Ghost Whisperers in Canada

23 septembre 2028, 10h30, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ), 475 boulevard de Maisonneuve Est, Montréal, deuxième étage.

Oliver Lawrence regarde distraitement les livres sur les rayons. Il remarque du coin de l'œil, à sa droite, une âme errante informe qui se cache entre les étagères et qui l'observe discrètement. Il l'interpelle : « Madame, Monsieur, je peux vous aider ! »

L'esprit ne répond pas; il disparaît de sa vue.

Oliver poursuit sa flânerie jusqu'à ce qu'il voit un autre esprit errant en face d'une étagère: un jeune homme vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon d'uniforme bleu marin, avec une tache de sang à la hauteur de sa poitrine.

Oliver dit : – Monsieur, qui êtes-vous et que faites-vous ici ?

L'esprit répond d'un ton sévère : – Je suis Paul-Emmanuel Réno. Et je ne veux pas que vous dites à ma femme que je suis ici !

– Pourquoi ?

– Mêlez-vous de vos affaires !

Et l'esprit errant disparaît de sa vue. Le passeur d'âmes soupire. Mais il trouve le livre qu'il voulait emprunter. Il descend au comptoir pour faire le prêt du livre et revient chez lui. Chemin faisant, Paul-Emmanuel Réno apparaît devant lui. Il lui lance avec un air de défi : « Attention aux livres que vous empruntés ! » Et il disparaît de sa vue pour réapparaître devant la rangée de livres qui l'intéresse à la BANQ. Oliver feint de ne pas avoir entendu sa remarque, mais il en rapporte la menace à sa femme, qui le rassure du mieux qu'elle peut. Sara Papachristopoulos-Lawrence s'occupe de leur fils François. Et elle est enceinte de leur second enfant et devra accoucher dans trois mois.

Le lendemain matin, alors qu'Oliver Lawrence est assis à la table de la cuisine, réfléchissant aux propos de l'esprit errant, le téléphone sonne : son frère Alexander. Il répond : – Frère ! Quelle est la raison de ton appel ?

– Deux esprits errants qui sont très ennuyants.

– Est-ce des esprits à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec ?

– Oui... Ils sont alors venus à toi ?

– Exactement... As-tu leur nom ?

– Oui ! C'est pourquoi je t'appelle, car ils m'ont dit qu'ils t'ont fait une visite préventive hier.

– Plus arrogant que ça, tu meures !

– Je suis tout à fait d'accord avec toi, Oliver.

– Bon, au moins, on saurait rapidement leur identité !

– Et bien ! L'un s'appelle Paul-Emmanuel Réno, l'autre Cynthia Beaulieu.

– Rien d'autre à ajouter ?

– Pas pour l'instant ! Passe alors une bonne journée avec ta femme et ton fils !

– De même pour toi !

Et chacun raccroche leur téléphone respectif. Au moins, ils collaboreront ensemble pour régler les cas de ces esprits errants. Alexander remarque que Cynthia Beaulieu s'est manifestée à sa gauche. Elle est une femme vêtue d'une robe bleu clair. Elle lui jette un regard noir puis disparaît de sa vue avant qu'il puisse dire quoi que ce soit. Il rapporte à son épouse cette apparition. Gertrude lui caresse le bras en signe d'encouragement et de soutien. Ce contact le fait sourire et il l'embrasse sur les lèvres. Elle lui rend alors son bisou.

Deux jours plus tard, Paul-Emmanuel Réno apparaît devant Oliver Lawrence, qui ne sourcille pas à sa vue. L'esprit errant dit : – Faites attention à votre prochain pas ! N'oubliez pas qui sont vos parents !

– Si vous me menacez de la sorte, que le Diable vous emporte !

Étonné, l'esprit dit d'une voix douce, après quelques minutes de silence : – On se calme, mon ami... Ça ne sert à rien de s'énerver.

– Et vous, pourquoi vous ne voulez pas que votre femme sache que...

– Parce qu'elle serait surprise !

