Survivre à Gantz

Chapitre 14 : L'armée des reptiles

6219 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/05/2021 22:24

John fut le premier à réagir, il me poussa violemment à l'épaule, me faisait tomber sans retenue et bouscula Mélanie au passage. L'instant qui suivit, l'une de ces bêtes tomba au milieu de notre groupe dans un sifflement sinistre et agressif. Je n'eus pas le temps de voir d'où elle était arrivée, certainement au dessus de nous. Le hangar était sombre et bourrée d'objets de toutes sortes. Les faibles lumières des éclairages extérieurs projetaient des ombres étranges sur les murs, rendant l'ensemble encore plus difficile à discerner. Mais mon ami avait fait preuve d'un réflexe inouï. La bête, tombée au milieu de nous, attaqua aussitôt...ce qui était surprenant. Les monstres obèses n'avaient pas attaqué directement, les joueurs de musiques s'étaient cachés le plus longtemps possible et le petit bonhomme dresseur d'insectes avait même commencé par fuir. Une telle attitude était inédite. Je me relevais, observant notre agresseur. Son visage tenait plus du serpent que de l'humain, torse nu, il avait un corps fin à la peau grise et à l'aspect râpeux, comme de fines écailles, ses bras étaient longs, démesurés pour sa taille et se terminait par des mains à quatre doigts pourvus de griffes courtes mais extrêmement pointues. Lucie avait reculé, mais se mit soudain à crier tandis qu'elle tombait à la renverse, la tête contre le sol. Une autre de ces bêtes venait de surgir derrière elle et l'avait plaqué au sol. John voulut lui venir en aide, mais le premier de ces monstre bondit vers lui...et je n'avais pas d'armure. Un instant d'hésitation, pourquoi ? Où était passée ma résolution ? Puis un cri, de peur mais aussi de rage, Mélanie fonça sans hésiter vers la créature qui retenait Lucie et la bouscula d'un coup d'épaule. La bête ragea, siffla, mais fut violemment projetée contre une caisse toute proche avant de fuir en grimpant sur les caisses à la façon d'un lézard. Celui qui s'en prenait à John esquiva un coup de ce dernier et se faufila entre ses jambes avant de disparaître à son tour.


- Tout le monde va bien, demanda Lucie.

- C'est à toi qu'il faudrait demander ça, répondis-je, pas de blessures ?

- Non, j'ai senti ses griffes sur la combinaison, mais ils ne semblent pas capables de l'ébrécher.

- Ça nous changera de la dernière fois, commenta John.

- Mais ils sont forts, très forts, j'ai essayé de résister mais il me maintenait au sol sans problème.

- Ils sont rapides aussi, je n'ai vu arriver ni l'un ni l'autre, ajoutais-je à l'analyse de la situation.


Et, alors que nous commencions avec mes deux acolytes à discuter d'une stratégie, une petite voix se fit entendre.


- C'était vraiment des monstres...et cette combinaison ! Je me suis senti tellement forte d'un seul coup.


Je m'approchais de Mélanie, lui posant une main sur l'épaule, me voulant rassurant.


- On ne t'a pas menti, la situation est grave, mais au moins tu es protégée, alors tiens toi prête pour la suite.

- On sait qu'ils sont au moins deux, rapides, forts et silencieux, examina Lucie, pas question de se séparer.

- Ils sont plus agressifs que les autres, continua John, contrairement aux autres, ça risque de simplement finir en assaut frontal si ils remettent ça.

- Si ils viennent directement à nous on ne perdra pas de temps, mais Alessio, tu devras rester en retrait et nous couvrir.


Je regardais autour de moi, cherchant la position adéquat pour faire feu.


- Je pourrais grimper sur ces caisses, j'aurais une bonne vue sur cette zone et Mélanie qui est encore débutante pourra rester avec moi pour me couvrir.

- Bonne idée, Mélanie, qu'est-ce que tu en penses, demanda John.

- J'aimerais pouvoir être plus utile, mais tout ceci, c'est encore trop nouveau pour moi. Alors oui, je vais suivre vos conseils.


Je me dirigeais donc vers le fond du hangar, commençant à grimper sur les caisses que j'avais repéré en faisant le moins de bruit possible et en priant de ne pas tomber nez à nez avec l'une de ces saloperies. Derrière moi, John et Lucie se placèrent presque dos à dos, au centre de la zone où nous étions arrivés, katana à la main. Je pensais que j'en aurais fait autant, ces monstres étaient trop rapides pour leur tirer dessus. C'était un plan dangereux mais c'était encore le meilleur. Sans compter que les katanas semblaient avoir un pouvoir de destruction supérieur à nos armes à feux.


