Inspecteur Carl Neely

Chapitre 1 : Début d'enquêtes mystérieuses, première partie

14227 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/04/2023 02:49

Il y a un an que l'inspecteur Carl Neely s'est marié avec Mila Vasilieva et un an et trois mois qu'il s'est converti au christianisme orthodoxe bulgare. Tout est calme pour le couple, le mari travaille comme inspecteur au commissariat de la ville de Grandview, l'épouse travaille comme institutrice.

« Enfin », pense l'inspecteur, « ma vie sera calme et heureuse. Il n'est jamais tard. Je vais enfin fondé une famille. »

Sur cette pensée, l'homme de quarante ans. bientôt quarante-et-un, enlace tendrement son épouse enceinte de sept mois, alors que le couple se promenait un beau dimanche matin dans le parc de la ville. À ce moment, Carl Neely voit ses parents, Andrew Neely et Marianne Hervé-Neely, qu'il n'a pas revu depuis longtemps, mais il les reconnaîtrait entre mille, malgré le fait qu’ils habitent à Monview, ville éloignée de quelques cinquante kilomètres de Belview. Carl Neely salue froidement ses parents en français, les regardant par en dessous, ses parents le salue chaleureusement.

Andrew Neely dit à son fils en français avec un fort accent anglais :

— Mon fils, my son, tu vas bien, j'espère ? Je constate que tu es marié et bientôt père. Toutes mes félicitations, je serais bientôt grand-père.

— Père, sérieusement, ne joue pas la comédie, je suis fatigué de ton jeu. Mais, comme tu peux le remarquer mon épouse est enceinte.

— Qu'est-il arrivé à ta deuxième épouse, Marguerite Smith-Neely, lui demande innocemment Marianne Hervé-Neely dans un parfait français, as-tu divorcé d'elle ?

— Non, mère, je suis veuf depuis... un peu plus de deux-trois ans, mais je préfère mieux ne pas en parler.

— Tu t'es vite remarié, commente le père de l'inspecteur.

Le vieux couple, après échange de politesse, quitte le plus jeune.


Dès que ses parents sont partis, Carl Neely se tourne vers sa femme et l'informe en bulgare :

— Tu viens de rencontrer mes parents, Andrew et Marianne Neely. Je ne les apprécie pas beaucoup, surtout mon père, puisqu'il feint de s'inquiéter pour moi, alors qu'il n'a aucun intérêt à ma personne, voire qu'il préférerait que je ne sois plus parmi les vivants. Qu'Andrew soit grand-père ou non et que son nom se perpétue par ma descendance, il n'a aucun intérêt, puisque mon frère, Jack, qui a toujours été le fils préféré de mes parents, a déjà des enfants depuis longtemps, s'étant marié à vingt-deux ans et a deux enfants, un garçon et une fille deux ans après son mariage. D'ailleurs, je ne vois que rarement mon benjamin, il habite dans la ville d’Hauteview, ville a quelques quarante kilomètres de Grandview, mais je garde un contact téléphonique avec lui, après tout il n'est pas fautif de la nette préférence de nos parents pour lui et il a toujours été de mon côté et savait m'écouter lorsque j'en avais le plus de besoin. J'ai la vague impression que la visite de mes parents n'annonce rien de bon, mais, pour l'instant, je ne m'inquiéterais pas. Continuons notre belle promenade, ma chérie.

Sur ces mots, il se penche vers son épouse et l'embrasse tendrement sur les lèvres et le couple se tienne par la main, tout en terminant leur petite promenade et rentre chez eux. Mais Carl Neely est troublé par l'intérêt de son père pour lui, alors que, lorsqu'il était garçon et jeune homme, il n'avait pas manifesté d'intérêt quelconque pour lui ou pour son futur, puisque lorsque Carl Neely, avant de suivre sa formation pour être policier, avait hésité entre policier et criminologue, et qu'il demandait conseil à son père, détective, il lui avait répondu :

— Mon fils, saches que peu m'importe ton choix, à partir du moment que tu ne me coûtes pas trop cher pour le financement de tes études, je serais content.

C'est ainsi qu'il choisi être inspecteur et non criminologue, puisque ce dernier nécessite plus d'études.

Le comportement d'Andrew Neely lui met la puce à l'oreille, mais ne saurait dire ce qui ne fonctionne pas. Le fils d'Andrew Neely est perplexe, mais il se promet qu'il fera une enquête.



Depuis son expérience de mort imminente, l'inspecteur est capable de rétrocognition, c'est-à-dire de percevoir des événements du passé en dehors du cadre d'un raisonnement rationnel. Cette capacité lui est très pratique dans son métier pour régler des cas obscurs de meurtres ou de cas dits insolubles. Carl Neely, au début, était un peu étonné et doutait de ses capacités, mais avec le temps, il se fait confiance. Cette capacité se manifeste lorsqu'il se trouve dans une pièce, le plongeant dans une vision où il voit, littéralement, ce qui s'était passée dans la salle, ou lorsqu'il tient entre ses mains un objet, il voyait le passé et l'usage de cet objet. Parfois, les visions sont terrifiantes, surtout dans les cas de meurtres. Ses collègues le consultaient et le consultent pour avoir son avis lorsqu'ils ne parvenaient à trouver le coupable ou le criminel, sans jamais douter de son verdict. Il a informé sa femme deux mois avant le mariage de sa capacité surnaturelle. Lorsqu'il a rencontré, pour la première fois Mila Vasilieva, Carl Neely avait la certitude de l'avoir déjà vu auparavant, mais il ne s'en souvient plus exactement, n'ayant qu'une vague impression de l'avoir vu à une autre époque et à un autre lieu, dans d'autres circonstances, voire dans une vie antérieure.



Carl Neely, le lendemain matin, se rend à son bureau pour noter les derniers résultats d'une enquête d'un cas de meurtre lorsque quelqu'un frappe à la porte. Il répond sans lever les yeux de ses papiers :

— Entrez.

La porte s'ouvre doucement et Jim Clancy, en uniforme, apparaît dans l'embrasure et referme la porte derrière lui, attendant que son ami l’invite à s’asseoir. Carl Neely, dès qu’il note la dernière phrase de son rapport quelques minutes plus tard, lève les yeux des ses papiers, sourit à son ami et lui dit :

— Veuillez bien m’excuser de vous avoir fait patienter trop longtemps. Quelle est la raison de votre venue, mon cher ami ?

— Tout simplement pour vous informer d'une enquête que vous devez faire. Vous ne pouvez la refuser, si vous voulez être encore vivant et être père auprès de votre fille.

— Vous commencez sérieusement à m'inquiéter... Dites-moi quelle est cette enquête ? Vous savez que maintenant, dit l'inspecteur en regardant la photographie de son mariage avec Mila Vasilieva sur son bureau avec un sourire aux lèvres, je suis plus intéressé et motivé que jamais. En plus que j'ai un soutien moral et psychologique très efficace, ma chère épouse et notre fille à naître, qui m'empêche de plonger dans le désespoir et la mélancolie et qui me pousse à ne pas abandonner. Ce qui est, déjà, un meilleur point de départ que lors de notre enquête à Belview où j'étais totalement démoralisé, déprimé, fatigué et dépressif, je n’avais plus aucune envie de continuer à lutter, ma vie n'avait plus aucun sens. Je vous écoute. Quelle est cette enquête ? Elle concerne quel homme ?

— Votre disposition morale me rassure énormément. L'enquête est à la fois sur votre famille, les Neely et les Hervé, mais surtout de comprendre les rapports de tous ces individus avec vos vies passées. Vous ne devez pas répéter certaines erreurs commises dans vos vies précédentes. Je vous précise que j'ignore totalement la nature de ces erreurs, à vous de les trouver. Mais sachez que je vous seconderais lorsque nécessaire. N'hésitez pas à m'appeler. Le détail que je sais est qu'une vieille montre du XVIIIᵉ siècle est le point de départ de votre enquête. Je l'ai trouvé dans la boutique d'antiquités où travaille Délia Banks, je viens de l'acheter sur la demande de votre première épouse, Camille Deschamps-Neely.

— D'accord. Je prends note, dit le détective en écrivant rapidement sur une feuille de papier vierge les informations nécessaires, et, dit-il en levant les yeux vers Jim Clancy, dites-moi si Camille Deschamps est présentement dans la pièce ?

— Non, mais il y a quelques minutes, elle était à votre droite.

— D’accord, très bien. Alors puis-je voir cette montre ?

L'ambulancier la lui donne.

Dès que l'inspecteur prend la montre, il est transporté dans une vision. Il voit que la montre est dans la poche interne d'une grande veste bleue marine d'un grand homme dans la cinquantaine aux cheveux poivre et sel avec des petites lunettes au bout du nez. L'homme, très austère par ses manières et ses vêtements, rentre dans une maison, qui est sienne, étant bien accueilli par sa femme et ses trois fils. L'homme entend quelqu'un frappé à la porte, étonné, il fait signe aux enfants et à sa femme de demeurer en retrait, jette un coup d'œil à sa montre et voit l'heure, à savoir 14 h 50. L’homme pense: « Le rendez-vous avec mon associé n’est pas aujourd’hui, mais dans une semaine… Bizarre. ». Il ouvre la porte et voit un militaire qui lui dit :

— Monsieur Van den Berg, vous êtes accusé de collaborer avec l'ennemi. Vous serez juger sous peu. Venez avec moi.

La femme, qui a tout entendu, se rapproche de son mari, mais, d'un geste, il l'arrête et somme à son épouse :

— Ne vous mêlez pas, femme. Restez à votre place. Je prouverais à ce tribunal qu'il a tort.

Fin de la vision. 


L'inspecteur prend une feuille et note, avec le plus de détails possibles, sa vision. Déposant son stylo, il se tourne vers Jim Clancy et lui dit, après quelques minutes de réflexion et après lui avoir expliquer la vision :

— Je comprends, tout absurde et fou que ce puisse paraître, que cet homme et moi avons un point en commun, l'heure, le chiffre, 14 h 50. C'était à cette heure, dans mon désespoir,...

