Et si tout était différent
Chapitre 5 : Trois ans plus tard, retour de vieilles connaissances, suite
7145 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 27/12/2022 02:59
Bonjour B7B14, et voici, comme demandée, la review de ta fanfiction Et si tout était différent, après un peu d’attente (i.e. trois mois) dont je m’excuse. Sans plus de bavardages, voici donc ton évaluation.
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I. La forme
・Orthographe, grammaire et conjugaison
Le trio orthographe / grammaire et conjugaison n’est pas catastrophique, mais j’ai relevé bon nombre d’erreurs qui auraient pu être corrigées à l’aide d’une relecture attentive (la tienne, ou celle d’un.e correcteur.trice) et/ou d’un passage dans un outil de correction (divers outils gratuits existent en ligne, par exemple).
Dans l’ensemble, l’orthographe est excellente, c’est surtout la conjugaison le point noir ici. Les temps sont aléatoires, tu passes du passé simple au présent très régulièrement, même au cours d’une même phrase. La concordance des temps aussi est étrange ; tu glisses parfois des subjonctifs là où il ne faut pas, tout comme ces mêmes subjonctifs varient entre passé et présent de façon un peu aléatoire. C’est regrettable, car cela sort le lecteur du texte.
Enfin, ces fautes se retrouvent jusque dans le synopsis de ta fanfiction et les résumés de chapitres… Attention, car cela pourrait démotiver de potentiels lecteurs ! À titre d’exemple, dans le synopsis de ta fanfiction : « Quelle aurait été la suite de la série si l'inspecteur Carl Neely n'avait pas tiré de loin et atteint le mari de Mélinda Gordon ? » Cela a été corrigé depuis la première version de cette review, ce qui est un excellent point !
Un autre reproche que je pourrais te faire est la variation des paraphrases ou, plutôt, l’absence de variation des paraphrases. Tu fais référence à Melinda d’une poignée de façons différentes qui sont symptomatiques de ton hésitation : « Melinda Gordon », « la jeune femme », « la femme », « l’épouse / la femme de [Jim] Clancy » etc.. Cela mène à de nombreuses répétitions au sein d’un même paragraphe, c’est assez lassant et souligne la faiblesse de ton récit et de ton style. Cela rejoint un autre point sur lequel je m’attarderai plus tard, mais si tu glissais davantage de descriptions, tu aurais moins besoin de répéter ces quelques groupes nominaux. Par exemple, « la trentenaire », « l’antiquaire », « celle-ci » (si tu la mentionnes juste avant), « cette dernière »... Il existe bien des manières de diversifier ces rappels !
・Syntaxe et construction des phrases
La syntaxe est le second point noir de ta fanfiction. Les phrases sont parfois bien trop longues (s’étalant sur plusieurs lignes), et parfois bien trop courtes. La ponctuation n’est pas entièrement respectée, si bien que des virgules se promènent là où elles ne devraient pas être, quand d’autres auraient fait un bien meilleur travail si elles avaient été changées en points. Ton texte gagnerait en fluidité de lecture et en aération si tu tentais de mettre à profit l’usage de points-virgules, ou bien de tirets cadratins, pour justement varier un peu cette ponctuation. Je prends un exemple du premier chapitre :
« La femme de Jim Clancy avance à pas de loup vers la cabane et lorsqu’elle se pointe à l’embrasure de la porte, Hunter Clayton, qui était plutôt agressif, mais ne bougeait pas de son coin, s’agita tout à coup, ses démons ne le laissaient pas en paix, pour s’approcher de l'inspecteur et essayait de lui prendre son arme à feu. »
Que tu pourrais changer en ceci, en variant la ponctuation et en la disposant mieux :
« La femme de Jim Clancy avance à pas de loup vers la cabane et, lorsqu’elle se pointe à l’embrasure de la porte, Hunter Clayton, qui était plutôt agressif mais ne bougeait pas de son coin, s’agite tout à coup. Ses démons ne le laissaient pas en paix. Il s’élance soudain pour s’approcher de l'inspecteur et essaie de lui prendre son arme à feu. »
N’hésite surtout pas à raccourcir tes phrases pour les structurer plus simplement. Si une phrase est trop longue, tu perds ton lecteur. Vois-tu, lorsqu’une phrase s’allonge et s’allonge, l’œil qui la lit va s’accrocher, et s’essouffler, et lorsque le lecteur en parvient enfin à la fin, qu’il a pourtant longtemps attendue, tant attendue qu’il ne se souvient plus vraiment comment elle débute, il se demande comment elle a commencé, comment elle s’étire, si bien qu’il doit la lire une deuxième, voire une troisième fois, pour bien la comprendre… Et cela joue en défaveur de ta fanfiction, malheureusement.