- Ils savent ce qu'ils font, chuchota la voix de Mélanie qui me suivait.

- Ne t'en fais pas, Lucie participe à ces jeux de massacre depuis plus longtemps que nous, et John est un dur à cuire en plus d'être un excellent sportif. Ils s'en sortiront !

- Et toi ?

- Moi, la question me désarçonna, qu'est-ce que tu veux dire par là ?

- Lucie est la plus expérimentée, et ça se voit, tout à l'heure, John a réagi rapidement, mais il n'a pas eu à l'aider elle car elle avait déjà bondi sur le côté. Elle analyse la situation un peu comme un stratège. Et John, rien qu'à son physique, on devine qu'il est fort et doit avoir de très bons réflexes vu qu'il nous a sauvé tous les deux. Un peu comme un guerrier.

- Stratège, guerrier, on dirait que tu parles d'un jeu vidéo...

- J'aime beaucoup les jeux vidéos !


Elle se tût, réalisant qu'elle avait parlé un peu fort et marmonna, comme si elle était gênée par une telle déclaration.


- Je suis un peu une geek de MMO...

- Je n'aurais pas imaginé une fille geek être aussi jolie, dis-je naturellement.


Je me mordis la langue alors que j'atteignais le haut de la pile de caisse, je ne tenais pas forcément à lui dire ça comme ça. Elle me rejoint, elle avait un petit sourire amusé mais ses yeux étaient légèrement froncés.


- S'imaginer qu'une fille qui aime les jeux vidéos est forcément moche, ce n'est pas un peu un cliché ?

- Je suppose, désolé, ce n'est pas ce que je voulais dire.

- Non...mais j'apprécie quand même le compliment.


Je lui rendis son sourire, heureux de voir qu'elle n'avait pas mal pris ma réplique et que le doute s'était dissipé aussi vite qu'il était arrivé. Je m’allongeais en haut des caisses, l’œil dans le viseur, John et Lucie n'avaient pratiquement pas bougé. Je voyais leurs lèvres bouger mais je n'entendais pas ce qu'ils disaient.


- Que fait on maintenant ?

- On ne bouge plus et on attend, si jamais ces bestioles attaquent John et Lucie je tire sans hésiter, et toi tu surveilles qu'elles ne nous attaquent pas nous.


Une minute passa, puis deux, puis j'arrêtais de compter. De nouveau, dans le silence du hangar, j'entendis à nouveau le chuchotement de Mélanie.


- Que se passe-t-il ?

- Je ne sais pas, il faut croire qu'ils se méfient désormais. Ils ont vu qu'ils ne pouvaient pas nous abattre aussi facilement que ceux qui nous accompagnaient. Ils doivent nous regarder de loin eux aussi, se demandant quoi faire. Et ils doivent aussi se demander où nous sommes passés toi et moi.

- Si ils sont comme certains serpents, ils peuvent peut-être repérer notre chaleur corporelle.

- Si c'est le cas, alors notre plan tombe à l'eau et tu vas devoir être encore plus vigilante, car ils pourront nous attaquer sans problèmes.

- A parler de vision infra rouge, de plan, de stratégie, de capacités de chacun, j'ai de plus en plus l'impression d'être dans un jeu vidéo.

- Et c'est sans parler des points que l'on gagne en les dégommant, des combinaisons qui nous rendent plus forts, les armes, tout ça et...


Je sursautais en entendant soudainement un sifflement tout proche de nous. Je me tournais, voyant l'un d'entre eux sauter vers moi. Mélanie cria, le monstre tombait sur moi, les griffes en avant. Je n'avais que mon fusil à la main, le monstre tomba sur moi. Une douleur m'irradia le ventre, je serrais les dents, est-ce que j'allais mourir ? Non ! Je pouvais sentir les griffes du monstre s'enfoncer dans mon abdomen, mais d'à peine un petit centimètres. J'étais allongé sur le dos, le monstre bloqué contre mes pieds que j'avais levé pour lui faire barrage. De rage, il fit claquer ses dents au dessus de mon visage. Mais Mélanie, certainement terrifiée mais prenant son courage à deux mains, fit feu vers celui ci. Une sorte de corde s'échappa de son arme et s'enroula solidement autour du monstre, se plantant ensuite au sol. Je m'extirpais, assistant à la disparition progressive du monstre grâce à un laser semblable à celui de nos téléportations. Je réalisais que c'était la première fois que je voyais le Y Gun à l’œuvre. Il ne tuait donc pas les cibles, il devait les envoyer quelques part...encore un secret de Gantz.