Le détective en baissant les yeux pour regarder la feuille posée sur son bureau, à défaut de regarder ses pieds,

— ... lorsque j'ai compris la vipère qu'est feue Marguerite Smith, que j'ai commencé à me consoler dans le vin jusqu’à presque oublier mon nom, influencé par mon arrière-grand-père paternel, Antoine Neely, et par ma faiblesse personnelle devant la situation. Heureusement, Mélinda Gordon, votre épouse, secondée de ma belle-fille, Caitlin Mahoney, m'a sauvé de la mort, puisque la vipère planifiait de me tuer le lendemain matin avec du mercure dans le café. Donc, si en plus j'avais les facultés affaiblies par l'alcool, j'aurais été le seul responsable de la cause officielle de ma mort, surdose d'alcool, puisque la vipère remarquerait bien que je me suis saoulé, lui donnant idée pour la cause du décès, à l'instar de Christian Mahoney. Ironique n'est-ce pas ? Aussi, lors de ma sortie de mon corps à Belview, il était 05 h 41. Mais je reconnais que les similarités s'arrêtent là avec le mystérieux homme du XVIIIᵉ siècle... Bon, laissons mes considérations farfelues et les divagations d'un pauvre détective qui force un peu les similitudes là où il n'y en a pas et récapitulons ce que je sais de ma famille. Moi, Carl Neely, est l'aîné de la fratrie. Je n'ai qu'un frère, Jack, deux ans plus jeune que moi, et suis le fils d'Andrew Neely, détective de métier, et Marianne-Annie Hervé-Neely, femme au foyer. Mon grand-père paternel, Frédérick Neely, juge de métier, est marié à Erika McOnnar-Neely et le couple a quatre enfants, deux filles et deux garçons. Mon père est le benjamin de la fratrie. L'aînée de la fratrie est ma tante, Suzanne, puis vient mon oncle, Albert, puis l'autre tante, Hélène, et finalement mon père. Du côté maternel, Marianne-Annie Hervé est la fille d'Arthur-François Hervé, commissaire de police puis policier lorsque destitué, et Louise-Rose de Kermadec-Hervé, poète, la benjamine des filles du couple. Elle a une sœur aînée, Mathilde-Anne, et un frère, le benjamin de la famille, Jean-Charles, propriétaire de plusieurs hôtels en France. J'ai beaucoup de cousins, autant du côté maternel que paternel, mais je n'ai jamais été en contact avec eux.

Jim Clancy ne fait qu'hocher la tête pour toute réponse. Après quelques minutes de silence, Jim Clancy affirme à Carl Neely :

— J'ai remarqué, lorsque vous avez mentionné votre famille maternelle, un esprit errant à votre droite, celui d'un homme, un octogénaire plutôt obèse, vêtu d'un complet classique gris qui vous murmure en français des propos dont j'ignore la nature, ne sachant le français, mais il n’a dit qu’une phrase en anglais et en latin, à savoir « Ius sanguinis inversé, le sang appelle le sang. Ne vous mêlez pas des histoires des autres. Il est l'un des nôtres. »

— Probablement mon arrière-arrière-grand-père maternel, Jean-Antoine-Philippe-Adolf de Kermadec, mort à 86 ans, ou mon arrière-grand-père, François-Paul de Kermadec, né dans l'entre-deux-guerres et mort à l'âge de 84 ans. De son vivant, si je ne me trompe pas, l'arrière-arrière-grand-père était fonctionnaire, alors que l'arrière-grand-père était avocat. Ayant fait des études en droit, les deux hommes avaient l’habitude d’utiliser des termes latins pour ennuyer ses enfants et ses petits-enfants. D’ailleurs, je les soupçonne d'être des collaborateurs avec le régime de Pétain, mais ne demandez pas à ma mère de l’avouer.

— Vos propos n'ont clairement pas plu à votre ancêtre. Bon... À oui, avant de vous quitter, cessez de considérer que tout est de votre faute, c'est faux. Les esprits peuvent nous influencer à notre insu. Tout bizarre que cela puisse vous paraître, mais j'ai été influencé par un esprit errant qui n'a aucun rapport avec ma famille, comme moyen de s'approcher de ma femme pour régler son problème qui le retient parmi les vivants. Cet esprit errant était celui d'un criminel et m'avait influencé à agir d'une manière qui n'est pas dans mes habitudes, au point que mon épouse s'est inquiétée pour notre mariage, mais, heureusement, ma chère Mélinda a sauvé la situation avant qu’il soit trop tard. Donc, vous n'avez pas à vous inquiéter et sachez que vous ne pouvez perdre si facilement notre amitié, vous pouvez toujours compter sur moi pour vous seconder au besoin. À la prochaine et faites cette enquête.

Sur ces mots, Jim Clancy sort du bureau du détective.

Ce dernier est fort perplexe. Il lit la feuille où il a noté la vision et tourne son regard vers la montre, l’observant. Promenant ainsi son regard pendant quelques minutes entre la montre et la photographie de mariage, Carl Neely prend sa photographie de mariage qui est sur son bureau, la tient dans une main, dans l'autre main, la montre, et est transporté dans une vision. 

Il voit un grand jeune homme aux cheveux noirs et yeux bruns de vingt-cinq ans vêtu comme au XVIe siècle, qui sourit à son épouse, une belle grande femme aux cheveux bruns clairs et aux yeux bleus, un peu plus jeune que l’homme, qui est tout aussi heureuse que son mari. En les voyant, le détective à la vague impression d’avoir déjà vu ce couple, surtout la femme, mais ne saurait se rappeler les circonstances. Le jeune homme, enlaçant sa femme, lui murmure des doux mots à l’oreille, la faisant rougir et la transporte dans la chambre. Puis, le jeune homme avec la femme sort de la chambre. L'homme, avant de sortir de la maison, embrasse sa femme et part à son travail. Mais, le jeune homme n’a pas remarqué un vieil homme vêtu de noir dans le coin du salon au sourire ironique et méchant sur les lèvres. L’homme en noir, dès que le jeune homme est parti, sort de la pièce en traversant la porte et revient quelques secondes plus tard dans la même pièce. Dès le retour du sombre esprit, quelqu’un frappe à la porte, la jeune femme ouvre la porte, puisque son père est devant la porte. Dès que la jeune femme a refermé la porte derrière son père, celui-ci la maîtrise, l'entraîne dans sa chambre et la tue froidement, comme possédé par l’homme en noir qui lui disait les instructions. Une fois le meurtre accompli, le père sort de la maison, laissant le cadavre seul avec l’homme en noir qui rit diaboliquement. Le jeune homme, beaucoup plus tard, revient à la maison, étonné qu’il n’entende pas son épouse, il cherche où elle est. Lorsqu'il la trouve et voit le cadavre, il reste interdit, prostré d’horreur, abasourdi, sonné devant la scène. Au moment où il voulait appeler la police, quelqu’un frappe à sa porte, le meurtrier de son épouse est à la porte, le jeune homme commence à paniquer, mais se calme et ouvre la porte, salue son beau-père, nerveux, il le laisse entrer dans la maison, en prenant soin qu’il ne soit pas dans la salle du meurtre. Le jeune homme appelle la police. Des policiers arrivent et, constatant le crime, interrogent le jeune homme et le père de la jeune femme. Ce dernier ment et laisse insinuer que son gendre aurait tué sa fille. Le pauvre jeune homme est menotté et expulsé de la maison comme un criminel.

Saut temporel, le même jeune homme, quelques années plus tard, le regard vide, ayant perdu tous espoirs, déambule sans but dans la ville et un faible sourire lui échappe lorsqu’il voit des couples avec des enfants. Il accélère le pas pour se rendre au travail. Travail qui est, manifestement, sa seule échappatoire à la douleur engendrée par la perte de sa femme, question de pas abandonner la lutte pour sa survie et de sombrer dans le désespoir, même si l’homme en noir, qui virevolte autour de lui, ne cesse de lui suggérer des sombres pensées, se jouant du sentiment de culpabilité du vivant, culpabilité qui n'a aucun sens selon Carl Neely.

Fin de la vision.


Carl Neely comprend, soudainement, irrationnellement, que la jeune femme morte sans laisser de descendance était sa Mila Vasileva dans une autre vie, qu’il était ce jeune homme devenu veuf à un si jeune âge et que le père, meurtrier de sa fille, n’est nul autre qu’Andrew Neely dans une de ses vies antérieures. Frappé par la soudaine réalisation, le détective devient blême et ses mains et jambes tremblent sous l’effet de l’émotion intense. Il se lève pour sortir de son bureau, mais ses jambes lui obéissent difficilement, il flageole sur ses jambes. Certains de ses collègues, en le voyant, s’inquiètent pour sa santé, mais ne disent rien. Une fois que le détective est sorti à l’extérieur du bâtiment, il s’assoit sur un banc et ferme les yeux, agité par sa vision et sa conclusion. Lorsqu’il rouvre les yeux, après quelques minutes, il a l’impression qu’il est suivi, observé. Il se retourne et croise le regard ironique de son père un peu en retrait derrière lui.

Le vieil homme, ivre, d’une démarche légèrement chancelante, rangeant la bouteille de Grand Marnier à moitié vide dans la poche de son veston intérieure, s’avance vers son fils. Il l’interpelle et lui murmure en français avec son accent si caractéristique d'une voix légèrement pâteuse :

— Mon fils, my son, qu’est-ce qui t’es arrivé ? T’es pas trop fatigué de ton travail ? Ne te tues pas au travail ? Penses un peu à toi, à ta santé ? Réponds-moi, fils…

— Père, sérieusement, lui répond Carl Neely, gêné par l’état de son père qu’il n’a jamais vu ivre de sa vie, je vais bien.

— Alors, dit Andrew Neely en s’assoyant, ou plutôt en s’affalant, sur le banc, pourquoi tes jambes tremblent… et pourquoi tu as fermé les yeux, agité, par tes idées ?

Carl Neely ne répond pas, écœuré par l'odeur forte de l’alcool qui se dégage de son père et encore plus de son regard possédé qui le fixe, implacable, inhumain, méchant et ironique. Le fils est aux aguets des moindres gestes de son père, étant un peu inquiet de la possession de son père. Andrew Neely sort son arme, arme de fonction, et vise son fils, mais Carl Neely se déplace à temps et reçoit la balle à l’épaule gauche. Le fils désarme son père, et le maîtrise, malgré sa blessure et sa douleur, lui passant des menottes. Il appelle les ambulanciers. Ils arrivent immédiatement, avec des collègues policiers. Les policiers transportent Andrew Neely à la station et les ambulanciers amènent Carl Neely à l’ambulance pour se faire extraire la balle de l’épaule.

