais esprits reviennent à la charge... de nuit. Ces visites nocturnes laissent le pauvre policier plus fatigué que lorsqu'il s'est endormi. Lorsqu'il se réveille, il réalise que sa femme n'est pas à ses côtés, ce qui lui brise le cœur. Heureusement, l'âme d'Hana se manifeste pour le réconforter du mieux qu'elle peut. Elle aussi, ça lui manque d'enlacer son mari après un cauchemar... Et depuis la mi-mars, les mauvais esprits viennent aussi l'agacer pendant la journée, le laissant de très mauvaise humeur. Néanmoins, le policier se dit à lui-même qu'il devra leur tenir tête; il doit le faire, pour Maria, Sara et Samuel. Les enfants, eux, ne s'inquiétant plus pour leur mère, ont repris leurs jeux enfantins avec insouciance au bout de deux semaines. Cette insouciance naïve fait sourire Carl Neely, songeur et nostalgique, en pensant qu'au moins ses enfants ont la chance d'avoir connu leurs parents, ce qui ne fut pas son cas... Il sort de sa rêverie par l'odeur de sauge prononcée de Maurice Solms. L'esprit lui dit : « Monsieur, avertissement d'orage ! Je vous recommande de demander conseil à Monsieur Paul Eastman et à Madame Sara Eastman. C'est pour votre bien... »
Carl, étonné, dit : – Pour se débarrasser de ces mauvais esprits ? Et pour me remonter le moral ? Je le voudrais bien, mais je ne sais pas jusqu'à quel point c'est vraiment possible de se remettre aussi rapidement du décès de ma chère Hana...
– Je comprends votre point de vue, mais il ne faut surtout pas se montrer faible. Allez-y ! Vous êtes capable de leur tenir tête ! Vous avez quand même connu plus difficile que ça! Et dites-vous que si vous devez rester en vie, tout à une raison plus profonde que ce que vous pouvez le penser.
– Merci de l'encouragement !
L'esprit, content, disparaît de sa présence. Carl remarque aussitôt que ses parents, son grand-père maternel et son épouse l'encouragent à écouter les propos du jeune Français. Il se rend à leur avis.
Par ailleurs, les enfants, étonnés de la tristesse de leur père, tentent de l'égayer un peu. « Décidément, » pense Maria, « les adultes sont vraiment bizarres... Je préfère rester toujours un enfant ! C'est tellement plus joyeux ! »
Le lendemain, suivant le conseil de Maurice Solms, Carl Neely attend son collègue Paul Eastman devant la porte de son bureau. Celui-ci, étonné et content de le revoir, lu dit: « Entrez, mon fils ! Je serais content de parler avec vous. »
Carl répond d'un ton neutre: – Moi aussi, je suis content de vous voir après une si longue absence...
Et Paul fait signe au jeune policier d'entrer. Ils s'asseyent sur des chaises face à face, accompagnés, bien sûr, de leurs esprits errants respectifs. Paul observe silencieusement Carl, attendant qu'il prenne la parole. Celui-ci dit, après quelques minutes de silence, d'un ton neutre pour cacher son malaise : « Merci, mon père, de m'accueillir ainsi à l'improviste. Je suis seulement désolé de ne pas m'être annoncé... »
Paul dit : – Vous n'avez pas à en être désolé, mon fils. L'important, c'est de ne pas rester seul dans une situation difficile.
– Merci de votre soutien.
– Alors, mon fils, vous semblez ne pas bien aller ?
– Exactement... C'est l'un de mes proches, ma mère ou mon père, qui vous a informé de ma situation ?
David Neely intervient : – Fiston, c'est moi qui a informé ton ami de ta situation... Courage !
Carl, un faible sourire aux lèvres, commente : – Merci, papa...
Puis en s'adressant à son collègue, le jeune policier lui explique ses terreurs nocturnes et la présence des mauvais esprits autour de lui lorsqu'il est déprimé; cependant, il ne parvient point à identifier trois des cinq esprits qui infestent l'air avec leurs odeurs nauséabondes. Paul lui conseille d'entourer les portes de sa maison avec des branches d'aubépine et de charme, pour contrer l'influence des mauvais esprits; il sait très bien qu'il ne peut pas proposer de l'accompagner afin de lui décrire les esprits que Carl ne peut pas identifier, car ils ne se manifesteront pas s'ils le voient. Carl Neely le remercie de son conseil, se lève de la chaise et regagne son propre bureau. Après son quart de travail, il décide d'appliquer immédiatement la protection recommandée par son collègue : il passa enfin une nuit sans cauchemar.