– En raison de quelque chose que vous voulez tenir secret ?

– Exactement !

– Mais quoi ?

– Suivez-moi !

Ainsi guidé par Paul-Emmanuel Réno, Oliver Lawrence se rend à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Ils entrent dans la bibliothèque et se rendent jusqu'au comptoir d'aide à l'usager. Paul-Emmanuel Réno se tient derrière le bibliothécaire et dit : « Dites à mon collègue que vous voulez faire une recherche rapide sur les employés de la BANQ. »

Le bibliothécaire demande : – Comment puis-je vous aider, Monsieur ?

Oliver Lawrence : – Monsieur, pourrais-je avoir accès aux archives des employés de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec ?

– Dans les faits, Monsieur, nous n'avons pas en tant que tel des archives de nos employés... Je peux seulement vous référez aux archives en ligne si vous voulez obtenir plus d'informations sur quelqu'un. Sinon, vous pouvez consulter les archives nationales, et dans ce cas, une réservation de document est obligatoire.

– Euh... Merci de l'information !

Et Oliver se rend devant un ordinateur pour rechercher des documents.

L'esprit errant apparaît à sa gauche et dit : – Inscrivez dans le moteur de recherche mon nom. Je vous l'épelle: P A U L trait d'union E M M A N U E L espace R É N O.

Et le passeur d'âmes inscrit le nom dans le moteur de recherche. Aucun résultat. Il jette un regard noir à l'esprit errant. Celui-ci disparaît de sa vue, un sourire ironique aux lèvres.

Oliver fait une autre recherche. Il parvient ainsi à trouver des documents d'archives sur Paul-Emmanuel Réno... Lorsqu'il écrit les cotes des documents sur une feuille de papier prévue à cet effet, l'esprit réapparaît à sa gauche, visiblement fâché. Il fonce sur le vivant, passant à travers lui. Le souffle court, Oliver Lawrence le maudit et se ressaisit. Il poursuit sa recherche. Et il consulte les documents qui l'intéressent. Il en fait des photocopies et communique à son épouse ses conclusions, lorsqu'il revient chez lui.

Oliver, sur le chemin du retour, remarque qu'il est suivi par Paul-Emmanuel Réno et par un autre esprit féminin (Cynthia Beaulieu). Il les ignore. Une fois assis sur le canapé au salon, son épouse en face de lui, Oliver Lawrence lui présente les conclusions de ses recherches provisoires. Les voici : Paul-Emmanuel Réno était un bibliothécaire de la BANQ de son vivant. Il est né à Montréal le 24 octobre 1957 et est mort à la même ville en 1989. Il est mort dans l'Auditorium de la Grande Bibliothèque d'une balle tirée derrière les rideaux par un collègue le 2 septembre. Sara Papachristopoulos-Lawrence écoute son époux en silence. Oliver ajoute : « Dans tous les cas, je dois continuer mon enquête sur cet esprit-là, malgré sa colère... » En effet, l'esprit errant qu'est Paul-Emmanuel Réno est à quelques centimètres de son visage : il le fixe pendant sa conversation avec son épouse, puis fonce sur lui, lui coupant le souffle et lui occasionnant un mal de tête terrible. Puis, l'esprit dit, d'un ton menaçant : « Ceci n'est qu'un avertissement ! Si vous vous entêtez à poursuivre une recherche sur moi, vous êtes mort... » Ainsi parle l'esprit errant du bibliothécaire puis il disparaît de la vue d'Oliver Lawrence. Celui-ci, perplexe, rapporte à son épouse la menace à peine voilée de l'esprit ; elle le rassure en lui caressant le bras droit. Le soir, le couple dort enlacé.

Le lendemain, Oliver Lawrence doit aller au travail; il reprendra son enquête samedi, lorsqu'il est libre. Cependant, l'esprit errant qu'est Paul-Emmanuel Réno essaie plusieurs fois de l'étouffer, lui occasionnant des grosses toux. Heureusement, lorsqu'il sort son icône portative de la Face du Christ (un cadeau de mariage de son beau-père), le méchant esprit disparaît de sa vue, comme effrayé. Oliver en parle avec son épouse, qui prie devant son icône portative de la Vierge.