Mila Vasilieva reçoit un appel de l’hôpital Mercy. L’épouse de Carl Neely se rend à l’hôpital, fort inquiète pour son mari. Les docteurs et les infirmières la rassurent de l’état de Carl Neely. Dès que Mila Vasilieva-Neely est seule dans la chambre proche de son mari, ce dernier lui murmure en bulgare :

— Mon amour, tu dois faire attention et éviter mon père, il ne te veut aucun bien, ni à toi, ni à notre fille, ni à moi. Sa haine ne date pas d’hier, elle est beaucoup plus vieille et profonde qu’elle ne le paraît, elle s’étale sur plusieurs vies, même si, consciemment, le salaud ne pourrait pas le savoir, mais lorsqu’il boit, il est clairement possédé, je n’ai pas besoin de demander à mon ami, le mari de Mélinda Gordon, pour le savoir. Son regard est absent, une autre entité regarde à travers ses yeux, je dois reconnaître qu’il m’a fait peur pendant une fraction de seconde. Pour la sécurité de notre famille, tiens-toi loin d’Andrew Neely, je suis le seul qui peut le rencontrer et le voir sans grand danger… je pense… D’ailleurs, j’ai eu une vision lorsque j’ai touché ce lit. C’est terrible… Je préfère ne pas t’en parler, je ne veux pas te faire peur maintenant… Saches que je t’aime beaucoup mon rayon de soleil, mon amour, ma Mila bien-aimée, mon ancre dans ce monde fou, tu es mon unique espoir pour que je ne sombre pas dans la folie et le désespoir, ma raison pour continuer à lutter. 

Le détective parle ainsi et sort sa main droite de sous les draps pour chercher la main de sa femme, qui se rapproche de lui pour lui câliner tendrement le dos de la main en signe de tendresse pour son mari et pour le rassurer. Après quelques minutes à rester ainsi, Mila Vasilieva-Neely sursaute, entendant quelqu’un rentrer. Et nul autre que Jim Clancy est rentré dans la chambre, salue l’épouse de Carl Neely et lui demande, un peu rudement, de partir, puisqu’il voudrait discuter avec son mari.

Mila Vasilieva-Neely pense en bulgare que l'ami de mon mari est aimable comme une porte de prison, mais qu'au moins, il semble être un bon allié pour Carl. Elle sort de la chambre.

Jim Clancy, la mine très sérieuse, affirme sur un ton sérieux à Carl Neely :

— Avez-vous rencontré votre père ? Est-ce lui qui vous a mis dans cet état ?

— Oui et oui-da.

— Alors, Carl Neely, faites attention. Et vous, ancêtre de Carl Neely dont j’ai oublié le nom, dit Jim Clancy en parlant sur un ton qui ne souffre pas d’autorité ni de réplique à l’esprit errant qu’est Jean-Antoine-Philippe-Adolf de Kermadec, laisser votre arrière-arrière-petit-fils en paix, déguerpissez loin de ma vue et de mon nez. Vous n’êtes qu’une ordure.

À ces mots, l’esprit errant éclate d’un rire diabolique et dit à Jim Clancy en allemand et en français, puis en anglais avec un fort accent français :

— N’oubliez pas l’expression latine Mala malus mala mala dat (Un mauvais pommier donne de mauvaises pommes). Désillusionnez-vous de Carl Neely, il n’est pas si bon qu’il ne le paraît. Mon sang coule dans ses veines.

Et l'esprit fond sur Carl Neely, lui coupant momentanément le souffle, tout en lui murmurant des propos en français, avant d'éclater de rire. Rire diabolique, sadique, inhumain, qui donne un frisson au chuchoteur d’esprits. Le détective, sous l’impact de l’esprit errant commence à tousser, manquant d’air, devenant rouge comme une tomate à force de tousser.

Dès que l’esprit errant est parti, Carl Neely reprend son souffle, et demande à Jim Clancy sur l’identité de l’esprit, même s’il a une vague idée de son identité. L’intéressé lui dit ce qu’il a vu et demande à Carl Neely s’il sait ce que l’esprit lui a murmuré en français, puisqu’il n’a rien compris. À la demande de son ami, Carl Neely est devenu blême et bredouille en anglais :

— Jean-Antoine de Kermadec, mon arrière-arrière-grand-père maternel,… probablement, m’avait présenté comme ma propre pensée…, une idée horrible, terrible, terrifiante… idée qui ne peut, sous aucun angle, être mienne… même si que je commence à douter…

— laquelle ? Si ce n’est pas indiscret.

— Aucune indiscrétion à votre question. L’idée si horrible est celle de tuer ma femme, la tuer froidement avec mon arme de fonction lorsqu’elle va au marché, tout en poussant officiellement la faute sur quelqu’un d’autre. J’avais même l’impression d’entendre un rire diabolique et sadique… Suis-je devenu un peu fou ?

— Non, le rire sadique et diabolique est celui de votre arrière-arrière-grand-père. Je l’ai entendu rire. Donc l'idée que vous pensez être vôtre est une idée suggérée par votre ancêtre démoniaque.

— C’est gentil de me rassurer.

Sur ces mots, le détective se réinstalle dans son lit et dit, après quelques minutes de silence, à son ami :

— J’aurais besoin de votre aide, voulez-vous me seconder dans mon enquête lorsque je ferais mes recherches, puisque deux cerveaux c’est mieux qu’un, et vous pourrez m’informer de la présence d’esprits autour de moi. Si vous voulez, bien sûr ?

— J’accepte volontiers, Monsieur Neely.

— Excellent. Alors d’ici une semaine, venez à mon bureau. Merci beaucoup.

Le détective parle ainsi et, content, s’allonge plus confortablement dans le lit et murmure en français pour lui-même :

— J’espère que la putain de merde de famille se tiendra loin de moi.

Puis il dit à voix haute en anglais, à l’intention de Jim Clancy avant qu’il ne parte :

— Monsieur Jim Clancy, je n’aurais qu’une question, si vous permettez. Connaissez-vous un psychologue qui soit fiable, qui pourrait nous aider dans notre enquête ?

— Oui, Monsieur Élie James, un ami, professeur à l’Université Rockland. Il a la capacité, depuis son expérience de mort imminente, d’entendre les âmes errantes. Il a secondé ma femme lorsque j’enquêtais sur ma famille.

— Merci beaucoup. Je le contacterais dès que je trouverais le temps. À la prochaine. 

Jim Clancy, dès que la conversation est terminée, sort de la chambre, laissant Carl Neely remâcher pour la centième fois les visions, tout particulièrement la dernière. Il ferme les yeux, tout en réfléchissant, mais les rouvre rapidement, ayant la vague impression d’être observé. Il se retourne du côté vitré de la chambre et voit qu'un homme plutôt âgé, septuagénaire ou octogénaire, vêtu d'un complet brun foncé et une chemise blanche le fixe intensément. L'homme hoche la tête, comme s’il écoutait des entités qui lui dicte sa conduite, se rapproche de la chambre de Carl Neely, discute avec l’infirmière qui s’y trouve et entre dans la chambre. Le mystérieux homme salue le détective et lui demande s’il pourrait enquêter sur un cas particulier dès qu’il sera rétabli. Carl Neely est intrigué et commence à avoir mal à la tête de la présence de cet invité, il ne lui donne qu’une réponse évasive. Le vieil homme n’est pas satisfait de la réponse et lui dépose, sur la table de nuit, un paquet et sort aussi vite qu’il est rentré. Dès qu'il est parti, le détective, étonné et surtout intrigué qu’un inconnu lui demande de faire une enquête sans plus d’explication, prend le paquet et l’ouvre. Dès qu’il a ouvert le paquet, il trouve des feuilles qui expliquent l’enquête à faire et un objet indéterminé. Carl Neely prend l’objet et est transporté dans une vision.

Il voit une jeune femme entraînée de force par des gendarmes à l’extérieur de sa maison, son mari, un peu plus jeune qu’elle, essaie de convaincre ces hommes de lâcher sa femme, qu’elle n’est fautive de rien, ni malade, ni folle, ni dangereuse. Il essaie d’empêcher les gendarmes d’amener sa femme avec eux, mais l’une des brutes l’assomme violemment. La femme, voyant son mari gisant sur le sol, inconscient à la suite du coup, se démène pour essayer de se libérer. En vain. La femme, les mains attachées derrière le dos, est amenée à un endroit, un grand asile, inconnu de Carl Neely. Les psychiatres accueillent les gendarmes et la femme et la conduisent dans une chambre. La jeune femme est seule dans la chambre qui s’apparente à une cellule de prison. Un aliéniste lui rend visite et lui fait un traitement d’électrochocs. Carl Neely reconnaît l’objet mystérieux qu’il tenait dans les mains, c’est une partie du sismothère.

Fin de la vision.

Carl Neely range l’objet, fatigué par ce qu’il a vu, prend une feuille et note la vision avec le plus de détails. Il est perplexe, ne reconnaissant pas l’asile, ignorant sa localisation géographique, range les feuilles et s’allonge dans le lit pour faire un petit somme. À son réveil, l’infirmière lui a apporté le repas du midi. Il mange. Une fois que l’infirmière a ramassé le plat, Carl Neely se tourne vers le côté vitré de la chambre et voit des docteurs et infirmières qui passent, puis le même vieil homme qui le fixe tout en murmurant des paroles confuses qui ne parviennent pas aux oreilles du détective. À ce moment, Carl Neely a la vague impression de déjà-vu, mais ne saurait le dire. En touchant le bord du lit, il est plongé dans une vision.

Il voit dans un lit une femme attachée par les mains et les pieds au lit, exténuée des traitements des aliénistes et très maigre. L’aliéniste, qui est rentré dans la chambre, dit à la femme dans un français impeccable :

— Madame, pouvez-vous me répondre ? Que voyez-vous ? Décrivez-moi vos visions, aidez-nous un peu ? … Sinon, vous connaissez les conséquences de votre refus…

— Non…., je ne peux pas …. collaborer avec vous….. Monstre… Démon, lui réplique la femme dans la même langue.