Le lendemain, Carl Neely se rend d'un air joyeux à la station de police, heureux d'avoir enfin une nuit au sommeil réparateur. Mais, à peine s'est-il assis sur la chaise de son bureau d'une mauvaise odeur attaque ses narines : une odeur d'excréments et d'urine. Le policier pense : « Auriez-vous la gentillesse de vous présenter ? » L'esprit, au lieu de répondre, cherche à instiller en l'âme du policier la pensée suivante : « Carl Neely, rendez-vous à l'évidence : vous n'êtes qu'un homme malheureux... » Mais l'esprit grince des dents lorsqu'il remarque David Neely (qui se manifeste olfactivement en le maudissant par télépathie – car on ne peut pas dire qu'une âme désincarnée pense –) puis disparaît. Carl, étonné : – Papa, qui est cet esprit ? Étant donné son odeur, j'ai l'impression qu'il est encore attaché à un corps... À moins que je me trompe...
David réplique : – Non, tu ne te trompes pas, fiston. C'est mon salaud de frère Oswald.
– Comment peut-il me trouver ?
– Parce que son âme peut aller où elle veut lorsque son corps est possédé par un sombre démon ou esprit.
– Merci pour l'explication.
– Et aussi, fiston, je t'avertis que la femme de ce salaud te suit, car elle est décédée la même journée que ta femme. Fais attention à elle, car Karen est une sorcière redoutable... Il ne faut pas oublier que son nom de jeune fille est Blavatsky et qu'elle a pour lointaine ancêtre Helena Blavatsky, la fondatrice de la Théosophie...
– Merci encore une fois.
– Il n'y a de quoi. C'est mon devoir que de te protéger, mon fils !
Tout à coup, une odeur d'œufs pourris envahie la pièce; David Neely rugit. Et il commente : « En parlant de Karen, la voilà ! Va-t-en, sorcière ! » Il se signe. Karen Blavatsky-Neely nargue son beau-frère et son neveu puis disparaît de la pièce, car Dragomir Vladikin commence à réciter des extraits de l'Évangéliaire. Carl Neely, lui, est très perplexe. Il a l'impression que tout ceci le dépasse...
Le policier, pour se changer les idées (et surtout pour ne pas sombrer dans une crise de paranoïa), se concentre sur une enquête locale. Après son quart de travail, il salue l'âme de sa femme, qui veille sur leurs enfants lorsqu'il est au travail. Ainsi, il s'évite les frais supplémentaires d'une gardienne et de ses tentatives de séduction (Carl n'est pas naïf, il sait que des hommes se sont ainsi trouvés des amantes). Or, il n'est pas du tout prêt à entamer une nouvelle relation amoureuse, car la mort d'Hana est trop fraîche dans sa mémoire. Les enfants, encore en bas âge, voient l'âme de leur mère comme si elle est encore vivante. C'est pourquoi ils ont rapidement repris leurs jeux insouciants, ce qui fait sourire leur père. Que leur père s'occupe de tout, tandis que leur mère les observe (en se déplaçant très très vite) et parfois commente leurs jeux (mais sans parler en tant que tel), ce ne sont pas Maria, Sara et Samuel qui se posent des questions. Ils ne comprennent pas (encore) que leur mère est une âme errante.
Depuis que Carl Neely a suivi le conseil de son collègue, il accepte plus facilement l'influence positive de ses parents, de son épouse et de son grand-père maternel. Ceci contribue à son optimisme. Il regagne confiance en lui-même et chasse les noires pensées qui lui viennent à l'esprit. Il veut demeurer réaliste : « ça ne sert à rien de s'apitoyer sur le destin, » pense-t-il, « il faut simplement vivre avec les événements et surmonter les difficultés. Et pour le reste, je me confie au Seigneur ! » Mais au travail, c'est tout autre chose : les mauvais esprits que sont Lorenzo Romano, Giovani Baldini, Karen Blavatsky-Neely (avec parfois, lorsqu'ils savent que Paul Eastman ne patrouille pas avec Carl Neely, les trois esprits psychiatres non identifiés) s'amusent à instiller le doute en son optimisme, en lui faisant passer pour siennes des pensées très sombres...