J’ai aussi noté, même si ça reste anecdotique, des tournures de phrases en français québécois, qui pourraient étonner un lecteur francophone européen. Je ne peux bien entendu pas te pénaliser à ce sujet car il ne s’agit en rien de fautes, mais cela pourrait en étonner à la lecture lorsqu’on ne s’y attend pas !
Et pour finir là-dessus, j’ai trouvé ça quelque peu étrange de toujours parler des personnages en utilisant leurs noms et prénoms ensemble, et pas juste le prénom. D’ordinaire, justement, seul le prénom ou le patronyme est employé couramment dans le récit.
S’il y a un point, en revanche, qui m’a grandement plu, c’est ton respect des règles pour l’utilisation de langues étrangères. Voir le latin et l’italien retranscrits en italique était la bonne façon de faire, et trop peu de personnes à mon goût sont au courant de cela ! J’ai juste repéré que, dans le chapitre 3, tu l’as oublié lorsque Shlomo parle en allemand (et, à ce propos, le français est la seule langue à glisser une espace insécable avant ses signes de ponctuation double ; il faut donc la retirer avant les points d’interrogation des phrases en russe et en allemand).
・Stylistique, richesse du vocabulaire & symboliques
Le gros défaut de ta stylistique est l’absence totale de description. Il n’y a pas de description des environnements, ni des personnages. On connaît leurs noms, leurs professions et/ou statuts, sans plus ; pour cela, la petite liste que tu ériges en début de chapitre aide mais, à moins de connaître parfaitement les personnages, on est dans le flou le plus total. Même lorsque tu introduis des personnages originaux, on ne sait pour ainsi dire rien d’eux. Ils sont survolés, anecdotiques, et c’est très dur de ressentir quoi que ce soit pour eux ou de s’y attacher. Là-dessus, on y gagnerait davantage si tu utilisais des descriptions pour poser le décor, en plus d’amener une tension narrative et scénaristique.
À titre d’exemple : à quoi ressemblent les esprits errants ? Sous quelle forme se présentent-ils à Melinda ? Si c’est l’apparence qu’ils ont revêtue dans leurs derniers instants, cela pourrait donner des situations assez lugubres, et inspirer un sentiment d’effroi à Melinda, malgré son habitude de traiter avec des fantômes. Même chose dans le chapitre 2, lorsque Melinda et Jim se rendent à l’école maternelle, et l’institutrice remarque les inscriptions sur le tableau. Si cela est anormal, on ne le comprend pas car aucune retranscription physique ou psychique ne nous l’indique. Cela nous ramène vers le topic du forum exploitant cet aspect de la narration, « Narration : montrer plutôt que raconter », qui pourrait peut-être t’être utile sur cet aspect. En montrant les réactions des personnages (des sourires, des yeux écarquillés, un mouvement de recul…), tu fais comprendre aux lecteurs ce qu’ils ressentent, sans qu’ils n’aient forcément à le dire.
Le manque de repères accompagne ce problème qui se dégage. Tu n’indiques que très peu d’unités de temps et de lieu, si bien que l’on doit juste deviner où et quand se passent les scènes pour se les figurer un minimum. En étant parfois trop précise (Jim rappelle trente minutes plus tard ; il se passe tel événement trois jours plus tard), tu altères l’immersion du lecteur, et il en va de même en étant trop vague…
Ce manque de descriptions dans ton texte amène un autre problème : l’attachement aux personnages. Comme nous ne savons de rien de ce qu’ils sont, de ce qu’ils ressentent, nous ne pouvons pas nous investir dans notre lecture au point d’être ému(e) par ce qui leur arrive. Dans le chapitre 2, lorsque Melinda parvient à mener Greer dans la Lumière, il n’y a aucun impact pour le lecteur. Ce fantôme que nous avons vu errer, appeler Melinda à l’aide, et que nous avons espéré voir être guidé vers la Lumière disparaît aussi simplement qu’il n’est apparu jusqu’alors. Ce qui devrait être un événement important (= résolution du problème dans les épisodes) est entièrement trivial du fait de ce manque de tension narrative et de descriptions pouvant faire développer un attachement à l’intrigue et aux personnages au lecteur.