— Très bien, Madame…, dit le docteur dans un anglais britannique impeccable avec un sourire sadique et psychopathe qu’il ne pouvait plus caché, se tournant vers une assistante qui est une infirmière, Mademoiselle Smith, vous savez ce qu’il faut faire. Prochaine étape maintenant.

L’aliéniste sort de la salle, laissant la femme dans un désarroi encore plus grand. La femme tourne son regard vers Carl Neely et lui dit en français :

— Faites très attention avec qui vous parlez avant qu’il ne soit trop tard. Ne répétons pas la même erreur vous et moi. Apprenons de notre passé, avant qu'il soit trop tard.

Les yeux bruns foncés du détective fixent les bruns avec une touche de vert olive de la femme pendant une fraction de seconde, ce qui le fait tressaillir de la vague familiarité de la femme. Il détache son regard d’elle et suit le docteur sadique et psychopathe pour le voir en face de la femme en train de la fixer, tout en murmurant des vagues formules latines, lorsque Carl Neely fixe ses yeux sur ceux de l’aliéniste, une nausée indescriptible l’assaillit combinée avec un sentiment de familiarité.

Fin de la vision.

En revenant à lui, le détective voit que le mystérieux homme le fixe derrière la partie vitrée avec insistance et murmure des paroles avant de partir.


Carl Neely, fatigué par ses visions et ses réflexions, s’allonge sur le lit et demande à l’infirmière qui est entrée la durée de son séjour à l’hôpital. Elle lui répond qu’en quatre à cinq jours, il pourra rentrer chez lui. Le détective la remercie et ferme les yeux. Les trois jours où il était à l’hôpital était plutôt calme, sauf le dernier jour. En touchant le bord du lit et en tenant la montre de l'autre main, il est transporté dans une vision.

Il voit la même femme aux yeux bruns avec une touche de vert olive dans la même chambre qui murmure à elle-même, attachée au lit, les propos suivants :

— Rien ne changera, tout arrivera comme je l’ai vu. J’ai vu des villes détruites, des villes conquises, un grand Mal se prépare pour l’Europe, seul l’Est peut nous sauver. Que Dieu protège les hommes justes… Je refuse de collaborer avec les agents de Satan, qu’ils s’en aillent au Diable. Que Dieu me prenne en pitié et me délivre du Mal. Amen.

Sur ces mots, la femme ferme les yeux. Et le détective comprend, sans être capable de s'expliquer rationnellement sa déduction, que la femme avait vu l’avènement de la Seconde Guerre mondiale.

Fin de la vision.

Le détective note sa vision, avec les autres visions, sans essayer de leur donner un sens entre elles, sauf celles sur la jeune femme de l’asile. Une fois qu’il range ses documents dans le chemisier consacré. Il voit le docteur entré dans sa chambre avec sa femme. Mila Vasilieva-Neely est contente que son mari revienne bientôt à la maison et qu’il s’en sort fort bien.


Une fois rendu chez eux, Carl Neely explique à sa femme l’enquête que lui a donné Jim Clancy et lui explique ses visions. Après quelques minutes de réflexion, Mila Vasilieva lui répond en bulgare :

— Commence par enquêter sur ta famille du côté maternel, puis tu reviendras sur nos vies antérieures. Je pense que mon beau-père, Andrew Neely, doit savoir quelque chose de tes vies antérieures, ayant nécessairement un rapport avec toi, sans oublier le mystérieux homme de l’hôpital. Toutes ces visions présentent nécessairement un rapport avec nos vies antérieures, mais je ne peux te dire plus, étant tout aussi ignorante que toi, mais nous résoudrons ces énigmes, tu n’es pas détective pour rien, mon amour, et jamais tu n'as abandonné une enquête. Tu n'abandonneras pas cette enquête-ci non plus.

À ces mots d’encouragement, Carl Neely sourit à sa femme et l’embrasse tendrement pour toute réponse. Le détective s’assoit en face de sa femme, promène son regard de sa femme à la montre du XVIIIe siècle déposée sur la table et vice-versa pendant quelques minutes. Il range l’objet dans la poche interne de sa veste, se lève et explique à Mila Vasilieva-Neely qu’il commencera l’enquête sur sa famille maternelle demain et qu’il devra se rendre en Europe, en France certainement, pour approfondir certains aspects de son enquête, puisque sa mère est Française et qu'à partir de son bureau à Grandview, les accès aux archives des villes françaises sont restreintes, voire inaccessibles, ou trop onéreuses à expédier. L’épouse de Carl Neely hoche la tête en signe de compréhension, laissant son mari partir à son bureau au département de police de Grandview.


Dès que Carl Neely est rentré à son bureau au département de police, il est assailli par des collègues qui veuillent l’interroger sur ce qui s’était passé entre son père et lui dans le parc. Il leur explique calmement ce qui s’était passé, en omettant de mentionner le regard possédé de son père et la raison de sa sortie du bureau. Le collègue qui l’interrogeait prend tous ses mots en note et le remercie de sa collaboration. Carl Neely se rend à son bureau où il voit que des dossiers se sont accumulés depuis son absence. Il se met à la tâche le plus rapidement possible, mais après avoir réglé trois dossiers, le détective décide de commencer sa recherche sur la famille maternelle, à savoir sur les Hervé et les De Kermadec, étant les noms de ses grands-parents maternels. Le détective sait que la langue maternelle de sa mère est le français et qu’elle a rencontré Andrew Neely en Angleterre, alors qu’elle était en PVT (Programme Vacances Travail). En cherchant sur les Hervé, il trouve que son grand-père, Arthur-François Hervé, commissaire de police puis policier, est tombé en disgrâce du Ministère pour d’obscures raisons. Arthur-François Hervé est le fils de Jean-Christophe Hervé, facteur, et Sarah Goldstein, fille d’un bijoutier, et a deux sœurs. Jean-Christophe Hervé est le fils de fiers résistants du nazisme, François-Joseph Hervé, serveur, et Hannah Nikolic, et a aidé grâce à des contacts de son père et de ses propres contacts, des familles entières à se sauver de la déportation des camps de concentration.

En cherchant sur les De Kermadec, il trouve que Louise-Rose de Kermadec, sa grand-mère maternelle, poète de métier, est la fille de François-Paul de Kermadec, un riche propriétaire de vignobles en Bourgogne, héritage de son père, et Sophie-Sarah Lefrançois, fille de diplomate. Et François-Paul de Kermadec est le fils du second mariage de Jean-Antoine-Philippe-Adolf de Kermadec, fonctionnaire, et Jeanne-Marie-Rose Feldman, fille d’un propriétaire d’hôtels à Paris, à Nice et à Marseille. Carl Neely sait qu’une rumeur circule dans la ville concernant son arrière-arrière-grand-père et son arrière-grand-père maternels, à savoir qu'ils ont été des collaborateurs avec le régime de Vichy, ils étaient des fascistes. De son premier mariage avec Anne Benarola, Jean-Antoine-Philippe-Adolf de Kermadec est resté veuf et sans enfant.

Carl Neely comprend qu’il ne peut plus continuer sa recherche de son bureau à Grandview, aux États-Unis, mais qu’il doit partir en Europe, en France, entre Paris, Marseille, Bordeaux, Lille et Dijon, entre autres, à la fois pour consulter les archives des villes et pour être en contact avec des objets et des endroits qui pourraient l'aider dans son enquête. Sans oublier Londres. Le détective soupire, se lève de sa chaise et sort la montre du XVIIIe siècle de sa poche interne du veston pour la fixer. En la fixant et en la touchant, le détective est transporté dans une vision.

Il voit la femme de l’asile dans sa cellule qui prie avec beaucoup de ferveur Dieu pour qu’Il la délivre du mal. À l’extérieur de la cellule, le docteur, avec une infirmière, prend des notes dans un dossier. Dossier qui porte le numéro 4105. L’aliéniste dit à l’infirmière, Mademoiselle Smith :

— Quelle est la réaction de la patiente numéro 4105 à la suite du traitement d’électrochocs d’hier ? Soyez honnête, mademoiselle.

— D’accord. Disons, Docteur Alberti, que la réaction de Madame Greenwood-French est tout à fait inattendue, elle ne fait que prier Dieu, ne mange rien et ne me parle pas, sauf pour me dire des propos fort nébuleux sur le Jugement Dernier. Bref un délire religieux.

— Mademoiselle, abstenez-vous de poser des diagnostics. C’est mon travail, pas le vôtre. Toutefois, merci pour votre collaboration.

Sur ces mots, l’aliéniste, dès que l'infirmière a le dos tourné, sort une petite bouteille de calvados de sa poche interne pour la vider à moitié avant que ses mains tremblent trop, et s'éclipse à son bureau, alors que l’infirmière rentre dans la cellule de Madame Greenwood-French pour lui apporter à manger. La nourriture est contaminée avec des médicaments, calmants et somnifères de toutes sortes.

Dès qu’elle est entrée dans la cellule, la patiente lui annonce sérieusement :

— Mademoiselle, cessez vos actions néfastes, si vous ne voulez pas mourir trop tôt, ne blasphémez pas à la légère. Le Seigneur vous entend. Et vous mourrez, alors dans d’affreuses souffrances. Le docteur, lui, mourra dans une semaine s’il continue son action néfaste de me rendre folle. Je lui dit, c’est lui qui deviendra fou, c'est lui qui essayera de mettre fin à ses jours, pas moi.

Sur ces mots, la femme se tourne vers l'infirmière avec une mine très sérieuse, soupire et se tourne vers l'endroit où est Carl Neely (il observe la scène depuis un coin de la cellule) et murmure à elle-même :

— Je ne veux pas que l'histoire se répète. Il doit exister un moyen de rompre ce cycle, mais je ne sais comment. Que Dieu m'aide et ait pitié de moi, mais une solution existe, mon collier.

L'infirmière dépose la nourriture proche de la femme et sort de la chambre. Madame Greenwood-French demeure prostrée pendant plusieurs minutes priant sans cesse Dieu et détache son collier autour du cou. Il y avait un pendentif avec le collier, pendentif plutôt bizarre.

Fin de la vision.