Voilà le pauvre policier, qui comme le docteur Jack et Monsieur Hyde, semble présenter deux visages : chez lui, dans son appartement, en présence de ses enfants, il est optimiste ; une fois dans les rues de Grandview, à son travail (mais sans la présence de Paul Eastman), il est très pessimiste, ne cessant de se culpabiliser de la mort de sa chère Hana. Évidemment, les bons esprits qui l'entourent essayent au travail de l'influencer positivement ; parfois ils y réussissent, lorsqu'il veut demeurer optimiste (en quoi on reconnaît très bien son esprit combatif, ce qui fait sourire ses parents), parfois ils y échouent, parce qu'il accepte, malheureusement, les pensées que lui soufflent les mauvais esprits. Déchiré entre ses différentes pensées, ce qu'il trouve insupportable (mais encore plus la présence des cinq mauvais esprits), Carl Neely ne sait pas quoi faire.
Surtout que depuis la deuxième moitié du mois de mars, le policier patrouille avec son collègue Arthur Davidson, qui semble attirer sur lui Romano. Malheureusement, cet état persiste jusqu'au mois de mai. Fatigué d'être ainsi divisé, le pauvre policier demande à son supérieur, James Chisholm, s'il pourrait varier un peu le collègue de patrouille. Carl Neely ne se gêne pas de frapper à la porte de son bureau. Étonné, James Chisholm lui demande la raison. Lorsqu'il entend sa requête, il lui réplique d'un ton sévère en anglais : « Monsieur Neely, je comprends que vous ne pouvez pas appréciez tous vos collègues. Mais le travail est le travail... Et, par ailleurs, l'important est de faire une patrouille à deux. C'est moi qui décide les horaires, compris ? » Carl répond un faible oui, étourdi par les odeurs nauséabondes de Romano, de Baldini et des trois psychiatres qui sont présents dans la pièce. Ces esprits agissent ainsi sur le supérieur pour être sûrs d'éloigner le jeune policier de Paul Eastman... Ainsi, leur proie est plus simple à attraper... Quel festin d'énergie pour ces mauvais esprits (auxquels se joignent aussi Karen Blavatsky-Neely et Oswald Neely à l'occasion) ! Il faut très bien comprendre qu'il y a inversement proportionnel entre la dépression, la mauvaise humeur du jeune policier et la joie, le sourire ironique des méchants esprits (qui sont, en quelque sorte, des vampires énergétiques). Mais quand c'est trop, c'est trop ! Comme si ce n'est pas suffisant, le pauvre Carl Neely reçoit depuis avril des visites bizarres lors de ses patrouilles (alors qu'Arthur Davidson fait une pause le temps de fumer une cigarette) et à son bureau d'hommes masqués en noir qui veulent « discuter à l'aimable avec lui ». Son père l'avertit que ces hommes sont des espions envoyés par son frère Oswald pour le convaincre (ou plutôt, le menacer) de travailler comme tueur à gages ou espion, afin d'augmenter son salaire. Sinon, une menace sous-entendue : soit lui, Carl Neely, meurt, soit l'un de ses enfants, soit tous ses enfants. Inutile de dire que ceci enrage encore plus le père monoparental... Le pauvre policier ne sait pas quoi faire ; il n'est que plus désemparé de sa situation. Il a l'impression de n'être qu'une marionnette qui ne sait pas les intentions secrètes d'un sombre marionnettiste... Évidemment, David Neely et Milena Vladikin-Neely, très inquiets pour leur fils, essayent de lui remonter le moral (en l'encourageant de ne pas abandonner son esprit combatif) et informent Paul Eastman de sa situation.
6 juillet 2000, Oswald Neely se marie en secondes noces à Vanessa Raka, une Polonaise de cinq ans sa benjamine. Le couple décide de faire un mariage sans cérémonie à la mairie de Grandview.