Un autre problème que j’ai soulevé est la quasi absence de dialogues. Si tu as remanié ton texte et amélioré la présentation des dialogues depuis la première version, ceux-ci restent encore bien trop marginaux pour avoir un réel impact. Ton texte serait d’une part plus aéré, car en l’état il ressemble à un gros bloc de narration, et la tension narrative qui en découlerait ne serait pas négligeable. Les personnages auraient pour ainsi dire une voix, et on les sentirait exister sous ta plume.
Cela est aussi lié à l’effet que peuvent avoir les dialogues et ce qui les englobe, contrairement à de la narration pure. Si je reprends cette scène du chapitre 2 où Greer se tourne vers la Lumière, tu écris ceci :
« Greer, contente, demanda à Mélinda Gordon de dire à son fils qu'elle se sent plus forte maintenant qu'auparavant, surtout depuis qu'elle voit son fils bien vivant, elle ne se sent plus coupable d'un mal qu'elle n'a jamais fait. Greer Clarkson se tourna et vit une Lumière et demanda à la jeune femme si cette Lumière est pour elle, Mélinda lui répondit affirmativement. Greer Clarkson partit dans cette Lumière, un sourire sur le visage, enfin en paix. »
Alors que, sous la forme de dialogue, tu pourrais traduire l’émotion dans la voix, à l’aide de propositions incises et de narration descriptive, comme ceci :
« Dites à mon fils que je me sens plus forte maintenant qu’auparavant, demande Greer, le sourire aux lèvres. Surtout depuis que je vois qu’il est bien vivant. Je ne me sens plus coupable d’un mal que je n’ai jamais fait… »
Elle se tourne, et remarque la Lumière étincelante et immaculée qui s’offre à sa vue.
« Est-elle pour moi ? murmure le fantôme, sa voix tremblant sous l’émotion.
— Oui, répond Melinda, elle aussi émue par ce dénouement. Elle est pour vous. »
Greer s’avance vers la Lumière avant que celle-ci ne l’enveloppe, et ne la fasse disparaître devant la médium. La dernière image qu’elle a de l’esprit errant est son visage souriant, enfin en paix.
Ça n’est bien sûr qu’un exemple, c’est à toi de trouver les formulations qui te paraîtront plus naturelles et adéquates mais, si tu parviens à utiliser des ressorts tels que celui-ci, ton style n’en sera qu’approfondi !
Le vocabulaire, quant à lui, est correct. Il t’arrive d’utiliser des tournures familières dans la narration, ce qui jure un peu ; on aura tendance à utiliser un registre familier lorsque la narration est interne, à la première comme à la troisième personne, et un registre plus neutre lorsque la narration est externe au(x) personnage(s). À titre d’exemple, dans le chapitre 2, tu écris « [il] lui donna rendez-vous après-demain », alors qu’il aurait mieux valu dire « le surlendemain ». C’est un problème que tu peux aussi aisément contourner en ayant davantage recours aux dialogues, comme dans ce cas de figure.
Tu fais toutefois beaucoup de répétitions, faute de varier les tournures de phrases et d’user de synonymes. Après la lecture d’une page, ou d’un chapitre entier, on peut sentir une redondance dans les formulations. N’hésite pas à chercher d’autres façons d’écrire ce que tu aimerais dire, en t’appuyant sur des dictionnaires de synonymes au besoin. C’est valable pour les substantifs, adjectifs et verbes ; au lieu d’utiliser les classiques « dire », « répondre » et « murmurer », tu peux employer « rétorquer », « affirmer », « soupirer », « exulter »… Tu trouveras par exemple dans le guide mis à disposition sur le site une petite liste de divers verbes de parole. Quant aux synonymes, n’hésite pas à chercher sur les dictionnaires, papier comme en ligne, qui regorgent d’informations précieuses. Enfin, selon ton logiciel de traitement de texte, tu peux avoir accès à tout moment à un dictionnaire de synonymes intégré d’un simple clic – de quoi modifier rapidement toute répétition que tu relèverais durant l’écriture ou la relecture.