- Tu vas bien, me demanda Mélanie qui s'agenouilla à côté de moi.

- Oui, j'ai réagi assez vite...une seconde de plus et il me transperçait totalement.


Je regardais mon ventre et la plaie n'était pas jolie, comme si j'avais été entaillé profondément au ventre avec une lame étrange. Je n'allais pas mourir, pas tout de suite, mais la plaie saignait beaucoup.


- ALESSIO !


La voix de John me tira de mes pensées, je reprenais aussitôt ma position de sniper alors que mes deux acolytes étaient aux prises avec non pas deux monstres, mais quatre. De loin, le spectacle était phénoménal, comme un anime de combat. Je n'arrivais pratiquement pas à discerner les mouvements de mes alliés ainsi que ceux de mes ennemis. Lucie et John se déplaçaient rapidement avec légèreté et précision, esquivant, parfois de justesse, les coups des lézards, frappant à leur tour, reculant, parant et attaquant. C'est à peine si je pouvais avoir une cible correcte...mais le but n'était pas forcément de tuer les monstres à distance, simplement de les handicaper. Les monstres avaient attaqués tandis que le premier s'en prenait à moi, dommage pour eux, je n'étais pas mort. Je tirais, encore et encore, semant la confusion dans les rangs ennemis. Lucie et John profitèrent de ce chaos soudain pour passer à l'attaque, tranchant un monstre, puis deux avant que les deux derniers ne prennent la fuite. La main sur le ventre, je m'empressais de descendre à leur rencontre, Mélanie sur mes talons. Je retrouvais mes compagnons, essoufflés, mais la mine enjouée.


- On en a eu deux, lança John.

- Trois, ajoutais-je, Mélanie en a eu un.

- Bien joué, lui lança Lucie, oh Alessio, tu perds du sang.

- Oui je...

- Là-bas, à rester immobile aussi longtemps je l'ai vu, ce morceau de toile, me fit Lucie.


Sur une sorte de vieille caisse à outil était posé un large morceau de tissu, un peu crasseux, mais je n'allais pas faire la fine bouche. Mélanie alla le chercher et le déchira en un morceau plus petit avant de revenir vers moi.


- Je me sens un peu coupable, si j'avais réagi plus vite, tu n'aurais pas été blessé.


Elle entreprit de me bander le ventre et serra le tout avec un nœud dans le dos. Lorsqu'elle serra le tissu autour de mes reins, je ne pus retenir un gémissement de douleur.


- Pardon, murmura-t-elle.

- Ne t'en fais pas, je ne porte pas de combinaison, ça devait bien arriver à un moment ou à un autre...et en plus, si tu n'avais pas envoyé ce monstre, il aurait fini par me tuer.

- Tout ceci est bien beau mais ça ne règle pas nos affaires, commenta John.


Et il n'avait pas tort, encore au moins deux de ces monstres traînaient dans le coin et ils voulaient notre peau. Maintenant que nous avions éliminés trois d'entre eux, ils devaient être encore plus énervés.


- Il faut trouver le chef, dit alors Lucie.

- Ils ont un chef, demanda Mélanie perplexe.

- Certainement, ceux là, même si ils sont dangereux, sont plutôt faibles...enfin, comment dire, je butais sur mes mots, ils sont fort et rapides, mais incapable de détruire nos combinaisons. Et ils sont plutôt simples à tuer. Il doit y en avoir un bien plus fort dans le coin.

- C'était déjà le cas lors des dernières missions, il y avait un monstre plus fort que les autres, ajouta John, j'ai encore des frissons en pensant au scorpion géant et au géant avec sa guitare...

- Un scorpion géant, une guitare, répéta Mélanie de plus en plus perdue, comme un boss final...vous êtes certains que nous ne sommes pas dans un jeu vidéo ?

- On aimerait être dans un jeu vidéo, mais c'est bien la réalité, termina Lucie.


Je reprenais doucement des couleurs, et le tissu semblait calmer le saignement. Je réfléchissais à la suite, il nous restait encore deux reptiles à abattre et certainement un plus gros. Ils pouvaient arriver de n'importe où et leur vitesse les avantageaient, d'autant qu'ils étaient certainement capable de voir dans le noir. Rester ici n'était pas la meilleure des idées, peut-être fallait-il mieux se déplacer.