Entre-temps, Paul Eastman, averti par Karl Pulluow et David Neely, doute que ce changement dans les ordres de patrouilles est fait sur l'ordre d'Oswald Neely... Le vieux policier conclut que leur supérieur collabore avec le juge... Il ne lui reste plus qu'à prier devant son icône portative de Saint Michel. Et Carl Neely aussi prie quotidiennement, tellement il est désespéré de sa situation... Évidemment, le vieux policier jugea inutile d'en informer Melinda Irène, pour ne pas inquiéter la future mère. « Laissons-la à son bonheur » pense Paul Eastman. « En attendant mon cher fils spirituel, je m'occupe avec des cas banaux d'enquêtes et d'esprits. Mais j'ai tellement hâte de reprendre notre enquête sur le premier mariage du trou de cul de Thomas Gordon... »
Par contre, Paul Eastman, s'inquiétant beaucoup de la situation psychologique de Carl Neely, informé de première main par les esprits errants que sont David Neely et Milena Vladikin-Neely qui le suivent discrètement, décide de faire une visite surprise au bureau de leur supérieur... Inutile de dire la surprise de James Chisholm lorsque le Russe frappe à la porte de son bureau. Romano et Baldini se tiennent à la gauche du supérieur, en affichant un air arrogant. Paul Eastman, feignant de ne pas remarquer les deux esprits, lui demande en anglais quelle est la raison aux changements dans l'horaire. En remarquant ses ennemis jurés dans le Monde des Esprits, le policier déduit qu'ils ont agi sur leur supérieur pour le changement des horaires. James Chisholm répond d'un ton sûr dans la même langue : « Monsieur Eastman, vous ne serez pas le premier qui se plaint des changements dans les horaires de patrouille... Respectez votre horaire et tout sera dans l'ordre. »
Paul réplique : – Pourquoi avoir changé les horaires depuis quelques mois ?
– Pour éviter de tomber dans la monotonie et l'automatisme.
– C'est une mauvaise excuse !
Paul ajoute à l'intention des deux méchants esprits, dont un sourire machiavélique se dessine sur leurs lèvres : « Et vous, esprits, déguerpissez immédiatement si vous ne voulez pas avoir affaire à mes amis ! »
La menace fait son effet : le sourire disparait de leurs visages. Romano et Baldini observent silencieusement les deux vivants.
Étonné, James Chisholm le regarde de dessus et dit : – Monsieur Eastman... Êtes-vous correct ?
– Oui, Monsieur le Fourth class constable James Chisholm. Je dois vous avouer une chose : je vois les âmes errantes, c'est-à-dire des esprits qui hantent encore les vivants. Et je les aide à accomplir leurs dernières volontés et à résoudre leurs énigmes. Cependant, certaines âmes sont malintentionnées, dont celles qui sont présentes à votre gauche. Tandis que d'autres protègent les vivants.
James regarde rapidement vers sa gauche puis ramène son regard sur Paul Eastman. D'un air dubitatif, il commente : – Êtes-vous sérieux ou vous vous moquez de moi ?
– Je suis sérieux. C'est un don que j'ai hérité de ma mère. Nous sommes de génération en génération des passeurs d'âmes.
– Et alors ?
– Ces esprits, Lorenzo Romano et Giovani Baldini, sont très sombres et ont une influence négative sur les vivants.
– Je voudrais bien vous croire, mais c'est difficile...
– Je comprends très bien votre point de vue, mais je suis sincère et je vous dis la vérité.
– Assez d'explications ! Je ne changerai pas pour autant les horaires pour un certain temps...
– Si vous ne le faites pas, Monsieur Chisholm, je donne immédiatement ma démission...
À la perspective d'avoir à embaucher plusieurs policiers, (car Paul Eastman pourrait entraîner d'autres collègues à donner leur démission, tandis que les candidats ne courent pas les rues, surtout à Grandview, où tous les habitants se connaissent), le supérieur dit d'un air résigné, à contre-cœur : – Ça va, j'ai compris... Je change l'horaire de la semaine suivante.
Le supérieur saisit une feuille de papier et écrit, en la présence de Paul Eastman, l'horaire des patrouilles. Les deux sombres esprits sont étonnés du changement de la situation... Ils grognent furieusement vers le policier et disent à l'unisson : « La vengeance est un plat qui se mange froid ! » Le passeur d'âmes ignore leurs propos et les esprits disparaissent de sa vue. Et voilà comment depuis la mi-mai 2000, les horaires de patrouille reprennent comme avant le veuvage de Carl Neely. Le supérieur n'ose pas contrarier Paul Eastman, car il apprécie son intégrité. Lui, c'est seulement Carl Neely qui l'intéresse...