Enfin, en ce qui concerne la symbolique, je n’ai malheureusement pas trouvé de figures de style ou d’effets narratifs qui puissent être relevés ici, ce qui est bien dommage à mon sens. Le pitch de la série repose tout de même sur un constat assez biblique de l’âme ; Melinda est une passeuse qui les dirige vers la Lumière (= le Paradis) pour qu’elles ne tombent pas en Enfer. Les références au Diable sont éparses, ce qui correspond à cette dimension religieuse, mais sans plus. Peut-être aurais-tu pu jouer davantage sur la symbolique du passage des esprits vers l’au-delà, en usant de références littéraires ou en jouant sur le sens des mots. Si je reprends l’exemple proposé plus haut pour le dialogue avec Greer, si la Lumière était décrite de temps à autre comme immaculée ou pure, tu rappellerais cette connotation divine et donc évoquerais la clarté du Paradis, en opposition aux teintes sombres et sanguines des Enfers. J’ai pu constater via certaines de tes autres fanfictions que tu étais plutôt instruite concernant la Bible ; cela pourrait être mis à profit à l’avenir lorsque tu écriras sur ces thématiques ou ce fandom.
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II. Le fond
・Respect de l’œuvre originale
À ce sujet, je t’ai lue sans connaître le fandom, donc je partais avec un certain handicap, mais me suis renseignée au mieux afin de mieux connaître les personnages, leurs relations et le sens de l’histoire. Il se peut donc que j’aie raté des éléments ou des détails que seul(e) un(e) vrai(e) fan de Ghost Whisperer saurait repérer.
Tu ouvres la fanfiction via un synopsis et un premier chapitre qui établissent dès le départ que nous avons affaire à une déviation, donc il est difficile de traiter réellement du respect de l’œuvre originale, puisque tu changes un événement majeur dans celle-ci. Néanmoins, tu t’es tout de même appuyée sur des épisodes de la série, et les as remaniés en imaginant ce qui aurait pu se passer si Jim n’était pas mort, donc on sent une attache au canon de l’œuvre qui est tout à ton honneur.
En plus de cela, tu structures tes chapitres comme un épisode-type de Ghost Whisperer. Un esprit errant se fait connaître de Melinda, elle cherche comment l’aider à retourner vers la Lumière, et le quitte tandis que sa mission est accomplie. Là-dessus, rien à dire, tu colles au principe de base de la série !
・Cohérence & vraisemblance de l’histoire
Je dois avouer qu’il m’est arrivé de froncer les sourcils plus d’une fois en lisant ta fanfic, et ce pour plusieurs raisons.
Pour commencer, le gros défaut que je lui reprocherais ici, c’est de n’avoir, pour ainsi dire, pas de fil conducteur. Si le premier chapitre s’ouvre sur une déviation du canon, et nous fait miroiter une réécriture des événements à suivre de la série, la suite se contente d’être une succession d’enquêtes et de scénettes mises bout à bout, sans que l’on n’en comprenne le but. Cette fanfiction est à mi chemin entre un roman court et un recueil de nouvelles : les histoires sont connectées, mais pas assez pour n’en former qu’une seule grande. Plusieurs fois, à la lecture, je me suis demandée ce que le chapitre que je lisais avait à voir avec les autres, mis à part lors des deux derniers, qui étaient davantage interconnectés. Cela est amplifié par la forme : les événements sont brièvement survolés, expédiés, et tout ce qui pourrait avoir une importance est traité comme un simple fait trivial. Cette absence de dialogues et d’informations (descriptives, notamment) amplifient cette sensation de script factuel qui se dégage à la lecture, et c’est bien dommage.
L’histoire n’est, de ce fait, que peu cohérente : nous avons un postulat de départ (altération du canon), mais ce qui suit n’a pas de logique, et nous mène à un dénouement de fanfiction qui n’en est pas réellement un. Pour faire simple, si une histoire se structure d’ordinaire sur la base [ situation initiale / élément perturbateur / péripéties / résolution / situation finale ], la tienne se résume à [ élément perturbateur mineur / péripéties ]. Lorsque vient la fin de la fanfiction, aucune impression d’avoir vécu une histoire avec des rebondissements ne se dégage, malheureusement.