- Qu'est-ce que ?


John tapa sur le radar qu'il venait d'actionner, certainement pour localiser les bestioles.


- Que se passe-t-il, questionna Lucie.

- Sur le radar, on peut apercevoir la zone délimitée pour la mission, et là sous mes yeux, elle vient de grandir...genre poussée de croissance accélérée.


Je m'avançais et regardait l'écran du petit appareil. La zone devait être limitée au hangar et ses alentours à la base et elle couvrait désormais...toute la ville.


- C'est quoi ce bordel ?


Puis un point apparu sur le radar, au milieu de la ville, puis un autre à l'autre bout des quais, puis un autre vers la gare, un autre vers le quartier commerçant, un autre dans la grande rue piétonne. Puis les points se multiplièrent, par dizaines, par centaines et convergèrent tous vers nous.


- Dîtes moi que je rêve, dit Lucie.


Sur l'écran, des milliers de points rouges s'avançaient à grande vitesse vers nous. C'était une blague, depuis quand devions nous nous battre contre une armée ? Si on restait ici, on allait crever, pour sûr. A moins que...


- John, lançais-je, tu pourrais conduire cette moto ?

- Oui, je crois, mais...

- Démarre, je viens avec toi, on se casse d'ici.


Lucie me regarda, un instant choquée, comme si nous comptions les abandonner ici. Mélanie semblait plus que terrifiée.


- Avec John, on va aller à leur rencontre avec cet engin et les attirer ailleurs, expliquais-je en toute hâte, si cet engin est vraiment une sorte de moto, on pourra les prendre de vitesse. On fonce vers le boss final.


Les yeux de Lucie s'illuminèrent, elle avait compris. Les rues de la ville allaient être très occupées par ces monstres, mais il y avait un lieu où elles seraient en sécurité et capable de se battre.


- Mélanie, vient avec moi. Bonne chance les garçons.


John démarra l'engin, même si il ne semblait pas trop comprendre où je voulais en venir. Je grimpais derrière lui et armait mon fusil.


- Suis le radar, va directement vers eux, puis fonce dans une autre direction.

- Et les filles ?

- Je t'explique en route !


L'engin démarra, sans un bruit, et il n'y avait pas de bruit de moteur, plutôt une sorte de vrombissement. Il fit tourner les manettes et le véhicule s'emballa, bousculant caisse et autres tonneaux sur son passage et défonçant sans effort la grande porte du hangar. Nous filâmes à toute vitesse, embarqués par la moto tout droit sortie d'un monde cyberpunk et dirigée par les mains expertes de John.


- Alors, tu vas me l'expliquer ce plan ?


John parla tandis qu'il prenait un virage serré, nous rapprochant un peu plus de la masse d'ennemis arrivant vers nous.


- Toi et moi nous sommes les appâts, on fonce dans le tas et on les attire vers une zone dégagée en espérant que cette moto soit suffisamment rapide pour les garder à distance.

- Une zone dégagée...la grande esplanade !

- Oui, si elle est assez grande pour y faire des concerts à ciel ouvert, elle sera assez grande pour ce qui va suivre.

- Ça ne change pas le problème, le timer continue de filer et comment vas-t-on se débarrasser d'autant de monstres ? Si on ne meurt pas avant bien sûr ?

- Je ne sais pas, je ne peux que faire des hypothèses. C'est comme l'a dit Lucie, ces aliens doivent avoir un chef...et peut-être qu'en l'éliminant lui ça suffira pour en finir avec eux.

- Mais on ne sait même pas où il se trouve...et les filles à propos, Lucie a semblé comprendre où tu voulais en venir, mais moi je ne saisis pas !

- Leur survie dépend de nous, si on fait bien notre boulot, les monstres n'iront pas vers elles, elles vont passer par les toits !

- Les toits ! Okay, je veux bien, et ensuite ?

- Je ne sais pas John ! Je n'ai pas eu le temps de réfléchir au delà, l'essentiel c'est que l'on survive !


John hocha la tête sur le côté, montrant qu'il n'était pas d'accord avec tout ceci, ou peut-être simplement trop dépassé par la tournure des événements. Mais que pouvions nous faire ? J'avais fait le pari que tuer le chef, si il y en avait bien un, mettrait fin à la mission et Lucie semblait partager mon « optimisme ». Autrement, on allait devoir se battre, jusqu'au bout, jusqu'au dernier de ces monstres...ou alors on mourrait en essayant. Et si le timer venait à se terminer, personne parmi nous ne savait ce qu'il se passerait.