Son frère, Alexander, l'aide dans sa recherche sur Paul-Emmanuel Réno, qui s'étend sur plusieurs mois : il parvient à mettre la main sur une correspondance archivée entre cet esprit et l'un de ses collègues. Il était jaloux de lui. Cependant, les deux bibliothécaires semblaient trop intimes... Alexander déduit qu'ils étaient peut-être en relation homosexuelle. Et que c'est cette relation qu'il ne veut pas que sa femme sache. Malgré les menaces de l'esprit errant, les frères Lawrence parviennent à trouver l'identité de son épouse, une certaine Mathilde Bouthilier-Réno, vivante. Et Oliver lui communique les résultats de leur enquête improvisée, en précisant au sujet de leur don. L'épouse est étonnée, mais un peu incrédule, pour finalement se rendre à l'évidence du fait une semaine plus tard (et elle s'excuse de son incrédulité à Alexander Lawrence lorsqu'elle le rencontre dans la rue alors qu'il se dirige vers son lieu de travail). Ceci enrage l'esprit errant, sauf que les frères se sont renseignés auprès de Vladimir Milošević quant aux moyens de protection contre les influences négatives des esprits errants et d'autres entités spirituelles (car ils doutent bien qu'il n'y a pas que l'esprit errant, mais aussi des démons). Paul-Emmanuel Réno, ayant compris qu'il ne peut plus agir sur eux, disparaît, aspiré par ses démons dans le souterrain. Au moins, bien que l'esprit errant ne soit pas passé dans la Lumière, il ne dérange plus les vivants.

En ce qui concerne Cynthia Beaulieu, dont l'enquête est menée à la suite du cas de l'esprit bibliothécaire, les frères Lawrence trouvèrent peu de documents. Ils obtiennent la plupart des informations en interrogeant Cynthia elle-même ou encore en étant informés par des Observateurs. Ainsi, cette enquête dura aussi quelques mois, le temps de trouver les rares documents puis de tirer les bonnes conclusions. Voici les conclusions auxquelles Alexander et Oliver parviennent : Cynthia Beaulieu était une femme cultivée, qui lisait beaucoup de livres. Et un jour, elle se découvre un intérêt pour les livres occultes. Elle est morte en raison d'une pratique de sorcellerie qui s'est retournée contre elle. Et elle ne voudrait pas que son mari, Vincent Beaulieu, le sache. Évidemment, les frères ont informé le mari de la cause du décès de son épouse : ils ont droit à une insulte de sa part. Et il ne s'excusa même pas; chacun retourne chez soi, étonné d'une telle réaction. Mais Oliver et Alexander Lawrence se sont bien protégés contre cette sorcière, se refusant de la croire; entre-temps, ils se sont un peu familiarisés avec la littérature anthropologique concernant les anciennes croyances. Ceci leur permet d'être plus vigilants; d'ailleurs, ils en informent leurs amis Stanislas et Vladimir Milošević. Ainsi, ils sont tous plus prudents et moins naïfs par rapport aux affirmations des esprits errants. Les frères Lawrence, remarquant que Cynthia Beaulieu ne souhaite pas passer dans la Lumière, ils décident de l'ignorer pour ne plus subir son influence. Déçue, la sorcière est accueillie par Alberico da Romano, qui l'amène avec lui sous la terre.

Au moins, Alexander et Oliver Lawrence ont tiré une leçon de ces deux cas d'esprits errants : toutes les âmes errantes ne sont pas bonnes et ne méritent pas leur aide. Et ce ne sont pas non plus tous les vivants qui sont ouverts à leur don. À l'avenir, ils se montrent plus prudents (à la fois envers les âmes errantes et les vivants), à défaut de voir les démons. Et ils conservent leur amitié avec les Milošević, qu'ils trouvent de plus en plus sympathiques.