Carl Neely note scrupuleusement les détails de la vision. Il commence à chercher sur les Greenwood-French comme patiente dans un asile, mais il ne trouve guère d'informations. Il commence une recherche à partir du numéro de dossier. Numéro qui frappe Neely par la similitude avec le 14 h 50 de sa première vision. Le détective est perplexe devant cette coïncidence, mais il n'a pas encore trouvé le fil conducteur à toutes ces visions, puisque, à ses yeux, la similarité des chiffres n'est pas suffisante. Il décide d'appeler Élie James à son bureau pour prendre rendez-vous, même s'il n'a guère confiance envers les psychologues et les psychiatres. Carl Neely désire solliciter l'aide du professeur de psychologie concernant les asiles. Il l'appelle et les deux hommes s'entendent pour un rendez-vous dans trois jours. Carl Neely regarde le prix d'un billet d'avion pour Paris, patientant encore un peu pour faire l'achat, il a décidé de ne pas mêler son épouse à son enquête, mais il lui a promis de la tenir informer de la progression de son enquête.


Rendu le jour du rendez-vous avec le professeur de psychologie de l'Université Rockland, Carl Neely se rend en civil au bureau. Élie James le salue et lui demande la raison de sa visite, le détective lui dit, une fois assis en face du professeur, :

— Je désire vous parler de mon enquête, surtout pour solliciter vos connaissances du monde de la psychiatrie et des asiles des siècles passés. Ainsi, dit-il en sortant de la poche interne de sa veste la montre donnée par Jim Clancy pour la montrer au professeur, un ami qui est aussi le vôtre, Jim Clancy, m'a donné l'enquête que je fais à partir de cette montre comme point de départ. Enquête qui devrait me permettre non seulement de connaître ma famille, mais surtout mes vies passées pour que j'évite de commettre les mêmes fautes, fautes que j'ignore par ailleurs, et ainsi être vivant pour élever ma fille. Aussi, j'ignore si vous le saviez, mais depuis ma expérience de mort imminente, j'ai une capacité plutôt bizarre, mais pratique pour mon métier, à savoir que j'ai la capacité, en touchant un objet particulier ou en étant dans une salle, d'avoir une vision de ce qui s'est passé. Ainsi, j'ai résolu beaucoup de cas insolubles de mes collègues. Maintenant, je vais vous expliquer les visions à partir de la montre. D'abord, un homme dans la cinquantaine du XVIIIᵉ siècle, propriétaire de la montre, probablement un Hollandais, est accusé de collaborer avec les ennemis, il est jugé par un tribunal militaire. L'heure de l'arrestation est 14 h 50. Ensuite, un jeune homme XVIe siècle en Italie, heureux avec sa jeune épouse, voit son bonheur s'assombrir lorsqu'une sombre entité, un esprit, possède le père de la jeune femme pour qu'il la tue et pousse la faute sur son gendre. Ce jeune veuf est resté seul, travaillant beaucoup pour oublier sa peine. J'ai compris, tout fou que cela puisse le paraître, que j'ai été ce jeune homme, ma actuelle épouse, ma Mila, était mon épouse et le meurtrier de mon épouse n'est nul autre qu'Andrew Neely, mon actuel père. Et finalement, une femme, Madame Greenwood-French, qui est amenée de force de sa maison pour être internée dans un asile dont j'ignore la localisation exacte, mais très certainement en Angleterre. Cette femme était voyante et l'aliéniste lui parlait en français impeccable pour la forcer à collaborer, mais elle refusait. Cette patiente est identifiée par le docteur comme le numéro 4105 et le malheur de sa situation se trouve, selon elle, dans un collier et un pendentif.

— Monsieur Neely, ne sous-estimez pas vos premières idées, impressions et associations. Elles sont très significatives et peuvent contenir plus de vérité que ne peut le faire une réflexion rationnelle. Ainsi, vous affirmez ne pas connaître l'asile, attendez deux secondes, le temps que je trouve des images, dit Élie James en cherchant sur l'Internet des images d'asiles pour les montrer au détective, regarder ces images et dites-moi laquelle ressemble le plus à la façade de l'asile de votre vision.

— D'accord.

Sur ces mots, Élie James montre plusieurs images d'asiles en Angleterre, mais le détective ne reconnaît dans aucune celui de sa vision. Après une dizaine de minutes de recherche, lorsqu'Élie James lui présente une image du Bethlem Royal Hospital, dans le Grand-Londres, Carl Neely reconnaît l'asile de sa vision. Élie James lui montre alors plus d'images de cet asile tristement connu pour des traitements inhumains par le passé et le détective reconnaît de plus en plus l'asile de sa vision.

Il prend note le nom de l'hôpital, remercie le psychiatre et lui dit :

— Monsieur Élie James, pensez-vous que je suis autorisé à consulter et photocopier des documents d'archive, des dossiers d'anciens patients, d'un asile si célèbre ? Si je ne peux pas, pouvez-vous m'aider ?

— Je ne pense pas que vous devrez avoir un problème. Sinon, vous pouvez toujours contacter mon cousin, Henry James. Il n'est pas le fils du psychologue, philosophe et historien américain William James, même si, il est certain, notre famille entretient un rapport avec cet homme. Mais revenons plus sérieusement à votre cas... Mon cousin peut vous aider, il est psychiatre à Londres et connaît très bien l'ancien asile. Mais précisez-lui que vous êtes l'une de mes connaissances pour être certain d'avoir son aide sans qu'il doute.

— Merci beaucoup.

Le détective prend en note le nom du cousin du professeur, range son stylo et son calepin dans sa poche interne, remercie Élie James et voulait sortir du bureau, mais le professeur lui demande de se rassoir. Intrigué, Carl Neely obtempère.

Élie James lui confie :

— Monsieur Neely, saviez-vous que vous êtes suivi par des esprits errants qui ne vous veulent aucun bien et qui ne cessent de vous dire toutes sortes d'inepties ?

— Je sais que mon arrière-arrière grand-père maternel, Jean-Antoine-Philippe-Adolf de Kermadec, me suit, mais le pluriel m'étonne.

— J'entends plusieurs voix, des voix masculines et féminines.

— Je ne suis pas pour autant rassuré.

— Permettez-moi d'intervenir, Mesdames et Messieurs, ...

Ordonne-t-il à l'attention des esprits errants en français avec un fort accent anglais,

— ... pouvez-vous laisser Monsieur Carl Neely en paix, tous vos propos n'engendrent que vacarme et bruit à mes oreilles. Propos qui sont des inepties par ailleurs.

— Monsieur le psychiatre, dit une voix masculine d'un vieil homme, ne vous mêlez pas des histoires de famille. N'oubliez pas les mots mêmes des Saintes Écritures qui s'appliquent à Carl Neely, à savoir patres nostri peccaverunt et non sunt et nos iniquitates eorum portavimus [Nos pères ont péché, ils ne sont plus, Et c'est nous qui portons la peine de leurs iniquités. » Bible, La 5,7]. Laissez-nous tranquille et ne fourrez pas votre nez dans les affaires des autres, même si que c'est l'activité de tous les psychologues. D'ailleurs, mes propos, ceux de ma femme et de mon fils ne sont pas des inepties, mais une vérité que vous ne voulez pas savoir sur le détective, vous ignorez ce qui se passe dans la tête de Carl Neely, alors taisez-vous.

— L'arrogance! Vous n'êtes même pas un peu civilisé pour vous déclinez.

— Pourquoi ? Nous ne sommes pas obligés de le faire. Et notre descendant, Carl Neely, nous connaît.

— Il serait souhaitable pour un minimum de bienséance, surtout pour vous, en tant que vieux Français. 

En entendant les derniers mots de la conversation, les esprits errants éclatent d'un rire diabolique et disparaissent de l'ouïe du psychiatre. Carl Neely, qui n'a entendu que les propos du psychiatre, le regarde bizarrement et lui demande l'identité des esprits errants. Élie James lui rapporte les propos de l'esprit errant, ce qui confirme l'hypothèse de Carl Neely sur les esprits errants qui le suivent, à savoir son arrière-arrière-grand-père et sa femme et son arrière-grand-père. Élie James, en cherchant pendant une dizaine de minutes dans la Bible, trouve la référence mentionnée par le vieil esprit errant, à savoir le Livre des Lamentations. Il la montre à Carl Neely et lui dit :

— Pour demeurer sur le terrain religieux, j'ai trouvé la réplique à ce vieil esprit errant que j'ai entendu, à savoir le Livre de Jérémie, 31,29-30 En ces jours-là, on ne dira plus: Les pères ont mangé des raisins verts, Et les dents des enfants en ont été agacées. Mais chacun mourra pour sa propre iniquité; Tout homme qui mangera des raisins verts, Ses dents en seront agacées. Qu'en pensez-vous, Monsieur Neely ?

— Très bien et très exact. Tout justement adapté à la situation. Merci beaucoup Monsieur James.

— De rien, Monsieur Neely. Avant de partir, je vous conseillerais, pour mieux comprendre vos vies antérieures, de chercher dans l'Histoire. Ce pourrait vous être fort utile. Bien sûr, je suis toujours à votre disposition pour vous aidez.

Les deux hommes se quittent.

Dès que Carl Neely est sorti du bureau, Jean-Antoine-Philippe-Adolf de Kermadec, François-Paul de Kermadec et les épouses de chacun suivent le détective, un sourire ironique dans le coin des lèvres. Le détective s'assoit sur un banc du parc de Grandview, fatigué par les idées qui lui traversent l'esprit. Idées qui proviennent de ses ancêtres. Il prend sa tête entre ses mains, commençant à avoir mal à la tête en raison de la pression de ses ancêtres, n'ayant pas vu le mystérieux vieil homme qui l'observait de loin, tout en murmurant des vagues phrases en latin, un sourire aux lèvres. Il s'éclipse rapidement avant que le détective ne le remarque. Après quelques minutes, Jim Clancy, cherchant le détective à la demande de Camille Deschamps, le trouve assis sur le banc du parc, entouré de deux couples d'esprits errants, ses méchants ancêtres.

L'ambulancier dit au détective :

— Monsieur Neely, ne vous laissez pas convaincre par vos sombres et démoniaques ancêtres! Ressaisissez-vous! Prenez votre courage à deux mains et réglez leurs cas le plus rapidement possible. Je vous aiderais.