- Merde !


Je manquais de tomber du véhicule tandis que John prenait un violent virage et redoublait de vitesse, et je l'entendis, un fracas énorme, un bruit de tous les diables. Derrière nous, une nuée de monstres semblables à ceux affrontés dans le hangar. Ils étaient des centaines, se déplaçant à quatre pattes, au sol, sur les murs des habitations, on entendait que le flot des cliquetis de leurs griffes, le vacarme de leur course vers nous et leurs sifflements intenses. Gantz était vraiment un enfoiré, plus monstrueux encore que ces créatures que nous devions affronter à chaque mission, comment pouvions nous vaincre face à...à ça ?! J'armais mon fusil et faisait feu sans discontinuer essayant d'en tuer le plus possible. Leur vitesse n'avait plus d'importance, à chaque tir, j'en tuais quelques uns dans la masse, mais, même avec des mois devant moi, avec mon seul fusil, je ne pouvais pas en venir à bout...et nous n'avions plus qu'une heure devant nous. John, de son côté, maniait la moto avec une dextérité peu commune, esquivant tous les obstacles sur notre route, gardant la distance avec ces bêtes sans pour autant trop s'en éloigner. La dernière chose que l'on voulait était qu'elles s'en aillent et aillent poursuivre les filles. Nous avions leur attention et c'est tout ce qui comptait pour le moment.


- Accroche toi, me lança-t-il.


J'osais regarder un instant à l'avant du véhicule pour voir soudainement qu'il s'apprêtait à quitter la route pour se lancer sur une rampe d'escalier. Je n'avais pas fait attention à la route, mais je supposais qu'il se dirigeait vers l'esplanade...mais un escalier...


- Tu es fou !


J'hurlais ces mots tandis que notre véhicule se lançait sur les marches avec une facilité étonnante et s'envola à toute vitesse faisant un bond prodigieux plusieurs mètres dans les airs. En suspension, je pus voir un instant le sol en dessous de nous grouiller de ces saloperies, et je criais à nouveau lorsque la gravité nous rappela au sol. La moto retomba dans un grand fracas, écrasant au passage plusieurs des monstres. John, ne perdant toujours pas son sang froid, remis aussitôt les gaz et nous reprîmes notre course désespérée. Quelques secondes plus tard je refaisais feu encore et encore.


- Tu en as d'autres des cascades comme ça ?!

- C'était un raccourci, me lança-t-il avec une forme d'humour, on n'a pas de temps à perdre !


Plusieurs minutes plus tard, John entra dans des ruelles si étroites que notre véhicule logeait à peine, bousculant au passage des poubelles qui traînaient là. Les monstres s'engouffrèrent dans le passage étroit, me donnant encore plus de facilités pour leur tirer dessus. Combien en avais-je éliminé depuis le début de cette course contre la mort, vingt, cinquante, cent ? Quoiqu'il en soit, la moto crissa soudainement sur le sol et nous arrivâmes au lieu souhaité. La grande esplanade de notre ville s'étirait devant nous, immense et complètement vide, à l'exception d'une grande fontaine à l'une de ses extrémités. Les ennemis n'étaient toujours pas présents, mais à entendre le bruit d'armée en marche derrière nous, ils auraient tôt fait de nous rejoindre. Aucun signe d'un monstre différent, ou plus gros. Je n'avais pas vraiment d'espoir d'en finir aussi facilement, mais la perspective d'avoir à tuer jusqu'au dernier de ces monstres ne m'enchantait pas.


- Que fait-on maintenant, même si je crois déjà connaître la réponse, commenta John.

- Il va falloir se battre, jusqu'au bout, en espérant que cet engin, peu importe comment il est alimenté, ne vienne pas à manquer de jus.

- J'avais bien deviné, on va jusqu'au bout du timer alors...sans savoir ce que cela veut dire.

- Dans un jeu, ça signifie généralement « Game Over ».

- Oui, et on repart du début.

- Espérons que l'on reparte du début, terminais-je.