Cela a à voir avec la façon dont tu l’as structurée. Si chaque chapitre ressemble à un épisode, il n’a pourtant que le squelette de celui-ci. Tout ce qui concerne l’enquête de Melinda pour aider l’esprit à se diriger vers la Lumière est, une fois encore, évoqué brièvement. Elle appelle son mari, ou Elie James, qui lui donnent quelques vagues conseils, ou se contentent juste de la rassurer puis, quelques jours plus tard, l’un d’eux revient vers elle avec toutes les informations dont elle a besoin pour aider son esprit errant… Quelquefois, elle va aussi faire des recherches sur internet ou aller elle-même sur le terrain, mais elle n’est jamais en première ligne dans son enquête. Si, dans le canon, elle est simplement épaulée par son mari et son ami, ici, ce sont eux qui font le gros du travail, et elle n’est que la messagère et passeuse d’âme qui les guidera vers la Lumière.
En ce qui concerne la vraisemblance, je dois admettre que j’ai un peu grimacé… Melinda est patronne de sa boutique d’antiquités, mais n’y est pour ainsi dire jamais. C’est toujours son associée qui y travaille, et elle doit tenir la boutique tandis que la patronne et gérante, elle, s’en va à droite à gauche, fait un tour au marché, rentre chez elle, rend visite à Elie, joue avec ses enfants, enquête sur le terrain… Elie James, quant à lui, vit littéralement sur son lieu de travail. Professeur de psychologie, on ne le trouve qu’à l’université, à toute heure du jour et de la nuit. Toujours à son propos, il a un code déontologique, en tant que médecin, qui laisse à désirer. S’il rechigne à divulguer le dossier médical et le suivi psychologique et psychiatrique (qui sont pourtant deux disciplines différentes) de certains patients, il le fait sans hésiter pour d’autres ! Et un autre détail qui m’a grandement amusée, c’est la précocité d’Aiden. À un an déjà, alors que les bambins babillent et marchent de façon hésitante, lui parle à sa mère comme le ferait un adulte ou presque, et semble se déplacer seul sans le moindre problème à travers la maison…
Je ne vais pas m’attarder sur le sens moral douteux de Melinda et Elie qui laissent tranquillement Jean-Joseph-Georges assassiner François-Philippe dans le chapitre 4, et qui s’étonnent presque après cela que ce dernier leur en veut. Ni sur la compétence des policiers qui, dans le chapitre 3, s’arrêtent sur la théorie d’un accident quand la voiture piégée porte clairement des traces de sabotage (pneus crevés, et mélange d’essence), et ne mènent pas d’enquête plus approfondie. À ce propos, si d’aventure quelqu’un venait à se tromper d’essence pour son moteur (mettre de l’essence au lieu de gasoil ou l’inverse), la voiture se serait bien vite coupée car le moteur serait encrassé. Ce type d’invraisemblance peut être évité en faisant quelques recherches sur le web, ou en posant ses questions à des personnes connaissant ces domaines.
Enfin, tu mets en scène des personnages antagonistes à Melinda (Byrd, Webb, Romano, de L'Aigle…) qui n’ont aucune justification. Symptôme des problèmes déjà relevés, ils sont présentés comme opposés à Melinda, mais leurs motivations sont obscures, survolées à la hâte, et ils ne représentent pas de réelle menace, en plus d’être trop nombreux et « éliminés » très facilement. Par exemple, Byrd est montré comme un esprit errant puissant, capable d’influencer les vivants avec aisance de par son passé de psychiatre. Il développe un projet avec Webb, et fait des expériences pour tenter, en quelque sorte, de revenir à la vie en possédant un humain. Mais lorsque Melinda finit par le confronter, et lui dire que ce n’est pas bien de causer du tort aux vivants, il se tourne vers la Lumière en un instant… C’est assez frustrant.