Le détective relève la tête, affichant un faible sourire à son ami, et lui réplique :

— Vous êtes très gentil, Monsieur Clancy, mais j'ignore comment je peux trouver cette faute que je ne dois plus répéter. J'ai l'impression de tourner en rond et que ce don, cette capacité surnaturelle, me rend un peu fou et ne m'éclaire aucunement. J'ignore la manière d'associer certains morceaux d'un puzzle impossible et disparate. Comment comprendre un jeu pour lequel je ne connais même pas les règles et pour lequel il me manque des informations ? Je ne sais plus quoi faire.

— Cessez ces gémissements, Monsieur Neely. Ce n'est guère digne de vous, ce n'est guère digne d'un homme de votre trempe. Vous m'avez été un précieux allié à Belview et vous avez compris votre famille paternelle. Vous êtes capable de démystifier votre famille maternelle, non ? De toute manière, vous n'avez guère le choix et n'écoutez pas vos mauvais et méchants ancêtres. Avec le temps, vous comprendrez vos vies passées. Et je pense qu'il faut commencer par comprendre le rapport entre la femme de l'asile, vous et vos proches.

— Merci beaucoup, Monsieur Clancy pour me remonter le moral.

Il dit, et un lourd silence oppressant s'installe entre les deux vivants, lourdeur encore plus grande par la présence des quatre âmes errantes. Silence qui dure plusieurs minutes, mais qui semblait une éternité pour Carl Neely, est rompu par Jim Clancy qui se récrie aux esprits errants :

— Mesdames et Messieurs, laissez votre descendant en paix. Sachez que rien ne peut se cacher aux yeux de Dieu, de ses anges et des observateurs. Tout est connu, aucun secret ne peut être éternellement secret. L'heure de la Révélation sonnera bientôt, vos méfaits vous suivront et vous condamneront. Ce n'est pas parce que vous avez commis maints péchés que votre descendant doit payer ou doit être semblable à vous. Ne le dérangez plus.

— Vous, lui répond ironiquement François-Paul de Kermadec, l'esprit errant vêtu d'un complet bleue marine avec une chemise blanche plutôt mince et maigre au visage très ridé pour son âge, ignorez tout de nos vies et de Carl Neely. Il n'est guère meilleur que nous. Ce qui le rend meilleur n'est qu'apparence. Vous ignorez tous ses vices et toutes ses pensées sincères et secrètes. N'oubliez jamais que la pomme ne tombe jamais loin du pommier. Or, il est mon arrière-petit-fils. N'oubliez pas, Monsieur Clancy, que Carl Neely est l'un des nôtre, sauf qu'il n'en est pas encore conscient, il se ment à lui-même, il s'illusionne et vous vous illusionnez clairement aussi. De toute manière, ce n'est pas vous qui nous empêchera de le rendre visite, voire de le posséder. Ah! Ah! Ah! Quelle brillante idée, dit-il en se tournant vers ses parents et sa femme, qu'en pensez-vous ?, les autres esprits approuvent son propos d'un hochement de tête, J'ai sérieusement des brillantes idées. Comme quoi mon vin est sérieusement bon. Ah! Ah! Ah! Vin que je devrai donner à goûter à mon arrière-petit-fils, ou encore meilleur que le vin, le poiré. Il est mille fois meilleur que le whiskey, surtout lorsqu'il est bu pur. Ah! Ah! Ah!

— Monsieur dont j'ai oublié le nom, sachez que vous ne m'effrayez pas et vous oubliez que j'ai des alliés.

— Lesquels ? Je ne les vois nulle part vos alliés, dit ironiquement le même esprit errant en se tournant à gauche et à droite.

— Ils arrivent maintenant.

Sur ces mots, quatre alliés dans le monde des esprits arrivent, à savoir Aiden et Daniel Clancy, Ivan Petrovich Bogdanov et Camille Deschamps, et disent à l'unisson :

— Surprise! Mesdames et Messieurs, vos pires cauchemars sont arrivés.

— Et, ajoute le militaire soviétique, nous écraserons les fascistes que vous êtes. Dégagez, si vous ne voulez pas ressentir la botte russe sur votre tête. N'oubliez pas que nous avons Dieu de notre côté et Son armée céleste.

Les quatre ancêtres de Carl Neely déguerpissent à leur vue, faisant cesser le mal de tête du détective. Ce dernier demande à l'ambulancier ce qui s'est passé avec les esprits. Jim Clancy lui explique brièvement la situation, laissant Carl Neely perplexe. Après quelques minutes de silence, alors que Camille Deschamps-Neely est à la droite de son mari lui murmurant de faire son enquête maintenant pour son plus grand bien, Carl Neely, regardant son alliance pendant quelques minutes, avant de soupirer, exprime à Jim Clancy sa pensée :

— C'est bon, je partirais en France pour mon enquête, dans deux mois, il ne manque qu'à trouver un logement et faire l'achat définitif des billets d'avion. Voulez-vous venir avec moi ? Bien sûr, vous pouvez amener votre épouse et vos enfants avec vous.

— D'accord, mais vous aussi vous amenez votre épouse, elle sera un meilleur soutien psychologique que moi.

— Impossible! Je ne peux me permettre de lui engendrer un stress supplémentaire! Il faut que je protège de toute forme de préoccupation trop exigeante ma femme et ma fille.

— Oui, très bien, mais sachez que pour une femme, je le sais puisque j'ai discuté de tout cela avec ma Mélinda, et elle m'a avoué être beaucoup plus inquiète lorsque j'étais éloigné d'elle, à Belview, sans nouvelles de moi, que lorsque j'étais à Grandview à ses côtés, et ce, même si que je ne lui expliquais pas chaque résultat de mes enquêtes. Or, les bonnes épouses ont toujours, je pense, un souci sincère pour leurs maris. Alors, Monsieur Carl Neely, pour vous et pour votre épouse, il est mieux, lors de votre voyage d'enquête, que vous ayez à vos côtés votre femme. Non pas que je doute de votre fidélité envers votre épouse, sinon, à Belview même, alors que vous étiez veuf, vous aurez déjà flirté avec maintes femmes, ce qui ne peut passer inaperçu, mais pour avoir un soutien psychologique qui vous connaît mieux que quiconque, pour vous, et pour avoir une tranquillité d'esprit, pour votre épouse. Pouvez-vous le comprendre, monsieur le détective ?

— D'accord... Aussi, ma seconde raison, je dois vous l'avouer, dit Carl Neely en baissant le regard vers ses souliers, j'ai peur que je finisse par réaliser les sombres, horribles et terribles idées qui me passent par la tête. Parfois, elles deviennent tellement oppressantes que je dois sortir de mon bureau pour changer mes esprits, penser à autre chose... Parfois, je me demande même si je suis toujours sain d'esprit... Bon, laissons ma misérable vie et continuons mon enquête.

Jim Clancy et les quatre esprits alliés soupirent d'exaspération envers le comportement du détective, mais ne disent rien. Les deux hommes se quittent. Dès que Jim Clancy est disparu de la vue du détective, ce dernier revient à son bureau pour lire son dossier sur son enquête de famille et ses vies passées. Par contre, en lisant les feuilles, il ressent un mal de tête terrible, les quatre ancêtres démoniaques sont à sa gauche lui suggérant plusieurs idées sordides et déprimantes, alors que Camille Deschamps est la droite de son mari, essayant de l'encourager.

Carl Neely s'encourage lui-même en se répétant mentalement et en disant à son cœur :

— Carl, t'es capable de faire deux enquêtes complexes, il suffit de faire une chose à la fois et tout s'éclaircira. Il ne faut pas être impatient ni vouloir précipiter les affaires. T'as bien été capable de mener des enquêtes plus obscures et incertaines, n'abandonne pas maintenant, alors que t'es sur un terrain plus personnel, plus privé, qui concerne ta famille et ton âme. Aller, ramasse ton courage et vas-y! Je ne peux me permettre de m'abandonner au désespoir, avec une si charmante et belle épouse à mes côtés. En plus que je serais bientôt père après tant d'années. Enfin, ma fille m'appellera papa! Je suis devenu euphorique juste à y penser! Au moins pour ma femme et ma fille, je dois continuer à lutter. Aller, Carl, secoue-toi, redresse-toi, bat-toi, ne cède jamais à l'ennemi ni à Satan ni aux mauvaises influences des sombres ancêtres qui veuillent ma perte, t'es capable. Que Dieu veuille bien m'éclairer sur la voie à suivre, Amen.

À cette pensée, Carl Neely sourit et se surprend lui-même dans sa ferveur religieuse et sincère. Le détective regarde la photographie de son mariage avec Mila Vasilieva en souriant, se lève, range son dossier et quitte son bureau pour rentrer à la maison. Sur le chemin du retour, il voit le mystérieux vieillard de l'hôpital qui lui avait donné une enquête bien bizarre, un certain John Calvaro, chef de police de la ville de Bigview à la retraite depuis un an, selon les recherches de Carl Neely, il s'intéresse à savoir la provenance des curieux objets qui sont une partie de l'appareil à électrochoc de l'asile anglais. Le détective de Grandview essaie de l'éviter, mais le retraité l'a vu et le salue. Il s'informe de la progression de son enquête. Carl Neely lui répond évasivement et s'éclipse le plus rapidement possible, mais il n'est pas pour autant épargné des maux de tête, en plus que des sombres idées lui reviennent à l'esprit, puisque les deux couples d'ancêtres maternels qui sont des esprits errants sont à la gauche du détective, essayant de l'influencer négativement, pour le pousser vers un défaitisme. Carl Neely rentre chez lui, sourit à sa femme et lui partage l'idée proposée par Jim Clancy, à savoir qu'il amène avec lui sa femme, tout en continuant son enquête en France. Mila Vasilieva-Neely approuve l'idée. Le couple s'occupe de l'achat des billets d'avion pour les deux couples et de trouver deux appartements qui ne sont pas chers. Ainsi, le détective et sa femme et Jim Clancy et son épouse, chacun avec leurs enfants respectifs partent en France dans deux mois. Le détective a immédiatement averti le couple d'amis du voyage en France. Dans un premier temps, ils iront à Paris, prendront le temps nécessaire pour trouver toutes les informations nécessaires. Dans un deuxième temps, ils iront à Marseille, Bordeaux, Lille et Dijon. Et, dans un troisième et dernier temps, ils iront en Angleterre, à Londres, entre autres, et visiteront le Bethlem Royal Hospital.