Au moins, ce changement d'horaire permet au jeune veuf de remonter son moral. Il reprend confiance en lui-même. Alors, ses parents et son épouse l'encouragent mentalement, très heureux pour lui. Ainsi, le seul ennui qu'il a au travail, ce sont les visites surprises des espions et des tueurs à gages qui cherchent à le recruter, car Oswald Neely n'abandonne pas pour autant l'idée de le piéger, convaincu qu'il est possible de trouver à son neveu son talon d'Achille...
Le 15 novembre 2000, Melinda Irène Gordon-Clancy accouche à l'Hôpital Mercy de son premier enfant, un fils, qu'elle et son mari prénomment Aiden. De retour avec le nouveau-né dans les bras, elle remarque l'esprit errant de la jeune femme vers la fin vingtaine aux yeux noirs en robe blanche avec les cheveux noirs ramassés en un chignon. Cet esprit se manifeste devant elle. La passeuse d'âmes lui demande de décliner son identité et son intention. L'esprit répond, en colère : « Je suis Madame Jane Lawrence-Gordon. Et je veux que vos amis policiers complètent leur enquête sur moi et mon fils, Gabriel... Surtout.... » Elle regarde rapidement à gauche et à droite, les yeux agrandis par la peur, puis ajoute : « Parce que vous saurez la vérité sur votre propre père, c'est-à-dire mon mari ! Dans tous les cas, vous semblez meilleure que mon fils... Dieu merci que le salaud et pédé de Thomas ne parvient pas à influencer négativement ses enfants ! » Après ces paroles, l'esprit disparaît de sa vue, laissant Melinda Irène perplexe. Bien sûr, elle en discute avec son mari lorsqu'il est revenu du travail.
Le lendemain, la jeune mère en informe Paul Eastman. Le policier dit qu'il attend avec impatience que son collègue soit psychologiquement prêt à reprendre l'enquête. En effet, Carl Neely, depuis la deuxième moitié du mois de mai, passe son temps entre le travail et la garde de ses enfants; il s'organise pour faire tous les travaux que sa femme faisait lorsqu'elle était vivante. Ceci favorise son optimisme. Son seul ennui : les espions et les tueurs à gages qui le suivent, guidés par Romano. Comme il refuse clairement leurs offres, ils le persécutent, ou bien rôdent autour de son appartement. Mais ceci ne fait que plus enrager le jeune policier. Il est prêt à tout pour défendre ses enfants; il ne veut pour rien au monde vendre son âme au Diable ou mourir avant l'heure. « Pour qui ils se prennent, ces salauds ? » pense Carl Neely. Heureusement pour lui, ses parents et Maurice Solms l'avertissent si des espions rôdent dans des rues parallèles, ce qui lui permet de les éviter. Et il se montre plus prudent malgré l'influence de son oncle et de sa tante paternels, de Romano et de sa compagnie. Sauf que les nuits de décembre 2000 jusqu'en janvier 2001 sont très loin d'être tranquilles, laissant le pauvre policier mort de peur pour ses enfants; il craint pour leur sécurité, surtout quand il sait de Maurice Solms que des tueurs à gages rôdent dans le parc où il amène ses enfants jouer lorsqu'il a congé. Carl décide alors à chaque semaine de changer de parc pour brouiller les espions et les esprits (car il sait que Romano l'espionne, ce qui se confirme par sa présence olfactive; et les enfants lui tirent la langue). Comme il y a une tension, aucun des partis ne veut abandonner son point de vue, nécessairement il y aura un moment où l'action déterminante doit être posée. Tension, car Oswald Neely est certain de trouver un point faible à son neveu ; Carl Neely refuse de céder au chantage et aux menaces voilées. La situation s'éternise ainsi pendant plusieurs mois, entre des pressions, des menaces des vivants et des esprits et la ferme volonté du jeune policier de ne pas leur céder du terrain.