Les premiers monstres déboulèrent derrière nous en masse, avec toujours autant de hargne et d'intentions meurtrières, mais aussi toujours aussi agglutinés les uns aux autres comme des imbéciles. Le manège recommença, une simple course poursuite avec moi faisant feu derrière nous. Mais John mania l'engin, décrivant de sortes de grands arcs de cercles sur la grande esplanade. La manœuvre était risqué, car l'ennemi pouvait très bien finir par virer de bord lui aussi, nous prendre à revers et nous encercler. Mais ainsi, il pouvait faire feu lui aussi, tirant sur le côté et dégommant plusieurs bestioles au passage. Je fus surpris de voir qu'il conduisait à une main, cette moto devait être d'une facilité déconcertante à diriger, ou bien John était excellent, ou peut-être un peu des deux.


- Pas question que tu sois le seul à t'amuser, cria-t-il au milieu du vacarme de notre combat.

- J'ai l'impression que tu t'amuses encore plus que moi au guidon de ton jouet !


Notre manège dura encore, un temps qui me sembla une éternité, les émotions mixées entre une longue et profonde poussée d'adrénaline, à cet instant plus que dans les autres missions j'eus l’impression d'être dans un film d'action et je supposais que John avait la même impression. Nous n'avions subit aucun dégâts et les cadavres des hommes serpents commençaient à joncher le sol de l'esplanade, c'est à peine si je sentais la douleur à a blessure au ventre. Puis John dérapa soudainement, poussant une injure que je n'entendis pas. Le véhicule vira sur le côté et je me sentis soudainement poussé hors du véhicule par un objet lourd. Ce qui devait arriver arriva, à tourner en cercle, les monstres commençaient à bouger autrement, et il suffit d'un seul pour sauter au travers des cercles de la moto et me renverser au passage. Le choc fut brutal que j'en lâchais mon fusil. En plein air, alors que vis le visage de mon agresseur à quelques centimètres du mien et que ses griffes se plantaient déjà dans mes épaules, j'attrapais la garde du sabre à mon ceinturon et donnait un grand coup, tranchant le monstre en deux.


Le pire fut encore la chute brutale au sol qui extirpa tout l'air de mes poumons et provoqua dans mon dos une violente douleur. Je manquais de m'évanouir, mais ça aurait été la mort assurée, alors je m'accrochais à la douleur, comme une vieille amie, étreignant celle ci pour garder ma conscience, je me relevais péniblement, les yeux voilés de noir et blanc tandis qu'un cri se faisait entendre autour de moi. Je secouais la tête, entendant à peine les cris de John, me hurlant quelque chose. Je secouais la tête encore une fois, ignorant autant que possible la douleur dans mon dos qui semblait m'étreindre toute la poitrine, certainement une côte ou deux en morceaux. Ma vision se rétablit la première, et je vit mon acolyte, toujours à bord de l'embarcation, roulant en cercle autour de moi, gardant le flot de monstres à distance. Il me hurlait de me relever ! J'agrippais mon sabre d'une main, et sortait mon X Gun de son étui de l'autre. La situation était...tout bonnement impossible. Jon roulait en cercle de plus en plus petit, tirant à tout va, faisant reculer les monstres. Partout où je me tournais, il y avait des yeux fendus en deux, des sifflements, des centaines de saloperies ne jurant que par ma mort. John roulait toujours plus vite tandis qu'il se rapprochait de moi, impossible de remonter à bord à cette vitesse. Puis une bête réussit à percer la défense de mon ami et me bondit dessus. J'eus le temps de lever mon X Gun et de tirer et la bête explosa juste avant de m'atteindre.


Une autre arriva, dans mon dos cette fois ci et je fus seulement prévenu par le cri de celle ci, je me tournais sur moi même, fendant l'air avec la lame du katana et tuant mon agresseur. Puis un autre arriva, et encore un autre. J'avais un mal de tous les diables à bouger, chaque geste m'arrachait un gémissement de douleur, mais j'avais l'esprit clair, à croire que l'adrénaline faisait son effet. Ou non, c'était comme un état second, ou l'instinct semblait prendre le pas sur le reste. Je ne réfléchissais pas, ou peu, me contentant d'agir. Sur le coup je n'y pensais pas, mais cette sensation me rappela la fois où je fus aux prises avec le scorpion géant. Là aussi, j'avais senti mon corps bouger presque par lui même et j'avais réussi à survivre malgré la difficulté de l'épreuve. Seul au milieu des corps qui s'empilaient autour de moi, John créant lui aussi de plus en plus de dégâts, je ne pensais pas m'en sortir, mais un certain espoir commençait à naître. Mais la douleur rattrapa bientôt le reste de mes sensations, et aussi libre me sentais-je, mes mouvements se firent de plus en plus lents, de plus en plus difficiles. Une autre bête bondit alors sur moi, sautant littéralement par dessus la moto. John cria, moi je n'eus pas le temps de me retourner et...