Lors de ces deux mois, Carl Neely avait sans cesse des maux de tête, voire des migraines, en raison de toute la pression de Jean-Antoine-Philippe-Adolf de Kermadec, de Jeanne-Marie-Rose Feldman, de François-Paul de Kermadec et de Sophie-Sarah Lefrançois. Il était particulièrement fatigué et dépressif par les sombres idées qui lui passent à l'esprit, idées influencées par ses ancêtres. Sans oublier que ses nuits ne sont guère calmes, ses ancêtres le menacent et le fatiguent, le laissant, parfois, le lendemain matin, encore plus fatigué qu'avant d'aller dormir. Outre ces moments terribles, un jour, alors qu'il était à son bureau à la station de police, terminant de noter les derniers détails d'une enquête, il sort la montre du XVIIIᵉ siècle et est transporté dans une vision.

Il voit un homme dans la quarantaine de l’Antiquité (ce qui se laisse deviner par les vêtements, l'apparence de l'architecture et les armures) encadré par des militaires qui est amené devant un tribunal martial, accusé de collaborer avec l'ennemi, les Grecs, alors qu'ils sont alliés d'Ilion. L'homme se lance dans un long discours pour se défendre et prouver son innocence, mais personne n'est convaincu. Tous les habitants, à l'exception de son épouse et de sa sœur, croient en la rumeur de collaboration. L'homme a la vague impression que son père et son frère sont responsables de la rumeur, mais n'a aucune preuve pour le tribunal. Il est condamné pour haute trahison. Il avait le choix de l'exil ou de la mort par empoisonnement. Il choisit la première option, mais la nuit même de son départ, il est tué froidement de dos par un compatriote.

Fin de la vision.


Carl Neely a la vague impression d'avoir déjà rencontré cet homme, l'accusé, sa femme, sa sœur, son père et son frère, le juge et le meurtrier, mais ne saurait le dire. Il prend en note avec le plus de détails sa vision et classe les feuilles dans son dossier sur ses vies passées rattachées à la montre. Le détective est sérieusement perplexe. Il commence à avoir mal à la tête et à douter de son état mental avec toutes les idées bizarres qui lui traversent l'esprit; il a l'impression que son équilibre mental est sérieusement perturbé, surtout lorsque des idées d'homicide sordide et psychopathe, de suicide ou de haine envers Jim Clancy, sa femme et sa fille lui viennent à l'esprit. Ces idées, parfois, deviennent tellement oppressantes qu'il pense que sa tête va exploser. Lors de ces sombres épisodes, il préfère mieux sortir à l'extérieur, s'assoir sur un banc du parc de la ville, se promener sans but dans la ville ou faire des tournées à pied dans la ville. Le détective est particulièrement inquiet des idées meurtrières qui lui viennent à l'esprit, lui faisant douter de sa santé mentale, mais n'ose se confier à son épouse, à Jim Clancy ou à Élie James, par crainte de perdre soit sa femme, soit un précieux allié.


Un mois avant le départ pour la France, le détective a rencontré à nouveau son père, Andrew Neely, ivre sans l'ombre d'un doute, qui le salue et lui dit :

My son, I, euh..., je... me demande bien... la raison.... pour laquelle.... tu t'es... converti à l'orthodoxie ?... Le catholicisme ne t'est pas suffisant... Sauf si ta femme a une si grande influence... Mon fils, n'oublie pas un détail, nous sommes du même sang... Mes problèmes sont tes problèmes, la vie n'est que répétition des mêmes fautes.... Viens avec moi prendre un verre de cognac pour boire à notre santé... Allez, tu ne peux refuser l'offre de ton père...

— Non, père, je ne peux accepter l'offre, mon travail m'attend et mon épouse aussi m'attend. En plus que je conduis une voiture de fonction dès que je reviens à la station, je dois décliner ton offre.

– Quel fils!... Un fils qui refuse l'offre de son père... Fils ingrat... Aucun respect pour son père... De toute manière... t'as raté ta vie,.. bientôt quarante-et-un ans... et toujours pas d'enfants... À ton âge, j'étais déjà père depuis... mes vingt et vingt-deux ans... T'es un bon à rien..

— Père, lui réplique son fils blessé en son cœur par ses propos, sérieusement, rentre à la maison, repose-toi et dégrise-toi. Après nous parlerons entre homme, comme un père à son fils. Ce n'est guère convenable à ton âge d'être dans cet état, ni de tenir de tels propos. Après, pour l'organisation de ma vie, je n'ai pas demandé ton avis. Merci.

— Mon fils, dit le père en regardant fixement son fils comme un serpent fixe sa proie laissant un malaise planer entre les deux hommes, n'oublie pas un détail, la vie n'est que répétition des mêmes fautes passées.... Et reconnaît que ta vie n'a jamais été réussie, ne l'est pas et ne le sera jamais... Ah! Ah! Ah!

À l'éclat de rire dément du père répond le rire diabolique des quatre ancêtres maternels de Carl Neely à la gauche du détective de Grandview, mais les deux vivants l'ignorent. Les quatre esprits errants suggèrent à Carl Neely toutes sortes d'idées déprimantes et démoralisantes, mais le détective persiste dans son refus de l'offre de son père. Il le salue et continue son chemin, mais s'est vite retourné, ayant la vague intuition inspirée par Camille Deschamps que son père ne sera pas tranquille, pour éviter de peu le coup de feu de son père. Ce dernier vise son fils avec son arme de fonction, mais ivre, le rate. Carl Neely a évité le coup fatal, mais est blessé. Andrew Neely déguerpit aussi vite que ses jambes lui permettaient. Carl Neely, cachant du mieux qu'il peut sa blessure pour ne pas effrayer des passants, se rend à l'hôpital Mercy pour se faire soigner. Dès son arrivée, il voit Jim Clancy qui se dépêche de l'aider, et l'accompagne jusqu'à un docteur pour lui extraire la balle.

Un peu plus tard, lorsque Carl Neely est en convalescence dans un lit de l'hôpital, le détective reçoit la visite de son épouse et de Jim Clancy, en plus d'un collègue policier, tous sont curieux de connaître la raison de cette balle plantée dans son bras gauche. Et tous sont étonnés des circonstances lorsque le détective leur explique ce qui s'était passé. Jim Clancy voit les deux couples d'esprits errants à la gauche du détective qui se murmurent entre eux en français, alors que Camille Deschamps à la droite de Jim Clancy traduit la conversation en anglais pour le chuchoteur d'esprits :

— Nous l'avons presque eu celui-là; il aurait été l'un des nôtre. Il ne manquait que de peu, la prochaine fois, nous ne manquerons pas le coup. Ah! Ah! Ah! Si Andrew Neely, cet Anglo-Saxon répugnant, nous lèche le cul en buvant nos bons alcools français, alcools qui sont les meilleurs au monde par ailleurs, alors je préfèrerais mieux que Carl Neely, notre descendant, y goûte pour donner un avis fiable et sérieux. Entre les divers vins, les armagnacs, les calvados, les cidres, les cognacs et autres eaux-de-vie de fruits, nous sommes les meilleurs. Ah! Ah! Ah! Carl Neely nous est beaucoup plus intéressant qu'Andrew Neely. Ah! Ah! Ah! Nous nous demandons même si l'Anglo-Saxon n'a pas ensorcelé notre Marianne-Annie, tellement il est répugnant. Ordure anglaise! Mais nous ne raterons pas la prochaine fois... Il ne peut rien contre nous. Comme le dit notre hymne, le jour de gloire est arrivé! Ah! Ah! Ah!

À la droite du détective, il y a sa première épouse qui ne cesse de l'encourage pour ne pas se laisser vaincre par les mauvaises idées des esprits à sa gauche. Dès que le collègue policier est parti, Jim Clancy explique au détective les esprits qui l'entourent et leur propos. Carl Neely essaie de garder un visage imperturbable pour sa femme, pour ne pas l'inquiéter ou la faire paniquer, mais ses yeux trahissent, pendant une fraction de seconde, son inquiétude, sa peur et même une forme de terreur. Son âme s'échappe de son corps à la fois sous la pression de ses ancêtres et par inquiétude, et dit à Jim Clancy, lorsqu'il voit ses ancêtres à sa gauche :

— Ces ancêtres sont particulièrement dangereux, je crains pour moi... pour mon corps, mais encore plus pour ma Mila et pour notre fille. Je ne sais pas ce que je peux faire pour les chasser. Je ne veux pas que Mila se ronge inutilement les sangs pour moi. Avez-vous une idée ?

— Sachez, dit François-Paul de Kermadec par la voix de Carl Neely (le possédant) en anglais britannique, Monsieur Clancy, que je n'ai peur de rien. Adviendra ce qui adviendra, rien ne me fera reculer. J'ai vu pire dans ma vie, je ne suis pas un lâche. Ah! Ah! Ah! Sachez que je parviens toujours à mes buts et personne ne peut m'empêcher! Ah! Ah! Ah! La famille est la famille, nous sommes tous les mêmes. Il est impossible de rectifier le cours sinueux du Seine. Ah! Ah! Ah!

— François-Paul de Kermadec, réplique Carl Neely en français, je ne vous ai rien demandé. Déguerpissez de mon corps et de moi, vous êtes très ennuyant.

Le rire inhumain du détective possédé donne un frisson à Mila Vasilieva-Neely et à Jim Clancy. Tous deux ont remarqués que le détective est possédé. L'âme de Carl Neely commence sérieusement à paniquer des propos de son ancêtre, ne sachant pas exactement la manière d'interpréter ces propos, mais décide de prendre son courage à deux mains et chasse l'esprit errant qui le possède pour revenir dans son corps, reprenant son souffle et retrouvant ses esprits. Camille Deschamps, à la droite de son mari, foudroie du regard François-Paul de Kermadec et lui hurle en français :

— Monsieur François-Paul de Kermadec, laissez bien mon mari en paix, maintenant qu'il peut avoir un peu de tranquillité dans sa vie, sinon vous aurez affaire à moi.