Mais quand les espions font irruption dans son appartement alors que Carl était au travail en un jour froid de février 2001, c'est fini pour le policier : informé par son propre père, il revient rapidement chez lui. Cette fois, il agit rapidement pour protéger son fils Samuel, lui faisant éviter la balle fatale, car elle se plante dans son gilet pare-balles. Et il ordonne d'un ton sévère aux trois tireurs-espions de se retirer immédiatement, sinon ils verront ce dont un policier enragé est capable; Carl tremble sous l'émotion. Mais les intrus ignorent ses propos. Ils blessent le policier, qui leur échappe in extremis grâce à l'intervention de Maurice Solms et de Karl Pulluow qui font divergence. Puis ils déguerpissent. Les enfants, effrayés à la vue du sang qui coulait des blessures de leu père, demandent à leur mère (dont l'âme s'est manifestée aux côtés de son mari pour l'encourager) de faire quelque chose et ils se sauvent dans leur chambre en saluant, chemin faisant, Maurice Solms et Karl Pulluow. Ils trouvent ces deux esprits sympathiques, car rapides, gentils et dotés de super-pouvoirs (ils peuvent apparaître et disparaître de leur vue, savoir ce qui se passe ailleurs, entre autres). Les deux esprits errants rendent leurs salutations; le militaire pense « Leur insouciance est vraiment adorable, elle me rappelle celle de mes propres enfants lorsque j'étais encore vivant... » Mais il se ressaisit. Carl Neely se traîne avec difficulté en raison des blessures jusqu'au téléphone pour composer le numéro des urgences; les ambulanciers (parmi lesquels se trouvent Jim Clancy) arrivent cinq minutes plus tard et l'amènent à l'Hôpital Mercy. Le blessé est aussitôt pris en charge par une équipe de docteurs. Il sort de l'hôpital cinq jours plus tard. Au moins, il sait que sa femme, pendant ce temps, veillait sur leurs enfants. De retour chez lui, les enfants et les esprits qui l'accompagnent ne peuvent s'empêcher de manifester leur joie, ce qui fait sourire le policier. Le reste du mois de février est tranquille, à l'exception de la présence olfactive de Karen Blavatsky-Neely, Lorenzo Romano, de Giovani Baldini, de Calvin Byrd, d'Andrew Lewis et de François Janet, qui, parfois le narguent méchamment. Carl demeure stoïque et pense : « On verra bien qui serait le vainqueur ! »
Mais de mars à juin 2001, le pauvre Carl Neely voit d'un mauvais œil la présence de tueurs à gages et d'espions dans son bureau lorsqu'il ne patrouille pas les rues de Grandview avec Paul Eastman. Ils tentent même de le menacer de tuer ses enfants s'il refuse de collaborer... Inutile de dire que son âme paternelle est très en colère de telles menaces. Mais il est sérieusement furieux lorsqu'ils ont même essayer une tentative sur sa fille aînée; c'est Maurice Solms qui la sauva en bloquant l'arme à feu du criminel caché derrière un buisson dans l'un des parcs de Grandview où le père de famille a amené ses enfants. Et Carl le maîtrise, averti de sa présence par son propre père. Et il appelle des collègues en leur expliquant que cet homme voulait tuer sa fille. Le quasi tueur est aussitôt amené à la station de police. Mais tout se complique lorsque les différents tueurs à gages, payés par son oncle, font plusieurs tentatives d'homicide sur Carl Neely en personne. Étant sérieusement blessé, il devait passer assez de temps à l'hôpital, ce qui l'inquiète beaucoup pour ses enfants; c'est l'âme d'Hana qui a eu du travail pour le rassurer. Et bien sûr, ceci l'affaiblit quelque peu (en raison de blessures par balles aux jambes ou à la tête), mais le policier se préoccupe moins pour lui-même. Il considère qu'il s'en sort assez bien.