Le monstre explosa en plein vol, puis suivit une série d'explosions parmi les rangs ennemis, fauchant plusieurs d'entre eux. Je regardais autour de moi, épuisé, un genou au sol, le corps trop endolori pour bouger. J'avais besoin d'une pause et un ange gardien était en train de me la fournir. Puis je la vis, loin de là, juchée en haut d'un immeuble, l’œil fixé dans la lunette de son fusil, et faisant des ravages parmi nos ennemis. Mélanie s'en sortait définitivement mieux que moi lors de ma première mission...il fallait absolument que je la remercie si l'on s'en sortait. Et soudain, dans un bruit de klaxon puissant et strident, un gros camion passa juste devant moi, tirant derrière lui une lourde citerne, écrasant au passage plusieurs bêtes.


- Alessio !


John avait profité de cet interlude pour revenir à mes côtés et me laissa le temps de grimper.


- Lucie est au volant du camion, et regarde !


La jeune femme blonde avait vraiment de la jugeote, où avait-elle trouvée ce truc ? Et surtout, depuis quand savait-elle conduire un camion ? Quoiqu'il en soit, elle roulait un peu partout sur l'esplanade, fauchant les bêtes par dizaines, tractant derrière elle une citerne remplie de...


- De l'essence, m'écriais-je.


Je tâtais rapidement mes poches et soupirait de soulagement, je n'étais plus fumeur, mais pour la première fois de la soirée j'étais heureux d'avoir fait la fête avant d'arriver ici...un briquet dans ma poche arrière, certainement piqué à un illustre inconnu. Je tapais John sur l'épaule, sans avoir à lui donner de directions. Les monstres couraient bêtement derrière le camion, nous laissant le champ libre. Heureusement pour nous que ces saloperies semblaient se concentrer sur les plus grosses cibles possibles.


- Fonce !


John détala aussitôt, nous emportant de plus en plus loin sur l'esplanade. Je me penchais, alors que nous approchions le bout, suivant la piste d'essence au sol, et allumait. Le feu prit aussitôt, et se rependit sur le sol à une vitesse incroyable, serpentant et se dessinant au gré du sillon laissé par la citerne. Quelques mètres de moto et nous étions à l'abri. Je regardais vers le camion, soudainement inquiet, les flammes s'avançaient rapidement, rattrapant presque le large véhicule. Mais je vis au loin Lucie bondir de ce dernier alors que le feu atteignait la citerne. Une énorme détonation se fit entendre, emportant avec elles les monstres agglutinés autour. Dans un feu de joie, des dizaines de monstres furent projetés par l'explosion, mourant certainement sur le coup. D'autres moururent plus lentement, simplement brûlés par la traînée de feu. Plusieurs minutes s'écoulèrent tandis que je regardais le brasier emporter nos ennemis, assis contre la moto, John debout à côté de moi semblait se réjouir. Durant ce temps, Mélanie nous rejoignit, bientôt suivie par Lucie.


- Joli coup Lucie, dis-je.

- Sur les toits avec Mélanie j'ai vite repéré le camion, et vu le nombre d'ennemis je me suis dit qu'il fallait bien essayer.

- Bravo à toi aussi Mélanie, ajouta John, première mission et tu t'en sors comme un chef.

- Je...merci...


J'aurais voulu me lever, la serrer dans mes bras, et lui dire combien je lui étais redevable, mais la douleur devenait trop grande pour pouvoir bouger. Je la regardais, lui adressant un sourire que je voulais assez classe avant de lui dire.


- Tu m'as sauvé la vie, je ne l'oublierais pas.


Devant nous, le feu nous réchauffait doucement, et il était presque agréable d'entendre les sifflements d'agonie des reptiles. Puis, Lucie fit un pas en avant, son X Gun à la main et le katana de l'autre.


- Ne vous reposez pas sur vos lauriers...nous n'avons pas encore été téléportés, certains doivent encore être en vie.

- Oui, selon le radar, il y en a encore, mais ils sont tous ici, commenta-John, mais je dirais à peine une trentaine.

- C'est beaucoup...mais ils doivent être dans un piteux état, se rassura Mélanie, on devrait pouvoir y arriver, vous ne pensez pas ?