Ce phénomène se retrouve exacerbé dans les deux derniers chapitres. Aiden et David disent à leur mère qu’elle doit se méfier de Mina Stein car un esprit errant le leur a dit, et elle les croit, sans se poser la moindre question. Quand on sait que les esprits malveillants aiment manipuler les vivants, c’est la première chose à faire… Mais nous, lecteur, nous ne pouvons croire ce que disent les deux enfants. Car aucun indice ni aucune phrase ne peut nous laisser penser à un seul instant que cette Mina Stein est malveillante. Elle est même, pour ainsi dire, entièrement absente de l’intrigue jusqu’alors ! On ne l’a jamais vue, Melinda n’a jamais interagi avec elle, on ne sait rien d’elle. Si bien que, lorsque dans le chapitre 5 elle agit d’une façon un peu étrange, on ne s’en méfie pas plus que cela – au pire, on pourrait penser qu’elle est juste bizarre. Et lorsque Richard Payne rompt avec elle, on ne sent pas de soulagement, on ne peut pas se dire que tout va bien, qu’il est tiré d’affaire. De la même sorte, quand Cassandra fait savoir à Melinda qu’elle se trompe et que Richard est toujours à mi-chemin entre le Bien et le Mal, on ne ressent pas le poids des implications de cette annonce. Les antagonistes, ou au moins les opposants de Melinda, n’ont aucun réel poids au sein de l’histoire, comme Anna Johnson, qui sort de nulle part et disparaît sans avoir eu le moindre impact pour qui que ce soit. Mis à part peut-être Hunter Clayton, qui permet d’apporter ce point de déviation initial…
・Originalité du scénario & messages du texte
Les déviations sont toujours intéressantes pour ce postulat qui semble tout simple : « que se passerait-il si cet élément était différent ? » Pour Melinda et Jim, cela change beaucoup de choses qu’il ne se soit pas fait tuer par Hunter Clayton ; Jim ne meurt pas (au mieux, il gagne une sensibilité face aux esprits), et cela est un réel soulagement pour Melinda. Certains événements sont, en revanche, voués à se dérouler : ils ont un fils, Aiden, et les événements du chapitre 2 doivent se produire. À partir de là, tu sembles imaginer de nouvelles histoires, et de nouveaux personnages, comme David par exemple. N’ayant pas de connaissance accrue dans le fandom, je ne saurais dire si ta fanfiction est originale au sein de la communauté des fans ou non, mais elle a le mérite de suivre les codes de la série dans les grandes lignes, ce qui est plutôt sympathique à lire.
En revanche, il n’y a pas de sentiment de lecture accomplie à la fin du texte. Bien sûr, les fanfictions comme les romans n’ont pas besoin d’avoir un message puissant, mais je n’ai pas eu l’impression d’avoir vécu une histoire, ou observé des personnages tandis qu’il leur arrivait ces aventures.
・Traitement des personnages
Là-dessus, j’ai été plutôt chagrinée. J’ai déjà souligné le problème des antagonistes plus haut, donc ne vais pas me répéter, mais je vais m’attarder plutôt sur le cas de Melinda.
Melinda est un personnage féministe : elle est la protagoniste de la série, tient sa propre boutique, bien que mariée elle conserve son nom de jeune fille, elle est celle qui détient des pouvoirs psychiques, son mari est une aide pour elle (et non l’inverse), elle fait face à ses ennemis et reste forte malgré les épreuves de la vie… Elle symbolise la puissance féminine et l’indépendance des femmes qui sont capables par elles-mêmes et n’ont pas besoin d’un homme pour les guider constamment. Dans ta fanfiction, c’est presque entièrement l’opposé…
Melinda a constamment besoin de la validation masculine, ou de la présence masculine, pour avancer. Ce n’est pas elle qui trouve les solutions pour guider les âmes, mais bien son mari (via ses miraculeux rêves ou intuitions qui sont étrangement systématiquement corrects) ou bien le professeur James. Lorsque Melinda est inquiète, en proie à la crainte, elle appelle son mari ou bien son ami (qui ne répondent jamais à son appel, mais qui la rappellent toujours presque systématiquement une demi-heure plus tard, car ils étaient au travail), qui lui répondent simplement que tout ira bien, qu’elle n’a pas à s’en faire… et hop ! Melinda est rassurée, elle n’a plus peur.
Ghost Whisperer est une série qui se démarque justement par son personnage principal féminin fort, et ça n’est malheureusement pas le cas dans ta fanfiction… Tu es partie dans ce que l’on appelle un out of character (ou OOC ; littéralement « hors du caractère »), c’est-à-dire que le personnage est repris de manière non correcte et agit d'une manière incohérente avec la personnalité connue dans l'œuvre. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, mais ici cela n’apporte rien à l’histoire, si ce n’est ramener Melinda dans une position de faiblesse à l’opposée des valeurs féministes portées sur elle à l’origine.
Elle est juste une coquille vide, à qui il arrive des événements, et qui semble ne ressentir que brièvement des émotions. Ce détachement de la narration et ce manque d’implication du lecteur de par l’absence de tension narrative ôtent toute possibilité de se plonger réellement dans l’histoire, et d’en sentir les enjeux. Et cela passe malheureusement par une héroïne vide, qui n’a que très peu des traits initiaux du personnage, et que l’on ne reconnaît donc pas…
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III. Appréciation générale & bilan
・Appréciation personnelle de l’histoire
Je doute avoir été le public premier de ta fanfiction, ce qui biaise quelque peu mon appréciation, étant étrangère à cet univers. Mes connaissances sur le fandom étaient certainement bien trop limitées pour comprendre ta fic dans son entièreté mais, mon ignorance mise de côté, je trouve que cette fanfiction cache un certain potentiel.