Le coup le plus sérieux était en juin 2001, puisque notre policier était presque mort, victime de plusieurs coups de tireurs d'élite, lorsque les ambulanciers (dépêchés par un passant temporairement possédé par Maurice Solms) arrivent sur les lieux. Son âme est sortie de son corps par sa bouche. Elle salue ses parents et son épouse, qui suivent les événements avec intérêt. Sauf qu'ils le supplient de revenir immédiatement. L'âme du policier ne revient qu'au ton sévère de son ange gardien; elle comprend que son heure n'est pas encore venue. Carl Neely reprend alors tranquillement conscience, étonné d'être encore vivant. Le policier devait rester un mois et demi à l'hôpital, le temps de bien se rétablir. Sauf que ses narines étaient agacées par les puanteurs de sa tante paternelle, de ses ennemis jurés dans le Monde des Esprits et des trois psychiatres. Carl Neely se demande bien ce qu'il a fait pour ainsi être la cible des espions et des tueurs à gages. Il a l'impression d'être traqué, comme dans une chasse à l'homme sans aucun avertissement. Il ne lui reste qu'à prier le protecteur des policiers. De plus, comme si ce n'était pas suffisant, un tueur à gages, déguisé en infirmier, ose même faire irruption dans sa chambre d'hôpital, pour être sûr que notre policier quitte le monde ici-bas. Averti par Maurice Solms et Karl Pulluow, Carl Neely, malgré sa faiblesse, l'attend derrière la porte de sa chambre, faisant en sorte qu'il le frappa bien solidement avec la porte. Sonné, le tueur, fâché, ouvra violemment la porte, sauf que Carl se dégaga de l'endroit. Il se tient devant le lit, encouragé par la présence de son père, de Maurice Solms et de Karl Pulluow, il téléphone rapidement à la sécurité car l'infirmier se montre agressif. Le temps que les agents de sécurité arrivent, Carl fait des divergences pour ne pas être atteint, car il a compris (averti par l'esprit militaire) que son opposant est armé d'un pistolet silencieux. Ceci fait en sorte qu'il évita un coup fatal. Et les agent de sécurité maîtrisèrent sans difficulté le pseudo-infirmier et l'amenènent de force à l'extérieur de la chambre. Carl Neely les remercie de leur intervention rapide. Il passe le reste du temps à se reposer; seules ses nuits sont agitées.
Au cours de son rétablissement, le policier pense : « Pourquoi veulent-ils me tuer ? Je ne voudrais pas que mes enfants soient orphelins ! Que Dieu les protège de vivre une telle situation ! »
Son père lui répond : « C'est mon salopard de frère qui est derrière les tentatives d'homicide sur toi... »
– C'est bien ce que je pensais... Mais pourquoi, sauf pour reproduire la même situation...
– Exactement. Car c'est à quatre ans que tu nous as perdu, ta mère et moi, c'est pourquoi il voulait reproduire le même schème pour ton benjamin. C'est trop horrible...
– Et dans ce cas, je ne respecterais pas ma promesse... Or, il n'y a rien de pire que d'être parjure...
– En un sens, tu as raison, fiston. Mais pas de capitulation ! Maintenant que ce danger est passé, tu peux être tranquille pour un certain temps.
– Merci de l'encouragement !
– Il n'y a de quoi.
Et l'esprit de David Neely disparaît. Le policier ne revient chez lui que le 17 août. Maria, Sara et Samuel sont très contents de le voir après presque deux mois d'absence. Il salue la travailleuse sociale qui s'occupait d'eux au cours de son absence. Il compris que cette femme agit sur l'influence d'Hana Nasan, sa chère épouse (qui est présente à la droite de celle-ci), ce qui le rassure beaucoup. Il revient au travail que le 20 août. Ses collègues ne manquent pas de le bombarder de questions, car tous savent qu'il a été hospitalisé. Sauf que Carl élude d'y apporter réponse, les laissant déçus. Il ne se confie qu'à Paul Eastman, qui l'accueille avec une franche et amicale accolade solide. Et Carl Neely reprend ses enquêtes locales qui traînent sur son bureau. Pour l'instant, il est tranquille avec les espions et les tueurs à gages. Seuls Romano et sa compagnie lui rient méchamment et ironiquement au visage.
Pendant ce temps, Oswald Neely est perplexe. Il demande réunion avec les frères Payne et Thomas Gordon, tous étonnés que leur victime leur a échappé de peu. « Au moins, » dit l'Écossais, « la dernière attaque lui servira d'avertissement... La prochaine fois, une balle et Carl n'est plus de ce monde... Ah!Ah!Ah!Ah! » Mais les acolytes réfléchissent à d'autres plans...
Carl Neely ne reprend l'enquête sur le premier mariage de Thomas Gordon avec son collègue Paul Eastman qu'en septembre 2001. Il le lui fait savoir lors d'une patrouille. Les deux policiers s'entendent pour continuer le 10 septembre, le temps de régler certaines enquêtes locales et pour ne pas trop alerter les espions et les mauvais esprits.
À suivre.