— Vous ? Une femme ?, dit ironiquement l'interpellé, Voulez-vous me faire rire ? Vous pensez m'empêcher de parvenir à mes fins. Compatriote, ne me faites pas rire. Ah! Ah! Ah! Je suis mort de rire de vos menaces. Père, mère et ma chère épouse, dit-il en se tournant vers les trois autres esprits errants, vous avez entendu, je suis mort de rire, mais je suis déjà mort. Ah! Ah! Ah! Et notre chère compatriote, à moitié compatriote en réalité, n'est-ce pas ?, ne peut rien contre nous quatre. Ah! Ah! Ah!

— Démon, lui réplique la femme fâchée et très en colère, que Satan vous emporte en Enfer! Ne sous-estimez pas mon influence et mes actions. D'ailleurs, rira bien qui rira le dernier, j'ai des alliés dans ce monde-ci qui rendront votre rire ironique et cynique glacé. Alors prenez au sérieux mes avertissements, ne les prenez pas pour des paroles en l'air.

À ces mots, les quatre mauvais esprits éclatent d'un rire démoniaque et encerclent Carl Neely et Camille Deschamps, tout en tournant en rond autour d'eux, puis disparaissent de la chambre, de la vue et de l'ouïe de Jim Clancy. Carl Neely le regard perdu pendant quelques secondes promène son regard de sa femme au chuchoteur d'esprits et vice-versa, confus de ce qui vient d'arriver dans la chambre, demande :

— Ma Mila, Monsieur Clancy, pouvez-vous m'expliquer ce qui vient d'arriver dans cette chambre ?

— Disons, lui répond Jim Clancy, que votre âme est sorti de votre corps, temporairement possédé par l'un de vos ancêtres démoniaques maternels.

— Génial! Il ne manquait plus qu'eux. Ma chérie, est-ce que tu as aussi perçu ma possession par la voix ou non ?

— Oui, le ton était totalement différent du tien. Sans oublier l'accent et le sorte de cynisme et sarcasme présents qui sont bizarres, étranges. Tu m'as même fait peur mon amour, surtout le rire démentiel qui ponctuait les propos.

— Génial! Maintenant, tu sais à quel fou t'es marié depuis un an! Tu sais à quelle famille de fou t'as affaire. Génial franchement! Si je deviens trop insupportable avec ces possessions temporaires, tu peux toujours demander divorce, je comprendrais que ce ne soit pas une ambiance pour notre fille. D'ailleurs, un père dément n'est guère agréable, ni un mari possédé. J'en serais, certes, attristé, mais si tu penses que c'est le meilleur pour notre fille, j'accepterais et je payerais l'alimentation, l'éducation et une suffisance matérielle au moins minimale et j'accepterais tes conditions pour la garde partagée.... Mais, ...

Le détective en baissant son regard sur ses mains, regardant son alliance, continue avec une voix cassée et émue son monologue,

— ... sache que je t'aime beaucoup, je t'aime du fond de mon cœur. Je t'aime ma Mila et j'aime notre fille. Vous êtes ma lumière, mes étoiles, dans une vie sombre. Vous êtes mes phares au cœur de la tempête.

— Ne raconte pas n'importe quoi, Carl. Arrête d'être si pessimiste, lui répondent à l'unisson Mila Vasilieva-Neely et Camille Deschamps-Neely, faisant sourire Jim Clancy, tu sait que tu es un bon mari. Cesse tes inepties. Aie plus confiance en toi. Je te soutiendrais dans tes actions et je ne divorcerais pas, termine Mila Vasilieva-Neely en enlaçant la main droite de son mari en signe de tendresse et de soutien.

— D'accord, d'accord.

Il dit.

Un silence gênant s'installe pendant quelques minutes pour être interrompu par Jim Clancy qui affirme au détective :

— Monsieur Neely, très sérieusement, vous êtes l'un des détectives le plus rigoureux, exigeant envers soi et autrui et honnête, intègre, moral, ce qui est rare dans le métier. Je ne tiens pas ce discours pour vous flatter, sachez-le, mais pour être honnête et sincère avec vous. Vous comprenez que vous ne pouvez abandonner si facilement la partie. Il faut lutter jusqu'au bout.

— C'est gentil, Monsieur Clancy, mais je pense que vous m'accordez trop d'importance.

— Ami, clairement, vous n'êtes pas encore conscient de votre réelle nature, sinon vous ne direz pas ces mots qui ont échappés de votre bouche.

À ces mots, Carl Neely ne fait qu'hocher la tête, pensif, perdu dans ses pensées et rumination d'idées. Jim Clancy rompt le silence en disant :

— Monsieur Neely, j'aurais une question pour vous, si ce n'est trop indiscret ou douloureux pour vous ?

— Dites-la.

— À savoir quelle est la raison pour laquelle votre ancêtre maternel, François-Paul de Kermadec, je pense, a dit à Camille Deschamps qu'elle est à moitié compatriote ? Sera-t-elle partiellement Française par son père ? Et sa mère, quelle est sa nationalité ?

— Camille Deschamps, née en France, est la fille de René-Jean Dechamps, Français, et de Sabrina Jovanovic, Serbe.

— Merci de votre réponse.

Après un silence de quelques minutes, Carl Neely annonce aux deux individus présents dans la chambre :

— Au moins, je peux rentrer chez moi dans trois jours. Bon... Le voyage prévu pour la France est deux semaines après l'accouchement de ma Mila. Ainsi, nous serons cinq; Jim Clancy et sa femme, ma Mila, notre fille et moi. Génial non? Je suis content à nouveau d'être père. J'ai presque oublié ce qu'est un sentiment paternel... Parfois que je doute être un bon père... Mais bon, laissons mes sombres pensées.

Sur ces mots, Jim Clancy quitte la chambre pour laisser Mila Vasilieva-Neely être seule avec son mari.


Deux jours plus tard, le détective rentre chez lui, rétabli de l'opération, mais il remarque que des idées sombres, pessimistes et terrifiantes lui traversent l'esprit depuis son retour à la maison jusqu'au jour de l'accouchement de sa femme. Heureusement pour lui, ce jour-là, il travaillait, n'étant informé qu'à son retour à la maison qu'il est père. Au fond de son cœur, le détective se réjouit d'être père, mais il s'inquiète des sombres idées qui lui traversent l'esprit et il a encore plus peur qu'il vienne à commettre infanticide ou homicide alors qu'il est possédé par l'un de ses démoniaques ancêtres, puisqu'il sait qu'il ne pourrait jamais se pardonner un tel acte. Le détective ne s'est pas encore confié à sa femme concernant ses craintes, ne voulant pas la faire peur, mais se promet de l'informer lorsqu'ils arriveront en France.

Les deux semaines qui séparèrent la naissance de leur fille prénommée Marie et le départ pour la France n'ont pas été de tout repos pour le détective. Carl Neely est constamment entouré des esprits errants que sont ses arrière-arrière-grands-parents et ses arrière-grands-parents maternels qui lui suggèrent beaucoup d'idées sombres, dépressives et meurtrières. Idées de meurtre, d'infanticide, d'homicide, idées de désespoir, de doute en ses capacités d'être un bon père et mari. Idées qui deviennent tellement oppressantes qu'il se demande s'il lui est possible de résister à l'envie suggérée par ses pensées ou s'il ne deviendra pas fou de ces idées. Il partage une partie des idées sombres à Mila Vasilieva-Neely, à Jim Clancy et à son frère, Jack Neely, ne pouvant plus supporter d'être seul avec ces idées à l'esprit. Et sa femme et son ami et son frère se sont sérieusement effrayés des idées sombres, mais les deux premiers lui affirment que ces idées proviennent de ses ancêtres et qu'il ne doit jamais leur céder de l'importance. Leur soutien et certitude ne convainc pas le détective de son innocence, mais il ne se dispute avec eux. Jim Clancy est même plus inquiet que Mila Vasilieva-Neely, voyant les esprits errants qui ne cessent de rôder autour du détective, sourire ironique aux lèvres. Alors que Jack Neely essaie de faire changer les idées de son frère en lui suggérant de prendre une distance de ces pensées, de partir en voyage, d'éviter le plus possible, s'il a si peur, sa femme et sa fille. Carl Neely se rend à l'argument de son frère, et travaille toute la semaine du matin au soir, espérant ne plus avoir ces idées sombres, mais il se trompe lourdement. Au contraire, elles deviennent plus fortes et envahissantes, en plus que le détective, seul à son bureau, regardant sa photographie de mariage, ressent une immense solitude. Solitude de l'impossibilité à se confier entièrement à sa femme ou à quiconque. Mais il ressent aussi une haine et une colère très fortes envers ses ancêtres. Une semaine avant leur départ pour l'Ancien Continent, Carl Neely a proposé sérieusement à sa femme le divorce, mais elle refuse. En plus, deux jours avant leur départ, l'alliance du détective s'est mystérieusement brisée en trois morceaux, laissant Carl Neely sérieusement inquiet pour son mariage et faisant rire ses quatre ancêtres démoniaques. Et comme un malheur ne vient jamais sans un autre, le détective n'est pas parvenu à trouver un bijoutier qui voudrait réparer l'alliance, puisqu'ils étaient tous occupés et ne pouvaient lui réparer sa bague en deux jours.

Ainsi, les Neely et les Clancy avec leurs enfants sont partis en France. Carl Neely amène avec lui son alliance brisée pour la donner à réparer dans le pays de sa mère. Là-bas, les attendent beaucoup de surprises, d'enquêtes et de vérités dangereuses à déterrer, mais aussi, pour le détective de Grandview, une meilleure compréhension et unification à la fois de la famille, de ses vies passées et de ses visions. Pour Carl Neely, il est question de vie ou de mort, surtout qu'il faut qu'il comprenne la manière d'interrompre la répétition d'évènements similaires d'une vie à l'autre, s'il veut être vivant. Tout repose sur un fil. Et Carl Neely n'a pas encore trouvé le fil conducteur originaire de la malédiction. Pour l'instant, il n'a qu'une fausse piste, et il n'est pas conscient de la présence d'un adversaire qui travaille derrière son dos, en plus des quatre esprits errants qui l'entravent et qui veulent le mener sur une mauvaise voie.


À suivre.

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