- Moi en tout cas, je ne peux plus mettre un pied devant l'autre, je crois que je me suis cassé des côtes en tombant tout à l'heure, et tout ce combat n'a pas dû arranger les choses.


Maintenant que j'étais plus calme, je remarquais à quel point j'avais du mal à respirer. Vivement la téléportation dans la salle de Gantz que je sois « réparé ».


- John, avec moi, on va les finir, ils ne doivent effectivement plus être très bagarreur, Mélanie, reste en retrait, tu te débrouilles très bien avec le fusil alors abat les de loin.


Ainsi furent les instructions de Lucie. Mes deux acolytes commencèrent à s'avancer sur l'esplanade, plus sereins, mais toujours sur leurs gardes. Lucie se posta à côté de moi, s'allongeant au sol en position de sniper, l'oeil dans le viseur. Elle prenait la chose de manière très sérieuse, je me mis à penser que c'était la première fois que je voyais quelqu'un autant s'impliquer, et survivre.


- J'ai eu peur pour toi, dit-elle alors que ses yeux ne lâchaient pas son viseur.

- Euh, merci...je ne sais pas quoi répondre à ça.

- Rien...si possible, j'aimerais juste que l'on continue à se voir une fois que l'on sera sorti de tout ça.

- Je...avec plaisir.


Je la vis sourire, toujours aussi concentrée sur sa ligne de mire. J'en fis autant, soudainement heureux de la perspective de la revoir, peut-être même de commencer une histoire. Je rêvais éveillé, mais j'en avais le droit après tout, vu la misère de notre situation, j'avais bien le droit de profiter des bonnes choses. Enfin...misère, autant j'en avais bavé jusque là, autant ces missions étaient cauchemardesques, mais si ma vie s'était simplement terminée, combien de choses aurais-je manqué par la suite ?


Je me traînais alors assez près d'elle, cherchant à mieux voir la suite de l'action...il ne nous restait plus beaucoup de temps pour en terminer avec cette soirée. Je tressaillis lorsque l'une des ses bêtes bondit hors des flammes, la peau carbonisée par endroits et visiblement affaiblie. John arma son katana, prêt à se défendre, puis le monstre émit un sifflement, strident, horrible, et absolument perçant. On aurait dit un ultra son, pénétrant et dangereux, même à distance, me^me en me couvrant les oreilles, j'avais l'impression de souffrir de la pire des migraines. Mélanie à mes côtés n'en menait pas large non plus, et Lucie et John, bien plus proche du monstre, était carrément tombé à genoux, criant de douleur. Mais ce cri déchirant ne dura pas longtemps, et la bête devint immobile, silencieuse. Mais les autres, les survivants, s'approchèrent rapidement d'elle, s'entassant les unes sur les autres pour former une masse informe et grouillante.


Lucie et John peinèrent à se relever, et reculèrent en même temps, certainement par instinct. La masse, se mit à fondre, ou plutôt c'était comme si les chairs des monstres étaient devenues molles, se collant, fusionnant entre elles. La masse prit une forme plus précise, large et musclée, comme une énorme bête enroulée sur elle même. Puis dans un grondement sourd cette nouvelle abomination se déplia, posant une lourde patte sur le sol, prenant ainsi appui pour se relever. Elle était hautes de dix bons mètres, entièrement nue, le corps recouvert d'écailles épaisses et presque noires. Elle avait une large mâchoire d'où s'échappaient des dents larges et pointues. Ses longs bras musculeux se terminaient par des mains immenses pourvues de griffes atrocement acérées. De ses petits yeux rouges, ce béhémoth regarda autour de lui, puis fixa John et Lucie avec une lueur mauvaise.


- Qu'est-ce...qu'est-ce que c'est que ça ?


La voix bredouillante et apeurée de Mélanie me sortit de ma fascination malsaine, puis la bête cria, un long cri rauque et puissant. Et sous mes yeux, le monstre fonça, quasiment aussi rapides que ses versions plus petits, et faucha aussitôt, d'un simple coup de pattes, John et Lucie. John, certainement grâce à ses surprenants réflexes, esquiva le coup à la dernière seconde. Lucie ne fut pas aussi rapide, se tournant comme elle put, mais elle reçu des dommages, violents. Dans un cri de douleur elle tomba au sol alors que, tétanisé, je regardais le bras arraché de la jeune femme volé dans les airs avant de retomber dans une flaque d'essence encore en flammes.

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