J’ai bien senti en te lisant (et en constatant bien avant cela ton écriture prolifique sur ce fandom) que tu aimes beaucoup Ghost Whisperer. On sent qu’il y a un réel travail d’adaptation et d’interprétation de la structure narrative de la série pour en faire quelque chose de nouveau, ce qui est tout à ton honneur. Ne manque plus que l’écriture à développer pour dévoiler tout ce potentiel dormant ! Courage !
・Bilan & pistes d’amélioration
Pour le bilan, je te dirais que ton écriture en est encore à ses balbutiements dans cette fanfiction. J’ai bien senti le manque d’assurance dans la construction de ton histoire, que ce soit pour la syntaxe, la construction des phrases ou bien le rythme du texte. Le premier problème à soulever ici est l’absence d’approfondissement, que ce soit dans les personnages, descriptions, dans les messages… Cela fait que, une fois la lecture terminée, on n’a pas le sentiment d’avoir vécu une histoire ; au mieux on aura l’impression d’avoir contemplé des événements, sans plus d’impact. C’est ce sur quoi tu devras travailler dans tes futurs écrits (fanfictions comme originaux) pour développer davantage ta plume.
Pour commencer, un travail sur le style, sur la structure même de l’écriture, et une révision des bases de la langue française contribueraient déjà grandement à l’amélioration de ton texte. De nombreux outils existent, sous plusieurs formats, pour développer cela. Je pense par exemple aux Bescherelle et Bled, qui existent aussi bien au format papier que sur internet, ainsi qu’au site du Projet Voltaire, qui permettront de répondre aux questions sur la grammaire, l’orthographe et la conjugaison. Peut-être existe-t-il des équivalents concernant le français québécois ?
Pour les questions de style, je t’invite grandement à lire davantage. Des romans, des nouvelles, des essais au besoin, tout ce qui pourrait te permettre de visualiser davantage comment se présente un texte de fiction. Les fanfictions aussi peuvent être un bon support, à condition qu’elles-mêmes respectent les codes de cette écriture (ce qui n’est pas systématiquement le cas, ici comme ailleurs). D’autres tutoriels et guides pullulent sur internet, y compris sur le forum de FFR, donc n’hésite surtout pas à creuser et mener quelques recherches pour retravailler et approfondir ton style. En saisissant mieux ce qui fait la spécificité du roman, et comment la façon dont il est écrit et articulé impacte le lecteur, ton travail gagnera assurément en qualité.
En ce qui concerne l’histoire pure et dure, et son scénario, peut-être devrais-tu repenser ta façon de construire une fanfiction. Que veux-tu écrire ? Si tu as une envie de fanfiction large qui répond à une histoire de A à Z, alors peut-être devrais-tu avant toute chose étudier son squelette, et le modeler. D’ordinaire, on trouvera la structure [ situation initiale / événement perturbateur / péripéties / résolution / situation finale ] ; ta situation initiale serait la déviation, et l’élément perturbateur serait un événement auquel Melinda et son entourage se confrontent, dû à cette déviation. Les péripéties seront alors les nombreux obstacles auxquels elle devra se heurter, et surmonter, pour s’en sortir et atteindre la résolution et la situation finale (et donc la fin).
Puisque, dans ton cas, il s’agissait davantage de scènes du quotidien (ou presque), englobant une enquête pour aider des fantômes, chaque chapitre n’ayant que très peu de lien avec le précédent et le suivant, le format de recueil de one-shots aurait été davantage approprié. Mais tu restes bien sûr libre de composer ta fanfiction comme bon te semble !
En tous les cas, en feuilletant rapidement tes écrits plus récents, je sens une nette différence avec cette fanfiction, que ce soit dans le style comme dans la structure. Elle porte les symptômes d’un premier écrit, sans que cela ne soit inéluctable. Nous sommes tous et toutes passé(e)s par cette étape, donc j’ai confiance en toi et en tes capacités à développer davantage encore ton texte et ton écriture ! Accroche-toi !!